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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2346/2017

ATAS/1039/2018 du 08.11.2018 ( CHOMAG ) , REJETE

Recours TF déposé le 18.12.2018, rendu le 21.01.2020, REJETE, 8C_864/2018
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2346/2017 ATAS/1039/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 8 novembre 2018

3ème Chambre

 

En la cause

A______, sis à B______/VD, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Elie ELKAIM

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

1.        A______ (ci-après l’employeur) est un établissement comprenant des chambres et un restaurant.

Son propriétaire, Monsieur C______, a adressé une demande d’allocation de retour en emploi (ARE) à l’Office cantonal de l'emploi (ci-après l’OCE), que ce dernier a reçue le 2 septembre 2015.

Cette demande portait sur l’engagement de Monsieur D______ (ci-après l’assuré) en qualité de directeur dès le 26 septembre 2015, moyennant un salaire mensuel de CHF 8'000.-, 13ème salaire inclus.

Le formulaire de demande mentionnait l’obligation d’informer l’OCE de toute modification du contrat conclu avec l’assuré et de l’échec de la mesure avant un éventuel licenciement, ainsi que l’obligation pour l’employeur de rembourser les ARE en cas de résiliation du contrat de travail avant la fin de la mesure sauf en cas de licenciement pour justes motifs.

2.        Par décision du 5 novembre 2015, l’OCE a octroyé à l’assuré une ARE, du 5 novembre 2015 au 4 novembre 2017, sous réserve du respect du contrat de travail signé le 2 septembre 2015.

Selon l’annexe à cette décision, le total versé à titre d’ARE de novembre 2015 à novembre 2017 s’élèverait à CHF 95'999.80 (CHF 5'546.65 en novembre 2015, 6'400.- CHF/mois de décembre 2015 à avril 2016, CHF 5'006.45 en mai 2016, 4'800.- CHF/mois de juin à octobre 2016, CHF 3'360.- en novembre 2016, 3'200.- CHF/mois de décembre 2016 à avril 2017, CHF 1'858.10 en mai 2017, 1'600.- CHF/mois de juin à octobre 2017 et CHF 228.60 en novembre 2017).

3.        Par courrier du 25 novembre 2016, l’employeur a licencié l’assuré avec effet au 31 décembre 2016, en invoquant des raisons économiques et les difficultés rencontrées par l’établissement.

4.        Par décision du 3 février 2017, l’OCE a révoqué l’ARE et en a réclamé le remboursement par l’employeur à hauteur des CHF 69'913.10 versés. Il a rappelé que la loi prévoyait la restitution de la contribution au salaire perçue si l’employeur mettait un terme au contrat de travail avant la fin de la mesure, sauf en cas de licenciement pour justes motifs, que l’employeur n’avait pas invoqués en l’espèce.

5.        Le 8 mars 2017, l’employeur s’est opposé à cette décision en alléguant n’avoir eu d’autre choix que de signifier son congé à l’assuré, sur lequel pesaient d’importants soupçons liés à des fautes graves dans la gestion de l’établissement. Par égard pour lui, l’employeur avait renoncé à donner une suite pénale à ces soupçons et avait préféré les taire dans la lettre de licenciement. Il s’agissait là, à l’évidence, de motifs de licenciement immédiat, l’autorisant à mettre un terme au contrat de travail avant la fin de la mesure sans être tenu à restitution.

En outre, l’assuré avait fait miroiter d’importants bénéfices lors de son engagement, prétendant pouvoir attirer de nouveaux clients et investisseurs. Or, le chiffre d’affaires de l’établissement n’avait eu de cesse de décliner, au point de ne plus permettre à l’employeur d’assumer le salaire de l’assuré, ainsi que le démontreraient les pièces comptables.

L’employeur ajoutait qu’il serait contraire à la loi d’exiger de lui qu’il mette en péril son avenir économique juste pour honorer les engagements liés à l’octroi des ARE. Ces allocations avaient pour but la réinsertion sur le marché du travail, but atteint puisque l’assuré avait travaillé treize mois. Il n’y avait pas de motif de sanctionner l’employeur ayant favorisé cette réinsertion et cela contreviendrait à sa liberté économique. Le remboursement ne répondait à aucun intérêt public prépondérant. Les ARE avaient été intégralement versées à l’assuré, en sus de la part de salaire due par l’employeur. Il ne s’était donc pas enrichi et avait réduit le dommage de l’Etat en mettant un terme au versement d’une ARE n’ayant plus lieu d’être.

Un remboursement l’exposerait à des conséquences graves, alors qu’il était de bonne foi.

6.        Le 3 avril 2017, l’employeur a complété son opposition en précisant que le salaire convenu avec l’assuré représentait un tiers du chiffre d’affaires mensuel moyen de l’établissement à l’époque de l’engagement. Ce chiffre s’était toutefois réduit à environ 17'000.- CHF/mois dès le 2ème semestre 2016 et le seul salaire de l’assuré, représentant la moitié de ce montant, était devenu une charge trop importante l’exposant à un risque de faillite. Il avait donc été contraint de lui signifier son congé pour des motifs économiques.

À l’appui de sa position, l’employeur a produit un tableau récapitulatif de son chiffre d’affaires, révélant pour 2015 des montants trimestriels de CHF 70'400.- de janvier à mars, de CHF 68'300.- d’avril à juin, de CHF 74'960.- de juillet à septembre et de CHF 71'860.- d’octobre à décembre; en 2016 des chiffres trimestriels de CHF 68'140.- de janvier à mars, CHF 68'800.- d’avril à juin, CHF 47'240.- de juillet à septembre et CHF 57'500.- d’octobre à décembre 2016.

7.        Par décision du 26 avril 2017, l’OCE a écarté l’opposition.

Il a considéré que le motif avancé pour le licenciement ne constituait pas un juste motif au sens de la loi, le licenciement n’ayant pas été immédiat. L’employeur avait été informé des conditions d’octroi de l’ARE. La demande de remise était transmise au service compétent et serait examinée une fois la décision sur opposition entrée en force.

8.        Par écriture du 29 mai 2017, l’employeur a interjeté recours auprès de la Cour de céans en concluant, sous suite de dépens, préalablement à l’octroi de l’effet suspensif et, quant au fond, à ce qu’il soit libéré de l’obligation de rembourser le montant réclamé.

Le recourant fait grief à l’intimé de ne pas avoir instruit le point de savoir si l’assuré a commis des fautes graves en tirant des profits économiques de son activité au détriment de l’établissement.

Il affirme qu’il ne pouvait de bonne foi exiger la continuation des rapports de travail, eu égard à la rupture du lien de confiance, qu’il existait des motifs de licenciement avec effet immédiat et que le fait qu’il n’ait pas opté pour cette forme de licenciement n’y change rien puisque la loi prévoit une exception à l’obligation de rembourser des ARE, sans exiger qu’un tel licenciement soit prononcé.

Pour le surplus, le recourant qualifie la disposition cantonale fondant la restitution d’arbitraire et d’anticonstitutionnelle. À son avis, elle ne poursuit pas de but sérieux et aucun motif légitime et digne de protection ne justifie l’obligation de remboursement. Cette norme n’opère par ailleurs pas de distinction entre les différents types de licenciement et n’est, partant, pas conforme au principe de l’égalité de traitement.

9.        Par courrier du 12 juin 2017, l’intimé a rappelé que le recours avait effet suspensif ex lege.

10.    Le 14 juin 2017, la Cour de céans a fait remarquer au recourant que sa demande de restitution de l’effet suspensif était sans objet.

11.    Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 26 juin 2017, a conclu au rejet du recours.

Il soutient que le point de savoir si les motifs avancés par le recourant à l’appui du licenciement constituaient de justes motifs n’est pas pertinent, l’assuré ayant été licencié en respectant un délai de congé d’un mois. Quant à la loi, il considère qu’elle n’est ni arbitraire, ni contraire à l’égalité de traitement.

12.    Dans ses observations du 28 juillet 2017, le recourant a persisté dans ses conclusions.

13.    Les parties ont été entendues le 1er février 2018.

Le recourant, soit pour lui son propriétaire, a exposé avoir engagé l’assuré en qualité de directeur du motel avant tout, mais aussi pour le restaurant. L’intéressé avait promis d’augmenter les résultats de l’établissement, qui tournait « juste juste », et lui avait soumis les documents relatifs à l’ARE. Le recourant les avait lus et signés. Cependant, dans son esprit, il conservait la possibilité de licencier l’assuré en cas de motifs impératifs.

Contrairement aux promesses de l’assuré, le chiffre d’affaires avait diminué. En outre, il s’était avéré que l’assuré volait dans la caisse. Des nuitées n’avaient pas été comptabilisées, alors qu’elles avaient été constatées par la femme de chambre. Le recourant avait découvert les faits trois mois après l’engagement déjà, mais l’assuré l’avait supplié de le garder et il s’était laissé attendrir. L’assuré avait ensuite cessé ses méfaits, mais il n’était guère motivé et les résultats promis ne s’étaient pas concrétisés. L’employeur avait rédigé une première lettre de licenciement correspondant à la réalité et prévoyant un licenciement pour fin novembre. À la demande de l’assuré, il avait finalement reporté la résiliation à fin décembre.

L’employeur avait par la suite réduit l’équipe de cuisine de 50%, renoncé à la repasseuse et n’avait plus eu recours à la femme de chambre que sur appel.

A l’issue de l’audience, les parties ont persisté dans leurs conclusions et un délai a été imparti au recourant pour compléter son argumentation eu égard au changement intervenu dans la législation applicable.

14.    Dans ses déterminations du 28 février 2018, le recourant a fait valoir que la lex mitior devait s’appliquer en matière de sanctions disciplinaires. Partant, le nouveau régime légal entré en vigueur le 1er octobre 2017, excluant la restitution des ARE dans les cas de résiliation pour des motifs sérieux et justifiés, lui était applicable.

En l’espèce, tant les manquements de l’assuré que la mise en péril de la pérennité économique de l’établissement devaient être qualifiés de motifs sérieux au sens de la loi, justifiant le licenciement.

Le recourant a en outre sollicité l’audition de son comptable, de son fils, de son épouse et de l’assuré.

15.    Les audiences d’enquêtes se sont tenues en date du 24 mai 2018.

a)    Monsieur E______, fils du propriétaire, a indiqué travailler au restaurant de l’établissement, où il assure plusieurs tâches. Il a expliqué que ses parents et lui avaient décidé de se concentrer sur le restaurant et d’engager l’assuré pour s’occuper du motel. Au fil du temps, il était apparu qu’il y avait un laisser-aller dans la tenue du motel, à tel point que des clients s’étaient plaints, ce qui n’était jamais arrivé jusqu’alors en 15 ans d’activité.

À sa connaissance, l’assuré n’avait jamais été pris la main dans le sac, mais il savait que ses parents se posaient des questions : alors que le parking du motel était occupé par un ou deux véhicules et le restaurant fermé, aucun enregistrement n’était affiché. Ce n’étaient cependant que des soupçons, dont ni lui, ni ses parents n’avaient eu l’occasion de vérifier la véracité.

L’assuré avait fait miroiter son réseau, censé amener des cars entiers au motel, ce qui ne s’était pas concrétisé. En définitive, le propriétaire était tellement énervé par cette mauvaise gestion qu’il s’était résolu à louer des chambres au mois. L’assuré n’avait pas été remplacé. Depuis, les choses s’amélioraient lentement.

Il ignorait si l’assuré avait fait l’objet d’avertissements. Il avait parfois entendu son père vociférer, ce qui impliquait qu’il avait été poussé à bout.

b) Madame F______, épouse du propriétaire, a confirmé que l’assuré leur avait fait beaucoup de promesses, restées lettre morte. Il était parfois en retard, ou il annonçait son absence au dernier moment, voire même pas. Elle lui avait fait savoir que cela ne convenait pas. Elle n’avait pas constaté de malversations. Elle ne savait pas si l’assuré avait travaillé jusqu’au dernier jour du délai de congé.

c) Monsieur G______, comptable du motel, a dit avoir été informé de l’engagement de l’assuré en tant que responsable du motel. À sa connaissance, il était censé en développer la clientèle et permettre au propriétaire de se concentrer un peu plus sur le restaurant. En 2015, le chiffre d’affaires du motel était d’environ CHF 293'000.-. En 2016, il s’élevait à CHF 285'000.-.

L’assuré n’avait pas été remplacé. Il s’agissait d’une petite entreprise familiale qui ne pouvait se permettre de payer un tel salaire sans augmentation de son chiffre d’affaires. Le témoin pensait que l’assuré avait été licencié en raison de l’absence d’augmentation du chiffre d’affaires. À ce jour, l’établissement parvenait à faire face à ses engagements, avec retard. Les propriétaires avaient réduit les salaires pour essayer d’augmenter les liquidités et se serraient la ceinture.

16.    Dans ses écritures après enquêtes du 29 mai 2018, l’intimé a persisté dans ses conclusions.

Il considère que les soupçons allégués à l’encontre de l’assuré n’ont pas été rendus vraisemblables et relève qu’en dépit des soupçons en question - surgis durant les trois premiers mois d’activité de l’assuré -, l’employeur l’a encore gardé à son service près d’une année. Quoi qu’il en soit, même si les malversations étaient avérées, elles ne sauraient plus constituer un juste motif de résiliation une année après leur commission.

Les audiences ont révélé que le licenciement avait été signifié pour des motifs économiques, l’assuré n’ayant pas été en mesure d’augmenter le chiffre d’affaires de l’établissement. Il ne s’agit pas là d’un juste motif.

Enfin, selon la jurisprudence, le remboursement prévu par la loi poursuit un intérêt public justifiant des restrictions à la liberté économique.

17.    Dans ses écritures du 2 juillet 2018, le recourant a également persisté dans ses conclusions.

Il considère que les auditions des témoins ont révélé plusieurs violations graves de ses obligations par l’assuré, auxquelles des difficultés économiques se sont ajoutées.

Il maintient qu’il doit pouvoir bénéficier de la réglementation de restitution des ARE la plus favorable, ce qui exclut le remboursement en cas de licenciement pour motifs économiques.

Il affirme n’avoir jamais voulu profiter du système d’ARE et répète qu’un remboursement compromettrait la survie de son établissement.

 

 

 

EN DROIT

 

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (LACI - RS 837.0).

Elle connaît également, conformément à l'art. 134 al. 3 let. b LOJ, des contestations prévues à l'art. 49 de la loi en matière de chômage du 11 novembre 1983 (LMC - J 2 20) en matière de prestations cantonales complémentaires de chômage.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        La décision querellée a trait aux prestations cantonales complémentaires de chômage prévues par la LMC. Cette dernière ne contenant aucune norme de renvoi, la LPGA n’est pas applicable (cf. art. 1 et 2 LPGA).

3.        Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (cf. art. 49 al. 3 LMC et art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

4.        Le litige porte sur le remboursement par le recourant des ARE dans son principe, la quotité des prestations à restituer n’étant quant à elle pas contestée.

En revanche, la demande de remise ne fait pas l’objet de la présente procédure.

5.        Les ARE ont été introduites dans la LMC le 1er février 2008. Elles faisaient partie des mesures visant à remplacer le système d'emplois temporaires cantonaux en vigueur jusqu’alors et critiqué par la Confédération (Mémorial du Grand Conseil MGC 2005-2006/XII A – 11429).

Dans sa teneur en force jusqu’au 30 septembre 2017, l’art. 30 al. 1 aLMC prévoyait que les chômeurs ayant épuisé leur droit aux indemnités fédérales pouvaient bénéficier d’une allocation de retour en emploi s’ils retrouvaient un travail salarié auprès d’une entreprise active en Suisse. L’autorité compétente pouvait également proposer une telle mesure de sa propre initiative.

Conformément à l’art. 32 aLMC, l’octroi de la mesure était subordonné à la production, avant la prise d'emploi, d’un contrat de travail à durée indéterminée. Si l'employeur mettait un terme au contrat de travail avant la fin de la durée totale de la mesure au sens de l'article 35, il était tenu de restituer à l'Etat la participation au salaire reçue. Etaient réservés les cas de résiliation immédiate du contrat de travail pour justes motifs au sens de l'article 337 du code des obligations (CO – RS 220).

Le projet de loi modifiant la loi en matière de chômage (PL) 11804, entré en vigueur le 1er octobre 2017, a apporté plusieurs modifications au régime des ARE. Selon l’exposé des motifs relatif au PL 11804, qui peut être consulté en ligne à l’adresse http://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL11804.pdf, cette novelle visait à combler les lacunes de l’ancienne loi, dont les dispositions, notamment celles relatives aux employeurs, étaient beaucoup trop succinctes. Les conditions imposées aux employeurs étaient en outre insuffisantes.

Dans le cadre des travaux préparatoires, le Conseil d’État a proposé au législateur de remplacer la notion de « justes motifs au sens de l’art 337 CO » prévue à l’art. 32 aLMC par celle de « cas de résiliation pour des motifs sérieux et justifiés ». Cette nouvelle formulation devait permettre à l’autorité d’examiner ces motifs de manière plus large et visait à ne pas pénaliser l’employeur (rapport de la Commission de l’économie chargée d’étudier le projet de loi du Conseil d’État modifiant la loi en matière de chômage PL 11804-A, p. 76ss, publié en ligne à l’adresse http://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL11804A.pdf). Le législateur s’est rallié à cette proposition et a adopté l’art. 36B al. 2 LMC, qui dispose désormais que la décision relative à l’ARE est révoquée si, après la période d’essai, l’employeur notifie la résiliation du contrat de travail avant la fin de la mesure ou dans les trois mois qui suivent. L’employeur est tenu de restituer à l’État la participation au salaire reçue. Sont réservés les cas de résiliation pour des motifs sérieux et justifiés.

L’art. 30 du règlement d'exécution de la loi en matière de chômage (RMC - J 2 20.01), entré en vigueur le 1er novembre 2017, dispose que sont notamment considérés comme des motifs sérieux et justifiés au sens de l'art. 36B al. 2 LMC un licenciement pour des motifs économiques avérés (let. a) ; des prestations durablement insuffisantes du travailleur, malgré les efforts d'encadrement et de formation qu'on était raisonnablement en droit d'attendre de l'employeur (let. b).

6.        S'agissant du droit applicable ratione temporis, on applique, en cas de changement de règles de droit, les dispositions en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATF 138 V 176 consid. 7.1 ; ATF 127 V 309 consid. 3b).

L’art. 1 al. 1 du Titre final du code civil (CC – RS 210) consacre le principe de non-rétroactivité des lois. Selon ce principe, en l’absence de dispositions transitoires particulières, l’interdiction de la rétroactivité fait obstacle à l'application d'une nouvelle disposition légale à des faits entièrement révolus avant son adoption (rétroactivité proprement dite) (ATF 140 V 154 consid. 6.3.2).

Le principe de la lex mitior - soit l’application de la loi la plus favorable au justiciable - est une exception au principe de la non-rétroactivité des lois. Il est soumis aux conditions auxquelles la doctrine et la jurisprudence subordonnent l'admissibilité de la rétroactivité des dispositions légales, soit notamment que cette rétroactivité soit expressément prévue par la loi ou qu’elle découle clairement de son sens. Le principe de la lex mitior est admis principalement en droit pénal, dès lors qu’il a été explicitement consacré par le législateur à l'art. 2 al. 2 du Code pénal (CP – RS 311.0) (ATF 102 Ib 335 consid. 2b). Il s’applique également en cas de sanctions disciplinaires (ATF 130 II 270 consid. 1.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_66/2013 du 7 mai 2013 consid. 5).

En l’espèce, les dispositions transitoires ancrées à l’art. 55A LMC disposent que les mesures cantonales octroyées avant l’entrée en vigueur de la loi 11804 modifiant la LMC continuent à être régies, jusqu’à leur échéance, par les dispositions du droit en vigueur au moment de leur attribution (al. 7). Dès l’entrée en vigueur de la loi 11804 modifiant la LMC, l’octroi de nouvelles mesures cantonales est régi exclusivement par le nouveau droit (al. 8).

7.        L’art. 337 CO dispose que l’employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs ; la partie qui résilie immédiatement le contrat doit motiver sa décision par écrit si l’autre partie le demande (al. 1). Sont notamment considérées comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d’exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (al. 2). Le juge apprécie librement s’il existe de justes motifs, mais en aucun cas il ne peut considérer comme tel le fait que le travailleur a été sans sa faute empêché de travailler (al. 3).

En règle générale, seule une violation particulièrement grave des obligations contractuelles peut justifier une telle résiliation ; si le manquement est moins grave, il ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement. Les manquements doivent objectivement être de nature à détruire le lien de confiance essentiel dans des rapports de travail, ou à tout le moins de l’ébranler si sérieusement que la poursuite du contrat ne peut pas être exigée. Ils doivent en outre avoir concrètement conduit à une telle érosion des liens de confiance (ATF 130 III 213 consid. 3.1). Selon la jurisprudence, la résiliation immédiate pour justes motifs, qui constitue une mesure exceptionnelle, doit être admise de manière restrictive. Elle n'est pas destinée à sanctionner un comportement isolé et à procurer à l'employeur une satisfaction (arrêt du Tribunal fédéral 4A_60/2014 du 22 juillet 2014 consid. 3.1). 

Une prestation du travailleur mauvaise ou insuffisante n’est pas à elle seule un motif de licenciement immédiat. Un renvoi immédiat ne peut se justifier que si les carences sont si graves qu’elles empêchent de satisfaire même les exigences minimales du poste (Christian FAVRE / Charles MUNOZ / Rolf A. TOBLER, Le contrat de travail, Lausanne 2001, art. 337 CO n. 1.11). 

Selon la jurisprudence, l'employeur doit notifier le licenciement immédiat dès qu'il a connu le juste motif dont il entend se prévaloir, ou au plus tard après un bref délai de réflexion. S'il tarde à réagir, il est présumé avoir renoncé au licenciement immédiat ; à tout le moins, il donne à penser que la continuation des rapports de travail est possible jusqu'à la fin du délai de congé (ATF 127 III 310 consid. 4b).

Lorsqu’une résiliation est signifiée en raison d’un simple soupçon (Verdachts-kündigung) - par exemple d’un acte punissable commis au préjudice de l’entreprise - ce soupçon doit être grave. Le licenciement n’est justifié que si l’employeur est en mesure de prouver que les soupçons sont fondés (Jürg BRÜHWILER, Einzelarbeitsvertrag: Kommentar, 3ème éd. 2014, n. 13 ad art. 337 CO). Dans de tels cas, la situation diverge selon que des clarifications sont nécessaires ou non afin d’établir les manquements de l’employé et leur ampleur. Le délai de réflexion ne débute qu’une fois le résultat de ces investigations connu. Lorsqu’il existe un soupçon concret, qui conduirait l’employeur à envisager la résiliation du contrat de travail s’il était avéré, celui-ci doit immédiatement prendre toutes les mesures exigibles pour clarifier la situation (arrêt du Tribunal fédéral 8C_294/2011 du 29 décembre 2001 consid. 6.3.3).

8.        Le juge a la compétence d'exercer un contrôle concret de normes réglementaires de droit cantonal (cf. Pierre MOOR / Alexandre FLÜCKIGER / Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., Berne 2012, p. 346). A la demande des justiciables, les tribunaux sont tenus de contrôler à titre préjudiciel la conformité du droit cantonal à la Constitution et au droit fédéral dans son ensemble, et de ne pas l'appliquer lorsqu'ils arrivent à la conclusion que cette conformité n'est pas réalisée. Cette obligation découle du principe de la primauté du droit fédéral, ancré à l'art. 49 al. 1 Cst (ATF 127 I 185 consid. 2 ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 1, Berne 2013, p. 376  n. 1095 ss). Une norme réglementaire viole l'interdiction de l'arbitraire ou le principe de l'égalité de traitement, consacrés aux art. 9 et 8 al. 1 Cst., lorsqu'elle n'est pas fondée sur des motifs sérieux et objectifs, qu'elle est dépourvue de sens et d'utilité ou qu'elle opère des distinctions juridiques que ne justifient pas les faits à réglementer (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 675/03 du 31 août 2004 consid. 5).

9.        a) En l’espèce, il convient tout d’abord de souligner que c’est l’art. 32 aLMC qui est applicable, et non les dispositions légales dans leur teneur depuis le 1er octobre 2017. En effet, les dispositions transitoires ne dérogent pas au principe de non-rétroactivité des lois. En outre, l’état de fait déterminant s’est entièrement déroulé sous l’empire de l’ancien droit. Ainsi, les arguments du recourant quant à l’application de la lex mitior ne lui sont d’aucun secours, étant souligné que la révocation d’une décision d’octroi d’ARE ne relève à l’évidence ni d’une mesure disciplinaire, ni d’une sanction pénale.

b) Quant à l’existence de justes motifs, la Chambre de céans retient ceci.

En premier lieu, les soupçons de malversations du recourant ne sont nullement avérés et paraissent reposer uniquement sur les apparentes discrépances observées entre l’occupation du parking et l’activité de la femme de chambre, d’une part, et les nuitées enregistrées, d’autre part. Ces soupçons ne sont ainsi étayés par aucun élément concret. Or, il appartenait au recourant de procéder aux investigations nécessaires afin de confirmer les doutes qu’il nourrissait à l’encontre de l’assuré s’il entendait se prévaloir de justes motifs pour s’en séparer. Conformément à la jurisprudence, une simple suspicion ne suffit pas.

En outre, force est de constater que ces éléments remontent selon les déclarations du recourant à décembre 2015 ou janvier 2016. Or, le congé n’a été signifié qu’une année plus tard environ. Compte tenu de ce délai, force est de constater que les malversations alléguées, fussent-elles réelles, n’ont pas entamé le lien de confiance au point de rendre la poursuite des relations de travail insupportable. En d’autres termes, la poursuite des relations de travail était exigible du recourant. Eu égard à cet élément, il est inutile d’entendre l’assuré, si bien que la chambre de céans ne donnera pas suite à la requête du recourant, par appréciation anticipée des preuves (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

Quant à l’argumentation du recourant, selon laquelle la loi n’exige pas un licenciement effectif mais seulement l’existence de justes motifs, elle ne peut être suivie. La chambre de céans a déjà tranché cette question, considérant qu’il ne suffit pas qu’un bénéficiaire d’ARE ait donné à son employeur des motifs de le licencier avec effet immédiat, encore faut-il que ce dernier ait formellement procédé à un tel licenciement, de surcroît de façon matériellement fondée (ATAS/376/2016 du 17 mai 2016 consid. 6a).

c) Le recourant soutient encore que l’exigence de restitution des ARE porterait atteinte à sa liberté économique, garantie par l’art. 27 Cst. Cette liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu. La garantie de la liberté contractuelle, consacrée explicitement aux art. 1 et 19 CO, fait partie intégrante de la liberté économique (ATF 131 I 333 consid. 4).

Aux termes de l’art. 36 Cst, toute restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale. Les restrictions graves doivent être prévues par une loi. Les cas de danger sérieux, direct et imminent sont réservés (al. 1). Toute restriction d'un droit fondamental doit être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (al. 2). Toute restriction d'un droit fondamental doit être proportionnée au but visé (al. 3).

En l’espèce, l’art. 32 aLMC est une norme de rang légal. L’octroi d’ARE n’a pas pour but de subventionner la main d’œuvre des entreprises mais vise la réinsertion de personnes au chômage, ce qui relève d’un intérêt public. Prévoir la restitution des prestations perçues lorsque le licenciement n’intervient pas pour justes motifs permet à la fois de contribuer au succès de la réinsertion professionnelle grâce à un engagement de durée en principe indéterminée, tout en évitant le recours abusif aux ARE par les entreprises. Les exigences de l’existence d’un intérêt public et de la proportionnalité de l’entrave à la liberté contractuelle sont ainsi respectées. Enfin, s’agissant du grief d’arbitraire résultant de l’inégalité de traitement qu’entraînerait l’art. 32 aLMC, il tombe à faux. En effet, contrairement à ce que le recourant prétend, la loi distingue bel et bien entre les différents cas de licenciement, puisqu’elle prévoit précisément que l’ARE n’a pas à être remboursée lorsqu’un employé est limogé pour de justes motifs. Le seul fait que le législateur aurait également pu exclure le remboursement lorsque les rapports de travail ont pris fin pour des motifs ayant trait à la capacité économique de l’employeur - comme il l’a fait par la suite - ne suffit pas à qualifier d’arbitraire la solution adoptée dans l’ancienne loi. En effet, l’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable (ATF 129 I 8 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_498/2009 du 16 mars 2010 consid. 3.1).

Partant, l’art. 32 aLMC est conforme à la Constitution.

b)   Compte tenu de ces éléments, l’obligation de remboursement doit être confirmée, étant rappelé que l’intimé devra statuer sur la demande de remise du recourant.

10.    Le recours est rejeté.

Le recourant, qui succombe, n’a pas droit à des dépens (art. 89H al. 1 LPA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA).

 

 


11.     

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La Présidente

 

 

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties par le greffe le