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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4263/2005

ATA/857/2005 du 15.12.2005 ( DETEN ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4263/2005-DETEN ATA/857/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 15 décembre 2005

2ème section

dans la cause

 

Monsieur B __________
représenté par Me Patricia Boillat, avocate

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS DE POLICE DES éTRANGERS

et

OFFICIER DE POLICE


 


1. Monsieur B __________, né le _________ 1978, originaire de Géorgie, a demandé l'asile en Suisse le 13 octobre 2004, sous le nom de B __________, né le _________ 1977.

Cette demande a été rejetée par l'office fédéral des réfugiés (ODR) le 27 octobre 2004, un délai au 5 janvier 2005 étant imparti à l'intéressé pour quitter le territoire suisse.

Par décision du 14 janvier 2005, la commission suisse de recours en matière d'asile a déclaré irrecevable le recours déposé le 26 novembre 2004 par M. B __________ à l'encontre de la décision précitée.

Le 24 janvier 2005, l'office fédéral des migrations (ODM) a imparti à M. B __________ un nouveau délai de départ au 11 mars 2005, tout en lui rappelant l'obligation qui lui était faite d'effectuer les démarches nécessaires à l'obtention des documents de voyage permettant son départ de Suisse.

2. Le 21 décembre 2004, M. B __________ a fait l'objet d'une ordonnance de condamnation du procureur général. Reconnu coupable de vol au sens de l'article 139 chiffre 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.O), M. B __________ a été condamné à la peine de 10 jours d'emprisonnement, sursis deux ans.

3. Le 26 janvier 2005, l'office cantonal de la population (OCP) a convoqué M. B __________ pour un entretien fixé au 4 février 2005. M. B __________ ne s'est pas présenté, ni personne pour lui.

Le 7 mars 2005, l'OCP a présenté à l'ODR une demande de soutien à exécution du renvoi et, parallèlement, a convoqué M. B __________ pour un nouvel entretien fixé au 14 mars 2005.

Par courrier du 11 mars 2005, l'ODM a prié l'OCP de convoquer M B__________ pour une entretien avec la section consulaire de l'ambassade de Géorgie, démarche souhaitée par cette autorité pour chaque ressortissant géorgien démuni de document d'identité et tenu de quitter la Suisse.

Le 28 juin 2005, M. B __________ a été auditionné avec un représentant des autorités géorgiennes dans les locaux de l'ODM. A cette occasion, l'intéressé a admis que sa véritable identité était celle de B __________. A la suite de cette audition, une demande de laissez-passer a été remise à l'ambassade de Géorgie.

 

4. Le 11 mars 2005, M. B __________ a été interpellé par la police judiciaire alors qu'il se rendait dans un logement sis 9, __________à Thônex/Genève. Selon sa déclaration à la police, M. B __________ a déclaré s'être rendu dans cette habitation pour y amener ses propres affaires, qu'il avait l'intention de renvoyer en Russie par la suite. Inculpé de recel, M. B __________ a été incarcéré à la prison de Champ Dollon, où il est resté jusqu'au 6 septembre 2005. A cette date, relaxé par le juge d'instruction, il a été remis sur le trottoir, son refoulement étant provisoirement impossible.

5. Le 7 septembre 2005, M. B __________ a eu un entretien à la police judiciaire. Il avait bien compris les différentes mesures administratives visées ci-dessus, mais il n'envisageait pas de partir parce qu'il était malade dans sa tête et qu'il prenait de la méthadone. Il fallait qu'il se soigne. Il était conscient que des mesures de contraintes pourraient être prises à son encontre.

6. Le 1er novembre 2005, l'ODM a adressé à « SwissRepat Genève » un laissez-passer 479 valable au 28 novembre 2005 pour M. B __________. Aucune réservation de vol n'avait été faite.

7. Le 8 novembre 2005, l'OCP a requis le chef de la police d'exécuter le renvoi de M. B __________ à destination de Tbilissi. Un vol a été réservé pour le 22 novembre 2005 à 14h.55.

8. M. B __________ s'est opposé physiquement à son refoulement. Alors qu'il était dans l'avion, il s'est taillé les veines avec une lame de rasoir qu'il avait prise en partant du foyer où il résidait.

Le jour même, à 17h.50, M. B __________ a été interrogé par l'officier de police. Il n'avait pas de mandataire et il désirait avoir un avocat. Il souhaitait que son psychiatre, le Dr Ella Hadjas-Sozonets, soit avisée. Il ne voulait pas que son consulat soit informé et il insistait, car il n’entendait avoir aucun contact avec les autorités géorgiennes. Il avait deux certificats médicaux de psychiatre et devait subir un traitement de trois mois environ en Suisse. Il refusait de partir, car il avait peur de l'avion, raison pour laquelle il avait pris au foyer une lame de rasoir qu'il avait mise dans sa bouche. Dans l'avion, il s'était taillé les veines avec cette lame.

9. Le 22 novembre 2005 à 17h.55, M. B __________ a fait l'objet d'un ordre de mise en détention administrative pour une durée de trois mois.

10. Le 24 novembre 2005 à 16 heures, M. B __________ a été entendu par la commission cantonale de recours de police des étrangers (CCRPE). Il a déclaré qu'il souhaitait quitter la Suisse par ses propres moyens. Il risquait sa vie en devant retourner en Géorgie.

L'OCP a demandé la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative.

Statuant le 24 novembre 2005, la CCRPE a confirmé l'ordre de mise en détention pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 22 février 2006.

11. M. B __________ a saisi le Tribunal administratif d'un recours contre la décision précitée par acte non daté, mis à la poste le 5 décembre 2005 et reçu utilement au greffe du Tribunal administratif le 7 décembre 2005.

D'emblée, le recourant a précisé qu'il n'avait pas tenté de tromper les autorités en se faisant passer pour quelqu'un d'autre. Il s'appelait bien B __________, B __________ étant le nom de son père. Son prénom était A__________ Sa date de naissance était celle du _________ 1977 et non pas le 3 août 1978. Malheureusement, il n'avait aucun document pour prouver ses allégations.

Converti à la religion orthodoxe, il avait été renié par sa famille, de confession musulmane, et un co-sanguin avait même tenté de le tuer à l'aide d'un couteau. A compter de novembre 2003, il avait été torturé par les forces de police, le nouveau gouvernement accusant l'ancien de tous les maux et pourchassant les fonctionnaires - dont lui-même - de l'ancien gouvernement. Il avait réussi à s'enfuir en Russie, où il s'était installé pendant quelques mois et, son refuge découvert, il avait été contraint de fuir à nouveau. Il était parti pour l'Europe et c'est dans ces conditions qu'il avait déposé une demande d'asile en Suisse. S'agissant de son expulsion de Suisse, il avait été amené de force à l'aéroport le 22 novembre 2005, sans avoir été averti de son prochain refoulement. Souffrant de problèmes psychiques graves et d'un syndrome de stress post-traumatique dus aux mauvais traitements subis en Géorgie, il avait alors tenté de se suicider en se tailladant les veines. Il souffrait d'une hépatite C chronique active. Il était dépendant aux drogues, notamment à l'héroïne, et il était sous méthadone. Un suivi médical et psychologique était absolument nécessaire. Il appréhendait de retourner en Géorgie, où il craignait pour sa vie, voire d'être fait prisonnier politique à vie. La situation politique et le délabrement de son pays natal étaient tels que le prononcé de son renvoi en Géorgie correspondrait à sa mise à mort, rapide ou lente, mais à une mort certaine.

Il conclut à l'annulation de la décision attaquée, l'ordre de mise en détention n'étant pas justifié au regard de l'article 13 b alinéa 1 lettre c de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers du 26 mars 1931 (LSEE - RS 142.20). L'exécution du renvoi était incompatible avec l'article 14a LSEE, car elle le mettait dans une situation de détresse personnelle grave au sens de l'article 44 alinéa 3 de la loi fédérale sur l'asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31). Enfin, la décision attaquée était contraire aux articles 2 et 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Le tribunal devait ordonner sa remise en liberté et, subsidiairement, ordonner une expertise psychiatrique qui attestera des tortures dont il avait été victime.

A son recours, M. B __________ a joint différents documents, dont trois rapports médicaux. Le premier daté du 8 novembre 2005 émane du Dr Hadjas-Sozonets et est destiné à l'ODM. M. B __________ consulte régulièrement depuis septembre 2005. Il présente une décompensation neuro-psychologique sévère avec idéation suicidaire. Un traitement est nécessaire et ne doit pas être interrompu. Un certificat plus complet sera acheminé à l'ODM dans un délai de trois mois environ.

Le 2 décembre 2005, le Dr Hadjas-Sozonets a rempli un rapport médical sur formulaire ODM. Elle a explicité les diagnostics susmentionnés. A la question de savoir quelles étaient les possibilités de traitement dans le pays d'origine, elle a répondu par : "exclues". A la question de savoir "d'un point de vue médical, qu'est-ce qui irait à l'encontre d'un traitement médical dans le pays d'origine", le praticien a répondu comme suit : "des traumatismes psychiques connus dans le pays d'origine sont des facteurs qui ont provoqués des maladies. Le retour "à la source" va provoquer une décompensation grave d'état psychique".

Le 1er décembre 2005, le Dr Tatiana Daneva-Tréand a établi un certificat médical certifiant que M. B __________ souffre d'un état dépressif majeur s'inscrivant dans un contexte de stress post-traumatique probablement dû à des mauvais traitements dans son pays d'origine. Par ailleurs, il présente des problèmes de santé multiples sévères actuellement en cours d'investigation et de traitement, notamment hépatite C chronique active et toxicomanie traitée à la méthadone. Pour ces raisons, sur le plan médical, M. B __________ ne devrait pas être extradé vers son pays d'origine, tant que ses problèmes de santé somatiques et psychiques ne puissent être réglés.

Le recourant a également produit un document émanant de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés, traitant de la modalité de prise en charge de l'hépatite C et le traitement des toxicomanes en Géorgie, duquel il résulte que les frais de traitement de l’hépatite C sont très élevés et que de ce fait, ce traitement n’est pas accessible pour la plupart des patients. En cas de détention, des rapports font régulièrement état de décès suite aux maladies et à l'absence de soins dans les prisons géorgiennes.

Il a encore produit un rapport d'Amnesty international consacré à la Géorgie, "Torture et mauvais traitements deux ans après la "révolution de la rose"", ainsi qu'un extrait du rapport 2005 d'Amnesty international consacré à la Géorgie, faisant état de cas de torture et de mauvais traitement de suspects en garde à vue et en détention provisoire et de méthodes excessivement brutales de la police et des surveillants de prison.

12. Le 8 décembre 2005, la CCRPE a déposé son dossier.

13. Le 12 décembre 2005, l'officier de police a conclu au rejet du recours. Il existait un faisceau d'indices sérieux et concrets permettant de conclure que le recourant entendait se soustraire à son refoulement. D'une part, il n'avait pas révélé sa véritable identité aux autorités suisses. D'autre part, il n'avait jamais collaboré à l'organisation de son départ. Enfin, il n'était pas parti de son plein gré entre le jour de sa libération le 6 septembre 2005 et le vol organisé pour Tbilissi le 22 novembre 2005. Il s'était opposé physiquement à son renvoi prévu le 22 novembre 2005 et il avait confirmé son intention de ne pas vouloir quitter la Suisse pour divers motifs. C'est en vain que le recourant invoquait les articles 14a et 14b LSEE, ces dispositions n'ayant pas pour objet de lever ou maintenir une détention administrative. La question de l'admission en Suisse du recourant pour les motifs invoqués avait déjà été examinée par l'ODR dans sa décision de rejet d'asile du 27 octobre 2004. Aucun des motifs énumérés à l'article 13c LSEE n'était réalisé permettant de lever la détention administrative. La détention était justifiée en application de l'article 13b alinéa 1 lettre c LSEE et le renvoi du recourant était juridiquement et matériellement possible.

1. En application de l'article 63 alinéa 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), le délai de recours est de dix jours.

Lorsque le dernier jour du délai tombe un samedi, un dimanche ou un jour légalement férié, le délai expire le premier jour utile (art. 17 al. 3 LPA).

En l'espèce, la décision querellée date du 24 novembre 2005. Le délai de dix jours est venu à échéance le dimanche 4 décembre 2005 et reporté utilement au lundi 5 décembre 2005.

Ainsi, le recours a été déposé en temps utile [art. 7 al. 5 et art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers du 16 juin 1988 (LALSEE - F 2 10)].

2. En application de l'article 10 alinéa 2 LALSEE, le Tribunal administratif statue dans les dix jours qui suivent sa saisine.

Le recours a été réceptionné le 7 décembre 2005. Le délai de dix jours a commencé à courir dès le lendemain et son échéance intervient le samedi 17 décembre 2005. En statuant le 15 décembre 2005, le tribunal de céans respecte le délai précité.

3. Selon l'article 13b alinéa 1 lettre c LSEE, si une décision de renvoi ou d'expulsion de première instance a été notifiée, l'autorité compétente peut, aux fins d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée lorsque des indices concrets font craindre qu'elle entend se soustraire au refoulement, notamment si son comportement jusqu'alors amène à conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (ATA/176/2005 du 5 avril 2005 et les références citées).

4. En l'espèce, M. B __________ a fait l'objet d'une décision de renvoi en force et un délai de départ au 11 mars 2005 lui a été signifiée.

Il ressort du dossier que le recourant s'est opposé physiquement à son refoulement le 22 novembre 2005. Les déclarations qu'il a tenues devant la CCRPE, selon lesquelles il souhaitait quitter la Suisse par ses propres moyens, doivent être appréhendées avec retenue. En effet, sachant qu'il était sous le coup d'une décision de renvoi définitive et que le délai de départ était largement expiré, le recourant, bien que libre de ses mouvements depuis le 6 septembre 2005, n'a pas quitté le territoire suisse alors qu'il en avait physiquement la possibilité.

A cela s'ajoute que le recourant a, à deux reprises, occupé les autorités judiciaires genevoises. Le 21 décembre 2004, il a fait l'objet d'une condamnation, reconnu coupable de vol. Le 11 mars 2005, il a été inculpé de recel et placé en détention jusqu'au 6 septembre 2005.

Les conditions d'application de l'article 13b alinéa 1 lettre c LSEE sont a priori remplies.

5. Selon l'article 13c alinéa 5 lettre a LSEE, la détention est levée lorsque l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles.

L'article 14a alinéa 1 LSEE précise que si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée, l'office fédéral des réfugiés décide d'admettre provisoirement l'étranger. Les alinéas 2 à 4 de cette disposition légale énumèrent tous les empêchements à l’exécution du renvoi, sans distinction ni exception. En particulier, selon l’alinéa 4, l’exécution du renvoi ne peut pas être raisonnablement exigée si elle implique une mise en danger concrète de l’étranger.

Il résulte d’une décision du 9 janvier 2003 du département fédéral de justice et police que l’article 14a alinéa 4 LSEE vise non seulement des personnes qui sans être individuellement victimes de persécution tentent d’échapper aux conséquences des guerres civiles, de tensions, de répressions ou à d’autres atteintes graves et généralisées aux droits de l’homme, mais aussi les personnes pour lesquelles un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu’elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin (JAAC 67 (2003) n° 63).

Philip GRANT précise que l’exigibilité du renvoi peut, à titre exceptionnel, être niée en raison de l’état physique ou psychique du recourant (Les mesures de contraintes en droit des étrangers, mise à jour et rapport complémentaire de l’organisation suisse d’aide aux réfugiés, Berne, 7 septembre 2001, p. 23). Cet auteur se réfère à cet égard à un arrêt du 2 mai 1997 de la Cour Européenne des droits de l’homme dans lequel la Cour a rappelé que les Etats contractant, lorsqu’ils exercent leur droit à expulser des étrangers, doivent tenir compte de l’article 3 CEDH qui consacre l’une des valeurs fondamentales d’une société démocratique. En l’espèce, le requérant atteint du Sida était parvenu à un stade critique de sa maladie fatale et la Cour a jugé que la mise à exécution de la décision de l’expulser constituerait, de la part de l’Etat défendeur (Grande-Bretagne, ndr.) un traitement inhumain contraire à l’article 3 CEDH (ACEDH D. c. Royaume-Uni, Rec 1997 - III).

S’appuyant sur cette décision, le Tribunal fédéral a jugé qu’un mauvais état de santé pouvait, dans des cas extraordinaires, conduire à renoncer à l’exécution du renvoi (ATF II A.313/1997 du 29 août 1997).

La commission suisse de recours en matière d’asile a également jugé que l’exécution du renvoi des personnes en traitement médical en Suisse ne devenait inexigible qu’à partir du moment où, en raison de l’absence de possibilités de traitement médical dans leur pays d’origine ou de destination, leur état de santé se dégraderait très rapidement au point de conduire, d’une manière certaine, à la mise en danger concrète de leur vie ou à une atteinte sérieuse, durable et notablement plus grave de leur intégrité physique (G. ZÜRCHER, Wegweisung und Fremdenpolizeirecht : die verfahrensmässige Behandlung von medizinischen Härtefällen, in : Schweizerisches Institut für Verwaltungskurse, Ausgewählte Fragen des Asylrechts, Lucerne 1992). En revanche, l’article 14a alinéa 4 LSEE, disposition exceptionnelle qu’il convient d’interpréter restrictivement, ne saurait servir à faire échec à une décision d’exécution du renvoi au simple motif que l’infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical prévalant en Suisse correspondent à un standard élevé non accessible dans le pays d’origine ou le pays tiers de résidence de la personne concernée (JICRA 1993 n° 38 p. 274 ss). Dans ce cas, il s’agissait d’un enfant roumain, souffrant de graves troubles de la vue et d’un handicap mental modéré à sévère ainsi que d’un type d’épilepsie particulier et grave qui n’avait jamais pu être soigné efficacement dans son pays d’origine. La commission a également jugé qu’il existait un risque sérieux de mise en danger de la santé de l’enfant et que l’exécution du renvoi n’était raisonnablement pas exigible. A cette occasion, la commission a retenu que les mauvais traitements dans les pays d’origine ou de dernière résidence de l’intéressé, au sens de l’article 3 CEDH, entraient dans la notion de persécution au sens large. Analysant le cas qui lui était soumis, la commission a jugé que les cas de maladies graves devaient également être considérés comme tels au regard de la jurisprudence de la Cour Européenne des droits de l’homme et, plus particulièrement, de l’arrêt du 2 mai 1997 cité supra.

Enfin, l’examen de l’exigibilité de l’exécution du renvoi dépend avant tout de la situation concrète de la personne concernée dans son pays d’origine ou de provenance, et en particulier, des possibilités d’accès aux soins médicaux (JAAC 68 (2004) n° 116, décision de la commission suisse de recours en matière d’asile du 13 janvier 2004  ; JAAC 68 (2004) n° 115, décision de la commission suisse de recours en matière d’asile du 24 octobre 2003).

6. En l’espèce, se pose la question de l’adéquation du maintien en détention administrative du recourant.

Il est établi que ce dernier souffre d’un état dépressif majeur, d’une part, de problèmes de santé multiples et sévères au nombre desquels une hépatite C chronique active et toxicomanie traitée à la méthadone, d’autre part. Il est suivi par un médecin psychiatre et un spécialiste FMH en endocrinologie depuis le mois de septembre 2005, soit depuis qu’il est libre de ses mouvements. Dans son certificat du 9 novembre 2005, le médecin psychiatre a annoncé à l’ODM qu’un certificat médical plus complet serait établi dans un laps de temps de trois mois environ. Invité à préciser immédiatement son rapport par l’ODM, le médecin a précisé que le traitement était en cours depuis le 21 septembre 2005, sous forme de psychothérapie, d’une part, et de médicaments anti-dépresseurs et méthadone, d’autre part. A cette occasion, le médecin a précisé qu’il n’y avait aucune possibilité de traitement dans le pays d’origine et que d’un point de vue médical, le retour à la source provoquerait une décompensation grave de l’état psychique.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal administratif admettra que le recourant souffre de maladies graves qui se sont déclarées postérieurement aux décisions prises dans le cadre de la procédure d’asile et que les possibilités d’accès aux soins médicaux en Georgie sont minimes, voire inexistantes et cela à plus forte raison si le recourant venait à être détenu dans ce pays. Ces éléments conduisent à considérer que l’exécution du refoulement n’est raisonnablement pas exigible.

7. Le recourant a démontré l’existence d’un risque personnel, concret et sérieux d’être soumis à un traitement inhumain au sens de l’article 3 CEDH. Dès lors, la mise à exécution du renvoi du recourant emporterait violation de l’article 3 CEDH.

Dans ces circonstances, l’adéquation de la décision litigieuse ne peut être admise, le maintien en détention ne pouvant - en l’état - conduire à une expulsion.

8. Le recours sera donc admis et la décision querellée annulée de même que celle de l’officier de police du 22 novembre 2005. Une indemnité de procédure de CHF 1’500.- sera allouée au recourant à charge de l’Etat de Genève. Un émolument de procédure de CHF 500.- sera mis à la charge de l’officier de police.

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 décembre 2005 par Monsieur B __________ contre la décision de la commission cantonale de recours de police des étrangers du 24 novembre 2005 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision de la commission cantonale de recours de police des étrangers du 24 novembre 2005, ainsi que celle de l'officier de police du 22 novembre 2005 ;

ordonne la levée de la détention administrative avec effet immédiat ;

met à la charge de l'officier de police un émolument de CHF 500.- ;

alloue à Monsieur B __________ une indemnité de procédure en CHF 1'500.-, à charge de l'Etat de Genève ;

dit que, conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14 ; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Patricia Boillat, avocate du recourant, à la commission cantonale de recours de police des étrangers, à l'officier de police, à l'office cantonal de la population, ainsi qu'à l'office fédéral des migrations.


Siégeants : Mme Bovy, présidente, MM. Paychère, Thélin, juges

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

la présidente :

 

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :