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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3577/2018

ATA/873/2020 du 08.09.2020 sur JTAPI/640/2019 ( LCI ) , REJETE

Parties : BENOIT DUBESSET ARCHITECTE SA & MONSIEUR RAYMOND BAEZNER, BAEZNER Raymond / DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC, ERBEIA Pierre, SEILERN Amanda et Christopher, SEILERN Amanda, SARASIN Bénédicte, ALMALEH Roberto, FM PATRIMOINE IMMOBILIER SÀRL & CONSORTS, COMMUNE DE VANDOEUVRES
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3577/2018-LCI ATA/873/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 septembre 2020

3ème section

 

dans la cause

 

Monsieur Raymond BAEZNER
BENOÎT DUBESSET ARCHITECTE SA

représentés par Me Jean-Pierre Carera, avocat

contre

Monsieur Roberto ALMALEH
Madame Bénédicte SARASIN
FM PATRIMOINE IMMOBILIER SÀRL
représentés par Me François Bellanger, avocat

et

COMMUNE DE VANDOEUVRES
représentée par Me Lucien Lazzarotto, avocat

et

Monsieur Pierre ERBEIA

et

Madame Amanda SEILERN
Monsieur Christopher SEILERN
représentés par Me Pierre Banna, avocat

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 juillet 2019 (JTAPI/640/2019)


EN FAIT

1) Monsieur Raymond BAEZNER et Madame Laure PATEGAY (ci-après : les propriétaires) sont copropriétaires des parcelles nos 1'247 et 1'455 de la commune de Vandoeuvres (ci-après : la commune), situées en zone cinq et d'une surface totale de 5'658 m². Ils sont également copropriétaires d'un sixième de la parcelle n° 306, d'un tiers de la parcelle n° 936 et d'un quart de la parcelle n° 1'293 sur la même commune.

2) Sur la parcelle n° 1'247 sont actuellement érigés une villa ainsi qu'un garage. L'angle nord-est de la villa est situé environ 6,5 m de la limite forestière.

3) Le 8 décembre 2015, la société Benoît Dubesset Architecte SA (Benoît Dubesset ou la requérante) a déposé une demande d'autorisation de construire afin de bâtir sur les parcelles nos 1'247 et 1'455 un habitat groupé de très haute performance énergétique (ci-après : THPE). Le projet prévoyait la construction de trois nouveaux bâtiments ainsi que la transformation de la villa existante sur la parcelle n° 1'247.

4) Par décision DD 108'567 du 13 septembre 2018, publiée le même jour dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO), le département a délivré l'autorisation de construire sollicitée en reprenant les conditions posées par les différentes instances de préavis, notamment celui du 14 novembre 2017 de la commission d'architecture (ci-après : CA). Celui-ci était favorable avec dérogation et sous conditions. Les dérogations portaient sur les art. 11 (dépassement du gabarit), 59 (rapport des surfaces de 47,9 %) et 70 (distance entre les bâtiments) de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). La parcelle était voisine de la zone 4B protégée, potentiellement plus dense et proche du centre du village.

5) Par acte expédié par poste le 11 octobre 2018, Monsieur Pierre ERBEIA (ci-après : voisin 1) a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre l'autorisation DD 108'567. Il était lui-même propriétaire de la parcelle n° 2'325 immédiatement voisine des parcelles concernées par le projet. Il a conclu principalement à ce que le TAPI constate «  que les travaux autorisés dans la procédure n° 108'567, tant durant le chantier qu'une fois réalisés, empêcheraient, de fait, l'accès en véhicule à [s]a propriété», et cela fait, à ce que le TAPI dise que « les intimés d[evaient] assurer un accès suffisant et permanent à [s]a propriété, pendant toute la durée des travaux projetés », sous la menace des sanctions prévues par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), et ensuite que « l'autorisation de construire d[eva]it, dans ses termes, assurer un accès motorisé suffisant et permanent à [s]a propriété lors de l'exploitation des immeubles ». Ce recours a été enregistré sous numéro de procédure A/3577/2018.

6) Par acte du 15 octobre 2018, Madame Bénédicte SARASIN, Monsieur Roberto ALMALEH et FM Patrimoine Immobilier Sàrl, la première étant titulaire d'un droit d'occupation à vie sur la parcelle n° 3'077, les deux suivants étant respectivement propriétaires des parcelles nos 3'104 et 307
(ci-après : voisins 2), ont également recouru contre la DD 108'567 auprès du TAPI, en concluant principalement à son annulation. Ce recours a été enregistré sous numéro de procédure A/3611/2018.

Cette autorisation violait les art. 11 al. 1 de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10), 14 LCI, 15 de la loi sur les eaux du 5 juillet 1961 (LEaux-GE - L 2 05) et 59 al. 4 LCI.

7) Par acte du 15 octobre 2018, la commune a recouru auprès du TAPI contre l'autorisation DD 108'567 en concluant à son annulation. Ce recours a été enregistré sous numéro de procédure A/3631/2018.

Le projet allait à l'encontre de la planification communale. Le département du territoire (ci-après : le DT ou le département) n'avait pas appliqué le futur plan directeur communal (ci-après : PDCom) et avait ignoré le projet de modification de la fiche A04 qui accompagnait la première mise à jour du plan directeur cantonal 2030 (ci-après : PDCn 2030). Par ailleurs, le projet viole les art. 59 al. 4 et 11 al. 4 LCI ainsi que 11 al. 2 let. c LForêts. Il posait en outre un problème en termes de levée des déchets.

Le projet violait l'art. 3 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01) au sujet de la surface des constructions de peu d'importance (ci-après : CDPI), laquelle devait être calculée en tenant compte de la directive y relative de l'office des autorisations de construire dans sa teneur du 3 avril 2014, modifiée le 10 mars 2017 (024-v5 ; ci-après : la directive). Malgré l'absence d'une cote indiquant une bande en saillie de 1,5 m autour du bâtiment, il s'avérait que les seules terrasses du rez-de-chaussée des bâtiments A, B et D représentaient une surface de près de 205 m2. Quant aux vérandas, elles atteignaient une surface totale d'environ 60 m2. Toutes ensemble, les CDPI excédaient la limite de 100 m2 fixée par l'art. 3
al. 3 RCI.

8) Par acte du 14 novembre 2018, Madame Amanda et Monsieur Christopher SEILERN, copropriétaires de la parcelle n° 2'301, adjacente à la parcelle n° 1'247, (ci-après : voisins 3), ont sollicité leur intervention dans les procédures relatives à l'autorisation querellée.

9) Après que les autres parties se sont déterminées à ce sujet, le TAPI a admis la demande d'intervention de Mme et M. SEILERN par décision du 7 décembre 2018 (DITAI/566/2018).

Par la même décision, le TAPI a joint à la procédure A/3577/2018 les procédures A/3611/2018 et A/3631/2018.

10) Par écritures du 17 décembre 2018, le département a conclu au rejet des recours. La surface des terrasses situées au rez-de-chaussée, représentaient 178 m2 (49 m2 + 48 m2 + 33 m2 + 48 m2). Toutefois, en cas d'habitat groupé ou de villas contiguës, la limite des 100 m2 prévue pour les CDPI n'avait pas à être prise en considération, pour autant que cela ne prétérite pas l'harmonie et l'aménagement du quartier, seul le respect des 8% restant impératif. Les propriétaires pouvaient ainsi réaliser des CDPI allant jusqu'à 439 m2 compte tenu de la surface de la parcelle de 5'494 m2. Les 178 m2 de CDPI prévus n'atteignaient de loin pas la limite précitée.

11) Par une même écriture du 20 décembre 2018, les propriétaires et la requérante ont conclu au rejet des recours.

12) Les voisins ont répliqué et persisté dans leurs conclusions.

13) La commune a relevé, s'agissant de la surface des CDPI, que la réunion future des deux parcelles litigieuses aboutissait à une situation exactement inverse à celle prévue par la directive. C'était en cas de future division parcellaire que l'on pouvait anticiper un maximum de 100 m2 de CDPI par parcelle, et non lorsque des parcelles devaient être réunies. De toute manière, la surface globale de 238 m2 pour ces constructions empêchait de soutenir le raisonnement du département.

Par ailleurs, contrairement à l'opinion des autres intimés, les parcelles en cause ne disposaient pas d'une réserve de 380 m2, car celle-ci découlait de la prise en compte erronée d'une surface située en zone de protection forestière, en réalité inconstructible. Les intimés se trompaient également en prétendant pouvoir intégrer les vérandas de 60 m2 à la surface brute de plancher (ci-après : SBP) de 2'629 m2, car celle-ci passait alors à 2'689 m2 et aboutissait à un taux de densification de 48,94 %. S'agissant de la surface totale des terrasses et balcons, les intimés soutenaient qu'elle était de 76,9 m2. Le département avait cependant lui-même admis qu'elle était de 178 m2 pour ce type de surface. Enfin, une rampe d'accès à un garage souterrain pouvait être considérée selon la jurisprudence comme une CDPI, laquelle n'avait pas été comptabilisée en l'espèce.

14) Par écritures séparées du 15 mars 2019, les parties intimées ont dupliqué. Le département a produit à cette occasion de nouveaux plans établis par la requérante au sujet des surfaces des CDPI.

Le calcul des CDPI avait été repris. Il s'agissait finalement de 308 m2, soit 240 m2 pour les terrasses et 68 m2 pour le couvert à vélos.

Le département et l'architecte s'étaient toutefois entretenus, vu les divergences. Deux calculs distincts avaient alors été effectués, en considérant que les balcons reposaient sur des éléments porteurs, comme cela semblait ressortir des plans, ou qu'ils aient été prévus en porte-à-faux, ce qui impliquait de déduire une saillie de 1,5 m du calcul de la largeur des terrasses. Les CDPI s'élevaient à 234,1 m2 dans la première hypothèse et à 64,4 m2 dans la seconde. Toutefois, des calculs plus précis n'étaient pas nécessaires dès lors qu'en tous les cas la limite des 100 m2 prévue par le RCI n'avait pas à être prise en considération.

15) Par jugement du 2 juillet 2019, le TAPI a admis les recours et annulé l'autorisation de construire DD 108'567.

Les griefs de violation des art. 7 al. 1, 11 al. 4, 14 et 59 al. 4 LCI, 11
al. 2 LForêts ainsi que 15 LEaux-GE étaient rejetés.

S'agissant des CDPI, les parties avaient procédé à des calculs détaillés allant jusqu'à établir des plans spécifiques pour les besoins de la procédure.

Le TAPI s'étonnait de la position du département, qui semblait suggérer qu'il appartiendrait à la juridiction de décider si les balcons reposaient sur des éléments porteurs, « comme cela semblait ressortir des plans [visés ne varietur] », ou s'ils [étaient] au contraire prévus en porte-à-faux. Dans la première hypothèse, la surface totale des constructions de peu d'importance « pourrait être établie à 234,1 m2 », alors que dans la seconde « ce serait un total de 64,4 m2 qui devrait être pris en considération ». Une telle argumentation, qui suggérait que l'autorité responsable de la délivrance de l'autorisation n'en connaissait pas précisément l'objet, soulevait de sérieuses questions.

Dans la meilleure des hypothèses, c'est-à-dire en retenant pour les balcons et les terrasses une surface totale de 64 m2, il fallait encore ajouter, ce que le DT oubliait, les couverts à vélos, selon le plan des canalisations et aménagements extérieurs du 1er septembre 2017, de 68 m2.

À cela s'ajoutaient les vérandas d'une surface d'environ 60 m2 (6 x 10 m2), non chauffées et réalisées en matériaux légers. De jurisprudence constante de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), les vérandas, pour autant qu'elles ne doivent pas être incluses dans la SBP, étaient des CDPI au sens de l'art. 3 RCI. Dès lors, les vérandas, d'une surface totale de 60 m2, s'ajoutaient aux CDPI, dont l'ensemble représentait ainsi 192 m2 (à condition de considérer que les balcons n'étaient pas soutenus par des éléments porteurs).

Le département considérait qu'en raison des situations aberrantes auxquelles conduisait l'art. 3 al. 3 RCI suite aux évolutions suscitées par l'art. 59 al. 4 LCI, la limite des 100 m2 n'avait pas à être prise en considération, pour autant que cela ne prétérite pas l'harmonie et l'aménagement du quartier, seul le respect du taux de 8 % devant être observé de manière impérative. Toutefois, par cette argumentation, l'autorité intimée admettait l'illégalité de la pratique qu'elle disait avoir adoptée en réaction à l'art. 59 al. 4 LCI. Ce même raisonnement avait été récemment sanctionné dans un jugement du TAPI du 26 juin 2019. Le département n'expliquait pas, au demeurant, quel principe du droit administratif lui permettrait de s'affranchir de l'une des deux conditions clairement posées par un règlement cantonal en vigueur (la surface maximum de 100 m2), tout en s'avouant tout de même strictement tenu de respecter l'autre (la proportion maximum de 8%).

Par conséquent, le recours était sur ce point bien fondé et devait être admis. L'autorisation de construire litigieuse était annulée.

16) Par acte du 11 septembre 2019, Benoît Dubesset et M. BAEZNER ont interjeté recours auprès de la chambre administrative contre ce jugement.

Le calcul des CDPI tel que fait par le TAPI était erroné. Les recourants reprenaient en détail le calcul des terrasses et balcons totalisant 91 m2 (64,4 m2 de terrasses et balcons, et 26,6 m2 pour les surfaces couvertes de l'entrée). Les couverts à vélos étaient d'ores et déjà compris dans les 91 m2 et les vérandas ne devaient pas être prises en compte.

Si la chambre de céans devait retenir que les CDPI du projet excédaient les 100 m2, le projet devait bénéficier du principe d'égalité de traitement et voir l'autorisation délivrée dès lors que le département n'appliquait pas la limite de 100 m2 de l'art. 3 al. 3 RCI.

17) Tous les voisins ont conclu au rejet du recours, à l'instar de la commune.

18) Le département a conclu à l'admission du recours. Les CDPI du projet représentaient une surface supérieure à 100 m2. Toutefois, la limite des 100 m2 prévue à l'art. 3 al. 3 RCI n'avait pas à être prise en considération. Il confirmait sa pratique constante, en vigueur depuis de nombreuses années, allant dans ce sens. De nombreuses autorisations de construire avaient déjà été délivrées sur cette base.

19) Dans leur réplique, les architecte et propriétaire ont persisté dans leurs conclusions.

20) Dans le second échange d'écritures, les intimés ont repris les autres griefs à l'encontre de l'autorisation de construire, soit les violations de la LCI ainsi que de la LForêts et LEaux-GE.

21) Sur ce, les parties ont été informées, le 17 mai 2020, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la question de savoir si c'est à bon droit que le TAPI a annulé l'autorisation de construire au motif que les surfaces totales des CDPI ne respectaient pas l'art. 3 al. 3 RCI.

3) a. En cinquième zone, les CDPI ne sont pas prises en considération pour le calcul du rapport des surfaces (art. 59 al. 7 LCI).

b. À teneur de l'art. 3 al. 3 RCI, sont réputées CDPI, à la condition qu'elles ne servent ni à l'habitation, ni à l'exercice d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale, celles dont la surface n'excède pas 50 m2 et qui s'inscrivent dans un gabarit limité par :

a) une ligne verticale dont la hauteur n'excède pas 2,5 m,

b) une ligne oblique faisant avec l'horizontale partant du sommet de la ligne verticale un angle de 30°,

c) une ligne horizontale de faîtage située à 4,5 m du sol au maximum.

Dans le cadre d'un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d'habitat groupé, et afin d'améliorer l'insertion dans le site et pour autant qu'il n'en résulte pas de gêne pour le voisinage, le département peut autoriser, après consultation de la CA, des constructions de peu d'importance groupées d'une surface de plus de 50 m2 au total.

Dans tous les cas, la surface totale des CDPI ne doit pas excéder 8 % de la surface de la parcelle et au maximum 100 m2 (art. 3 al. 3 RCI).

c. Il ressort des travaux préparatoires que l'habitabilité constitue l'élément décisif pour juger qu'une construction est de peu d'importance au sens de l'art. 3
al. 3 RCI (MGC 1983 p. 437 ss).

d. Dans le cadre de l'application de l'art. 3 al. 3 RCI, la chambre de céans a déjà été amenée à préciser que les surfaces déterminantes étaient celles de l'emprise au sol d'une construction (ATA/1000/2018 du 25 septembre 2018 ; ATA/1345/2015 du 15 décembre 2015 confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_55/2016 du 3 mars 2016).

e. À la différence de l'habitat en ordre contigu, l'habitat groupé n'impose pas d'entrée de plain-pied pour chaque logement (ATA/1274/2017 du 12 septembre 2017 consid. 6d et les références citées).

4) En l'espèce, le projet concerne un habitat groupé de THPE.

La surface des CDPI a été estimée dans un premier temps à 178 m2. Suite à un nouveau calcul, elle a été détaillée par le DT devant le TAPI à 308 m2. Ce second calcul est intervenu après le préavis de la CA. Suite à une réunion entre l'architecte et le DT, deux calculs ont été soumis au TAPI, avec pour résultats, respectivement 234,1 m2 ou 64,4 m2. La différence découle, selon les termes du département, de la question de savoir si « les balcons repos[ent] sur des éléments porteurs, comme cela semblait ressortir des plans, ou qu'ils soient, au contraire, prévus en porte-à-faux. Dans la seconde hypothèse, il est déduit une saillie de 1,5 m du calcul de la largeur des terrasses ». Or, la notion d'élément porteur ne ressort pas de la directive. Selon les croquis (5 et 6èmes, p. 4 de la directive), seul un balcon, qui ne reposerait pas sur un pilier, peut bénéficier d'une diminution de la surface considérée.

Par ailleurs, dans les plans produits, outre la question de la saillie, 45 m2 ne sont plus comptés pour le couvert à vélos et motos du bâtiment C. Or trois poteaux sont prévus. Le dossier ne contient toutefois pas les éléments qui permettent de vérifier quel type de couvert est prévu et quel croquis doit être appliqué pour le calcul de la CDPI (notamment pages 3 et 5 de la directive).

Pour le surplus, les arguments des recourants ne résistent pas à l'examen. Aucun décompte détaillé des CDPI n'est fourni en annexe à la demande d'autorisation. À juste titre, le TAPI a tenu compte des abris pour les vélos. Il ressort en effet du plan des canalisations que plusieurs abris sont prévus, en lien avec chacun des quatre bâtiments répartis sur la parcelle. Si le premier à l'entrée de la propriété mentionne une surface totale de 46 m2 et reprend en cela le plan relatif à l'installation Eco-point, la surface de quatre autres abris vélos prévus respectivement pour cinq, six et onze places n'est pas mentionnée. De surcroît, aucun plan n'indique quel type de structure est prévu qui permettrait de la comparer à la directive du département sur les CDPI.

De ce seul fait, les 100 m2 sont dépassés. En effet, dans leur recours, les recourants admettent 64,6 m2 de terrasses et balcons. Le seul ajout de 46 m2 auxquels doivent s'additionner les cinq autres abris à vélos impose le rejet du recours sans qu'il ne soit nécessaire d'analyser plus avant le statut des vérandas ou des terrasses, étant rappelé que le département retient une surface de 231,1 m2 dans l'hypothèse 1 applicable en l'espèce comme précédemment mentionné.

5) Les recourants invoquent une violation du principe de l'égalité de traitement compte tenu de la pratique du DT.

Selon la jurisprudence, un justiciable ne saurait en principe se prétendre victime d'une inégalité de traitement au sens de l'art. 8 Cst. lorsque la loi est correctement appliquée à son cas, alors même que dans d'autres cas, elle aurait reçu une fausse application ou n'aurait pas été appliquée du tout. Cependant, cela présuppose de la part de l'autorité dont la décision est attaquée la volonté d'appliquer correctement, à l'avenir, les dispositions légales en question et de les faire appliquer par les services qui lui sont subordonnés. En revanche, si l'autorité persiste à maintenir une pratique reconnue illégale ou s'il y a de sérieuses raisons de penser qu'elle va persister dans celle-ci, le citoyen peut demander que la faveur accordée illégalement à des tiers le soit aussi à lui-même, cette faveur prenant fin lorsque l'autorité modifie sa pratique illégale. Encore faut-il que l'autorité n'ait pas respecté la loi selon une pratique constante, et non pas dans un ou quelques cas isolés, et qu'il n'existe pas un intérêt public prépondérant au respect de la légalité qui conduise à donner la préférence à celle-ci au détriment de l'égalité de traitement, ni d'ailleurs qu'aucun intérêt privé de tiers prépondérant ne s'y oppose (ATF 139 II 49 consid. 7.1 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, 2013, vol. 2, 3ème éd., p. 500
s. n. 1074 ss).

En l'espèce, à teneur de l'art. 3 al. 3 RCI, seule une CDPI de 50 m2 est autorisable, à certaines conditions.

À titre dérogatoire exclusivement, cette surface peut être de plus de 50 m2 au total, mais au maximum de 100 m2. Plusieurs conditions sont posées à cette éventuelle dérogation que peut accorder le DT, à savoir se trouver dans le cadre d'un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d'habitat groupé, que la finalité en soit d'améliorer l'insertion dans le site, qu'il n'en résulte pas de gêne pour le voisinage et que la CA ait été consultée.

Le législateur n'est toutefois pas intervenu sur la question des CDPI en même temps qu'il procédait à la modification de l'art. 59 al. 4 LCI, autorisant la densification de la cinquième zone. De même, le Conseil d'État n'a pas modifié la disposition règlementaire concernée. Aucune modification du RCI en lien avec les CDPI n'est actuellement en cours.

En conséquence, l'intérêt public dans le respect de la séparation des pouvoirs et du principe de la légalité prime (ATA/805/2020 du 25 août 2020).

Par ailleurs, l'administration ne bénéficie d'aucun pouvoir d'appréciation s'agissant de la superficie, la limite de 100 m2 étant absolue et fixée par le RCI.

De surcroît, d'après la jurisprudence, afin d'assurer l'application uniforme de certaines dispositions légales, l'administration peut expliciter l'interprétation qu'elle leur donne dans des directives. Celles-ci n'ont pas force de loi et ne lient ni les administrés, ni les tribunaux, ni même l'administration. Elles ne dispensent pas cette dernière de se prononcer à la lumière des circonstances du cas d'espèce (ATF 145 II 2 consid. 4.3). Elles ne peuvent sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elles sont censées concrétiser. En d'autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 141 II 338 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_522/2012 du 28 décembre 2012 consid. 2.3 ; ATA/829/2019 du 25 avril 2019 consid. 6a). Le juge doit en tenir compte dans la mesure où elles permettent une application correcte des dispositions légales dans un cas d'espèce (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n° 335).

Enfin, le législateur a tenu compte des spécificités liées à l'habitat groupé et aux projets de construction en ordre contigu pour lesquels une dérogation jusqu'à 100 m2 est envisagée, contrairement aux constructions individuelles pour laquelle la surface des CDPI est limitée à 50 m2.

En conséquence, la pratique du DT est illégale. En l'état de la législation, il appartiendra au DT d'en changer, l'intérêt public au respect de la légalité étant, en tous les cas, prépondérant.

En tous points infondés, le recours sera rejeté.

6) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants, solidairement (art. 87 al. 2 LPA).

Une indemnité de procédure de CHF 800.- sera allouée à M. ERBEIA, de CHF 800.- à Mme et M. SEILERN, solidairement, et de CHF 800.- à Mme SARRASIN, M. ALMALEH et FM Patrimoine SA, solidairement. Une indemnité de procédure de CHF 800.- sera allouée à la commune intimée conformément à la jurisprudence constante de la chambre administrative, pour une commune de moins de 10'000 habitants qui a dû recourir à un mandataire (ATA/806/2020 du 25 août 2020 ; ATA/588/2017 du 23 mai 2017 et les références citées). Elles seront mises à la charge des recourants, solidairement.

 

* * * * *

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 septembre 2019 par Monsieur Raymond BAEZNER et Benoît Dubesset Architecte SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 juillet 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur Raymond BAEZNER et de Benoît Dubesset Architecte SA, solidairement ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 800.- à Monsieur Pierre ERBEIA, de CHF 800.- à Madame Amanda et Monsieur Christopher SEILERN, pris solidairement, de CHF 800.- à Monsieur Roberto ALMALEH, Madame Bénédicte SARASIN et FM PATRIMOINE IMMOBILIER Sàrl, pris solidairement, de CHF 800.- à la commune de Vandoeuvres ;

dit que les indemnités de procédure sont à la charge de Monsieur Raymond BAEZNER et de Benoît Dubesset Architecte SA, pris solidairement ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Pierre Carera, avocat des recourants, à Me François Bellanger, avocat de Monsieur Roberto ALMALEH, Madame Bénédicte SARASIN et FM PATRIMOINE IMMOBILIER Sàrl, à Me Lucien Lazzarotto, avocat de la commune de Vandoeuvres, à Me Pierre Banna, avocat de Madame Amanda et Monsieur Christopher SEILERN, à Monsieur Pierre ERBEIA, au département du territoire - OAC ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :