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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/468/2016

ATAS/333/2018 du 16.04.2018 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/468/2016 ATAS/333/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 16 avril 2018

6ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à Thônex, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Claudio REALINI

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1956, marié, père de deux enfants nés en 1998 et 1991, de nationalité suisse, exerce la profession de technicien en installations sanitaires chez B______ SA depuis le 31 mars 1980.

2.        L’assuré a été en incapacité de travail à 100% depuis le 8 juillet 2013, attestée par le docteur C______, FMH médecine interne, jusqu’au 29 août 2013 et a bénéficié d’indemnités journalières de la SWICA.

3.        Dès le 26 août 2013, une incapacité de travail a été prolongée par la doctoresse  D______, médecin interne aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), et dès le 27 septembre 2013 par la doctoresse E______, médecin interne aux HUG, jusqu’au 30 novembre 2013.

4.        L’assuré a déposé par l’entremise de la SWICA assurance maladie SA (ci-après : la SWICA), le 5 décembre 2013, une demande de prestations d’invalidité signée le 25 novembre 2013.

5.        Le 10 décembre 2013, l’employeur a attesté d’un engagement de l’assuré depuis le 31 mars 1980 et d’une diminution de rendement de 30% depuis début 2013 due à une addiction à l’alcool.

6.        Le 8 janvier 2014, le Dr C______ a rempli un rapport médical AI posant les diagnostics de diabète déséquilibré (type 2), état dépressif, abus de substances alcooliques, insomnies, d’un suivi depuis le 1er janvier 2004 et d’une hospitalisation à la clinique de Mon-Idée, unité addictologie, du 10 au 25 octobre 2013 ; l’assuré avait des traits de caractère anxieux qui s’étaient aggravés depuis mai / juin 2013 ; l’incapacité de travail était de 100% du 30 novembre au 31 décembre 2013 ; il présentait une lenteur dans le travail, une fatigue, un besoin de surveiller les glycémies, du stress et de l’épuisement, un état de burn-out et de stress ; une activité était possible à 50% dans une entreprise similaire.

7.        Le 3 mars 2014, le Dr C______ a attesté d’un suivi psychologique ambulatoire et d’une incapacité de travail totale du 1er janvier au 31 mars 2014 ; l’assuré était limité par sa concentration déficitaire et l’état anxieux ; il n’avait aucune capacité de suivi des dossiers ; son rendement était réduit à 50%.

8.        Le 20 mars 2014, l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) a reçu en entretien l’assuré et proposé que les MIP seraient établies après rendez-vous de l’assuré avec sa psychiatre ; il avait exercé comme monteur sanitaire, puis dépanneur, et avait ensuite passé au bureau comme technicien où il s’occupait notamment de la facturation de devis ; il était abstinent depuis son hospitalisation en octobre 2013 ; il se sentait fragile et avait peur de retomber ; son employeur l’avait averti d’un licenciement ; il souhaitait retrouver du travail dans son domaine de compétences et était preneur pour toute aide pour des recherches d’emploi.

9.        Selon une note d’entretien téléphonique du 24 mars 2014, l’employeur a confirmé qu’il souhaitait mettre fin au contrat de travail en raison de la problématique d’alcool de l’assuré ; la doctoresse F______, médecin interne à la consultation ambulatoire d'addictologie psychiatrique (CAAP) Grand-Pré, a indiqué que l’abstinence semblait être maintenue.

10.    Par communication du 14 avril 2014, l’OAI a pris en charge une formation de l’assuré sur les outils bureautiques de base, du 15 avril au 22 mai 2014.

11.    Le 5 mai 2014, la Dresse F______ a rempli un rapport médical AI posant les diagnostics de troubles mentaux et troubles du comportement liés à l’utilisation d’alcool, syndrome de dépendance, actuellement abstinent F10.20, et de trouble dépressif léger, sans syndrome somatique.

Elle suivait l’assuré depuis le 1er novembre 2013 ; il était abstinent depuis octobre 2013 avec une atténuation de la symptomatologie dépressive ; il présentait une thymie légèrement triste, un manque de motivation, une légère fatigabilité et un ralentissement psychomoteur, quelques difficultés de concentration, une faible confiance en soi et une appréhension pour l’avenir. Il se plaignait de ralentissement psychomoteur, de fatigabilité et d’une pauvre tolérance aux situations de stress. Il bénéficiait d’un programme type hôpital de jour au CAAP Grand-Pré, avec des entretiens individuels médico-infirmiers et d’une participation à des groupes thérapeutiques. Son état psychique restait encore fragile, raison pour laquelle c’était impératif qu’il puisse continuer à bénéficier de son suivi au service d’addictologie. L’incapacité de travail était totale depuis juillet 2013. Comme restriction psychique, la Dresse F______ mentionne une humeur légèrement triste, un manque de motivation, une fatigabilité, des difficultés de concentration et une exacerbation du stress dans des situations anxiogènes. Les restrictions énumérées se manifestaient avec une lenteur dans l’exécution des tâches, des difficultés d’assimilation de nouvelles informations, des difficultés de concentration sur une tâche suffisamment longtemps et des difficultés à suivre un rythme de travail soutenu. L’assuré n’était pas capable de reprendre la dernière activité exercée, car c’était un travail exigeant de point de vue physique, avec en plus une nécessité de bonnes capacités de concentration sur une tâche. Par contre, avec une réadaptation professionnelle appropriée, il aurait pu intégrer un domaine proche de celui avec lequel il était déjà familier, comme par exemple être vendeur dans un magasin de sanitaires ou dans une quincaillerie. Une reprise de travail à 50% était envisagée à partir du 1er juin 2014, mais dans un autre domaine. Dès le 1er juillet 2014, une capacité de travail à 100% dans une activité appropriée était possible.

12.    Le 8 mai 2014, le docteur G______, psychiatre exerçant en France, rattaché à la clinique Corela, a rendu un rapport d’expertise à la demande de la SWICA. L’assuré se plaignait d’impossibilité à retourner dans son ancienne activité en raison du stress professionnel interne et de l’ambiance au travail. Il a posé les diagnostics de troubles mentaux et troubles du comportement liés à l’utilisation d’alcool, syndrome de dépendance, actuellement abstinent, rémission complète et troubles de l’adaptation réaction mixte, anxieuse et dépressive, status post ; les analyses biologiques témoignaient d’une absence d’une prise problématique d’éthyle. La capacité de travail était totale depuis le jour de l’expertise.

13.    Le 16 mai 2014, la SWICA a informé l’assuré qu’au vu de l’expertise de la clinique Corela, sa participation financière prendrait fin au 31 mai 2014.

14.    Le 28 mai 2014, la doctoresse H______, du SMR, a estimé que l’assuré avait présenté un alcoolisme primaire ayant entraîné secondairement un trouble de l’adaptation lorsque l’assuré avait rencontré des difficultés personnelles et professionnelles ; il n’y avait pas d’atteinte à la santé incapacitante.

15.    L’assuré s’est inscrit à l’office régional de placement (ORP) le 2 juin 2014 et a bénéficié d’une indemnité de chômage versée par la caisse de chômage Unia (ci-après : la caisse).

16.    Le 10 juin 2014, l’OAI a renoncé à d’autres mesures et mis fin au mandat IP ; l’assuré avait repris son emploi chez son employeur, le terme de son contrat venait à échéance le 31 août 2014.

17.    Par projet de décision du 20 juin 2014, l’OAI a rejeté la demande de prestations sur la base de l’avis du SMR du 28 mai 2014.

18.    Par décision du 1er septembre 2014, l’OAI a rejeté la demande de prestations.

19.    Dès le 1er avril 2015, l’assuré a bénéficié d’une indemnité journalière fédérale en cas d’incapacité de travail.

20.    Par ordonnance du 14 juillet 2015, le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant a désigné Me Julien SIEGRIST, avocat, comme curateur provisoire de l’assuré.

21.    Le 15 juillet 2015, l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE ou l’intimé) a demandé au docteur I______, FMH médecine interne – cardiologie, de déterminer si les causes de l’incapacité de travail dès le 1er avril 2015 avec une hospitalisation du 13 juin au 3 juillet 2015 étaient en lien direct avec les problèmes de santé indiqués dans la demande AI du 25 novembre 2013, à savoir diabète, HTA et syndrome métabolique avec fibrose hépatique ; l’assuré avait été en incapacité de travail du 8 juillet 2013 au 31 mai 2014 ; le Dr I______ a mentionné : « En fait, il s’agit toujours de la même pathologie. »

22.    Par décision du 25 août 2015, l’OCE a nié le droit de l’assuré aux prestations cantonales en cas de maladie (PCM) dès le 1er mai 2015, au motif que les causes de son incapacité étaient survenues avant l’affiliation à l’assurance.

23.    Le 11 septembre 2015, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations AI en raison d’un état anxieux général des suites d’un état dépressif réactionnel sévère, dû à la dépendance à l’alcool.

24.    Par ordonnance du 17 septembre 2015, le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant a confirmé Me SIEGRIST dans ses fonctions de curateur de l’assuré.

25.    Le 22 septembre 2015, l’assuré, représenté par son curateur, Maître Julien SIEGRIST, a fait opposition à la décision de l’OCE du 25 août 2015 en faisant valoir qu’il n’avait eu aucun contact avec le Dr I______ et que la doctoresse J______, médecin interne aux HUG, avait rendu un rapport médical le 9 septembre 2015 établissant qu’il était incapable de travailler en 2015 en raison d’une dépendance à l’alcool et d’un trouble dépressif réactionnel, soit des causes postérieurs à son inscription à l’ORP le 2 juin 2014.

Il a transmis le rapport de la Dresse J______ du 9 septembre 2015 selon lequel : « Monsieur A______ est suivi pour une problématique d’alcool en lien avec des difficultés de vie, des pertes matérielles ainsi que personnelles ; situation l’ayant conduit à un grand désarroi et une dépendance à l’alcool. Dans un premier temps, il lui était difficile d’honorer ses rendez-vous du fait de consommations d’alcool persistantes, rendant le suivi ambulatoire irrégulier. Dans ce contexte, diverses hospitalisations ont dû être mises en place pour des sevrages d’alcool jusqu’au mois de juillet 2015 où une mesure de curatelle de gestion a été demandée par sa famille. Depuis ce jour, et grâce à une prise de conscience de la situation de la part du patient, il a pu intégrer l’hôpital de jour au sein du CAAP Grand-Pré. Il montre une évolution favorable face aux consommations d’alcool qu’il a pu grandement diminuer et contrôler. A relever que le patient se montre impliqué dans les soins depuis sa dernière sortie de l’hôpital, le 3 juillet 2015, il s’est montré volontaire à une intensification de soins chez nous, respecte et honore ses consultations 4 fois par semaine. Dans ce contexte de fragilité émotionnelle liée à une dépendance à l’alcool et un trouble dépressif réactionnel, un arrêt de travail a dû être instauré et se poursuivra jusqu’à la stabilisation de sa situation addictologique et psychiatrique ; en souhaitant que cette mesure puisse redonner à Monsieur A______ la possibilité de se soigner et de continuer à évoluer en visant une reprise de travail par la suite, dans un contexte favorable. »

L’assuré a aussi transmis un rapport du docteur C______, FMH médecine interne, du 9 septembre 2015, selon lequel l’état de santé de l’assuré « se détériore et qu’il présente depuis avril 2015 un état dépressif réactionnel sévère entraînant un abus d’alcool à visée anxiolytique. C’est cette situation nouvelle qui engendre un arrêt de travail et de nombreuses hospitalisations dont la dernière à l’Hôpital de Belle-Idée. Il est dès lors illusoire d’envisager une reprise de travail sans avoir guéri l’état dépressif sous-jacent. »

26.    Le 7 octobre 2015, l’OAI a imparti un délai à l’assuré pour rendre plausible l’aggravation de son état de santé depuis la décision du 1er septembre 2014.

27.    Le 10 novembre 2015, l’assuré a transmis à l’OAI les documents suivants en relevant que l’aggravation de son état de santé ne faisait aucun doute :

-       un certificat du Dr C______ du 15 octobre 2015 mentionnant une aggravation de l’état de santé de l’assuré en raison d’un état dépressif réactionnel majeur lié, entre autres, à une consommation d’alcool à visée anxiolytique et, depuis février 2015, d’une hépatite alcoolique difficile à traiter ;

-       un certificat du 10 novembre 2015 de la doctoresse J______, médecin interne au service d’addictologie des HUG, attestant d’un état dépressif réactionnel majeur suite à différentes pertes personnelles et économiques, majoré en réponse à une consommation d’alcool régulière ; l’assuré avait été hospitalisé à plusieurs reprises pour cette problématique, avec un suivi ambulatoire soutenu en addictologie. L’assuré présentait également une HTA difficilement contrôlable avec des pics hypertensifs réguliers et une hépatite alcoolique qui s’ajoutait aux autres diagnostics compliquant davantage une reprise de travail. Dans le contexte actuel, une activité laborale ne pouvait être envisagée et ce, jusqu’à stabilisation de l’état psychique et physique de l’assuré.

28.    Le 12 novembre 2015, le docteur K______, du SMR, a estimé que les documents présentés par l’assuré n’amenaient aucun élément nouveau qui permettait une entrée en matière (alcoolisme et état dépressif lié à l’alcoolisme et non l’inverse ; expertise Corela 2014).

29.    Par projet de décision du 20 novembre 2015, l’OAI a refusé d’entrer en matière sur la nouvelle demande de prestation, au motif que l’assuré n’avait pas rendu vraisemblable que les conditions de fait s’étaient modifiées de manière essentielle depuis la dernière décision.

30.    Le 8 décembre 2015, l’assuré a observé que les Drs J______ et C______ avaient attesté d’une aggravation de son état de santé.

31.    Par décision du 15 janvier 2016, l’OAI a refusé d’entrer en matière sur la demande de prestations.

32.    Par décision du 11 janvier 2016, l’OCE a rejeté l’opposition de l’assuré, au motif que le Dr I______ avait indiqué que les causes de l’incapacité de travailler depuis le 1er avril 2015 étaient en lien direct avec les problèmes de santé indiqués dans la demande AI du 25 novembre 2013 et que le syndrome métabolique avec fibrose hépatique était précisément engendré par une dépendance à l’alcool.

33.    Le 11 février 2016, l’assuré, représenté par son curateur, a recouru à l’encontre de la décision de l’OCE du 11 janvier 2016 en concluant à son annulation et à l’octroi de PCM, en faisant valoir que les Drs J______ et C______ attestaient qu’il avait présenté en 2015 un état dépressif réactionnel, postérieurement à l’affiliation à l’assurance-chômage.

34.    Le 12 février 2016, l’assuré, représenté par son curateur, a recouru (A/488/2016) auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de Justice à l’encontre de la décision de l’OAI du 15 janvier 2016 en concluant à son annulation et à l’allocation de prestations d’invalidité ou au renvoi du dossier à l’OAI pour enquête et investigations. Il était totalement incapable de travailler depuis le 1er avril 2015 et avait présenté un état dépressif réactionnel sévère entraînant un abus d’alcool à visée anxiolytique, ainsi qu’une hépatite alcoolique ; le curateur avait été nommé sur mesures superprovisionnelles urgentes ; ses médecins avaient attesté de l’aggravation de son état de santé.

35.    Le 8 mars 2016, l’OCE a conclu au rejet du recours en relevant que l’assuré présentait déjà un état dépressif avec burn out en 2013 et que l’avis du Dr I______ prévalait.

36.    Le 9 mars 2016, l’OAI a conclu au rejet du recours, au motif que les diagnostics posés par le médecin traitant et les HUG étaient identiques à ceux mentionnés en 2014 et que le Dr C______ attestait déjà d’une incapacité de travail de 100% en 2014.

37.    Le 1er avril 2016, l’assuré a répliqué dans le cadre de la procédure AI en relevant que sa situation s’était péjorée depuis la dernière décision de l’OAI ; il a à cet égard produit un avis de la Dresse J______ du 30 mars 2016 selon lequel « Après une année de suivi ambulatoire l’état psychique de l’assuré s’était grandement péjoré depuis la première demande AI datant d’avril 2014. A savoir, qu’au cours des deux dernières années, il a dû être hospitalisé à quatre reprises en lien à une péjoration thymique avec répercussion sur les consommations d’alcool et des mises en danger avec risque auto et hétéroagressif.

Lors de sa dernière hospitalisation en juillet 2015, l’assuré avait été mis sous curatelle de gestion, ce qui l’avait grandement aidé sur le plan administratif et social. Malgré toute l’implication du réseau, ainsi que celle de l’assuré dans son suivi ambulatoire, une abstinence totale n’avait pu être obtenue. Sa thymie restait très basse et il peinait à retrouver un élan vital.

Actuellement, il présentait une consommation quotidienne d’alcool qu’il arrivait à contrôler, sauf lorsqu’il se voyait dépasser par des événements anxiogènes. Il s’isolait de plus en plus et avait un réseau social très pauvre. Ceci se rajoutait à une anhédonie et aboulie importantes, ainsi qu’une perte d’élan vital. Les consommations d’alcool, en plus de majorer l’état dépressif, représentaient également un facteur clé dans la péjoration de son état somatique, à savoir une HTA difficilement contrôlable, une polyneuropathie des membres inférieurs avec des troubles de la marche et ralentissement psychomoteur.

L’assuré présentait une fatigue chronique pour laquelle des investigations concernant le sommeil et des troubles cardiaques étaient envisagées. Il présentait des difficultés de concentration, une très faible tolérance aux situations de stress et une capacité d’adaptation faible. »

38.    La chambre de céans a entendu les parties dans le cadre de la procédure AI en audience de comparution personnelle le 11 avril 2016.

Le recourant a déclaré : « Actuellement, mon état de santé ne va pas bien, moralement et physiquement. J’ai notamment très souvent des vertiges. Je suis isolé, je ne vois pas grand monde, hormis mes enfants. Cependant, un de mes fils vit à Paris depuis l’âge de 18 ans. Je vois de temps à autre mon autre fils.

En 2013 j’ai fait un sevrage à Belle-Idée, au Zéphyr, à ma demande. J’avais en effet suivi un programme de consommation contrôlée au CAAP, mais celui-ci a mal fonctionné. J’ai ensuite été abstinent pendant 8 – 9 mois. Toutefois, au moment où j’ai dû vendre ma maison, période qui a coïncidé avec le départ de ma femme, j’ai rechuté. Je ne me rappelle plus exactement des dates. J’ai recommencé à boire, mais de façon moins intense que la première fois. J’ai ensuite été hospitalisé suite à un coma éthylique. Je me rappelle seulement que j’ai chuté. Je me suis ensuite réveillé à l’hôpital. J’ai eu une fracture du crâne. J’ai d’ailleurs des vertiges depuis ce moment-là. J’ai ensuite suivi une nouvelle cure à Belle-Idée dans le service de gériatrie, car il n’y avait plus de place ailleurs. Je suis ensuite retourné à l’UTA.

Je fournirai les rapports d’hospitalisation. A mon souvenir, j’ai été hospitalisé trois fois, soit au Zéphyr, en gériatrie et à l’UTA.

Actuellement, je me rends 3 fois par semaine au CAAP Grand-Pré pour des réunions de groupe pour les préventions de rechute. Je vois également une à deux fois par semaine la Dresse J______ et environ une fois par semaine une infirmière. Je vois aussi mon médecin traitant, le Dr C______, qui me traite pour le diabète et pour le cholestérol.

Actuellement, j’ai une consommation contrôlée, je fais des contrats avec moi-même concernant ma consommation, qui sont également discutés au CAAP. Lorsque je ne bois pas d’alcool, je prends un anxiolytique. C’est le médicament qui est prescrit lors des sevrages. Je bois environ trois à quatre verres de vin par jour, ou de la bière.

En 2015, mon ex-femme et mes enfants ont demandé mon hospitalisation et une mesure de curatelle.

Je suis très anxieux de nature depuis toujours.

L’expertise auprès de la clinique Corela s’est très mal passée ; le Dr G______ ne m’a pas dit bonjour et a commencé par m’engueuler en me disant que cela fait un mois que je devrais retravailler. J’ai failli partir sur le champ. Ce médecin n’aurait pas de clients s’il était dans le privé. Il profite de la situation qui nous oblige à le consulter. Pour moi, c’est un abus de pouvoir. L’entretien a duré environ 5 minutes et il m’a posé des questions de routine. Pour lui, je n’avais aucun problème et je devais simplement retourner travailler. J’ai mémorisé son nom et je ne retournerai jamais voir ce médecin. »

Le représentant de l’OAI a déclaré : « Je m’oppose à ce que la Chambre tienne compte des rapports d’hospitalisation qui ne figurent pas au dossier.

Nous nous fondons sur l’expertise réalisée à la clinique Corela, selon laquelle nous nous trouvons dans un alcoolisme primaire non pris en charge par l’OAI.

Il est vrai qu’en mai 2014, le recourant était abstinent et en capacité de travail, de sorte que c’est cette situation qui a fondé notre décision de refus ; toutefois, nous considérons actuellement que la problématique dominante est toujours l’alcoolisme et que celui-ci n’est pas à la charge de l’OAI.

Je confirme aujourd’hui que l’expertise Corela, nonobstant les déclarations du recourant, a pleine valeur probante. Nous refusons donc de suivre les avis des médecins traitants affirmant une position contraire à celle de l’expertise Corela. »

39.    Un rapport du 9 septembre 2015 de la Dresse J______ a été versé au dossier. Selon celle-ci, dans un contexte de fragilité émotionnelle lié à une dépendance à l’alcool et un trouble dépressif réactionnel, un arrêt de travail avait été instauré et se poursuivra jusqu’à la stabilisation addictologique et psychiatrique.

40.    Le 5 avril 2016, le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant a relevé Me SIEGRIST de ses fonctions de curateur et désigné Me Claudio A. REALINI, avocat, aux fonctions de curateur de représentation de l’assuré dans ses rapports juridiques avec les tiers.

41.    Le 11 avril 2016, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle. Le recourant a déclaré :

« Après la période de sevrage de 2013, j’ai vécu des moments très difficiles lors de la vente de maison, du départ de ma femme, et j’ai rechuté gravement. J’ai en plus des problèmes d’insomnie et de vertiges et je vis un grand isolement social.

J’ai été vexé de voir que le Dr I______, qui ne m’a jamais vu, a rendu un avis me concernant. Je ne trouve pas cela normal. »

La représentante de l’OCE a déclaré :

« Nous nous sommes basés sur le préavis du Dr I______ qui estimait que les diagnostics relevant du trouble alcoolique étaient identiques à ceux existant avant la demande d’indemnité. Il est vrai que le rapport du Dr I______ est succinct. Le service PCM a repris contact avec le Dr I______ au moment de l’opposition et celui–ci a confirmé par oral son préavis. Dans certains cas, le médecin conseil voit les assurés. Tel n’a pas été le cas pour le recourant mais nous ne nous opposons pas à ce que le Dr I______ rende un autre avis à la suite d’un entretien. Nous maintenons toutefois notre décision. Nous pourrions être d’accord avec une mesure d’instruction de la Chambre de céans qui ordonnerait au Dr I______ de rendre un nouvel avis à la suite d’un entretien avec le recourant.

Si le trouble alcoolique existait avant l’assurance chômage, il n’est pas couvert par celle-ci même si l’assuré a pu retravailler entre les deux sinistres. Il n’y a toutefois pas de règles générales, nous faisons du cas par cas et suivons l’avis du médecin conseil sur cette question. En l’occurrence, la rechute est survenue peu de temps après l’arrêt de travail en 2013. »

42.    À la demande de la chambre de céans, le Dr I______ a examiné l’assuré et rendu un rapport le 3 mai 2016. Il avait pris connaissance du dossier et contacté le
Dr C______. Il relève que depuis 2013 et jusqu’à ce jour, les causes de la maladie de l’assuré avaient toujours été les mêmes, soit essentiellement un problème psychiatrique que l’on pourrait définir grossièrement comme un état dépressif chronique, et un problème d’addiction à l’alcool qui l’avait accompagné. Il était parfois difficile de dire ce qui avait provoqué quoi, mais ces deux problématiques étaient toujours allées de pair chez l’assuré et étaient habituellement prises en charge ensemble. La Dresse J______ évoquait une polyneuropathie avec des troubles de la marche et un ralentissement psychomoteur ; ils étaient à considérer comme des complications classiques de l’alcoolisme sévère et chronique et de la dépression. Il s’agissait toujours du même diagnostic de base qu’en 2013, avec simplement une aggravation des symptômes. Le Dr C______ évoquait un état dépressif sévère et une hépatite alcoolique : il s’agissait en fait d’une aggravation de ce que l’assuré présentait déjà en 2013 et les diagnostics restaient les mêmes. L’atteinte du foie s’était aggravée entre 2013 et 2015, sans que le diagnostic fondamental et causal n’ait changé. Donc, le 2 juin 2014, l’assuré avait la même maladie que l’année précédente, avec des complications et une aggravation qui se manifestaient. Il ne s’agissait en aucun cas d’une nouvelle pathologie. Enfin, comme le démontrait la demande de l’AI et l’expertise faite, la pathologie de l’assuré remontait en tout cas à 2013 (l’abus d’alcool semblait avoir joué un rôle dans son licenciement), et depuis lors jusqu’en 2016, quand il avait vu le patient, les diagnostics de base avaient toujours été les mêmes, avec cependant une aggravation des symptômes et l’apparition de complications classiques (p. ex. la polyneuropathie dans l’abus d’alcool sévère).

43.    Par arrêt du 9 mai 2016, la chambre de céans a admis le recours (A/488/2016). Elle a relevé qu’au jour de la décision de l’OAI du 1er septembre 2014, le recourant avait recouvré une capacité de travail totale ; le Dr C______, dans un rapport du
8 janvier 2014, avait attesté d’une incapacité de travail totale du recourant du
30 novembre au 31 décembre 2013, prolongée ensuite le 3 mars 2014 jusqu’au
31 mars 2014 et aucune incapacité de travail ensuite. Quant à la Dresse F______, elle avait attesté le 5 mai 2014 que le recourant était abstinent depuis octobre 2013 avec atténuation de la symptomatologie dépressive ; le pronostic était bon, tant du point de vue de la dépendance à l’alcool que du trouble dépressif ; il avait présenté une capacité de travail nulle de juillet 2013 au 31 mai 2014, de 50 % dès le 1er juin 2014, et de 100 % dès le 1er juillet 2014, dans une activité appropriée.

Ainsi, au jour de la décision du 1er septembre 2014, le recourant était en totale capacité de travail depuis en tous les cas le 1er juillet 2014. La chambre de céans constate que l’incapacité de travail totale, survenue en avril 2015 en raison d’un état dépressif réactionnel majeur et une consommation d’alcool problématique, avec une HTA difficilement contrôlable, attestée par les médecins traitants du recourant
- dont les avis des 15 octobre 2015 (Dr C______) et 10 novembre 2015 (Dresse J______) ont été transmis à l’intimé à l’appui de la demande de prestations - constitue une aggravation de l’état de santé du recourant.

Force est de constater que la décision de l’intimé de refus de prestations du
1er septembre 2014 est fondée sur l’expertise de la clinique Corela, laquelle constate, au 25 avril 2014, que le recourant, abstinent, ne présentait aucun diagnostic psychiatrique incapacitant et que les avis médicaux transmis par le recourant à l’intimé à l’appui de sa nouvelle demande de prestations du
11 septembre 2015, soit un avis du Dr C______ du 15 octobre 2015 et un avis de la Dresse J______ du 10 novembre 2015, ont rendu plausible une aggravation de l’état de santé du recourant, par la survenance d’un état dépressif majeur, et d’une consommation problématique d’alcool, à visée anxiolytique, depuis avril 2015, ainsi que, depuis février 2015, la présence d’une hépatite alcoolique, diagnostics ayant entraîné une incapacité de travail totale.

Par conséquent, la décision de l’intimé de refus d’entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations du recourant du 11 septembre 2015 n’est pas fondée.

44.    Le 17 mai 2016, l’OCE a persisté dans les termes de sa décision.

45.    Le 20 mai 2016, l’assuré, représenté par Me REALINI, a observé qu’il avait présenté un état dépressif réactionnel, lequel avait entraîné un abus d’alcool suite à la vente de la maison familiale le 8 décembre 2014 et son divorce prononcé le
13 janvier 2015, événements postérieurs à son entrée à l’assurance chômage ; les allégations du Dr I______ étaient contestées et une expertise psychiatrique et somatique sollicitée, voire à tout le moins l’audition des Drs I______, J______ et C______.

46.    A la demande de la chambre de céans, le Dr C______ a indiqué le 21 juin 2016 qu’il partageait l’avis du médecin-conseil du 3 mai 2016, en ajoutant que le 9 juin 2016 l’assuré avait présenté une détérioration de son diabète et que les autres maladies, ainsi que l’état dépressif et l’alcoolisme nécessitaient toujours un suivi rapproché.

47.    A la demande de la chambre de céans, la docteure L______, médecin cheffe de clinique, a indiqué le 2 août 2016 qu’elle rejoignait la conclusion du Dr I______, les diagnostics psychiatriques étant les mêmes depuis 2013 ; elle suspectait une polyneuropathie.

48.    Le 29 août 2016, le recourant a observé qu’il sollicitait la suspension de la cause jusqu’à droit connu dans la procédure de l’assurance-invalidité.

49.    Le 29 août 2016, l’intimé a persisté dans la teneur de sa décision du 11 janvier 2016 et le 5 septembre 2016 a déclaré qu’il était d’accord avec la suspension de la cause.

50.    Par ordonnance du 22 septembre 2016, la chambre de céans a suspendu l’instruction de la cause d’entente entre les parties.

51.    Par ordonnance du 22 septembre 2017, la chambre de céans a repris l’instruction de la cause et requis de l’OAI la production de son dossier. Un délai a été accordé aux parties pour consulter le dossier AI.

52.    Le 27 octobre 2017, l’intimé a observé que l’OAI n’avait pas rendu de nouvelle décision et qu’il persistait dans la teneur de sa décision sur opposition du 11 janvier 2016.

53.    Le recourant n’a pas formé d’observations.

54.    Le dossier de l’OAI comprend les documents suivants :

-       Une lettre de sortie des HUG du 31 octobre 2013 attestant d’une première hospitalisation du 10 octobre au 25 octobre 2013 pour troubles mentaux et troubles du comportement liés à l’utilisation d’alcool, syndrome de dépendance, actuellement abstinent, mais dans un environnement protégé.

-       Une lettre de sortie des HUG du 4 juin 2015 attestant d’une troisième hospitalisation du 29 avril au 2 mai 2015 pour troubles mentaux et troubles du comportement liés à l’utilisation d’alcool, syndrome de dépendance, actuellement abstinent, mais dans un environnement protégé.

-       Une lettre de sortie des HUG du 4 septembre 2015 attestant d’une quatrième hospitalisation du 13 juin au 3 juillet 2015 pour troubles mentaux et troubles du comportement liés à l’utilisation d’alcool, syndrome de dépendance, actuellement abstinent, mais dans un environnement protégé.

-       Un rapport médical AI du 2 août 2016 du Dr C______ attestant d’une maladie depuis 2013, de diagnostics d’état dépressif sévère avec alcoolisations à répétition et perte de l’estime de soi (déchéance sociale), d’un suivi depuis le 1er novembre 2014 et d’une incapacité de travail totale depuis le 1er août 2015.

-       Un rapport du Dr C______ du 30 août 2016 attestant d’une inflammation chronique du foie nécessitant des échographies du foie occasionnelles.

-       Un avis du Service Médical Régional (ci-après : SMR) du 29 novembre 2016 selon lequel il n’y avait pas d’aggravation de l’état de santé somatique et que l’état de santé psychique nécessitait une expertise psychiatrique.

-       Un rapport d’expertise psychiatrique du 12 juillet 2017 relevant que les antécédents psychiatriques remontaient environ à la fin de l’année 2010 ; éprouvant davantage des difficultés à tenir le rythme de travail, l’assuré déclarait que l’angoisse d’aller travailler l’avait vraiment déprimé. Il ne dormait plus la nuit tandis qu’il avait essayé de se soulager avec du Temesta et de l’alcool, se rendant compte du caractère excessif de ses consommations il avait nécessité une hospitalisation à la clinique de Belle-Idée, unité d’addictologie du 10 octobre 2013 au 25 octobre 2013. L’évolution clinique était défavorable depuis octobre 2015 avec aggravation importante de l’état thymique de l’assuré, augmentation de la consommation d’alcool et mise en danger avec risque auto et hétéro agressif ; la capacité de travail était nulle au moins depuis octobre 2015 ; les traits de caractère anxieux s’étaient aggravés depuis mai-juin 2013, et l’état de santé s’était aggravé depuis 2015.

-       Un projet d’acceptation de rente du 29 novembre 2017 allouant à l’assuré une rente entière d’invalidité dès le 1er octobre 2016 sur la base d’une incapacité de travail totale depuis octobre 2015.

55.    Le 13 mars 2018, l’OCE a observé que même si le SMR de l’AI avait estimé que l’incapacité totale de travailler du recourant avait débuté en octobre 2015 (début du délai d’attente), l’on ne pouvait pour autant en déduire que les causes ayant entrainé ladite incapacité avaient débuté uniquement à ce moment. Selon le Dr I______ (avis du 3 mai 2016) entre 2013 et 2015 le recourant avait uniquement présenté des complications et une aggravation de son état de santé, sans remise en cause du diagnostic initial. L’OCE persistait dans les termes de sa décision sur opposition du 11 janvier 2016.

56.    Le 26 mars 2018, l’OCE a indiqué qu’après une nouvelle étude du dossier, il était d’accord d’allouer au recourant des PCM du 1er mai au 30 septembre 2015.

57.    Le 29 mars 2018, le recourant s’est déclaré d’accord avec la proposition de l’OCE.

58.    Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur depuis le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du
25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0) ainsi que des contestations prévues à l’art. 49 al. 3 de la loi en matière de chômage du
11 novembre 1983 (LMC – RS J 2 20), en matière de prestations complémentaires cantonales.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans les forme et délai prescrits par la loi, le recours est recevable (art. 49 al. 3 LMC).

3.        L’objet du litige porte sur le droit du recourant à des PCM dès le 1er mai 2015.

4.        a. Au niveau fédéral, le droit à l'indemnité de chômage en cas d'incapacité de travail passagère est réglé à l'art. 28 LACI (ATF 126 V 127 consid. 3b). A teneur de l’alinéa 1er de cette disposition, les assurés qui, passagèrement, ne sont aptes ni à travailler, ni à être placés ou ne le sont que partiellement en raison d’une maladie (art. 3 LPGA), d’un accident (art. 4 LPGA) ou d’une grossesse et qui, de ce fait, ne peuvent satisfaire aux prescriptions de contrôle, ont droit à la pleine indemnité journalière fédérale s’ils remplissent les autres conditions dont dépend le droit à l’indemnité. Leur droit persiste au plus jusqu’au 30ème jour suivant le début de l’incapacité totale ou partielle de travail et se limite à 44 indemnités journalières durant le délai-cadre. L'art. 21 LACI prévoit que cinq indemnités journalières sont payées par semaine.

S’ils ne sont pas assurés à titre individuel auprès d’une assurance perte de gain privée, les chômeurs ayant épuisé leurs droits selon l’art. 28 LACI peuvent se retrouver privés d’une compensation de leur perte de gain. C’est pourquoi, certains cantons ont institué une assurance sociale perte de gain en faveur des chômeurs, appelée à compléter les prestations servies par l’assurance-chômage (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 27 et 28 ad Art. 28, p. 287). Tel est le cas de Genève.

b. L’art. 8 LMC prescrit que peuvent bénéficier des prestations cantonales en cas d’incapacité passagère de travail, totale ou partielle, les chômeurs qui ont épuisé leur droit aux indemnités journalières fédérales pour maladie ou accident, conformément à l’art. 28 LACI.

Les prestations pour cause d’incapacité passagère de travail, totale ou partielle, ne peuvent être versées que si elles correspondent à une inaptitude au placement au sens de l’art. 28 LACI (art. 12 al. 1 LMC). Les prestations sont servies au bénéficiaire dès la fin du droit aux indemnités au sens de l’art. 28 LACI jusqu’à concurrence de 270 indemnités journalières cumulées dans le délai-cadre d’indemnisation fédéral (art. 15 al. 1 LMC). Elles ne peuvent en outre dépasser le nombre des indemnités de chômage auquel le bénéficiaire peut prétendre en vertu de l’art. 27 LACI (art. 15 al. 2 LMC). Un délai d'attente de cinq jours ouvrables est applicable lors de chaque demande de prestations.

Il s'agit de prestations cantonales complémentaires à celles prévues par l'assurance-chômage fédérale (voir art. 1 let. d LMC) qui relèvent du droit cantonal autonome et non pas du droit fédéral ou du droit cantonal d'exécution du droit fédéral (arrêt 8C_864/2012 du 26 février 2013 consid. 3).

Selon l’art. 11 LMC, les prestations sont égales aux indemnités de chômage perçues immédiatement avant l'incapacité de travail ; la réalisation d'un gain intermédiaire est réservée (al. 1). Lorsque l'incapacité de travail est partielle, les prestations sont réduites en proportion (al. 2). Les prestations sont versées au terme de la période d'incapacité de travail, mais au moins une fois par mois (al. 3).

Selon l’art. 12 LMC, les prestations pour cause d’incapacité passagère de travail, totale ou partielle, ne peuvent être versées que si elles correspondent à une inaptitude au placement au sens de l’article 28 de la loi fédérale (al. 1). L'assuré n'a pas droit aux prestations s'il séjourne hors du lieu de son domicile, que ce soit en Suisse ou à l'étranger ; demeurent réservés les cas de nécessité. Le Conseil d’Etat règle la procédure et définit les cas de nécessité (al. 2). Les cas de nécessité médicale doivent recevoir l’aval du médecin-conseil de l’autorité compétente (al. 3). Les prestations peuvent être versées lorsque l’incapacité donne lieu à une cure ou une convalescence se déroulant en Suisse (al. 4).

Selon l’art. 13 LMC, le versement de prestations est exclu dans le cas où il peut être déterminé par l’autorité compétente que les causes de l’incapacité de travail sont intervenues avant l’affiliation à l’assurance, pour autant qu’elles aient été connues de l’assuré. Les cas de rigueur demeurent réservés. A noter que l’affiliation doit être interprétée comme le moment à partir duquel l’assuré est couvert par les PCM, soit depuis la date de l’ouverture du délai-cadre d’indemnisation (ATAS/81/2013 du 21 janvier 2013)

Selon l’art. 15 LMC, les prestations sont servies au bénéficiaire dès la fin du droit aux indemnités au sens de l’article 28 de la loi fédérale jusqu’à concurrence de 270 indemnités journalières cumulées dans le délai-cadre d’indemnisation fédérale (al. 1). Elles ne peuvent en outre dépasser le nombre des indemnités de chômage auquel le bénéficiaire peut prétendre en vertu de l’article 27 de la loi fédérale (al. 2).

Selon l’art. 16 al. 4 du règlement d’exécution de la loi en matière de chômage
(RMC), du 23 janvier 2008, en cas de divergence entre les médecins traitants et le médecin-conseil de l'office, l'avis de ce dernier prévaut.

5.        Les principes applicables en matière d’assurance privée s’appliquent à l’assurance perte de gain instaurée par la LMC (ATAS/663/2016 du 25 août 2016) ; dans ce domaine, un contrat d’assurance est nul si le risque assuré est déjà survenu avant la conclusion du contrat, conformément à l’art. 9 de la loi fédérale sur le contrat d’assurance du 2 avril 1908 (LCA – RS 221.229.1) ; un sinistre déjà survenu ne peut en principe pas être assuré (interdiction de l’assurance rétroactive). Si avant la conclusion du contrat, l’assuré a souffert d’une maladie pour laquelle, selon l’expérience médicale, il faut compter avec des rechutes (celles-ci apparaissant comme l’évolution normale de la maladie), le sinistre est déjà survenu, de sorte que les rechutes ne sont pas assurables. Le fait que les parties aient ou non connaissance de cette maladie au moment de la conclusion du contrat n’est pas déterminant (ATF 127 III 21 consid. 2b/aa).

Se fondant sur l’assurance-maladie, le Tribunal fédéral qualifie la maladie comme événement assuré. Il considère que l’apparition de nouveaux symptômes d’une maladie antérieure ou une rechute d’une maladie ne sont juridiquement pas une nouvelle maladie ou un événement assuré partiel, mais la continuation d’un événement déjà survenu au sens de l’art. 9 LCA (ATF 127 III 21 consid. 2b). Toutefois, cette jurisprudence n’est pas applicable lorsque la maladie n’a pas entraîné d’incapacité de gain jusqu’au moment de la conclusion du contrat d’assurance. Dans le cas où un sinistre partiel est déjà survenu, il est possible de s’assurer contre le risque affectant l’autre partie, si la survenance de celui-ci est aléatoire (ATF 136 III 334).

6.        La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales, le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3 ; ATF 122 V 157 consid. 1c).

7.        Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, le Tribunal fédéral a précisé que lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes suffisants quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4 ; ATF non publié 8C_923/2010 du
2 novembre 2011, consid. 5.2).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 244/05 du 3 mai 2006 consid. 2.1).

8.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ;
ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

9.        Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a, ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; ATF 122 V 157 consid. 1d).

10.    En l’occurrence, l’intimé a admis, à la suite du projet d’acceptation de rente de l’OAI du 29 novembre 2017 constatant une incapacité de travail totale du recourant depuis octobre 2015, que ce dernier avait droit aux PCM du 1er mai au 30 septembre 2015. Le recourant a déclaré accepter la proposition de l’intimé.

Il convient, dans ces conditions, de suivre la position de l’intimé, laquelle est conforme aux dispositions légales précitées concernant le droit des assurés aux PCM.

11.    Partant, le recours sera admis, la décision litigieuse annulée et il sera dit que le recourant a droit aux PCM du 1er mai au 30 septembre 2015.

Vu l’issue du litige, une indemnité de CHF 1'500.- sera allouée au recourant, à charge de l’intimé, étant constaté que le curateur du recourant est avocat (ATF 135 V 473 ; 126 V 11).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision de l’intimé du 11 janvier 2016.

4.        Dit que le recourant a droit à des prestations cantonales en cas de maladie du 1er mai au 30 septembre 2015.

5.        Alloue une indemnité de CHF 1'500.- au recourant, à charge de l’intimé.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le