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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3572/2021

ATA/774/2022 du 09.08.2022 ( DIV ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3572/2021-DIV ATA/774/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 août 2022

 

dans la cause

 

LE COMITÉ A______
représenté par Me Betsalel Assouline, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA CULTURE ET DU SPORT
représenté par Me Swan Monbaron, avocat



EN FAIT

1) Le Comité A______ (ci-après : le Comité ou A______) est une association sans but lucratif, fondée en janvier 2019, dont le siège est à Cointrin et dont le but est la sauvegarde et le développement des langues menacées, en toute impartialité et sans aucune discrimination.

Le A______ est régi par ses statuts adoptés à Genève le 7 janvier 2019 lors de son assemblée constitutive et subsidiairement par les art. 60 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210).

Le siège du A______ se trouvait à la date de sa fondation dans le canton de Genève à l'adresse c/o B______ SA, avenue C_____, Genève.

2) Le 14 septembre 2020, le A______ a complété le formulaire intitulé « Mesures de soutien selon l'ordonnance Covid dans le secteur de la culture, Indemnisation des pertes financières pour les entreprises culturelles » destiné à l'office cantonal de la culture et du sport (ci-après : OCCS).

Il a indiqué être actif dans le secteur de la littérature, précisant qu'il avait pour objectif de sauvegarder des langues autochtones en voie de disparition. Certaines de ces langues n'avaient encore jamais été écrites. D'autres l'avaient été, et possédaient une littérature, mais le plus souvent celles-ci n'avaient encore jamais été traduites dans les « grandes » langues du monde (anglais, français, espagnol, etc.). L'une des principales manières d'arrêter le déclin des langues en danger consistait à encourager la création d'ouvrages littéraires en ces langues, puis d'assurer leur traduction et leur publication dans les principales langues du monde. Le A______ comptait envoyer des équipes de linguistes au sein des peuples autochtones à langues en danger pour encourager leurs auteurs à créer des œuvres littéraires, et à assurer la traduction à partir de ces langues.

Il a également indiqué ne pas avoir entrepris de mesures pour couvrir les dommages (réduction de l'horaire de travail des employés, aide d'urgence Covid-Culture, assurance privée, autres indemnités).

Concernant les manifestations/projets annulés ou reportés ou concernant la fermeture de l'entreprise culturelle, le A______ a précisé que le projet consistait à implanter une équipe de linguistes en Palestine pour lancer et mener à bien le ravivement de l'araméen, une langue de l'antiquité dont une dizaine de dialectes se parlaient encore au Croissant fertile, notamment en Palestine. Le projet aurait été lancé au printemps 2020. À cause du confinement et de l'interdiction de vols internationaux, le projet avait été reporté. Les vols vers la Palestine n'avaient pas encore repris au moment du dépôt de la demande.

Le A______ avait été fermé dès le 14 mars 2020. Le projet redémarrerait une fois que les vols vers la Palestine seraient rétablis. Israël (par lequel passait le voyage) venait d'entrer à nouveau en un second confinement de l'entier du pays.

Compte tenu de l'impossibilité de recevoir du public durant le confinement, de l'interdiction de voyager entre le A______ et l'association subsidiaire présente en France, du report des voyages prévus par avion de Genève vers la Palestine au sein des locuteurs de l'araméen, et de l'annulation de dons qui étaient prévus pour lui permettre de lancer au printemps 2020 le projet, le Comité avait subi une perte totale de recettes. Il était en outre très en retard avec le paiement du loyer de l'appartement personnel de leur président résident à Ornex, Pays de Gex, en France.

Le montant global estimé des pertes financières non couvertes s'élevait à CHF 56'500.-.

Dans la rubrique « Remarques », le A______ a expliqué qu'en 2019, il n'avait eu aucun revenu. Ses pertes en 2020 étaient réelles à cause des confinements en Suisse, en France et en Palestine. Pour le moment, ses activités étaient financées par les revenus personnels de son président. Le Comité avait perdu plus de la moitié de l'année sur ses projets et « des revenus consistant en une promesse de dons ».

Dans la « Fiche de calcul du dommage et de l'indemnisation - entreprise culturelle », le A______ a indiqué un total de CHF 6'500.- pour le loyer pour la période entre avant mars et octobre 2020. Au titre de revenus éventuels et indemnités, il a inscrit un montant négatif de CHF 50'000.- de dons qu'il aurait reçu de donateurs s'il avait pu recevoir du public et s'il avait pu effectuer les voyages prévus vers les peuples autochtones. Ainsi, le total de pertes estimées s'élevait à CHF 56'500.- et le montant maximum autorisé (80 %) était de CHF 45'200.-.

3) Par courriel du 16 avril 2021, l'OCCS a expliqué au A______ que sa demande ne rentrait pas dans les critères d'entrée en matière fixés par l'ordonnance sur les mesures dans le domaine de la culture prévues par la loi Covid-19 du 14 octobre 2020 (ordonnance Covid-19 culture - RS 442.15) et son rapport explicatif.

Un dispositif de soutien aux entreprises dit « cas de rigueur » existait au niveau cantonal et le A______ pourrait être éligible à une aide financière.

Aucune voie de droit n'était mentionnée dans ce courriel.

4) Le 14 septembre 2021, l'OCCS a écrit au A______.

Entre le 21 mars et le 20 septembre 2020, le A______ avait déposé une demande en vertu de l'ordonnance sur l'atténuation des conséquences économiques du coronavirus (Covid-19) dans le secteur de la culture du 20 mars 2020 (ordonnance Covid dans le secteur de la culture - RS 442.15), et reçu une décision négative.

Selon l'art. 11 al. 3 de l'ordonnance Covid dans le secteur de la culture, cette décision ne pouvait pas faire l'objet d'un recours. Or, dans l'arrêt 2D_32/2020 du 24 mars 2021, publié aux ATF 147 I 333, le Tribunal fédéral avait indiqué que cet article n'était pas conforme au droit.

Compte tenu de cet arrêt, tous les requérants ayant reçu une décision de rejet total ou partiel prise sur la base de l'ordonnance Covid dans le secteur de la culture avaient la possibilité de déposer un recours.

De ce fait et en application de l'art. 4 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), la décision relative au dossier pouvait faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) dans le délai de trente jours, dès le lendemain de la notification du présent courrier, conformément à l'art. 62 LPA.

La communication ne concernait pas les demandes déposées en vertu de l'ordonnance Covid-19 culture, étant donné que les voies de droit étaient indiquées.

5) Par acte du 18 octobre 2021, le A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative concluant, préalablement, à ce qu'une audience de comparution personnelle des parties soit ordonnée. Principalement, la décision de l'OCCS du 16 avril 2021 devait être annulée et un préavis favorable concernant sa demande déposée le 14 septembre 2020 devait être émis.

Les conditions des art. 2 et 3 de l'ordonnance Covid dans le secteur de la culture étaient réunies si bien qu'il était en droit de bénéficier de l'aide Covid.

En effet, le A______ était une association, ayant son siège dans le canton de Genève, qui avait pour but de raviver l'araméen au moyen de films cinématographiques, de rédaction d'ouvrages de littérature et de leur traduction, de la mise en place de spectacles musicaux et de représentations de théâtre araméen. L'OCCS ne pouvait donc pas retenir que le A______ ne remplissait pas les critères du champ d'application de l'ordonnance Covid dans le secteur de la culture.

En outre, le A______ avait subi une perte financière liée à l'annulation des manifestations prévues compte tenu des mesures étatiques de lutte contre l'épidémie de COVD-19 durant la période allant du 28 février au 31 octobre 2020. Il avait en effet été privé de recevoir du public durant toute la phase préparatoire de son projet, ce qui avait lourdement affecté sa capacité à se financer. L'annulation de l'ouverture de l'ambassade assyrienne, prévue en 2020 l'avait également impactée. Une nouvelle date d'ouverture n'avait pas été fixée dans la mesure où les voyages étaient toujours interdits pour les non-citoyens israéliens.

Enfin, les pertes subies par le A______ n'étaient couvertes par aucune assurance sociale ou privée.

Il a joint à son acte de recours différentes pièces dont son plan d'affaires intitulé « NonProfit Business Plan » et son projet de budget sur trois années.

6) Le 14 décembre 2021, l'OCCS a conclu au rejet du recours.

Malgré deux années d'existence, le A______ ne faisait état d'aucune activité concrète dans le secteur de la culture au sens de l'ordonnance Covid dans le secteur de la culture, si bien qu'il ne pouvait prétendre y être actif.

Le projet du A______ consistait en un déplacement à Jérusalem pour aller à la rencontre des autochtones afin de les encourager à créer divers ouvrages dans leur langue d'origine. Or, ce projet n'avait pas pu aboutir en raison des mesures mises en place par l'État israélien. Il en allait de même de l'annulation de l'ouverture de l'ambassade assyrienne. Le lien de causalité entre les mesures prises par la Suisse et les pertes alléguées – non prouvées – n'était ainsi pas réalisé.

Au surplus, le A______ n'expliquait pas quelles manifestations ou événements avaient été planifiées durant la période allant du 18 février et le 31 octobre 2020, à l'exception des événements précités, qui devaient se dérouler en Israël. L'OCCS ne voyait pas en quoi les mesures édictées par les autorités suisses avaient concrètement empêché de procéder à une collecte de dons, démarche qui n'était pas nécessairement liée à la tenue d'un événement public.

À supposer que la qualité d'entreprise culturelle active doive lui être reconnue, il aurait dû faire valoir de manière crédible un dommage financier qui lui était propre, le documenter et expliciter la relation entre les mesures helvétiques et ce dommage.

Or, le A______ se prévalait uniquement d'expectatives tirées d'un document interne rédigé en anglais – et donc irrecevable en la forme – qui décrivait la stratégie et les objectifs, y compris budgétaires, du A______.

Dans ces conditions, le A______ ne remplissait pas les critères fixés par l'ordonnance Covid dans le secteur de la culture.

7) Le 10 février 2022, le A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.

Les directives applicables en la matière précisaient que les cantons décidaient librement de l'attribution des prestations. Ils devaient définir par écrit d'ici au 17 avril 2020 au plus tard les critères selon lesquels ils prioriseraient l'attribution des ressources financières et publier les listes de priorités. Le canton de Genève ne l'ayant pas fait, le A______ disposait donc d'un droit aux prestations Covid.

Le A______ n'avait jamais déposé une demande d'aide d'urgence et n'avait pas bénéficié du dispositif des pertes de gain, ou du manque à gagner, des besoins de grande urgence. Le principe de subsidiarité était donc réalisé. En outre, il allait de soi que si une entreprise culturelle n'avait pas fait une demande d'aide d'urgence, le manque à gagner pouvait faire partie de l'indemnisation des pertes financières.

Comme le prévoyait l'ordonnance Covid dans le secteur de la culture, les aides financières pouvaient être sollicitées compte tenu du report de manifestations et de projets ou de la fermeture de l’entreprise. Or, les projets du A______ avaient été rendus impossibles à la suite de la pandémie de Covid-19. Même s'il était une nouvelle entité, cela ne signifiait pas qu'il n'était pas une entreprise culturelle active.

Outre le fait que la demande du A______ couvrait un certain nombre d'épisodes selon la « Fiche de calcul du dommage et de l'indemnisation – entreprise culturelle », les directives prévoyaient que les pertes financières subies à l'étranger pouvaient être indemnisées. Ainsi, les mesures instaurées par Israël n'empêchaient pas une indemnisation.

Dans la mesure où le A______ était une nouvelle entreprise culturelle, il ne pouvait pas être exigé de lui qu'il produise des documents étoffés démontrant son dommage. Les directives précisaient d'ailleurs que les preuves devaient être documentées « dans la mesure du possible et du raisonnable ». Or, le A______ avait fourni des preuves d'un dommage crédible, des preuves d'un lien de cause à effet plausible ainsi que des documents – notamment un plan d'affaires et un budget – qui mettaient en avant dans la mesure du possible et du raisonnable le lien de causalité entre la pandémie et le dommage subi.

8) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) La chambre administrative examine d'office la recevabilité d'un recours ou d'une demande portée devant elle (art. 1 al. 2, art. 6 al. 1 let. c et art. 11 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; ATA/986/2018 du 25 septembre 2018 consid. 1 et les références citées).

a. L'ordonnance Covid dans le secteur de la culture, sur laquelle se fonde la demande d'indemnisation du recourant, a été adoptée le 20 mars 2020. Elle a pour but de limiter les conséquences économiques de la lutte contre l'épidémie de coronavirus (Covid-19) dans le secteur de la culture et, en particulier, d'empêcher une atteinte durable au paysage culturel suisse, tout en contribuant à en préserver la diversité (art. 1). Elle n'est plus en vigueur à ce jour. Sa durée de validité avait été fixée, après prolongation, au 20 septembre 2020 (art. 12 al. 3 ; RO 2020 1518). Son art. 11 al. 3 prévoit que les décisions qui l'exécutent « ne sont pas sujettes à recours ».

L'ordonnance Covid dans le secteur de la culture de mars 2020 a été remplacée – d'un point de vue fonctionnel – par l'ordonnance Covid-19 culture, adoptée le 14 octobre 2020. Celle-ci met également en place, entre autres mesures, une procédure d'indemnisation des entreprises et acteurs culturels pour les dommages qu'ils auraient subis dès le 1er novembre 2020 du fait des mesures de lutte contre la pandémie prises par l'État (art. 4 ss). À l'inverse de l'ordonnance Covid dans le secteur de la culture édictée au mois de mars 2020, cette nouvelle ordonnance, entrée en vigueur avec effet rétroactif au 26 septembre 2020 (art. 23 al. 1), ne contient aucune règle restreignant les possibilités de recours. Elle renvoie aux règles de procédures cantonales et fédérales s'agissant des voies de droit ouvertes contre ses décisions d'exécution (art. 20). Cela étant, elle prévoit que les demandes d'indemnisation déposées avant le 21 septembre 2020 et en suspens au 26 septembre 2020 – qui se rapportent en principe à des pertes financières survenues entre les 28 février et 31 octobre 2020 (« Commentaire [non daté] sur l'ordonnance Covid-19 culture » p. 7-8 (https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/ attachments/63238.pdf, consulté le 19 juillet 2022 ; ci-après : Commentaire [14 octobre 2020]) – sont examinées conformément à l'ancien droit (art. 22).

b. L'art. 11 al. 3 de l'ordonnance Covid dans le secteur de la culture a été repris tel quel en droit cantonal genevois.

L'art. 6 al. 3 de l'arrêté d'application de l'ordonnance Covid dans le secteur de la culture du Conseil d'État du 9 avril 2020 rappelle en effet de manière expresse qu'en application de l'art. 11 al. 3 de l'ordonnance précitée, il n'y a pas de recours possible contre les décisions prises en exécution de ladite ordonnance.

c. Dans l'arrêt 2D_32/2020 précité publié aux ATF 147 I 333, le Tribunal fédéral a retenu que l’art. 11 al. 3 de l'ordonnance Covid dans le secteur de la culture, dans la mesure où il excluait tout recours contre les décisions prises sur son fondement, notamment les décisions de refus, était inconstitutionnel en ce sens qu’il violait l’art. 29a de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), lequel garantissait un accès à la justice dans le domaine du contentieux administratif (consid. 1.6), ainsi que l’art. 86 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). La décision de refus d’octroi de la subvention sollicitée constituait en effet une décision administrative (rendue dans une cause de droit public : art 86 let. a LTF), qui ne présentait aucun caractère politique prépondérant au sens de l’art. 86 al. 3 LTF, de sorte qu’elle devait pouvoir être contestée au préalable devant une autorité judiciaire cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d et 2 LTF).

d. En l'occurrence, le recourant a déposé sa demande d'indemnisation le 14 septembre 2020 – date non contestée par l'intimé – en raison de pertes financières subies entre mars et octobre 2020.

En application de l'art. 22 de l'ordonnance Covid-19 culture, la demande du recourant doit être examinée à l'aune de l'ordonnance Covid dans le secteur de la culture.

Dans l'ATF 147 I 333, le Tribunal fédéral a retenu que l'art. 11 al. 3 de l'ordonnance Covid dans le secteur de la culture violait l'art. 29a Cst., en tant qu'elle excluait tout recours. L'art. 11 al. 3 de l'ordonnance Covid dans le secteur de la culture était dès lors inconstitutionnel et inapplicable.

Dans la mesure où l'arrêt du Tribunal fédéral susmentionné retient que les actes du genre de l'acte attaqué constituent une décision administrative – comme il le sera expliqué ci-dessous –, une telle décision doit pouvoir faire l’objet d’un recours auprès du Tribunal cantonal, lequel doit statuer comme autorité précédant immédiatement le Tribunal fédéral (art. 86 al. 2 LTF).

e. La chambre administrative est l'autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative. Les compétences de la chambre constitutionnelle et de la chambre des assurances sociales sont réservées (art. 132 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

Le recours à la chambre administrative est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des articles 4, 4A, 5, 6, al. 1 let. a et e, et 57 LPA. Sont réservées les exceptions prévues par la loi (art 132 al. 2 LOJ).

f. Aux termes de l’art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c).

g. Une décision tend à modifier une situation juridique préexistante. Il ne suffit pas que l’acte querellé ait des effets juridiques, encore faut-il que celui-ci vise des effets juridiques. Sa caractéristique en tant qu’acte juridique unilatéral tend à modifier la situation juridique de l’administré par la volonté de l’autorité, mais sur la base de et conformément à la loi (ATA/1657/2019 du 12 novembre 2019 consid. 2c et les références citées).

Pour qu’un acte administratif puisse être qualifié de décision, il doit revêtir un caractère obligatoire pour les administrés en créant ou constatant un rapport juridique concret de manière contraignante. Ce n’est pas la forme de l’acte qui est déterminante, mais son contenu et ses effets (ATA/1672/2019 du 12 novembre 2019 consid. 3b).

Les décisions doivent en principe être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours (art. 46 al. 1 LPA). Elles sont notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit (art. 46 al. 2 1ère phrase LPA).

h. En l'occurrence, le courriel du 16 avril 2021 est, selon la jurisprudence précitée, une décision au sens de l'art. 4 LPA, dans la mesure où l'intimé informe le recourant lui refuser une indemnité sollicitée en vertu d'un droit dont il se prévaut.

Cette décision est, certes entachée d'un vice formel, dès lors qu'elle n'est notamment pas désignée comme telle et ne contient pas l'indication des voies et délai de recours, contrairement aux exigences posées par l'art. 46 LPA. Cette absence d'information n'a cependant pas porté préjudice au recourant dans la mesure où, à la suite de l'ATF 147 I 333, par courrier du 14 septembre 2021, le département l'a informé qu'il pouvait attaquer cette décision dans le délai de trente jours, dès le lendemain de la notification, devant la chambre de céans.

Au vu de ces éléments, le recours est recevable (art. 132 LOJ ; art. 62 al. 1 let. a et 17 al. 3 LPA).

Il convient dès lors d'entrer en matière sur le recours.

2) Le recourant sollicite une audience de comparution personnelle des parties.

a. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 41 LPA, comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_74/2019 du 13 mai 2019 consid. 3.1 et les références citées ; ATA/358/2020 du 16 avril 2020 consid. 7 et les arrêts cités).

Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 140 I 68 consid. 9.6 ; 134 I 140 consid. 5.3).

b. Le recourant a pu en l'espèce faire valoir ses arguments dans son acte de recours et sa réplique. Il a pu produire toutes pièces utiles. Il n'indique pas en quoi son audition ou celle de l'intimé serait nécessaire.

La chambre administrative considère qu’elle dispose d’un dossier complet lui permettant de trancher les griefs soulevés en toute connaissance de cause. Il sera en conséquence renoncé à l'audition des parties.

3) Est litigieux le refus de l'indemnisation pour les pertes financières subies entre mars et octobre 2020 en raison des mesures de lutte contre la pandémie de Covid-19.

4) Comme vu ci-dessus, en application de l'art. 22 de l'ordonnance Covid-19 culture, la demande du recourant devait être examinée à l'aune de l'ordonnance Covid dans le secteur de la culture et non pas en application de l'ordonnance Covid-19 culture, comme le retient la décision attaquée, conformément aux principes généraux de droit intertemporel qui veulent que le droit matériel applicable en cas de changement de règles de droit soit celui qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions contraires de droit transitoire (ATF 139 V 335 consid. 6.2 ; ATF 137 V 105 consid. 5.3.1 ; ATF 136 V 24 consid. 4.3).

Même si la décision attaquée indique la mauvaise ordonnance, cela ne signifie pas encore que l'intimé n'était pas en droit de refuser la demande d'indemnisation sollicitée, comme il le sera démontré ci-dessous.

5) a. Selon l'art. 1 al. 1 de l'ordonnance Covid dans le secteur de la culture, cette ordonnance a pour but de limiter les conséquences économiques de la lutte contre l’épidémie de coronavirus (Covid-19) dans le secteur de la culture, d’empêcher une atteinte durable au paysage culturel suisse et de contribuer à la préservation de la diversité culturelle.

L'art. 2 de l'ordonnance Covid dans le secteur de la culture prévoit qu'on entend par secteur de la culture : les domaines des arts de la scène, du design, du cinéma, des arts visuels, de la littérature, de la musique et des musées (let. a). L'entreprise culturelle est définie comme étant une personne morale active dans le secteur de la culture, à l’exception des unités administratives étatiques et des personnes morales de droit public (let. c).

L'art. 3 al. 1 de l'ordonnance Covid dans le secteur de la culture prévoit des mesures de soutien consistant notamment en des indemnités pour pertes financières en faveur des entreprises culturelles et des acteurs culturels (let. b). Il n’existe aucun droit à des prestations en vertu de la présente ordonnance (al. 2).

L'art. 8 de l'ordonnance Covid dans le secteur de la culture précise que les entreprises culturelles et les acteurs culturels reçoivent sur demande des aides financières pour les pertes financières résultant de l’annulation ou du report de manifestations et de projets ou de la fermeture de l’entreprise, pour autant que ces pertes aient été causées par les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre l’épidémie de coronavirus (Covid-19) (al. 1). L’indemnisation couvre au maximum 80 % des pertes financières (al. 2). Les aides d’urgence aux entreprises culturelles et aux acteurs culturels sont imputées sur les indemnités versées pour les pertes financières subies (al. 3). Un éventuel manque à gagner n’est pas indemnisé (al. 4).

L'art. 9 de l'ordonnance Covid dans le secteur de la culture prévoit que les demandes sont à adresser aux services désignés par les cantons (al. 1). L’autorité compétente est celle du canton dans lequel l’entreprise culturelle a son siège ou l’acteur culturel son domicile (al. 2). Les cantons statuent sur les demandes (al. 3). La Confédération contribue pour moitié aux indemnités accordées par les cantons (al. 4).

Selon l'art. 11 de l'ordonnance Covid dans le secteur de la culture, l’office fédéral de la culture (ci-après : OFC) exécute cette ordonnance (al. 1). Il édicte, après avoir entendu les cantons, des directives concernant les modalités, notamment les modalités de demande et de paiement (al. 2).

b. Dans ce cadre, l'OFC a publié un « Rapport explicatif concernant l'ordonnance sur l'atténuation des conséquences économiques du coronavirus (Covid-19) dans le secteur de la culture (ordonnance Covid dans le secteur de la culture) » (version du 2 avril 2020 ; https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/ attachments/60876.pdf, consulté le 19 juillet 2022 ; ci-après : Rapport explicatif [2 avril 2020]), dont il communique, le 13 mai 2020 (https://www.bak.admin.ch/bak/fr/home/themes/covid19/massnahmen-covid19 /chronologie-massnahmen-kultursektor.html, consulté le 19 juillet 2022), une nouvelle version (version du 13 mai 2020 [applicable dès le 21 mai 2020], disponible également sous https://www.bak.admin.ch/bak/fr/home/themes/ covid19/massnahmen-covid19/chronologie-massnahmen-kultursektor.html, consulté le 19 juillet 2022 ; ci-après : Rapport explicatif [13 mai 2020]).

L'OFC a également publié le 6 avril 2020 (https://www.bak.admin.ch/ bak/fr/home/actualites/nsb-news.msg-id-78696.html, consulté le 19 juillet 2022), des « Directives [non datées] relatives à l'ordonnance sur l'atténuation des conséquences économiques du coronavirus (Covid-19) dans le secteur de la culture - Ordonnance Covid dans le secteur de la culture » (https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/60877.pdf, consulté le 19 juillet 2022 ; ci-après : Directives [publiées le 6 avril 2020]), dont il existe en outre une « Version [non datée] en vigueur dès le 21 mai 2020 » (https://www.fr.ch/sites/default/files/2020-05/Covid-Culture_Directives_f_21% 20mai.pdf, consulté le 19 juillet 2022 ; ci-après : Directives [en vigueur dès le 21 mai 2020]).

L'OFC a rendu disponible le 6 avril 2020 sur https://www.bak.admin.ch/bak/ fr/home/actualites/nsb-news.msg-id-78696.html, consulté le 19 juillet 2022, un document intitulé « Principes généraux pour l’octroi des aides financières aux associations culturelles d’amateurs selon l’art. 10 de l’Ordonnance sur l’atténuation des conséquences économiques du coronavirus (Covid-19) dans le secteur de la culture (Ordonnance Covid culture) ».

L'OFC a enfin publié, le 14 octobre 2020 (https://www.bak.admin.ch /bak/fr/home/actualites/nsb-news.msg-id-80712.html, consulté le 19 juillet 2022) le Commentaire (14 octobre 2020), qui précise que l'ordonnance Covid-19 culture reflète la pratique développée depuis le 20 mars 2020 en lien avec l'application de l'ordonnance Covid dans le secteur de la culture du 20 mars 2020 et que cette pratique se fonde sur le Rapport explicatif ainsi que sur les Directives (Commentaire [14 octobre 2020], remarque préliminaire [p. 1]).

c. Selon les Directives (en vigueur dès le 21 mai 2020), peuvent demander une indemnisation les entreprises visées à l’art. 2 let. c de l’ordonnance Covid dans le secteur de la culture et ayant leur siège en Suisse. Sont également réputées entreprises culturelles les organisateurs dans le domaine de la culture amateur à condition que le budget de la manifestation s’élève à CHF 50'000.- au moins et les pertes financières à CHF 10'000.- au moins (ch. 4.1).

L’indemnisation des pertes financières selon l’ordonnance Covid dans le secteur de la culture est subsidiaire à toutes les autres prestations publiques visant à atténuer les conséquences économiques du coronavirus (indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail ; indemnité pour perte de gain ; aide d’urgence aux acteurs culturels). Elle couvre donc les dommages pour lesquels aucune autre compensation des pouvoirs publics n’est prévue et qui ne sont pas couverts par une assurance privée. Les entreprises culturelles et les acteurs culturels qui demandent une indemnisation pour pertes financières fournissent par déclaration spontanée des informations véridiques et complètes sur toutes les demandes d’indemnisation en rapport avec le coronavirus (Covid-19) qu’ils ont déposées auprès de tiers (ch. 4.2).

Sous réserve du ch. 4.2, toutes les pertes pécuniaires au sens du droit de la responsabilité civile (art. 41 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse - CO, Code des obligations - RS 220) peuvent en principe être indemnisées. Les montants des dommages subis par les entreprises culturelles sont pris en considération au maximum jusqu’à hauteur du seuil de rentabilité (correspond à la rubrique « Bénéfice ») dans les deux modèles des cantons pour le calcul des dommages. Dans ce sens, un manque à gagner n’est pas indemnisé. Les acteurs culturels ne peuvent faire valoir que les dommages qu’ils ont subis comme indépendants. En tout état de cause, l’indemnisation couvre au maximum 80 % de la perte financière. Les requérants sont tenus de prendre toutes les mesures raisonnablement exigibles pour atténuer les dommages. L’indemnisation des pertes financières couvre des dommages résultant de l’annulation, du report ou de la tenue sous une forme réduite, du fait de prescriptions des autorités, de manifestations durant la période allant du 28 février au 31 octobre 2020. La décision d’annuler la manifestation ou de la maintenir sous une forme réduite doit en tout état de cause intervenir avant le 21 septembre 2020. Les demandes des entreprises culturelles et des acteurs culturels ne sont pas hiérarchisées selon un ordre chronologique ou matériel. Si une entreprise culturelle veut faire valoir comme un dommage propre la rétribution d’un acteur culturel engagé par elle, elle doit soit produire l’attestation du paiement, soit – si le paiement doit intervenir à une date ultérieure – présenter une déclaration écrite de cession signée par l’acteur culturel concerné. Si un acteur culturel veut faire valoir comme dommage le non-paiement d’une prestation fournie à une entreprise culturelle, il doit produire une déclaration spontanée confirmant l’absence de paiement. L’acteur culturel indemnisé pour pertes financières renonce à prétendre au paiement par l’entreprise culturelle de l’équivalent de l’indemnisation reçue (ch. 4.3).

Tous les dommages résultant des mesures prises par l’État pour endiguer la propagation du coronavirus (Covid-19) sont éligibles. Sont réputées mesures de l’État les dispositions prises par les autorités fédérales, cantonales et communales. Les pertes financières subies à l’étranger peuvent être indemnisées pour autant que toutes les autres conditions dont dépend le droit à l’indemnisation soient remplies (ch. 4.4).

Le dommage et le lien de cause à effet doivent être crédibles. Dans la mesure du possible et du raisonnable, le dommage doit être documenté (ch. 4.5).

Les entreprises culturelles et les acteurs culturels ne peuvent se prévaloir du droit de bénéficier des prestations prévues par l’ordonnance Covid dans le secteur de la culture. Les cantons décident librement de l’attribution des prestations. Ils peuvent fixer des priorités en matière de politique culturelle et limiter par exemple l’indemnisation des pertes financières à certaines catégories de bénéficiaires (par exemple organisateurs au niveau régional), ou abaisser le plafond de 80 % d’indemnisation des dommages. Les cantons définissent par écrit d’ici au 17 avril 2020 au plus tard les critères selon lesquels ils prioriseront l’attribution des ressources financières. Les cantons publient les listes de priorités (ch. 6.1).

Toute ambiguïté concernant l’interprétation et l’application de l’ordonnance Covid dans le secteur de la culture et des présentes directives sera examinée et analysée en continu par la délégation de la Conférence des délégués cantonaux aux affaires culturelles créée pour l’exécution de cette ordonnance. La délégation des cantons soumet à l’OFC ses propositions d’interprétation sur les questions en suspens. L’OFC tranche (ch. 6.4).

d. Selon le Rapport explicatif (13 mai 2020), l'art. 2 de l’ordonnance Covid dans le secteur de la culture définit des principales notions utilisées dans ladite ordonnance.

Le champ d’application de l’ordonnance est limité au secteur de la culture. La définition de ce secteur revêt donc une importance particulière. La liste des domaines dressée à la let. a est exhaustive. Toutefois, tous les domaines mentionnés ne sont pas entièrement couverts par l’ordonnance, avec les précisions suivantes :

- arts de la scène et musique : sont concernés par l’ordonnance, les arts du spectacle au sens strict et leur diffusion (théâtre, opéra, ballet, arts du cirque, salles et locaux de concert de musique classique et contemporaine, orchestres, musiciens, disc-jockeys, chanteurs, chœurs, danseurs, comédiens, artistes de rue, troupes de théâtre et compagnies de danse), la fourniture de prestations pour les arts de la scène et la musique (y compris les agents musicaux et les gestionnaires de tournées) ainsi que l’exploitation d’institutions culturelles dans le domaine des arts de la scène et de la musique (y compris les clubs de musique actuelle proposant une programmation artistique) et de studios d’enregistrement. Ne sont par contre pas concernés par l’ordonnance, l’édition de musique enregistrée et de partitions, la fabrication d’instruments de musique, le commerce d’instruments de musique, les maisons de disques, les fournisseurs commerciaux d’agendas culturels, de systèmes de billetterie ou de salles de séminaires, etc., les discothèques, les dancings et les boîtes de nuit ;

- design : sont concernés par l’ordonnance, les ateliers et les studios de design textile, de design d’objets, de design de bijoux et de graphisme. Ne sont pas concernés, les bureaux d’architecture et les restaurateurs d’objets d’art ;

- cinéma : sont concernés par l’ordonnance, la réalisation de films et leur diffusion (y compris les festivals de cinéma), les industries techniques du cinéma, la distribution de films et l’exploitation des salles de cinéma. Ne sont pas concernés, le commerce d'enregistrements musicaux et vidéo et les vidéothèques ;

- arts visuels : sont concernés par l’ordonnance, les activités dans le domaine des arts plastiques (y compris l’art numérique interactif et la photographie) et leur diffusion (y compris les espaces d’art subventionnés). Ne sont pas concernés, l’exploitation de laboratoires photographiques, le commerce d’art (y compris les galeries) et le commerce d’antiquités ;

- littérature : sont concernés par l’ordonnance, la création littéraire (y compris la traduction littéraire) et sa diffusion (y compris les festivals littéraires). Ne sont pas concernés, l’impression et l’édition de livres, le commerce des livres ainsi que les bibliothèques et les archives ;

- musées : sont concernés par l’ordonnance, les musées, lieux d’exposition et collection accessibles au public ainsi que les médiateurs du patrimoine culturel. Ne sont pas concernés, les jardins zoologiques ou botaniques ainsi que l’exploitation de sites ou de monuments historiques.

Tout le domaine de la formation, dans toutes les disciplines (écoles de musique, de danse, de théâtre, d’arts visuels, de cinéma, etc.), est exclu du champ d’application de l’ordonnance.

Dans sa définition de la notion de « manifestation » (let. b), l’ordonnance reprend la terminologie utilisée par l’office fédéral de la santé publique dans les critères d’application du 4 mars 2020 à l’intention des cantons en lien avec l’interdiction de manifestations, ce qui permet de garantir la cohérence terminologique.

Ne sont pas considérés comme des entreprises culturelles (let. c), les acteurs culturels qui sont juridiquement rattachés à l’administration fédérale ou à une administration cantonale ou communale et n’ont pas une personnalité juridique indépendante. Les entreprises de droit public ne peuvent pas non plus bénéficier des mesures de soutien prévues par la présente ordonnance. Au niveau fédéral, le Musée national suisse (établissement de droit public) serait par exemple exclu du champ d’application de l’ordonnance. Les entreprises subventionnées par les pouvoirs publics n’en sont par contre pas exclues.

Par acteurs culturels au sens de la let. d, on entend des personnes physiques qui tirent la moitié au moins de leur subsistance de leur activité artistique ou y consacrent la moitié au moins de la durée normale de travail (art. 6 al. 2 de l'ordonnance sur l’encouragement de la culture du 23 novembre 2011 [OLEC - RS 442.11]). Toutes les activités professionnelles culturelles rémunérées sont prises en considération (même celles qui s’exercent en dehors du secteur culturel au sens strict), qu’elles soient exercées en tant qu’indépendant ou en tant que salarié. Toutes les personnes exerçant une activité professionnelle dans le secteur de la culture sont ainsi subsumées sous la notion d’acteur culturel. Le personnel technique (sonorisation, éclairage, etc.) est notamment inclus dans cette catégorie.

L'art. 3 énumère les trois types de soutien prévus par l’ordonnance. Les indemnisations des pertes financières s’adressent aux entreprises culturelles et aux acteurs culturels professionnels, tandis que les aides d’urgence ne sont destinées qu’à ces derniers. Une mesure de soutien spécifique s’adresse aux associations d’amateurs du domaine culturel (chœurs, orchestres, etc.). L’octroi de toutes les prestations prévues par l'ordonnance Covid dans le secteur de la culture est explicitement subordonné à l’existence d’un lien causal avec les mesures prises pour lutter contre l’épidémie de coronavirus (Covid-19). Cependant, les requérants doivent seulement montrer qu’un tel lien est crédible, sans devoir le démontrer au sens strict.

Les entreprises culturelles et les acteurs culturels ne peuvent se prévaloir d’un droit aux prestations prévues par l’ordonnance. Cette disposition doit notamment permettre aux cantons de piloter les décisions prises en vertu de l’ordonnance en fonction de leurs priorités de politique culturelle.

Concernant les art. 8 et 9, l’instrument de l’indemnisation des pertes financières est nécessaire de toute urgence. Il vise à compenser les pertes financières imputables à la propagation du coronavirus (Covid-19). Une indemnisation pourra être demandée pour toutes les pertes financières ayant un lien causal avec les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre le coronavirus (Covid-19 ; annulation ou report de manifestations, abandon ou ajournement de projets, fermeture d’entreprises, etc.). Le règlement des demandes d’indemnisation est du ressort des cantons. La Confédération contribuera aux coûts pour moitié. Les éventuelles contributions des villes, des communes et des loteries seront imputées sur la part des cantons. Les indemnisations couvriront au maximum 80 % des pertes financières. Comme déjà relevé à propos de l’art. 3 al. 2, les cantons pourront tenir compte de leurs priorités de politique culturelle dans l’allocation des indemnités. Les requérants ne pourront se prévaloir d’un droit à l’indemnisation.

e. Comme vu ci-dessus, à la suite du remplacement de l'ordonnance Covid dans le secteur de la culture par l'ordonnance Covid-19 culture, l'OFC a accompagné celle-ci du Commentaire (14 octobre 2020).

Il est précisé à propos des art. 4 et 5 de l'ordonnance Covid-19 culture que les pertes financières subies à l'étranger peuvent être indemnisées pour autant que toutes les autres conditions dont dépend le droit à l'indemnisation soient remplies et que ces pertes aient pour cause des mesures officielles de la Suisse ou de l'État concerné (p. 4).

Il y est également indiqué à propos de l'art. 18 de l'ordonnance Covid-19 culture que comme jusqu'ici, le dommage et le lien de cause à effet doivent être rendus « crédibles » (art. 18 al. 2). Rendre crédible implique davantage qu’une simple affirmation mais moins qu’une preuve stricte ou une preuve complète. Les éléments présentés doivent donc être fondés et plausibles et être, dans la mesure du possible et du raisonnable, étayés par des documents (p 7).

f. Dans le contexte de la pandémie de Covid-19, de nombreux secteurs économiques et culturels ont subi des préjudices considérables. La Confédération a ainsi pris des mesures visant à limiter les effets de la crise, soit par le jeu de l’ordonnance Covid dans le secteur de la culture, soit au travers d’autres textes. S’agissant de l’ordonnance Covid dans le secteur de la culture, l’objectif a été de cibler l’aide à des acteurs relevant typiquement du domaine culturel.

6) Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n’ont toutefois pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée en l’espèce.

Il n’en résulte toutefois pas que l’autorité est libre d’agir comme bon lui semble (ATA/1300/2021 du 30 novembre 2021 consid. 6). Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux de droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_37/2020 du 7 septembre 2020 consid. 5.1).

7) En l'espèce, il n'est pas contesté que le recourant est une association dont le but est la sauvegarde et le développement des langues menacées, en toute impartialité et sans aucune discrimination.

Dans cet objectif, il a indiqué, dans le questionnaire complété remis à l'intimé le 14 septembre 2020, être actif dans le secteur de la littérature et avoir pour projet d'envoyer des équipes de linguistes au sein des peuples autochtones à langues en danger pour encourager leurs auteurs à créer des œuvres littéraires, et à assurer la traduction à partir de ces langues.

Cette activité semble entrer dans le champ d'application de l’ordonnance Covid dans le secteur de la culture, tel que défini par l'art. 2 let. a et c de ladite ordonnance et précisé par le Rapport explicatif (13 mai 2020). Toutefois, vu le sort du litige, il n'est pas nécessaire de trancher définitivement cette question.

Cela dit et à cet égard, contrairement à ce que soutient l'intimé, seule est pertinente la question de savoir si le recourant a œuvré ou comptait œuvrer entre le 28 février et le 31 octobre 2020 et s'il a subi des pertes financières compte tenu des mesures prises par la Confédération pour lutter contre l'épidémie de Covid-19. Le fait que le recourant n'ait pas produit de pièces attestant de son activité culturelle depuis deux ans n'apparaît ainsi pas constituer un obstacle à ce que l’ordonnance Covid dans le secteur de la culture lui soit applicable pour la période en cause.

L'intimé ne peut pas non plus être suivi lorsqu'il soutient que le dommage causé par des mesures prises par un autre État que la Confédération ne pourrait pas être indemnisé, puisque comme cela ressort des Directives (en vigueur dès le 21 mai 2020) (ch. 4.4) et du Commentaire (14 octobre 2020) qui accompagne l'ordonnance Covid-19 culture, laquelle a remplacé d'un point de vue fonctionnel l’ordonnance Covid dans le secteur de la culture et dont il y a lieu de prendre en considération au vu de la remarque préliminaire (p. 1), les pertes financières subies à l'étranger peuvent être indemnisées pour autant que toutes les autres conditions dont dépend le droit à l'indemnisation soient remplies et que ces pertes aient pour cause des mesures officielles de la Suisse ou de l'État concerné (p. 4).

Cette question n'a néanmoins pas besoin d'être tranchée définitivement au vu de ce qui suit.

Selon les Directives (en vigueur dès le 21 mai 2020), le dommage et le lien de cause à effet doivent être crédibles. Dans la mesure du possible et du raisonnable, le dommage doit être documenté (ch. 4.5). Les explications postérieures, reprises dans le Commentaire (14 octobre 2020) de l'ordonnance Covid-19 culture, vont dans le même sens, ce lien devant être rendu crédible, ce qui implique davantage qu’une simple affirmation mais moins qu’une preuve stricte ou une preuve complète. Les éléments présentés doivent donc être fondés et plausibles et être, dans la mesure du possible et du raisonnable, étayés par des documents (p. 7).

Or, force est de constater que le recourant n'a fourni aucune pièce qui démontrerait la vraisemblance que des dons devaient être reçus pendant la période en cause. Le plan d'affaires et son projet de budget sont insuffisants à attester de la crédibilité des promesses de dons alléguées. Il ne s'agit dès lors que de simples affirmations qui ne permettent pas de retenir un dommage au préjudice du recourant. Au surplus, rien ne garantit que même en ayant déployé ses activités culturelles en Suisse ou à l'étranger, le recourant aurait reçu des dons s'élevant aux montants allégués. L'enjeu total semble plutôt aléatoire et dépendant d'un facteur chance, de sorte qu'il est dans tous les cas impossible de prouver le lien de causalité naturelle entre les mesures prises par la Confédération en lien avec le Covid-19 et la perte de l'avantage escompté. À ce sujet, le Tribunal fédéral a d'ailleurs retenu que la notion du dommage applicable en droit suisse ne permet pas d'assimiler la chance à un élément du patrimoine, si bien que sa perte ne peut être appréhendée économiquement (ATF 133 III 462 consid. 4.4.3). À titre superfétatoire, il sera également relevé que le document intitulé « Principes généraux pour l’octroi des aides financières aux associations culturelles d’amateurs selon l’art. 10 de l’Ordonnance sur l’atténuation des conséquences économiques du coronavirus (Covid-19) dans le secteur de la culture (Ordonnance Covid culture) » précise que les dons de sponsors ne peuvent pas être déclarés comme dommages financiers (p. 2), ce qui confirme la solution retenue ci-dessus.

Enfin, s'agissant du dommage allégué au titre du loyer, il ressort des explications indiquées dans le formulaire déposé le 14 septembre 2020 qu'il s'agit en réalité du loyer de l'appartement personnel du président de l'association en France voisine. Outre que le recourant n'a pas rendu crédible le dommage subi relatif à ce poste, il existe également un doute sur le pays du siège du recourant, dans la mesure où si l'appartement en question devait avoir été également utilisé pour les besoins associatifs, le recourant serait exclu du champ d'application de l'ordonnance Covid dans le secteur de la culture (ch. 4.1 des Directives [en vigueur dès le 21 mai 2020]).

Compte tenu de ces éléments, l'intimé n'a pas abusé de son large pouvoir d'appréciation conféré par l'art. 3 al. 2 de l'ordonnance Covid dans le secteur de la culture en refusant la demande du recourant. La décision ne prête ainsi pas le flanc à la critique.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

8) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera accordée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 octobre 2021 par le Comité A______ contre la décision la décision de l'office cantonal de la culture et du sport du 16 avril 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge du Comité A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Betsalel Assouline, avocat du recourant et à Me Swan Monbaron, avocat de l'intimé.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :