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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/224/2012

ATA/772/2012 du 13.11.2012 ( DELIB ) , REJETE

Parties : MOUVEMENT CITOYENS GENEVOIS ET AUTRES, PISTIS Sandro, BAUDIN Isabelle, MONNEY Eliane / COMMUNE DE CAROUGE
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/224/2012-DELIB ATA/772/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 novembre 2012

 

 

dans la cause

 

MOUVEMENT CITOYENS GENEVOIS

Monsieur Sandro PISTIS

Madame Isabelle BAUDIN

Madame Eliane MONNEY
représentés par Me Mauro Poggia, avocat

contre

COMMUNE DE CAROUGE



EN FAIT

1. Le 20 octobre 2011, par 14 oui, 12 non et une abstention, le Conseil municipal de la commune de Carouge (ci-après : la commune) a accepté un projet de délibération n° 9-2011 décidant :

« 1. D’ouvrir un crédit de CHF 73’100.-, afin d’octroyer à chaque conseiller administratif non-réélu une indemnité unique équivalente à 3/12 de leur indemnité annuelle en tant que conseiller administratif.

2. De comptabiliser la dépense prévue dans le compte de fonctionnement 2011 en dépense supplémentaire (…).

3. De compenser cette dépense supplémentaire par une économie équivalente sur d’autres rubriques de charges ou par des plus-values escomptées aux revenus, voire par la fortune nette.

4. De considérer que le versement de cette indemnité est effectif à partir de la législature 2007-2011 et de l’intégrer dans le budget de fonctionnement chaque fin de législature ».

2. La délibération adoptée a été affichée le 28 octobre 2011 sur les panneaux officiels de la commune. Le délai référendaire venait à échéance le 28 novembre 2011.

3. Une demande de référendum contre cette délibération a été lancée par un « comité référendaire du MCG [Mouvement Citoyen Genevois (ci-après : MCG)], de citoyens de tous partis et hors partis ».

Le MCG est une association ayant son siège chez son président, Monsieur Eric Stauffer. Monsieur Sandro Pistis, conseiller municipal domicilié à Carouge, qui présidait la section carougeoise de ce parti politique, était le mandataire des référendaires.

4. Par arrêté du 11 janvier 2012, le Conseil d’Etat a constaté l’aboutissement du référendum qui avait obtenu 1’351 signatures validées.

5. Le 19 janvier 2012, le Conseil municipal a adopté une nouvelle délibération n° 2-2012, dont la teneur était la suivante :

« Vu que les coûts d’une votation sont élevés ;

Vu qu’il est possible de reprendre ces travaux sur le sujet en se concentrant sur la fonction et non sur les personnes ;

Conformément aux articles 1 et ss de la loi sur l’administration des communes du 13 avril 1984 [LAC - B 6 05] ;

Le Conseil municipal, par 18 oui, 5 non et 5 abstentions

Décide

1. D’annuler dans sa totalité la délibération [n°] 9-2011 ».

6. Par acte posté le 25 janvier 2012, le MCG, M. Pistis, ainsi que Mesdames Isabelle Baudin et Eliane Monnay, deux citoyennes habitant Carouge, ont interjeté conjointement recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la délibération n° 2-2012, prenant les conclusions suivantes :

«1. Inviter le Conseil d’Etat, après lui avoir transmis le recours, à indiquer s’il entend annuler la délibération attaquée en application des art. 63, 2ème phrase, [Constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847 - Cst-GE - A 2 00] et 67 LAC.

2. Déclarer le présent recours recevable et, statuant à nouveau,

3. Annuler la délibération n° 2-2012 du Conseil municipal de la Ville de Carouge du 19 janvier 2012.

4. Condamner la Ville de Carouge en tous les frais, dépens et débours de la présente procédure, comprenant une indemnité équitable à titre de participation aux honoraires du conseil des recourants.

5. Subsidiairement, pour le cas où le Conseil d’Etat annulerait la délibération n° 2-2012 : permettre aux recourants de se déterminer sur les conséquences de cette annulation, notamment au sujet des frais et dépens.

6. Plus subsidiairement, acheminer les recourants à prouver les faits allégués dans les présentes écritures ».

L’adoption de la délibération n° 2-2012 visait à rendre vaine la demande de référendum lancée par le MCG, dont les conseillers municipaux des groupes « radicaux de Carouge » et « libéraux de Carouge » avaient appris l’aboutissement.

Le MCG avait dû se montrer particulièrement actif et M. Pistis avait, dans ce cadre, pris des jours de congé pour récolter le nombre de signatures nécessaire. Le temps consacré à cette activité était estimé à cent cinquante heures.

La délibération n° 2-2012 devait être annulée car elle portait atteinte à l’exercice des droits politiques, notamment celui de voter et de signer des initiatives ou des demandes de référendum. Même si le Conseil d’Etat avait convoqué les électeurs, les référendaires pouvaient se voir opposer le fait que la votation n’avait plus d’objet. Si la délibération n° 2-2012 n’était pas annulée, le Conseil d’Etat pourrait de lui-même décider de ne pas convoquer les électeurs pour voter sur une délibération annulée.

Dès lors que l’exercice du droit au référendum facultatif avait permis d’atteindre le quota de signatures requis, le Conseil municipal n’avait plus aucune latitude d’amender ou d’annuler une délibération devant être soumise au peuple. Preuve en était l’obligation faite au Conseil d’Etat par l’art. 62 al. 1 Cst-GE de convoquer les électeurs. Le référendum ayant abouti, le seul corps constitué pour annuler la délibération contre laquelle il avait été lancé était le corps électoral. En s’emparant de cette prérogative par l’adoption de la délibération attaquée, le Conseil municipal avait violé les droits politiques des recourants.

7. Le 30 janvier 2012, le juge délégué a écrit au Conseil d’Etat. Il lui transmettait un exemplaire du recours en tant qu’autorité de surveillance des communes en le priant d’indiquer si la délibération n° 2-2012 avait été approuvée par le département de l’intérieur et de la mobilité, devenu depuis lors le département, de l’intérieur de la mobilité et de l’environnement (ci-après : DIME), et si le Conseil d’Etat, au cas où il n’aurait pas encore statué, avait l’intention de procéder à son annulation.

8. Le 1er mars 2012, la conseillère d’Etat présidant le DIME a répondu au courrier précité. La délibération n° 2-2012 n’avait fait l’objet ni d’une décision d’annulation de la part du département, fondée sur l’art. 68 LAC, ni de la part du Conseil d’Etat, fondée sur l’art. 70 al. 2 LAC.

Le courrier du Conseil d’Etat comportait également une détermination sur le sort à réserver au recours.

9. Le 5 mars 2012, le juge délégué a signifié au Conseil d’Etat que, dans la mesure où celui-ci n’était pas partie à la procédure, il ne serait pas tenu compte de sa détermination relative à l’issue à donner au recours.

10. Le même jour, le juge délégué a suspendu l’instruction de la cause à la suite du décès du mandataire constitué par les recourants.

11. Les recourants ont mandaté un nouvel avocat et l’instruction a été reprise le 19 avril 2012.

12. La commune a répondu au recours le 13 juin 2012. Elle n’avait pas d’observation particulière à formuler. Il pouvait arriver que le Conseil municipal annule une délibération qu’il avait prise antérieurement. Dans ce cas, elle agissait en se coordonnant avec le service de surveillance des communes.

Elle a transmis les procès-verbaux des séances des 30 juin 2011, 20 octobre 2011 et 19 janvier 2012, au cours desquelles les deux projets de délibérations avaient été discutés et/ou adoptés. Les éléments utiles qui en ressortent seront en tant que nécessaire repris dans la partie en droit du présent arrêt.

13. Le 28 juin 2012, les recourants ont persisté dans leurs conclusions. Le Conseil municipal n’avait pas le droit, pour éviter une sanction des urnes, d’annuler au gré de ses convenances une délibération contre laquelle le référendum avait abouti.

Si la chambre administrative ne statuait pas dans ce sens, la commune devrait indemniser les référendaires à concurrence de CHF 10’000.-. Toute autre solution ne constituerait qu’une instigation à « jouer des droits démocratiques, selon les convenances d’une majorité du Conseil municipal ».

14. Le 2 juillet 2012, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. La chambre administrative est l’autorité supérieure de recours en matière administrative (art. 132 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05). Le recours auprès d’elle est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 et 57 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf exceptions, qui doivent être prévues par la loi (art. 132 al. 2 LOJ), notamment celles de la chambre d’appel du Pouvoir judiciaire, ainsi que certaines décisions du Conseil d’Etat et du Grand Conseil (art. 132 al. 7 LOJ) ou des décisions pour lesquelles le droit cantonal ou fédéral prévoit d’autres voies de droit (art. 132 al. 8 LOJ).

2. Le recours à la chambre administrative est ouvert dans d’autres cas lorsque la loi le prévoit expressément (art. 132 al. 6 LOJ).

Ainsi, en matière d’élections ou de votations, il est ouvert non seulement contre les décisions prises dans ce domaine par l’autorité administrative, mais également contre les violations de la procédure électorale, indépendamment d’une décision (art. 180 de la loi sur l’exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 - LEDP - A 5 05 ; ATA/163/2009 du 31 mars 2009).

3. Jusqu’à son abrogation le 27 septembre 2011, l’art. 85 LAC autorisait le recours auprès de la chambre administrative contre les décisions des autorités communales, dont celles du Conseil municipal. Depuis lors, la recevabilité des recours contre de telles décisions est réglée par l’art. 132 LOJ.

4. Le Conseil municipal d’une commune exerce des fonctions délibératives et consultatives (art. 29 al. 1 LAC) sous la forme de délibérations soumises à référendum (art. 29 al. 2 LAC) et les objets de ces délibérations sont définis à l’art. 30 LAC. Le Conseil municipal d’une commune appartenant au cercle des autorités administratives susceptibles de rendre des décisions sujettes à recours (art. 5 al. 1 let. e LPA), un tel recours est ouvert auprès de la chambre administrative dès que ces délibérations remplissent les conditions d’une décision au sens de l’art. 4 LPA.

5. Sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondés sur le droit public fédéral, cantonal ou communal, et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c).

En droit genevois, la notion de décision est calquée sur celle du droit fédéral (art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 - PA - RS 172.021), ce qui est également valable pour les cas limites, ou plus exactement pour les actes dont l’adoption n’ouvre pas de voie de recours.

6. Parmi les délibérations que peut prendre le Conseil municipal d’une commune figurent celles relatives à la fixation de son budget de fonctionnement annuel (art. 30 al. 1 let. a LAC), ainsi qu’aux crédits budgétaires supplémentaires et aux moyens de les couvrir (art. 30 al. 1 let. d LAC). Selon la jurisprudence et la doctrine, ces délibérations en matière budgétaire ne remplissent pas les conditions d’une décision au sens de l’art. 4 LPA. Elles ne sont pas attaquables par la voie du recours car elles ne créent pas de droits ou d’obligations pour les particuliers (SJ 1998 296, p. 298 ; F. BELLANGER, Le contentieux communal genevois in L’avenir juridique des communes, Genève 2007, p. 129 ; d’une manière plus générale pour les décisions en matière de budget : T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, Genève 2011, p. 369, n° 1092).

7. En l’espèce, par l’adoption de la délibération n° 9-2011, annulée par la délibération n° 2-2012, le Conseil municipal avait décidé, non seulement rétroactivement pour la législature précédente mais également pour les législatures futures, d’inscrire dans le budget de la commune un crédit de CHF 73’100.- afin de permettre le versement d’une indemnité unique à chaque conseiller administratif non réélu. Il instaurait par là une règle de portée générale, applicable à tous les conseillers administratifs sortants, qu’il s’agisse de ceux de la législature en cours ou des législatures futures, complétant en quelque sorte les dispositions communales applicables à leur rémunération. Du fait de son caractère normatif, le caractère d’une décision au sens de l’art. 4 LPA ne peut ainsi lui être reconnu (ATF 125 I 199). Partant, elle ne pouvait faire l’objet d’un recours auprès de la chambre de céans.

S’agissant de la délibération n° 2–2012 du 19 janvier 2012 qui constitue l’objet du présent recours, une solution identique doit être adoptée, par parallélisme des formes. Cette délibération, qui abroge le régime d’indemnisation mis en place le 20 octobre 2011, ne peut également, en vertu de l’art. 132 al. 2 LOJ, faire l’objet d’un recours ordinaire auprès de la chambre de céans, car elle ne peut être assimilée à une décision au sens de l’art. 4 LPA.

8. Il reste à déterminer si, en l’absence d’une telle décision, le recours à la chambre administrative est ouvert en vertu d’autres bases légales réservées par l’art. 132 al. 6 LPA, notamment pour violation de la procédure des opérations électorales au sens de l’art. 180 LEDP qui permet d’attaquer tout acte d’une autorité s’opposant au libre exercice des droits politiques, indépendamment de l’existence d’une décision.

9. Le recours en matière d’élections et de votations, a pour objectif de sauvegarder la liberté de vote garantie par l’art. 34 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; A. AUER / G. MALINVERNI / M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 1, 2ème éd., 2006, p. 300, n° 877). Celle-ci se décompose en une série de principes parmi lesquels le droit à la composition exacte du corps électoral, qui oblige l’autorité à vérifier que seuls prennent part aux votations et élections les citoyens qui ont l’exercice des droits politiques et que ceux-ci puissent les exercer (ibid., p. 300, n° 878), de même que le droit au respect des règles de procédure, soit des modalités de vote, du système électoral et des délais à respecter (ibid., p. 303, n° 885 et la jurisprudence citée ; ATA/769/2011 du 20 décembre 2011).

10. La délibération attaquée interfère indubitablement dans le processus référendaire dont l’aboutissement a été constaté par l’arrêté du Conseil d’Etat du 11 janvier 2012 puisqu’elle fait perdre tout objet à ce dernier et conduit à une interruption des opérations devant conduire au vote. Elle est donc susceptible de contrevenir à l’exercice des droits populaires et, sous l’angle de l’art. 180 LEDP, de constituer une violation, attaquable par la voie d’un recours pour violation de ceux-là.

11. Le recours en matière d’élections et de votations est soumis à un délai de recours de six jours, qui court dès la notification de la décision prise en la matière ou de la connaissance des faits constituant la violation alléguée (art. 62 al. 1 let. c LPA ; ATA/454/2009 du 15 septembre 2009). En l’espèce, les recourants qui ont agi dans les six jours suivant l’adoption de la délibération du 19 janvier 2012 ont recouru en temps utile.

12. La qualité pour recourir en matière de droits politiques appartient à toute personne disposant du droit de vote dans la cause en question, même si cette personne n’a aucun intérêt juridique personnel à l’annulation de l’acte attaqué (ATF 134 I 172 ; 130 I 290 ; 128 I 199 ; 121 I 138 ; ATA/181/2011 du 17 mars 2011 ; ATA/51/2011 du 1er février 2011). Tel est le cas de toutes les personnes physiques, qui recourent, lesquelles jouissent des droits civiques dans la commune. Quant au MCG, en l’absence d’informations plus précises sur son organisation au plan communal et sa personnalité juridique, la question de sa qualité pour agir peut être laissée ouverte dès lors qu’elle est reconnue aux autres recourants (ATA/609/2012 du 11 septembre 2012).

13. Il s’agit de déterminer si une autorité communale a le droit, lorsque, comme en l’espèce, le référendum lancé à l’encontre d’un acte qu’elle a adopté a abouti, d’annuler ledit acte avant que le scrutin n’ait lieu. Selon la jurisprudence une telle démarche est autorisée (ATF 98 Ia 290 ; Argauer Verwaltungsentscheide 1990 439, p. 440). La doctrine partage cet avis sur le principe de sa licéité. Selon E. GRISEL, ce procédé est admissible puisqu’il donne raison aux référendaires (Initiatives et référendum populaires, Berne, 3ème édition, 2004 p. 335) ; pour A. AUER, il l’est également, même s’il le considère douteux d’un point de vue politique (Les droits politiques dans les cantons suisses, 1978, p 178) ; selon B. TORNAY, le retrait ne doit pas relever de la pure tactique électorale (La démocratie directe saisie par le juge, Genève 2011, p. 181), tandis que pour Y. ANGARTNER et A. KLEY, il ne doit pas être motivé par la seule peur d’un résultat négatif (Die demokratischen Rechte in Bund und Kantonen der Schweizerischen Eidgenossenschaft, Zurich 2000.p. 150 et 691).

14. En l’espèce, il ressort du procès-verbal de la séance du 19 janvier 2012 que le projet de délibération n° 2-2012 a été proposé au vote des conseillers municipaux par les membres de deux formations politiques représentées au sein de cette assemblée. Ceux-ci constataient que l’adoption de la délibération n° 9-2011 s’était faite de manière précipitée puisque les conseillers administratifs qui avaient siégé durant la législature 2007-2011, n’avaient pas été consultés et refusaient l’indemnité proposée tandis que ceux qui étaient en fonction adoptaient une position identique. Ces raisons avaient conduit la majorité du Conseil municipal à annuler cette délibération quitte à reprendre la question de la réinsertion des conseillers administratifs sortants, d’une manière plus générale et abstraite. Le fait que la demande de référendum ait abouti a pu jouer un rôle dans l’adoption de la délibération attaquée. C’est toutefois le constat que la délibération adoptée en décembre n’était d’aucune application immédiate et que sa formulation imprécise se révélait insatisfaisante qui a dicté l’adoption de la délibération attaquée.

En fonction de ces motifs, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral rappelée précédemment, le Conseil municipal restait légitimé à annuler la délibération adoptée en décembre 2011, sans que cela doive être considéré comme une violation des opérations électorales, soit du processus référendaire en cours. De fait, le Conseil municipal a accédé aux vœux des référendaires sans qu’il y ait eu besoin d’organiser une votation. La situation de cette autorité peut être comparée à celle dans laquelle peut se trouver une autorité administrative lorsqu’une de ses décisions est contestée par un recours : nonobstant cette litispendance, elle reste en droit, à teneur de l’art. 67 al. 2 LPA, de la reconsidérer ou de la retirer.

15. Les recourants concluent encore au paiement d’une indemnité à raison de CHF 10’000.- au cas où leur recours serait rejeté pour les motifs précités. Ces conclusions sont irrecevables. D’une part, elles ont été formulées après l’échéance du délai de recours (art. 65 al. 1 LPA ; ATA/632/2012 du 18 septembre 2012). D’autre part, la chambre administrative n’a aucune compétence pour statuer sur une telle demande d’indemnisation, ni l’art. 132 LOJ ni aucune autre base légale ne lui conférant ce rôle qui est dévolu au Tribunal de première instance (art. 7 de la loi sur la responsabilité de l’Etat et des communes du 24 février 1989 - LREC - A 2 40).

16. Le recours sera rejeté dans la mesure où il est recevable. Un émolument de CHF  1’000.- sera mis à la charge conjointe et solidaire des recourants. Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 LPA).

17. Le présent arrêt sera communiqué au Conseil d’Etat en tant qu’autorité de surveillance des communes (art. 61 LAC).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette dans la mesure où il est recevable le recours interjeté le 25 janvier 2012 par le Mouvement Citoyens Genevois, Monsieur Sandro Pistis, et Mesdames Isabelle Baudin et Eliane Monney contre la délibération n° 2-2012 de la commune de Carouge ;

met un émolument de CHF 1’000.- à la charge conjointe et solidaire du Mouvement Citoyens Genevois, de Monsieur Sandro Pistis, et de Mesdames Isabelle Baudin et Eliane Monney ;

dit qu’il ne leur est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Mauro Poggia, avocat des recourants, à la commune de Carouge, ainsi qu’au Conseil d’Etat.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Hurni et Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :