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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2132/2022

ATAS/1079/2022 du 06.12.2022 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2132/2022 ATAS/1079/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 6 décembre 2022

2ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENEVE, représentée par CAP Protection Juridique SA

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. Par demande du 18 octobre 2020, reçue le 20 octobre suivant, puis complétée le 19 novembre 2020 à la demande du service des prestations complémentaires (ci-après: le SPC, le service ou l'intimé), Madame A______ (ci-après: l'assurée, l'intéressée ou la recourante), née en 1970, et Monsieur B______ (ci-après: l'époux ou le mari), né en 1953, mariés (ci-après: les époux), de nationalité suisse et originaires de Turquie, ont sollicité, du SPC des prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité fédérale (ci-après: PC), fédérales (ci-après: PCF) et cantonales (ci-après: PCC).

Selon leurs réponses au questionnaire, leur fille C______, née en 1994, était à leur charge et partageait leur logement. En outre, l'époux était propriétaire d'un terrain (bien immobilier) en Turquie d'une valeur vénale actuelle de CHF 13'000.-, et, en 2020, il avait reçu un "encaissement capital LPP (en cours de traitement)" d'un montant de CHF 149'000.-.

b. En réponse à une demande de pièces du SPC, l'assurée – choisie par le service comme interlocutrice pour les époux – a, le 4 mars 2021, indiqué notamment de pas avoir de biens immobiliers en Turquie, et produit plusieurs pièces. Il ressort notamment des documents datant de 2020 et émanant de la caisse de pension PAX du mari que celui-ci a, avec effet à compter du 1er septembre 2020, partagé ses droits en matière de prévoyance professionnelle entre un capital de vieillesse à paiement unique de CHF 149'702.- et une rente de vieillesse de CHF 850.80 par mois, soit CHF 10'209.50 (recte: CHF 10'209.60) par an.

Le SPC ayant adressé un rappel pour les justificatifs non encore reçus, l'intéressée a, par plis reçus les 12 et 13 avril, 12 mai et 1er juin 2021, présenté de nouveaux documents, dont ceux produits le 1er juin 2021 concernaient la propriété immobilière en Turquie. A par ailleurs été produit l'avis de taxation du 4 décembre 2020 pour l'impôt sur les prestations en capital 2020 retenant, au titre de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 (LPP - RS 831.40; 2ème pilier), le montant de CHF 149'702.- versé le 1er septembre 2020.

c. Le service ayant demandé de nouvelles pièces, les époux ont, par courrier du 3 août 2021 d'un assistant social de l'association Pro Infirmis – reçu le lendemain –, produit de nouvelles pièces, parmi lesquelles des relevés bancaires. Ils ont en outre fourni de nouvelles explications selon lesquelles, notamment, le capital du 2ème pilier d'une valeur de CHF 149'702.- avait été utilisé à concurrence de CHF 6'608.- pour l'impôt sur les prestations en capital, de CHF 78'000.- en cession à leurs filles, de EUR 32'500.- en remboursement d'une dette et d'environ CHF 36'000.- comme complément au budget de la famille.

d. Le SPC ayant accordé le 19 octobre 2021 un ultime délai au 30 novembre 2021 pour produire l'intégralité des documents manquants, les époux ont, le 29 octobre 2021, présenté un écrit signé par une assistante sociale de Pro Infirmis, avec en annexe des pièces, dont des traductions en français de documents turcs.

B. a. Par décision du 1er mars 2022, le SPC, après avoir précisé que les PCF et les PCC étaient calculées dès le 1er août 2020 et sur la base de plans de calcul montrant tous un revenu déterminant supérieur aux dépenses reconnues, a nié tout droit de l'assurée à des PC.

Dans lesdits plans de calculs étaient, entre autres, indiqués des biens dessaisis ainsi qu'une franchise sur la fortune s'élevant à CHF 60'000.-, la part de fortune étant prise en considération à 1/15ème pour les PCF et à 1/8ème concernant les PCC. Le montant du loyer retenu tenait compte du nombre de personnes partageant le logement, ainsi que du nombre de personnes pris en compte dans le calcul du dossier.

D'après les informations obtenues le même 1er mars 2022 par le SPC auprès du registre informatisé de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM), D______, l'autre fille des époux (l'aînée), née en 1990, après avoir habité dans une autre commune notamment du 1er novembre 2018 au 14 juin 2021, était domiciliée depuis cette dernière date à la même adresse que ses parents, tandis que C______ n'y était plus domiciliée depuis le 1er octobre 2021.

b. Par écrit rédigé par son assurance de protection juridique du 16 mars 2022, réceptionné le lendemain, l'intéressée a formé opposition contre cette décision du SPC du 1er mars 2022, concluant à la reconnaissance de son droit aux PCF et PCC. Après avoir reçu sur CD-Rom le dossier du SPC, elle a, le 20 avril 2022, complété son opposition.

En substance, étaient contestés l'existence de biens dessaisis au titre de la fortune, ce également sous l'angle d'une rente de 2ème pilier hypothétique, ainsi que le montant du loyer retenu dans les plans de calculs du SPC.

c. Par décision sur opposition rendue le 30 mai 2022, le service a partiellement admis l'opposition en ce sens que, le registre de l'OCPM consulté montrant que D______ avait déménagé le 14 janvier 2022, le loyer proportionnel pouvait être corrigé dès le 1er janvier 2022, et il y avait un droit à un subside partiel pour le seul mois d'août 2020.

Selon le SPC, en l'état des éléments présentés, c'était un montant de CHF 113'276.-, consécutif à l'encaissement du capital LPP de l'époux imputé dans le calcul des PCF et résultant d'une donation des époux en faveur de leurs filles à hauteur de CHF 78'000.- ainsi que d'un remboursement de dette de EUR 32'500.-, soit CHF 35'276.-, à un tiers, qui devait être retenu à titre de dessaisissement de fortune. Par ailleurs, aucun motif ne justifiait de renoncer à la prise en considération d'un produit locatif potentiel, de 4,5 %, des terrains en sis en Turquie, dont l'époux était copropriétaire. Enfin, celui-ci ayant encaissé la moitié de son capital LPP et percevant une rente "effective" de CHF 10'209.60 sur l'autre moitié, il convenait de tenir compte de la rente annuelle entière qui aurait été celle sans encaissement d'un capital, donc CHF 20'419.-, l'imputation de la rente hypothétique dans le calcul des PCC étant correcte dès lors que le capital n'avait pas été utilisé dans un but de prévoyance et qu'il n'aurait pas été épuisé selon le calcul de la couverture des besoins.

Etaient annexés un "décompte opposition", portant sur la période du 1er août 2020 au 31 mai 2022 et niant tout droit aux PCF et PCC, ainsi que de nouveaux plans de calcul, définis comme " favorables" compte tenu du droit applicable, après lesquels figurait une page recto verso intitulée "Calculs non retenus – Dépassement du seuil de la fortune défavorable (selon réforme PC 2021) – Période du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2021" et indiquant que la fortune nette de l'assurée était supérieure aux seuils prévus par la nouvelle législation fédérale relative aux PCF entrée en vigueur le 1er janvier 2021 et, selon le service, également applicable aux PCC, de sorte que l'ancien droit, qui ne connaissait pas ces seuils, demeurait applicable.

C. a. Par acte du 29 juin 2022, complété le 6 juillet 2022 par la production de pièces "manquantes", l'assurée a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après: la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans) contre cette décision sur opposition, concluant à son annulation de même qu'au renvoi de la cause à l'intimé pour recalcul de son droit aux PC sans imputation de la rente du 2ème pilier hypothétique de l'époux et avec prise en compte des dettes qu'elle avait contractées avec celui-ci pour subvenir à ses besoins, et sans prise en considération du partage de leur logement avec leur fille D______.

b. Dans sa réponse du 27 juillet 2022, l'intimé a conclu à l'admission partielle du recours sur le seul point que D______ n'avait pas cohabité avec les époux durant la période en cause et avait donc été à tort comptabilisée dans le cadre du partage du loyer.

c. Par réplique du 23 août 2022, la recourante a persisté dans les conclusions de son recours.

d. Le 22 novembre 2022, une audience de comparution personnelle des parties et d'audition du mari à titre de renseignement s'est tenue devant la chambre de céans. Lors de celle-ci, l'intimé a produit une "simulation de calculs sans partage de loyer avec Madame D______ (E______ du nom de son mari) du 1er juin au 30 septembre 2021" selon sa position adoptée dans sa réponse au recours, et la recourante a quant à elle remis diverses pièces, relatives à la situation de sa famille, dont plusieurs émanaient d'assurances sociales, respectivement d'une université à Lyon (en France) attestant l'inscription de C______ pour les années de scolarité 2019 à 2022, de même qu'une décision de l'Hospice général du 9 octobre 2020 refusant une intervention financière en faveur de celle-ci en raison en particulier de son immatriculation dans une université française.

Vu les grandes difficultés d'audition ainsi que de compréhension et apparemment aussi de lecture du français de l'époux – qui n'avait pas demandé les services d'un interprète –, il a été renoncé à lui faire signer le projet de procès-verbal.

À l'issue de l'audience, et avec l'accord des parties, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA [loi applicable par renvoi de l'art. 1 LPC pour les PCF et l'art. 1A al. 1 let. b LPCC pour les PCC] ; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité [LPFC - J 4 20] ; art. 43 et 43B let. c LPCC).

3.             Au plan fédéral, le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA (RO 2020 585; FF 2016 7249). Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.              

4.1 En droit fédéral, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC ont droit à des PCF. Ont ainsi, conformément à l'art. 4 al. 1 let. a LPC, droit aux PCF notamment les personnes qui perçoivent une rente de vieillesse de l’assurance-vieillesse et survivants (ci-après: AVS) - ce qui est le cas pour l'époux qui a pris sa retraite en septembre 2020 avec effet rétroactif au 1er août 2020 –, de même que, selon l'art. 4 al. 1 let. c LPC, les personnes qui ont droit à une rente ou à une allocation pour impotent de l’assurance-invalidité (ci-après: AI) ou perçoivent des indemnités journalières de l’AI sans interruption pendant six mois au moins, ce qui est le cas de l'intéressée qui, selon ses déclarations en audience, est au bénéfice d'une rente AI entière depuis 2009.

Conformément à l'art. 3 al. 1 LPC, les PCF se composent de la PC annuelle et du remboursement des frais de maladie et d'invalidité.

Selon l'art. 12 al. 1 LPC, le droit à une PC annuelle prend naissance le premier jour du mois au cours duquel la demande est déposée, pour autant que toutes les conditions légales soient remplies.

4.2 En droit cantonal, en application de l'art. 2 al. 1 LPCC, ont droit aux PCC les personnes qui, notamment, ont leur domicile et leur résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève (let. a), qui sont au bénéfice, notamment, d'une rente de l'AVS – comme le mari – ou d'une rente de l'AI – comme l'assurée – (let. b) et qui répondent aux autres conditions de la LPCC (let. d).

L'art. 18 al. 1 LPCC reprend en substance le contenu de l'art. 12 al. 1 LPC, l'art. 18 al. 2 LPCC ajoutant que, si la demande d’une prestation est faite dans les six mois à compter de la notification d’une décision de rente de l’AVS ou de l’AI, le droit prend naissance le mois au cours duquel la formule de demande de rente a été déposée, mais au plus tôt dès le début du droit à la rente.

5.              

5.1 L’objet du litige dans la procédure administrative subséquente est le rapport juridique qui - dans le cadre de l’objet de la contestation déterminé par la décision - constitue, d’après les conclusions du recours, l’objet de la décision effectivement attaquée. D’après cette définition, l’objet de la contestation et l’objet du litige sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble. En revanche, lorsque le recours ne porte que sur une partie des rapports juridiques déterminés par la décision, les rapports juridiques non contestés sont certes compris dans l’objet de la contestation, mais non pas dans l’objet du litige (ATF 131 V 164 consid. 2.1 ; ATF 125 V 414 consid. 1b et 2 et les références citées; ATAS/742/2021 du 6 juillet 2021 consid. 4a).

Par ailleurs, de jurisprudence constante, le juge apprécie en règle générale la légalité des décisions entreprises d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1). Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent en principe faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 130 V 130 consid. 2.1).

5.2 Le présent litige porte sur la question de savoir si la recourante, pour le couple dans son entier – les époux –, a droit à des PCF et/ou PCC, et ce sur la base de leur situation qui va du 1er août 2020 (jour de la naissance du droit éventuel à des PC) au 31 mai 2022 (lendemain de la date du prononcé de la décision sur opposition querellée).

5.3 Sur la base d'un avenant du 23 août 2019 à un contrat de bail conclu entre une régie, d'une part, et D______ et son mari au nom de famille E______, d'autre part, faisant porter sur une durée indéterminée le bail à loyer sur un appartement de 4 pièces dans le canton de Genève – pièces produites le 6 juillet 2022 par la recourante –, l'intimé a, dans sa réponse et sans que cela prête le flanc à la critique, renoncé à retenir une cohabitation de D______ avec ses parents durant la période concernée. Ce point n'est dès lors plus litigieux.

En revanche, comme précisé à l'audience, le service a maintenu la prise en compte de la cohabitation de C______ dans le logement des époux concernés (cf. art. 16c de l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 [OPC-AVS/AI - RS 831.301]) d'août 2020 à septembre 2021. Cette prise en compte a été contestée en audience par la recourante, qui a déclaré avoir pris en charge entièrement les besoins de sa fille C______ durant la période litigieuse et ne pas comprendre pourquoi ceci n'est pas pris en considération, des pièces étant produites concernant ce point. L'intimé a répondu qu'à cette époque, C______ avait plus de 25 ans et ne bénéficiait pas d'une rente complémentaire AI; la question qui pourrait se poser par rapport aux dépenses de la recourante pour sa fille serait de savoir si elles pourraient le cas échéant être retenues en déduction sur la fortune, ce pour quoi il faudrait que des pièces telles que des relevés bancaires démontrent une diminution de la fortune pour faire face à des dépenses justifiées de la famille. Quoi qu'il en soit, ce point relatif à la prise en compte de la cohabitation de C______ au logement des époux n'apparaît pas avoir de portée pratique, étant donné que, dans tous les plans de calcul annexés à sa décision sur opposition ainsi que dans sa simulation selon sa position adoptée dans sa réponse au recours – produit à l'audience –, le SPC a retenu, dans les "dépenses reconnues", le loyer au montant forfaitaire maximal selon la loi, soit CHF 15'000.- par an du 1er août 2020 au 31 décembre 2021 (art. 10 al. 1 let. b ch. 2 aLPC dans sa version en vigueur avant le 1er janvier 2021, pour un couple) puis CHF 19'440.- dès le 1er janvier 2022 (art. 10 al. 1 let. b ch. 1 et 2 LPC dans sa version en vigueur à partir du 1er janvier 2021, pour deux personnes); ce point, de facto sans objet, ne sera pas examiné de façon plus approfondie.

Par ailleurs, comme confirmé en audience, ne sont litigieux, selon les plans de calcul, ni la prise en considération dans la "fortune", comme "fortune immobilière", de la valeur du terrain sis en Turquie, ni celle des montants figurant comme "épargne", la recourante faisant néanmoins savoir qu'au 22 novembre 2022 (date de l'audience), il ne resterait plus qu'environ CHF 3'000.- d'épargne car les époux y puisent selon elle régulièrement pour subvenir à leurs besoins.

5.4 Seules restent donc litigieuses les questions de la prise en compte d'éventuels dessaisissements de CHF 113'276.- au total (CHF 78'000.- + EUR 32'500.-/CHF 35'276.-) – sous "capital tort moral" dans les plans de calcul à partir du 1er janvier 2021 –, réduits à CHF 103'276.- à compter du 1er janvier 2022, de même que l'imputation de la rente LPP hypothétique ("rente 2ème pilier hypot.") de CHF 10'209.40 par an, dans les plans de calcul à compter du 1er septembre 2020.

6.             Dans le cadre de la réforme de la LPC, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, de nombreuses dispositions ont été modifiées (FF 2016 7249; RO 2020 585).

D’après les principes généraux en matière de droit transitoire, on applique, en cas de changement de règles de droit et sauf réglementation transitoire contraire, les dispositions en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement et qui a des conséquences juridiques (ATF 140 V 41 consid. 6.3.1 et les références).

Aux termes des dispositions transitoires de la modification du 22 mars 2019 (Réforme des PC) entrée en vigueur le 1er janvier 2021, l’ancien droit reste applicable pendant trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente modification aux bénéficiaires de PC pour lesquels la réforme des PC entraîne, dans son l’ensemble, une diminution de la PC annuelle ou la perte du droit à la PC annuelle (al. 1). Le nouvel art. 11a al. 3 et 4 LPC ne s’applique qu’à la fortune qui a été dépensée après l’entrée en vigueur de la présente modification (al. 3). Quant à la modification du 20 décembre 2019, entrée en vigueur aussi le 1er janvier 2021, elle ne concerne pas le présent cas étant donné que les dépenses sont ici additionnées conformément à l'art. 9 al. 2 LPC (nouvel al. 1ter de l'art. 10 LPC a contrario).

Ainsi, les dispositions transitoires relatives aux modifications des 22 mars (Réforme des PC) et 20 décembre 2019 de la LPC, en vigueur dès le 1er janvier 2021, prévoient une période transitoire de trois ans pour les personnes bénéficiaires de PC pour lesquelles la réforme des PC entraîne, dans son ensemble, une diminution de la PC annuelle ou la perte du droit à la PC annuelle. Pour ces personnes, l’ancien droit reste ainsi applicable jusqu’à la fin de l’année 2023. En revanche, le nouveau droit s’applique immédiatement aux personnes qui acquièrent un droit aux PCF après l’entrée en vigueur de la réforme (cf. Message relatif à la modification de la loi sur les prestations complémentaires du 16 septembre 2016 : FF 2016 7249, p. 7326; ATAS/791/2022 du 9 septembre 2022 consid. 3.1).

En l’occurrence, la décision initiale du 1er mars 2022 et la décision sur opposition du 30 mai 2022 ont été rendues après le 1er janvier 2021, mais le droit potentiel de la recourante aux PC débuterait le 1er août 2020, donc avant le 1er janvier 2021.

Dans ces circonstances, il y a lieu d’appliquer l’ancien droit pour la période allant jusqu’au 31 décembre 2020. Pour la période postérieure à cette dernière date, l’ancien droit n’est applicable que si le nouveau droit n’est pas, globalement, plus favorable et ceci jusqu’en 2023 (cf., dans ce sens, ATAS/791/2022 précité consid. 3.2).

Après comparaison, le SPC a, selon "un comparatif général" comme confirmé en audience, appliqué l’ancien droit pour l’année 2021, dans la mesure où l’application du nouveau droit est défavorable vu notamment l'introduction d'un seuil de fortune au nouvel art. 9a LPC. Il a en revanche appliqué le nouveau droit pour 2022, année durant laquelle le seuil de CHF 200'000.- pour un couple selon le nouvel art. 9a al. 1 let. b LPC n'a pas été atteint. Cette façon de faire ne prête pas le flanc à la critique.

7.              

7.1 Conformément à l'art. 9 al. 1 aLPC – dans sa version en vigueur avant le 1er janvier 2021, à laquelle correspond le nouvel art. 9 al. 1 in initio LPC –, le montant de la PC annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants.

7.2 En vertu de l'art. 11 al. 1 aLPC – dans sa version en vigueur avant le 1er janvier 2021 –, les revenus déterminants comprennent, notamment: le produit de la fortune mobilière et immobilière (let. b); un quinzième (1/15ème) de la fortune nette, un dixième (1/10ème) pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, dans la mesure où elle dépasse CHF 37'500.- pour les personnes seules, CHF 60'000.- pour les couples et CHF 15'000.- pour les orphelins et les enfants donnant droit à des rentes pour enfants de l’AVS ou de l'AI; si le bénéficiaire de PC ou une autre personne comprise dans le calcul de ces prestations est propriétaire d’un immeuble qui sert d’habitation à l’une de ces personnes au moins, seule la valeur de l’immeuble supérieure à CHF 112'500.- entre en considération au titre de la fortune (let. c); les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l’AVS et de l’AI (let. d); les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s’est dessaisi (let. g).

Selon l'art. 17 aOPC-AVS/AI - dans sa version en vigueur avant le 1er janvier 2021 –, la fortune prise en compte doit être évaluée selon les règles de la législation sur l’impôt cantonal direct du canton du domicile (al. 1). Lorsque des immeubles ne servent pas d’habitation au requérant ou à une personne comprise dans le calcul de la PC, ils seront pris en compte à la valeur vénale (al. 4). En lieu et place de la valeur vénale, les cantons peuvent appliquer uniformément la valeur de répartition déterminante pour les répartitions intercantonales (al. 6).

À teneur de l'art. 17a aOPC-AVS/AI, la part de fortune dessaisie à prendre en compte (art. 11, al. 1, let. g, LPC) est réduite chaque année de CHF 10'000.- (al. 1). La valeur de la fortune au moment du dessaisissement doit être reportée telle quelle au 1er janvier de l’année suivant celle du dessaisissement, pour être ensuite réduite chaque année (al. 2). Est déterminant pour le calcul de la PC annuelle le montant réduit de la fortune au 1er janvier de l’année pour laquelle la prestation est servie (al. 3).

7.3 Par fortune au sens de l'art. 11 al. 1 LPC – ancien et nouveau –, il faut comprendre toutes les choses mobilières et immobilières ainsi que les droits personnels et réels qui sont la propriété de l'assuré et qui peuvent être transformés en espèces (par le biais d'une vente ou d'un nantissement par exemple) pour être utilisés (MULLER, Bundesgesetz über Ergänzungsleistungen zur Alters-, Hinterlassenen- und Invalidenversicherung, 2006 n° 35, JÖHL, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, SBVR XIV, 2016, n° 163 p. 1844s). Ainsi, font notamment partie de la fortune : les gains à la loterie, la valeur de rachat d'une assurance-vie, l'épargne, les actions, les obligations, les successions, les versements en capital d'assurances, l'argent liquide, etc. (MULLER, op.cit, n° 35), les créances (JÖHL, op. cit., n° 163 p. 1844) ou encore les prêts accordés (CARIGIET / KOCH, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, Supplément, p. 96; ATAS/1112/2020 du 19 novembre 2020 consid. 10a).

Les dettes prouvées doivent être déduites de la fortune brute (Office fédéral des assurances sociales [OFAS], Directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI [ci-après: DPC], ch. 3443.05). L’art. 11 al. 1 let. c LPC – ancien et nouveau – faisant mention de la « fortune nette », il y a lieu de déduire les dettes. Il s'agit notamment des dettes hypothécaires, des petits crédits auprès des banques, des prêts entre particuliers, ainsi que des dettes fiscales. La dette doit être effectivement née, mais son échéance n'est pas une condition préalable. Les dettes incertaines ou dont le montant n'a pas encore été déterminé, en revanche, ne peuvent pas être déduites. La dette doit être correctement documentée. En outre, seules les dettes qui grèvent la substance économique des actifs peuvent être prises en compte (ATF 142 V 311 consid. 3.1 et 3.3 ; ATF 140 V 201 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_365/2018 du 12 septembre 2018 consid. 3.2). Selon la jurisprudence, il ne suffit pas d'émettre l'hypothèse qu'une fraction de la fortune correspond à des prêts ou appartient à un tiers sans produire ou s'appuyer sur le moindre élément concret (contrat de prêt, relevé de compte bancaire attestant un transfert de fonds, etc. ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_846/2010 du 12 août 2011 consid. 4.3). La seule possibilité qu'un événement se soit déroulé d'une certaine manière n'est pas suffisante pour retenir, au degré de la vraisemblance prépondérante, que cet événement est établi (arrêt du Tribunal fédéral 9C_717/2009 du 20 octobre 2009 consid. 3.3 et les références; ATAS/548/2022 du 15 juin 2022 consid. 6.1).

7.4 Il y a dessaisissement lorsque la personne concernée a renoncé à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique et sans avoir reçu en échange une contre-prestation équivalente, ces deux conditions étant alternatives (ATF 140 V 267 consid. 2.2; ATF 134 I 65 consid. 3.2; ATF 131 V 329 consid. 4.2).

Un avancement d'hoirie constitue indéniablement une cession à titre gratuit qui tombe sous le coup de l'art. 11 al. 1 let. g aLPC (ATF 123 V 35 consid. 1). Pour vérifier s'il y a contre-prestation équivalente et pour fixer la valeur d'un éventuel dessaisissement, il faut comparer la prestation et la contre-prestation à leurs valeurs respectives au moment de ce dessaisissement (ATF 120 V 182 consid. 4b; arrêt du Tribunal fédéral 9C_67/2011 du 29 août 2011 consid. 5.1).

7.5 Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références; ATF 126 V 353 consid. 5b et les références; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Il n'existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a et la référence).

Par ailleurs, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). En particulier, dans le régime des PC, l'assuré qui n'est pas en mesure de prouver que ses dépenses ont été effectuées moyennant contre-prestation adéquate ne peut pas se prévaloir d'une diminution correspondante de sa fortune, mais doit accepter que l'on s'enquière des motifs de cette diminution et, en l'absence de la preuve requise, que l'on tienne compte d'une fortune hypothétique (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 65/04 du 29 août 2005 consid. 5.3.2; VSI 1994 p. 227 consid. 4b). Mais avant de statuer en l'état du dossier, l'administration devra avertir la partie défaillante des conséquences de son attitude et lui impartir un délai raisonnable pour la modifier; de même devra-t-elle compléter elle-même l'instruction de la cause s'il lui est possible d'élucider les faits sans complications spéciales, malgré l'absence de collaboration d'une partie (cf. ATF 117 V 261 consid. 3b; ATF 108 V 229 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 59/02 du 28 août 2003 consid. 3.3 et les références).

8.              

8.1 En l'espèce, à teneur des explications formulées le 3 août 2021 par les époux ainsi que du recours, le capital du 2ème pilier de CHF 149'702.- crédité le 30 octobre 2020 sur le compte à la Banque cantonale de Genève (ci-après: BCGE) du mari a été utilisé entre autres à hauteur de CHF 78'000.- en faveur de leurs filles afin de participer notamment aux frais de mariages respectifs, ainsi qu'à hauteur de EUR 32'500.- en remboursement d'une dette, correspondant à CHF 35'276.- selon le service et sans que cette conversion de monnaie soit contestée par la recourante. La somme totale de CHF 113'0276.- de dessaisissements (CHF 78'000.- + CHF 35'276.-) en résultant est prise en compte dans les plans de calcul de l'intimé sous "capital tort moral" – termes utilisés seulement pour des raisons techniques afin que ce montant ne soit pas retenu en matière de PCC (à teneur de la décision sur opposition attaquée) – pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2021, puis réduite à CHF 103'276.- dès le 1er janvier 2022 en application de l'art. 17a al. 1 aOPC-AVS/AI.

8.2 S'agissant tout d'abord des donations de CHF 78'000.- au total faites aux filles des époux – que l'intimé, dans sa réponse au recours, confirme considérer comme un dessaisissement de fortune qui doit être imputé dans le calcul des PCF – , celles-là constituent – à l'instar d'un avancement d'hoirie – un acte de dessaisissement de fortune au sens de l'art. 11 al. 1 let. g aLPC. En effet, alors même que la recourante, avec son mari, a remis une partie de ses biens à leurs filles, ces dernières n'ont fourni aucune contre-prestation équivalente. Certes, il est compréhensible que des parents veuillent transmettre gratuitement leur patrimoine – ou une partie de ce dernier – à leurs descendants, mais il n'en demeure pas moins qu'un transfert de ce genre ne saurait avoir pour conséquence d'obliger la collectivité publique à accorder des PC qu'elle ne devrait point allouer en cas d'aliénation à titre onéreux (dans ce sens arrêt du Tribunal fédéral P 11/04 du 21 juillet 2004 consid. 3.2).

On ne se trouve en tout état de cause pas ici en présence d'aliments fournis par les proches (les époux) en faveur de leurs filles en vertu des art. 328 à 330 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), qui ne seraient pas pris en compte conformément à l'art. 11 al. 3 let. a LPC dans l'ancienne et la nouvelle teneur. En effet, il n'est ni établi ni même allégué par la recourante qu'à défaut de l'assistance de la part des époux, leurs filles – majeures et ayant au demeurant plus de 25 à l'époque des donations – tomberaient dans le besoin (au sens de l'art. 328 al. 1 CC), et, au surplus, les dons totalisant CHF 78'000.- ne visaient pas à subvenir aux besoins essentiels de celles-ci, mais constituaient plutôt une participation à leurs frais de mariages et d'installations avec leurs conjoints.

Au demeurant, selon les déclarations de la recourante en audience, les époux ont donné CHF 50'000.- pour le mariage de leur fille aînée (D______), et le même montant de CHF 50'000.- (de mains à mains) pour leur fille cadette (C______), pour son mariage (robe, fête, etc.), en plus des montants versés à elle pour la location de son appartement d'étudiante à Lyon entre 2020 et 2021. D'après l'assurée, même si leurs filles ont plus de 25 ans, les époux continuent de les soutenir financièrement, sachant qu'elles font tout ce qu'elles peuvent.

Il en découle que ce n'est pas une somme de CHF 78'000.- de donation pour les filles des époux qui aurait dû être comptée comme bien dessaisi, mais la somme – plus élevée – de CHF 100'000.-, l'indication fournie le 3 août 2021 par l'assistant social étant ainsi partiellement erronée sur ce point.

8.3 Concernant la dette alléguée de EUR 32'500.- ainsi que son éventuel remboursement, le SPC relève à juste titre que la copie de l'ordre de transfert de la BCGE à son sujet, produite le 3 août 2021, est illisible. Toutefois, avec son recours, l'assurée a produit un avis de débit de la BCGE du 29 juillet 2021, à concurrence de EUR 32'500.-, montant converti à CHF 35'534.75, en faveur de Monsieur F______ sur son compte dans une banque sise en Turquie, avec comme communication "Remboursement dette". Le 6 juillet 2022 a été produite une attestation datée du 30 juin 2022 et signée par M. F______ – sans mention de son adresse – par laquelle celui-ci "atteste par la présente lettre avoir récupéré le 29 juillet l'argent que j'ai prêté à Monsieur B______, d'un montant de EURO 32'500.-".

L'explication dans le recours de la recourante est que cette dette a été contractée de nombreuses années auparavant, lors de la vente à perte de l'appartement que les époux possédaient en France. Au sujet du montant résultant de cette vente, à la question posée par le service de savoir quelle utilisation avait été faite du montant de EUR 357'000.- encaissé le 6 juillet 2010 et relatif à la vente de leur bien immobilier en France voisine (Haute-Savoie) avec présentation des justificatifs y relatifs, l'intéressée a, dans sa lettre du 4 mars 2021, répondu que cette somme avait "servi pour rembourser le crédit et pour rembourser nos caisses de pension"; elle a produit des courriers d'un établissement bancaire français adressés le 28 mai 2010 à la notaire française s'étant occupée de ladite vente, de même qu'un chèque de EUR 9'707.85 signé par cette notaire en faveur d'une société suisse active entre autres dans la prévoyance (dénommée HPR SA à l'époque), enfin un "relevé de compte en Euro" également établi par ladite notaire au 20 juillet 2010 et un autre au 1er septembre 2010. De ces relevés ressortent notamment un montant de EUR 357'000.- crédité le 6 juillet 2010, en, sous "débit", un "verse cads remboursement anticipé prêt B______" à concurrence de EUR 285'593.07, un versement de EURO 9'707.85 en faveur de HPR SA "à valoir s/ remboursement anticipé pilier A de Mme A______" et un versement en faveur de la caisse de pension PAX – qui a versé le capital LPP de 149'702.- le 30 octobre 2020 –, à concurrence de EUR 59'923.38 "à valoir s/ remboursement anticipé pilier A______", avec au final un solde restant de EUR 1'300.-. le 3 août 2021, l'assurée a remis au SPC une attestation du 28 juillet 2021 attestant la vente de la maison de Haute-Savoie à des tiers le 6 juillet 2010 pour la somme de EUR 357'000.-.

Dans sa réponse au recours, le service, qui relève que ladite dette alléguée de EUR 32'500.- à l'égard de M. F______ n'a pas été déclarée à l'administration fiscale, requiert que soit produit le justificatif du versement de la somme prêtée par M. F______ au mari, devant faire état du montant prêté et de la date du versement et montrer que cette somme a été reçue en prêt et qu'elle devrait être remboursée (et non qu'elle aurait été reçue à titre gratuit ou à titre de contre-prestation).

Dans sa réplique, la recourante indique ne pas pouvoir produire le justificatif requis par le SPC, étant donné qu'aucun justificatif n'a été établi lors du prêt de ladite somme de EUR 32'500.-, "date approximative en 2009". Elle confirme néanmoins que cette somme a été "donnée" en mains propres par M. F______ et qu'il a été clairement convenu qu'elle allait être remboursée dès que les époux en auraient la possibilité financièrement. Ce n'est que lorsque l'époux a pu prendre une partie de son capital LPP que cette dette a enfin pu être supprimée.

En audience, sur question de la chambre de céans qui lui demande d'apporter toutes les précisions concrètes utiles concernant le remboursement d'un prêt à M. F______, la recourante répond que les époux ont acheté en 2005 une maison sur plan en France (Haute-Savoie); ils sont toutefois revenus à Genève en 2007, avec une location d'un appartement; pour acheter la maison en France susmentionnée, ils avaient retiré une partie du deuxième pilier de l'assurée et une partie du deuxième pilier du mari; après leur retour à Genève, l'intéressée est tombée malade en 2008 et son salaire a baissé car elle était en arrêt maladie (avec notamment une chimiothérapie); les époux étaient dans une situation précaire car ils avaient trois prêts en cours en France et avaient le loyer à payer à Genève; la recourante recevait le 80 % de son salaire seulement; les trois prêts susmentionnés provenaient de banques; les conjoints ont certes mis en vente la maison de France, mais, en attendant sa vente, ils ont dû emprunter EUR 32'500.- à M. F______ (beau-frère du mari, époux de la sœur de ce dernier, qui habite sur France) afin de faire face aux dépenses courantes, notamment les frais médicaux avec la chimiothérapie; cet emprunt a été contracté entre 2008 et 2009 en plusieurs fois, au moins deux ou trois fois, sans que l'intéressée se souvienne précisément combien de fois et pour quels montants chaque fois, tout en expliquant qu'"avec la chimiothérapie je n'avais pas toute ma tête". La recourante déclare ne pas disposer d'autres documents que sa pièce 7 qui est une attestation signée le 30 juin 2022 par M. F______ ainsi que sa pièce 6, avis de débit de la BCGe du 29 juillet 2021 – montrant le débit de CHF 35'549.75 comme contre-valeur de EUR 32'500.- au 29 juillet 2021 au taux de change de 1,093377, majoré encore de CHF 15.- –, car il s'agit d'une relation fondée sur la confiance (avec M. F______). À la question de savoir si elle peut produire d'autres preuves du prêt de M. F______, l'assurée répond qu'il a déjà été difficile d'obtenir ce document de celui-ci étant donné qu'il avait peur de quelque chose car étant domicilié en France. Du reste, elle ne pense pas qu'il soit possible qu'il retrouve des preuves de versement de son prêt aux époux en 2008 et 2009, étant donné qu'il leur a versé les montants en mains propres et qu'il semble difficile de retrouver des comptes bancaires – de M. F______ – montrant des retraits importants à cette fin. Sur question de l'intimé qui lui demande comment elle a pu se souvenir du montant exact de la dette à l'égard de M. F______, la recourante répond que celui-ci a noté les montants et les dates de versements en faveur des époux, et c'est sur la base de ce qu'il leur a réclamé qu'ils lui ont remboursé EUR 32'500.-, étant en outre précisé qu'il leur en avait déjà demandé le remboursement auparavant mais qu'ils lui avaient dit qu'ils ne pouvaient pas le faire.

Cela étant, ces explications apportées en audience par la recourante, en plus des allégations dans ses écritures et les pièces produites ne sont certes pas contredites de manière substantielle par ce que semble avoir dit son mari en audience, dont le projet de procès-verbal est, au regard des circonstances particulières, resté à l'état de brouillon et avec une valeur probante restreinte, solution non contestée par les parties. Bien que l'assurée a été rendue attentive à son incombance de démontrer l'existence de ses dépenses et également la contre-prestation adéquate contre lesquelles elles auraient été faites, les explications de celle-ci, si elles permettent de retenir l'existence d'un versement en juillet 2021 de EUR 32'500.- en faveur de M. F______, ne sont néanmoins pas suffisantes pour établir, comme requis par la jurisprudence, que la cause de ce versement consistait bien en le remboursement d'une dette pouvant être considérée comme une contre-prestation équivalente. En effet, il est difficilement compréhensible que la recourante n'ait pas pu produire des documents précis attestant la réalité d'un prêt de M. F______, dont l'écrit signé le 30 juin 2022 est pour le moins laconique; en outre, l'utilisation du montant du prêt allégué en 2008-2009 n'étant pas non plus démontrée, il ne peut pas être exclu que le versement de EUR 32'500.- pour M. F______ ait constitué une donation en faveur de ce dernier ou ait servi à un tout autre but qui ne serait pas lié au remboursement d'une dette.

8.4 Pour le reste, selon les précisions du service énoncées en audience, celui-ci a, pour les PCF, additionné les trois éléments mentionnés sous "fortune" (l'épargne qui est le solde de tous les comptes bancaires du couple en fonction de la période considérée, le "capital tort moral" qui consiste en fait en les biens dessaisis, ainsi que la fortune immobilière, soit le terrain en Turquie), puis a soustrait la franchise de CHF 60'000.- pour le couple prévue par l'art. 11 al. 1 let. c aLPC et est arrivé au solde correspondant au 1/15ème. En PCC, le SPC n'a additionné que l'épargne et la fortune immobilière, en a déduit la franchise légale de CHF 60'000.- puis, en application de l'art. 5 let. c LPCC, a pris en considération le solde à hauteur de 1/8ème dans le calcul. Ces calculs n'ont aucunement lésé les époux.

8.5 En définitive, concernant la fortune et les biens dessaisis des époux, la décision sur opposition attaquée est conforme au droit.

9.              

9.1 Aux termes de l'art. 2 LPCC, les personnes qui ont choisi au moment de la retraite un capital de prévoyance professionnelle en lieu et place d’une rente et qui l’ont consacré à un autre but que celui de la prévoyance ne peuvent bénéficier des prestations accordées en application de la présente loi (al. 4). Les caisses de retraite sont tenues d’informer leurs membres de ces dispositions en temps utile (al. 5).

9.2 A titre liminaire, il sied de relever que l'art. 2 al. 4 LPCC est inconnu du droit fédéral, la jurisprudence appliquant les règles du dessaisissement au capital LPP lorsque celui-ci a été dépensé en tout ou partie lors du calcul des PCF (ATAS/703/2022 du 11 août 2022 consid. 13; ATAS/828/2012 du 21 juin 2012 consid. 13). En matière de PCF, ce capital sera pris en considération selon les règles du dessaisissement alors qu'en matière de PCC, il sera fait application de l'art. 2 al. 4 LPCC et de la jurisprudence y relative (ATAS/703/2022 précité consid. 13).

9.3 Cela étant précisé, force est de constater que le but de l'art. 2 al. 4 LPCC précité est d'éviter que " des personnes touchent le capital de leur deuxième pilier, le dilapident et viennent ensuite demander une aide à l'OCPA. La logique du système des trois piliers veut que la prévoyance professionnelle verse des rentes (...). L'article ne concerne que le capital touché à la retraite et pas en cours de carrière (départ à l'étranger, indépendant, etc.) " (Mémorial du Grand Conseil 1991/V p. 5451).

Au fil des années, la Commission cantonale de recours AVS/AI/APG/PCF/PCC -compétente jusqu'en 2003 -, le Tribunal cantonal des assurances compétent jusqu'en 2010 et, depuis lors, la chambre de céans ont précisé les conditions d'application de l'art. 2 al. 4 LPCC. Leur jurisprudence peut être résumée ainsi : lorsque le requérant de PC a choisi de percevoir son avoir de prévoyance sous forme de capital et non sous forme de rente et que ledit capital a été dépensé en tout ou en partie lors du calcul des PC, le SPC doit examiner la situation plus en détails. Concrètement, il doit, dans un premier temps, déterminer si le capital a été employé pour la couverture des besoins vitaux. Dans l'affirmative, le SPC doit calculer le droit aux PCC même si le requérant a choisi de percevoir un capital de prévoyance au lieu d'une rente. En revanche, si le capital n'a pas été épuisé pour la couverture des besoins vitaux, le SPC doit procéder à un calcul comparatif. Il doit alors calculer les revenus déterminants en y intégrant la rente du 2ème pilier à laquelle l'intéressé aurait pu prétendre au lieu du capital. Si ces revenus excèdent les dépenses reconnues, l'intéressé n'a pas droit aux PCC. Si, au contraire, ces revenus sont inférieurs aux dépenses reconnues, l'intéressé peut prétendre aux PCC qui lui auraient été servies en cas de versement d'une rente de la prévoyance professionnelle. En revanche, dès qu'il est établi que le capital de prévoyance a été entièrement utilisé selon le calcul de la couverture des besoins, l'intéressé a, dans tous les cas, droit à des PCC. Dans cette dernière hypothèse, leur calcul s'opère sans tenir compte d'une rente hypothétique de la prévoyance professionnelle à titre de revenu (cf. ATAS/703/2022 précité consid. 13; ATAS/226/2019 du 20 mars 2019 consid. 4; ATAS/96/2017 du 8 février 2017 consid. 6 pour un résumé de la jurisprudence). À noter que ces principes s'appliquent également en cas de retrait partiel de capital (pour des cas d'application : ATAS/808/2021 du 16 août 2021; ATAS/675/2015 du 8 septembre 2015).

10.          

10.1 En l'espèce, pour ce qui est de l'imputation de la rente hypothétique LPP de CHF 10'209.40 par an, elle s'insère, dans les plans de calcul annexé à la décision sur opposition litigieuse de la manière qui suit. Pour le mois d'août 2020, seule la "rente 2ème pilier" de CHF 17'749.80 est prise en compte, sous le "revenu déterminant" et au titre de "rentes, indemnités et pension", pour les PCF et les PCC; il s'agit de la rente d'invalidité annuelle du même montant versée par la caisse de pension KESSLER à la recourante, laquelle a précisé en audience être bénéficiaire d'une rente de l'assurance-invalidité (ci-après: AI) à 100 % depuis août 2009. Dans les plans de calcul portant sur les périodes suivantes (dès le 1er septembre 2020) jusqu'au 31 mai 2022, et avec la motivation fournie par l'intimé ainsi que les précisions de ce dernier en audience, sont retenus, sous "revenu déterminant", outre la "rente 2ème pilier" de CHF 17'749.80 pour les PCF et les PCC, la "rente 2ème pilier hypot." (hypothétique) de l'époux de CHF 10'209.40 pour les seules PCC et la "rente viagère" 10'209.60 - qui est la rente de 2ème pilier effective de celui-ci - pour les PCF et les PCC.

D'après l'intimé en effet, le mari a encaissé la moitié de son capital LPP et perçoit une rente sur l'autre moitié; selon les documents du dossier, il s'avère que la rente entière annuelle aurait été de CHF 20'419.-; ainsi, selon le service, la rente LPP effective de CHF 10'209.60 ajoutée à la rente LPP potentielle de CHF 10'209.40 totalisent le montant que l'époux aurait perçu s'il n'avait pas opté pour le capital. En audience, le service a précisé que cette rente LPP hypothétique n'est prise en compte que dans les PCC (auxquelles il a appliqué ici l'art. 2 al. 4 LPCC ainsi que la jurisprudence de la chambre de céans y afférente) et non dans les PCF, et qu'il a déterminé la date de début de prise en compte de la rente LPP hypothétique non à partir du versement (les 29-30 octobre 2020) mais à partir du début du droit à la rente LPP (le 1er septembre 2020, selon le "certificat de prestation au 01.09.2020" émis le 28 octobre 2020 par PAX).

10.2 Au regard de la jurisprudence citée ci-dessus (notamment ATAS/703/2022 précité consid. 13) ainsi que, par analogie à tout le moins, de ce qui a été considéré plus haut concernant les biens dessaisis, il n'est pas possible de considérer que le capital LPP perçu à hauteur de CHF 149'702.- aurait été entièrement utilisé par l'intéressée et son mari pour la couverture de leurs besoins vitaux.

En particulier, les montants de CHF 100'000.- débités pour les mariages de leurs filles et celui de CHF 35'276.-, correspondant à EUR 32'500.-, en faveur de M. F______, ne relèvent clairement pas d'un but de couverture des besoins vitaux.

Il est à cet égard relevé que, même si, s'agissant de ce dernier montant, il avait été retenu qu'il avait été débité en remboursement d'une dette – ce qui n'a pas pu être démontré –, ceci ne serait pas entré dans le cadre de couverture des besoins vitaux. En effet, les dépenses liées à la spéculation à la bourse, au remboursement de dettes (par exemple à l'égard d'une sœur), à l'achat de meubles, d'un ordinateur et d'une télévision, les dons à l'Église et les cadeaux aux petits-enfants ne correspondent pas à des dépenses pour des besoins vitaux (ATAS/226/2019 précité consid. 5), alors que le paiement des impôts, en l'occurrence CHF 6'608.-, pour l'impôt sur les prestations en capital (LPP), fait quant à lui partie de la couverture des besoins vitaux (ATAS/828/2012 précité consid. 13 et 14).

Ainsi, le capital LPP perçu à hauteur de CHF 149'702.- n'a pas été épuisé pour la couverture des besoins vitaux des époux, de sorte que le SPC a à juste titre calculé les revenus déterminants en y intégrant la rente du 2ème pilier à laquelle le mari aurait pu prétendre au lieu du capital.

Dans ces conditions, il importe peu qu'une collaboratrice de PAX ait, selon les déclarations faites en audience par l'intéressée, fourni aux époux, avant la perception de l'avoir LPP du mari, des informations selon lesquelles un retrait en capital pour la moitié serait la solution la plus favorable (rente mensuelle de CHF 850.-, contre seulement CHF 350.- de plus, soit CHF 1'200.-, en cas de perception uniquement d'une rente), ni que ces informations soient erronées, car incompatibles avec les indications ressortant des documents "annonce de la prestation de retraite" au 31 août 2020 adressé par cette caisse de pension à l'époux les 4 et 15 septembre 2020 (rente de vieillesse annuel de CHF 20'419.- en cas de transformation en rente de l'entier du capital et CHF 10'209.- si c'est la moitié du capital). En effet, l'art. 2 al. 4 LPCC et la jurisprudence y afférente ne tiennent pas compte des motivations des assurés pour la perception en tout ou partie de leur avoir LPP en capital, mais bien plutôt de l'utilisation – objective – qu'ils font de ce capital.

10.3 Sur ce point également, la décision sur opposition querellée est conforme au droit.

11.         Vu ce qui précède, la décision sur opposition querellée est conforme au droit. Le revenu déterminant étant supérieur aux dépenses reconnues durant la période objet du litige, la recourante et son époux n'ont pas droit à des PC pour cette période. Le recours sera dès lors rejeté.

12.         La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA et vu l'art. 61 let. fbis LPGA).

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le