Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/297/2020

ATA/988/2020 du 06.10.2020 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/297/2020-FPUBL ATA/988/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 octobre 2020

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Romain Jordan, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA DÉTENTION



EN FAIT

1) Monsieur A______, né en 1966, a été nommé gardien de prison dès le
______ 1990 par arrêté du Conseil d'État du ______ 1989. Il a ensuite été confirmé dans ses fonctions par arrêté du ______ 1991. Il a fait toute sa carrière à la prison de Champ-Dollon (ci-après : la prison) et a notamment été promu dès le ______ 2011 au grade de gardien principal.

2) Le 23 octobre 2001, le Procureur général a classé une plainte d'un détenu à l'encontre de M. A______, décision confirmée par la chambre d'accusation par ordonnance du 30 janvier 2002.

3) Dès le ______ 2013, M. A______ a été promu au grade de gardien
sous-chef au sein du quartier disciplinaire et de sécurité (ci-après : QDS) de la prison.

4) Lors de l'entretien d'évaluation et de développement du personnel (ci-après : EEDP) du 28 novembre 2013, sa hiérarchie a considéré adéquats, voire excellents, les points concernant l'environnement de travail de M. A______. Il était notamment mentionné dans cet EEDP que M. A______ avait un comportement adéquat avec les personnes incarcérées et gérait le quotidien dans les principes de l'égalité et du respect des règles en vigueur. Il était toutefois noté dans les aspects à développer d'être capable dans le cadre professionnel de prendre le recul nécessaire dans les situations conflictuelles et faire preuve d'aisance dans la médiation.

5) Le 7 décembre 2018, le directeur de la prison de Champ-Dollon a informé par courriel le personnel du QDS que le service médical viendrait quotidiennement visiter les personnes placées en cellule forte (ci-après CF) et donnait des instructions en la matière en ces termes : « le service médical viendra, dorénavant, journellement au QDS et au 4EST pour avoir un contact avec les personnes placées en cellule forte. Le personnel médical pourra avoir un contact direct avec le détenu, sous réserve d'une appréciation sécuritaire spécifique dictée par les circonstances. Dans ce cas, le contact aura lieu via le portillon. Le service médical vous contactera prochainement afin de fixer le moment le plus approprié en fonction des exigences de fonctionnement de l'unité ».

6) Par courriel du 2 janvier 2019, M. A______ s'est adressé en ces termes à Monsieur B______, son supérieur hiérarchique :

« Ce matin je reçois une demande de l'infirmier du jour afin de recevoir un médecin et une infirmière pour une tournée de tous les détenus en CF. Je refuse d'organiser cette dernière en justifiant une mise au point de cette situation. Après un téléphone avec l'infirmier responsable, C______, ce dernier me confirme que ce genre de tournée est une recommandation de la cvo, sauf erreur. Une recommandation n'a pas de force obligatoire. Dans le même temps, ces visites se feraient porte ouverte selon le comportement du détenu. Je pense que ce genre de chose discrédite totalement notre métier ; la confiance de savoir si les détenus reçoivent des prestations correctes de notre part est complètement mise de côté. Ces visites feront un appel d'air certain pour un nombre incalculable de visites au service médical, voire pour des transferts sur différents sites hospitaliers. De plus l'organisation ne peut se faire de manière ponctuelle au niveau de l'heure, car il peut arriver que des entrées et sorties se passent sur l'unité à tous moments. Le QDS est une unité bien spécifique par rapport aux autres unités de
Champ-Dollon ... mais n'est en tous cas pas une annexe de Treblinka ».

7) Le 3 janvier 2019, M. B______ a rappelé oralement à M. A______ qu'il fallait suivre les instructions données par le directeur de la prison et ne pas entraver l'accès du service médical au QDS.

8) Le 8 février 2019, alors que M. A______ était responsable du QDS, les visites par le service médical n'ont pas été effectuées. Les 9 et 10 février 2019, M. A______ a refusé l'accès au QDS au service médical.

9) Dans une note du 13 février 2019 faisant suite à un entretien avec M. A______, il est précisé que « M. A______ réitère son opposition à cette pratique et affirme clairement qu'il n'entreprendra aucune démarche afin de favoriser la venue dudit service au QDS. M. A______ estime que les détenus en cellule forte au QDS ont déjà suffisamment d'opportunités de rencontrer l'équipe médicale, c'est à cet effet qu'il a décidé de manifester son opposition. M. A______ dit être conscient du fait de ne pas respecter les ordres de sa hiérarchie au profit de ses convictions personnelles. Il affirme également être en mesure d'en assumer les conséquences ».

10) Dès le 1er avril 2019, M. A______ a été déplacé au sein de l'unité D______.

11) Lors d'un entretien de service du 11 septembre 2019, ces faits ont été rappelés à M. A______.

Au terme de cet entretien, l'employeur a notifié à M. A______ qu'il envisageait de prononcer une sanction disciplinaire fondée sur l'art. 25 al. 1 de la loi sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 3 novembre 2016 (LOPP - F 1 50).

12) Dans ses observations faisant suite à cet entretien de service, M. A______ a admis que son approche ne correspondait plus à l'évolution de la standardisation du management et qu'il aurait dû signaler son avis de façon plus appropriée.

13) Par décision du 2 décembre 2019, le directeur de la prison a notifié à M. A______ une sanction de dix services supplémentaires correspondant à quarante heures de travail.

14) Le 20 janvier 2020, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) et a conclu à l'annulation de la décision précitée.

Suite aux faits litigieux, il avait été déplacé contre son gré au quartier D______ en décembre 2019 au sein du service technique et sécurité de la prison. Il s'agissait à ses yeux d'une sanction.

Il n'avait pas eu accès à son dossier pendant dix jours, ce qui avait violé son droit d'être entendu.

Il y avait eu un abus de pouvoir d'appréciation de la part de son employeur et notamment une violation du principe de la proportionnalité. Étaient cités divers arrêts de la chambre administrative, notamment le prononcé de quatre services pour le cas d'un sous-brigadier reconnu coupable d'abus d'autorité pour avoir procédé à une palpation de sécurité sans motif suffisant, le prononcé de quatre services dans le cas d'un gendarme qui, sans avoir enclenché la sirène et sans avoir attaché sa ceinture de sécurité, circulait à une vitesse extrêmement élevée en pleine ville ayant ainsi mis en danger sa vie et celle de son collègue, de même que du prévenu dont ils avaient la garde, et le prononcé de quatre services dans le cas d'un policier qui avait porté plusieurs coups de pied à un prévenu placé sous sa protection. Les faits litigieux ayant donné lieu à la décision querellée représentaient un épisode isolé dans sa carrière de plus de trente ans. Ladite décision ne tenait dès lors pas compte de ses bons états de service.

15) La direction générale de l'office cantonal de la détention (ci-après : OCD) a conclu au rejet du recours le 5 mars 2020.

M. A______ avait progressé dans sa carrière par défaut et en raison de son ancienneté. Depuis son entrée en fonction en qualité de sous-chef, il avait rapidement fait preuve de rigidité lors de la survenance d'événements imprévus et tenu à plusieurs reprises des comportements défiant l'autorité de ses supérieurs. Cela avait nécessité l'intervention de la direction de la prison en 2015 et en 2016. Les difficultés pratiques invoquées par M. A______ pour justifier son refus d'exécuter les ordres du directeur de la prison étaient contredites par le fait qu'il était le seul à les rencontrer. M. A______ n'avait pas à être impliqué dans la prise de décision et devait se borner à la mettre en pratique. Il avait refusé d'obtempérer car cela contrevenait à la routine de travail qu'il s'était imposée et craignait d'avoir du travail supplémentaire.

L'attitude de M. A______ violait gravement l'ordre du service applicable au QDS et le droit des détenus qui, dans ce secteur, présentaient un potentiel de dangerosité élevé pour autrui et pour eux-mêmes. Dès lors, une obstruction aux soins médicaux pouvait dans ce service engendrer des problèmes dus à des décompensations psychologiques des détenus ou aggraver des pathologies déjà existantes.

De nouveaux incidents entre M. A______ et le service médical avaient également eu lieu dans la nouvelle unité d'affectation, ce qui avait nécessité un nouveau déplacement dans une unité ne comportant pas de contact avec le service médical.

Il s'agissait d'un manquement grave à ses devoirs de service, de sorte que la faute était établie. M. A______ avait indiqué à plusieurs reprises par écrit qu'il ne pouvait pas donner suite aux instructions de sa hiérarchie malgré les avertissements de ses supérieurs. Or, cette attitude constituait un manquement particulièrement grave pour un gradé chargé de responsabilités d'encadrement, plus grave encore, le fait de refuser d'exécuter un tel ordre pouvait avoir un impact sur la sécurité et la vie d'autrui. Malgré sa prise de conscience, les déclarations de M. A______ ne paraissaient pas sincères eu égard à son attitude tout au long du processus disciplinaire et à ses antécédents. Au vu de la gravité et de la faute commise, la sanction de dix services supplémentaires correspondant à dix demi-journées, soit une semaine de travail, n'était absolument pas disproportionnée.

16) Dans sa détermination du 30 mars 2020, le recourant a persisté dans son recours et dans son analyse des faits, estimant la sanction infligée largement excessive. Sa motivation n'était pas égoïste, il devait faire face à des difficultés organisationnelles, il avait présenté des excuses à sa hiérarchie et les faits litigieux devaient être mis en perspective avec ses excellents états de service et une carrière exemplaire de près de trente ans.

17) a. Lors de l'audience de comparution personnelle des parties du 6 août 2020, M. A______ a déclaré avoir reçu le procès-verbal de l'entretien de service du 11 septembre 2019, ne pas être d'accord avec certains termes, mais que cet entretien reflétait la réalité des faits. Il avait été gêné par la forme de la directive reçue en décembre 2018, soit un courriel. Pour des questions pratiques et de sécurité, il ne pouvait pas y avoir des médecins en même temps que des entrées et sorties de cellule forte et il avait souhaité définir une heure précise pour l'intervention du service médical. Il n'avait pas rappelé le service médical pour trouver une heure afin d'effectuer ces visites, car ce n'était pas lui qui était demandeur. Il aurait dû signaler ces problèmes à la direction et aujourd'hui, il s'y prendrait différemment. Il y avait un problème d'inégalité de traitement entre les détenus « punis en cellule forte » qui avaient droit à une visite médicale quotidienne et les autres détenus qui devaient écrire afin d'obtenir une telle visite. Il aurait dû être consulté par le directeur au sujet de cette nouvelle pratique. Il avait perçu comme une punition le fait d'avoir été déplacé dans une autre unité. Il avait été en arrêt maladie depuis décembre 2019 et jusqu'au 14 septembre 2020, étant par ailleurs en droit de demander sa retraite dès le 1er octobre 2020. M. A______ avait reçu un avertissement en 2015 de la part du directeur de l'époque.

b. Le représentant de la prison a expliqué que dans le quartier QDS, les personnes incarcérées étaient spécialement fragiles et qu'en l'absence de M. A______ les visites médicales avaient pu se faire de manière régulière. M. A______ avait connu par le passé des problèmes de comportement avec sa hiérarchie. Il avait tout de suite marqué son opposition de manière assez ferme aux ordres concernant les visites médicales et n'avait à aucun moment pris contact pour discuter de ces problèmes avec sa hiérarchie.

18) Le recourant ayant renoncé aux enquêtes, à l'issue de cette audience, la cause a été gardée à juger.

19. Par courrier du 16 août 2020, M. A______ a fait valoir son droit à la retraite dès le 30 novembre 2020, demande qui a été acceptée par le Conseil d'État le 31 août 2020.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de la sanction disciplinaire prononcée le 2 décembre 2019 à l'encontre du recourant par la direction de la prison.

3) La loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et ses dispositions d'application s'appliquent au personnel pénitentiaire, sous réserve des dispositions particulières de la LOPP ; art. 1 let. c LPAC, art. 6 LOPP).

Selon l'art. 7 LOPP, le personnel pénitentiaire est chargé notamment de garantir les tâches d'accompagnement et d'encadrement nécessaires aux personnes détenues dans le respect des droits fondamentaux et des principes en matière de privation de liberté, en particulier l'accompagnement à la réinsertion.

Dans le serment que les agents de détention prêtent lors de leur entrée en fonction (art. 19 LOPP), ils s'engagent à remplir avec dévouement les devoirs de la fonction à laquelle ils sont appelés et à suivre exactement les prescriptions relatives à leur office qui leur sont transmises par les supérieurs dans l'ordre hiérarchique.

L'art. 25 LOPP traite des sanctions disciplinaires soit par ordre de gravité :

a) le blâme ;

b) les services supplémentaires ;

c) la réduction du traitement pour une durée déterminée ;

d) la dégradation pour une durée déterminée ;

e) la révocation.

C'est le directeur qui est compétent pour prononcer, après validation par la direction générale, le blâme et les services supplémentaires (art. 26 LOPP).

Selon l'art. 19 al. 3 du règlement sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaire (ROPP F- 1 50 01), le personnel pénitentiaire accompagne et encadre les personnes détenues dans le respect des droits fondamentaux et des principes en matière de privation de liberté.

Selon l'art. 60 al. 2 ROPP, les agents de détention fonctionnaires qui enfreignent leurs devoirs de service soit intentionnellement soit par négligence peuvent faire l'objet, selon la gravité de la faute, des mêmes sanctions disciplinaires que celles prévues à l'art. 25 LOPP.

En l'espèce, la décision du 2 décembre 2019 portant sur une sanction disciplinaire imposant au recourant des services supplémentaires correspondant à quarante heures de travail a été prononcée par l'autorité compétente.

4) Selon l'art. 61 al. 1 let. a LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation.

Le recourant soutient que la direction de la prison de Champ-Dollon a violé les principes de l'égalité de traitement et de la proportionnalité.

Le recourant se réfère à d'autres cas qu'il considère comparables au sien où le prononcé de quatre heures de services hors tour avait été décidé par l'autorité.

Par ailleurs, le recourant considère que le fait d'avoir était transféré dans d'autres unités à deux reprises et sans tenir compte de sa volonté représentait déjà une sanction, de sorte que l'autorité intimée aurait dû renoncer au prononcé de toute sanction disciplinaire à son encontre. Le recourant juge dès lors excessive la sanction qui lui a été infligée soit dix heures de services hors tour.

5) a. Tel que rappelé par le Tribunal fédéral dans sa jurisprudence constante (ATF 8C_15/2019 du 3 août 2020), un fonctionnaire, pendant et lors de son travail, a l'obligation d'adopter un comportement qui inspire le respect et qui est digne de confiance, et sa position exige qu'il s'abstienne de tout ce qui peut porter atteinte aux intérêts de l'État. Il doit en particulier s'abstenir de tout ce qui peut porter atteinte à la confiance du public dans l'intégrité de l'administration et de ses employés et qui pourrait provoquer une baisse de confiance envers l'employeur. Il a précisé qu'il est sans importance que le comportement répréhensible ait été connu ou non du public et ait attiré l'attention.

b. Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu'elles ne sauraient être prononcées en l'absence de faute du fonctionnaire (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 1228 ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7ème éd., 2016, n. 1515 ; Jacques DUBEY/Jean Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 2249).

Alors qu'en droit pénal les éléments constitutifs de la faute doivent être expressément indiqués dans la loi, en droit disciplinaire, les agissements pouvant constituer une faute sont d'une telle diversité qu'il est impossible que la législation en donne un état exhaustif (Peter HÄNNI, Personalrecht des Bundes, 2004, n. 231 ; Gabriel BOINAY, Le droit disciplinaire de la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en Suisse romande, RJJ 1998, p. 27 n. 50). La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n'ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l'auteur (ATA/631/2017 du 6 juin 2017 consid. 4d et les arrêts cités). La faute disciplinaire peut même être commise par méconnaissance d'une règle. Cette méconnaissance doit cependant être fautive (Gabriel BOINAY, op. cit., p. 29 n. 55).

c. Selon l'art. 2 al. 1 ROPP, tous les membres du personnel pénitentiaire sont subordonnés hiérarchiquement au directeur général de l'OCD et à son suppléant, le directeur général adjoint. Ils respectent les consignes émises par les directeurs et chefs de service de la direction générale et leurs suppléants dans le cadre de leurs fonctions ou des tâches qui leur sont déléguées par le directeur général. La désobéissance, soit un comportement de défiance adopté par un collaborateur propre à ébranler le lien de confiance qui doit exister entre lui et sa hiérarchie, peut justifier la résiliation des rapports de service (ATA/1190/2019 du 30 juillet 2019 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral A-897/2012 du 13 août 2012).

d. En l'espèce, c'est sciemment que le recourant a refusé de mettre en oeuvre les instructions claires reçues par sa hiérarchie concernant les visites médicales aux détenus qui se trouvaient dans le QDS.

Cette attitude a violé gravement l'ordre de service ainsi que les droits des détenus, étant rappelé que dans ce secteur de la prison l'atteinte à la liberté personnelle est accrue et les risques de décompensation sont plus importants que dans d'autres parties de la prison. Dès lors, l'obstruction d'accès aux soins à ce secteur paraît spécialement grave. Face à cette attitude, la direction de la prison n'avait pas d'autres choix que de changer le lieu d'affectation du recourant afin d'éviter que des problèmes majeurs surviennent au QDS et afin de protéger la santé des détenus se trouvant dans ce secteur. Le déplacement du recourant constitue dès lors une mesure d'organisation interne à la prison et non une sanction.

C'est donc à juste titre que la décision litigieuse a retenu que les refus répétés d'obtempérer de la part du recourant constituent des violations graves de ses devoirs de service.

Le principe d'une sanction disciplinaire est donc acquis.

6) Le principe d'une sanction posé, reste à examiner sa quotité, le recourant se plaignant d'une violation du principe de la proportionnalité.

a. Selon la gravité de la faute, les sanctions disciplinaires suivantes peuvent être infligées au personnel de la prison : a) le blâme ; b) les services hors tour ; c) la réduction de traitement pour une durée déterminée ; d) la dégradation pour une durée déterminée ; e) la révocation.

b. L'autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_292/2011 du 9 décembre 2011 consid. 6.2). La nature et la quotité de la sanction doivent être appropriées au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés. À cet égard, l'autorité doit tenir compte en premier lieu d'éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement du service en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l'intéressé (ATA/998/2019 du 11 juin 2019 consid. 6b ; ATA/118/2016 du 9 février 2016 consid. 3a ; ATA/94/2013 du 19 février 2013 consid. 15 et la jurisprudence citée).

Traditionnellement, le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c).

c. En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation ; le pouvoir d'examen de la chambre de céans se limite à l'excès ou à l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/118/2016 précité ; ATA/589/2018 du 12 juin 2018).

En l'espèce, malgré ses nombreuses années de service, la position du recourant au sein du QDS et son expérience, il a voulu imposer son point de vue à sa hiérarchie sans se remettre en question ni avoir essayé de discuter avec ses supérieurs des modalités pratiques des nouvelles directives. Il résulte de la teneur des échanges avec sa hiérarchie que le recourant invoquait des problèmes d'organisation pour s'opposer aux visites médicales, car il trouvait le principe injuste par rapport aux autres détenus qui devaient patienter plusieurs jours avant d'avoir droit à une telle visite.

Il a par ailleurs campé sur ses positions lors de l'audience du 6 août 2020, lors de laquelle il a parlé d'inégalité de traitement entre les détenus ordinaires et ceux qui se trouvaient en cellule forte et considérait qu'il aurait dû être consulté par sa hiérarchie avant la mise en place de cette nouvelle pratique.

Il apparaît dès lors que le recourant a sciemment choisi de faire prévaloir son point de vue personnel sur les ordres de sa hiérarchie, cela sans égard au danger potentiellement créé pour les détenus et pour tout le service en cas de décompensation d'un ou plusieurs détenus.

Dans ces conditions, la sanction prononcée le 2 décembre 2019 paraît tout à fait adéquate, voire clémente, étant précisé que l'OCD a tenu compte du fait que le recourant serait prochainement à la retraite et a renoncé à prononcer une autre sanction (notamment la réduction du traitement ou la dégradation) pouvant avoir une influence sur son capital retraite.

En tous points infondé, le recours sera rejeté.

7) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 janvier 2020 par Monsieur A______ contre la décision de la prison de Champ-Dollon du 2 décembre 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt  peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat du recourant, ainsi qu'à l'office cantonal de la détention.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, MM. Verniory, Mascotto, Mme Tombesi, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :