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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/321/2016

ATA/771/2016 du 13.09.2016 ( FORMA ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : FACULTÉ(UNIVERSITÉ) ; INSTITUTION UNIVERSITAIRE ; PLAGIAT ; ÉGALITÉ DE TRAITEMENT ; LÉGALITÉ ; POUVOIR D'EXAMEN
Normes : Cst.5.al1; Cst.8; LU.6; Directive en matière de plagiat des étudiants.1
Résumé : Admission partielle du recours d'une étudiante contre l'université de Genève, cette dernière ayant prononcé l'élimination de la recourante sur la base d'un plagiat afférent à un travail non-académique. Le travail en question avait été assimilé à tort à un travail académique, et n'entrait pas dans le champ d'application de la directive anti-plagiat, de sorte que l'UNIGE ne pouvait pas le sanctionner de plagiat.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/321/2016-FORMA ATA/771/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 septembre 2016

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Cyril Mizrahi, avocat

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE



EN FAIT

1. Madame A______ est titulaire d'un baccalauréat et d'une maîtrise universitaire en mathématiques, obtenus respectivement en 2011 et 2013.

Elle a également obtenu le certificat complémentaire de base en didactique de la discipline et en sciences de l'éducation (ci-après : CCDIDA) en mathématiques.

2. En juillet 2013, Mme A______ a été admise pour la maîtrise universitaire spécialisée en enseignement secondaire (ci-après : MASE) en mathématiques, dispensée par l'Université de Genève (ci-après : l'université).

Conformément au programme, l'intéressée a effectué un stage en responsabilité d'enseignement dans l'enseignement secondaire durant l'année académique 2013-2014.

Elle a obtenu, lors du deuxième semestre, une des deux attestations de stage requises pour le valider. Elle n'a cependant pas obtenu la deuxième attestation, raison pour laquelle elle a dû effectuer un stage de rattrapage, encadré par une chargée d'enseignement, Madame B______, et une formatrice de terrain, Madame C______, l'année académique suivante.

3. Le premier des cinq objectifs de ce stage, fixé lors d'une séance tripartite en décembre 2014, était l'établissement de fiches prévisionnelles, lesquelles devaient faire apparaître « une mise en lien explicite avec les objectifs et l'appropriation concrète des documents de collègues en indiquant et justifiant les éventuelles modifications apportées » dans le cadre du repérage des obstacles et l'anticipation des difficultés des élèves notamment.

Suite à plusieurs visites effectuées par Mmes B______ et C______, elles ont repéré qu'il subsistait une carence dans ce premier objectif. Un travail à ce sujet lui serait par conséquent demandé avant la dernière séance tripartite.

4. Par courriel du 24 avril 2015, Mme B______ a fixé à l'intéressée un délai au mercredi 29 avril 2015 pour rendre une fiche prévisionnelle sur l'addition de fractions, fiche qui devait proposer une analyse didactique permettant de justifier les choix de Mme A______.

5. Le jour du rendez-vous, Mme A______ a été informée du report de ce dernier.

6. Consécutivement, Mme A______ a été convoquée à un entretien le 5 mai 2015, lequel avait pour but de déterminer si la fiche prévisionnelle rendue était constitutive de plagiat au vu des passages empruntés sans indication de source.

Mme A______ a reconnu s'être documentée et avoir choisi le travail d'un ancien étudiant mis à disposition sur une plateforme de partage sur internet, ce travail lui semblant pertinent pour effectuer le sien. Elle avait tapé six pages et inséré des captures d'écran. Cependant, ce genre de pratique était usuel dans le cadre d'une préparation de fiche de travail, les enseignants étant autorisés à le faire. Elle n'avait effectivement effectué que très peu de changements et d'ajouts personnels, mais pensait qu'elle pourrait défendre ses choix par oral, lors de la séance tripartite qui n'avait pas eu lieu. Il lui a été expliqué que le travail demandé était une évaluation et validation de ses compétences, de sorte qu'il devait mentionner les sources utilisées. Le plagiat était donc avéré.

À la fin de l'entretien, toutes les personnes présentes ont signé le procès-verbal, à l'exception de Mme A______ et de son représentant syndical.

7. Par courrier du 10 mai 2015, Mme A______ a transmis à la directrice de l'institut universitaire de formation des enseignants (ci-après : IUFE) des observations complémentaires qu'elle n'avait pas pu émettre lors de l'entretien du 5 mai 2015.

L'objectif prioritaire qu'elle devait améliorer autorisait l'utilisation de documents de collègues, sans obligation de citation de sources, pour autant qu'ils soient discutés et analysés durant l'entretien tripartite. Par ailleurs, dans son courriel du 24 avril 2015, donnant les consignes pour la fiche prévisionnelle, Mme B______ avait spécifié que Mme A______ devait faire une analyse didactique comme elle et sa chargée d'enseignement l'avaient notamment pratiqué lors du dernier entretien. Or, il n'était pas spécifié qu'il devait s'agir d'une analyse personnelle, ou d'une évaluation et validation de ses compétences à analyser une séquence didactique, comme rapporté dans l'entretien du 5 mai 2015. Ce papier ne devait pas être considéré comme un travail écrit, mais simplement comme une base de discussion pour débattre du sujet.

8. Par décision du 13 mai 2015, le comité de direction de l'Université de Genève (ci-après: le comité) a constaté un plagiat dans le travail rendu et a décidé de saisir le conseil de discipline de l'université.

9. Le 18 juin 2015, Mme A______ a été entendue par le comité de direction pour faire part de ses observations, lesquelles reprenaient en substance ce qu'elle avait déjà expliqué lors de sa première audition et dans son courrier du 10 mai 2015. La directrice de l'IUFE maintenait également sa position, selon laquelle un cas de fraude était avéré.

10. Par décision du 25 juin 2015, le comité de direction a confirmé le plagiat, correspondant à un échec à l'évaluation concernée. Étant donné que Mme A______ avait déjà échoué une première fois à ladite évaluation, soit l'attestation II du stage en responsabilité, la directrice de l'IUFE a prononcé l'élimination de l'intéressée de la formation. Par ailleurs, le comité de direction a saisi le conseil de discipline, conformément à la législation en vigueur.

11. Le 8 juillet 2015, Mme A______ a fait opposition à la décision d'élimination précitée.

Elle avait validé tous ses travaux académiques dans le cadre de sa formation. Il ne lui restait que les visites de terrain pour la terminer. Avant chaque visite, l'intéressée préparait une fiche prévisionnelle en choisissant ou modifiant des activités pédagogiques venant de manuels ou d'autres collègues. La justification des choix se faisait toujours oralement lors des tripartites. L'usage, dans la rédaction des fiches prévisionnelles, était de ne jamais citer les sources par écrit, afin d'agir comme les enseignants. Étant donné que pour la dernière fiche prévisionnelle litigieuse, il lui avait été demandé de proposer une analyse didactique comme ce qu'elle avait déjà fait dans le cadre des ateliers de didactique, elle avait choisi le travail d'un autre étudiant proposé sur une plateforme de partage internet. L'échange de travaux entre enseignants était quelque chose de normal dans la préparation des cours. Partant, Mme A______ réfutait l'accusation de plagiat.

12. Le 17 septembre 2015, la direction de l'IUFE a saisi le conseil de discipline concernant le cas de Mme A______.

13. Le 9 novembre 2015, la commission des oppositions de l'IUFE a préavisé le rejet de l'opposition, la confirmation du plagiat et l'échec en deuxième tentative à l'évaluation II du stage en responsabilité. Elle a également préavisé la confirmation de l'élimination prononcée le 25 juin 2015.

14. Par courrier du 27 novembre 2015, Mme A______ a transmis ses observations.

Pour chaque fiche prévisionnelle, l'intéressée avait fait des captures d'écran, comme pour la fiche litigieuse, sans qu'aucune remarque lui soit faite. Ceci était la preuve que le rendu de fiches prévisionnelles n'était pas considéré comme un travail académique, aucune desdites fiches n'avait été notée ou évaluée comme tel.

15. Par décisions séparées des 18 et 22 décembre 2015, le comité a rejeté l'opposition formée par Mme A______ et a confirmé le plagiat, l'échec en deuxième tentative à l'évaluation du stage en responsabilité et par conséquent son élimination de la formation. Les décisions étaient exécutoires nonobstant recours.

Mme A______, dans le cadre de l'élaboration de sa dernière fiche prévisionnelle, avait admis avoir utilisé un document d'analyse d'un autre étudiant sans citer ses sources. Ladite fiche prévisionnelle que devait rendre l'intéressée était un document obligatoire et faisait partie de l'atelier de didactique des mathématiques, évalué selon les modalités que connaissaient les étudiants.

Par ailleurs, elle avait déjà été sanctionnée en 2014 pour avoir plagié, elle devait ainsi connaître les conséquences que cela entraînait. La pratique courante d'échange et d'utilisation des travaux d'autres enseignants dont se prévalait Mme A______ ne s'appliquait pas à elle car elle était étudiante stagiaire en formation et non pas enseignante.

Aucune circonstance exceptionnelle n'était à même de déroger à l'élimination de la formation suite au deuxième échec de la même évaluation, conformément à la législation.

16. Le 29 janvier 2016, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre les décisions précitées, concluant à leur annulation, à la réussite du stage et du module litigieux et à l'obtention du titre de maîtrise universitaire spécialisée en enseignement secondaire. Elle sollicitait préalablement la comparution personnelle des parties et l'audition d'un témoin.

La direction de l'IUFE avait méconnu le principe d'égalité de traitement en assimilant la fiche prévisionnelle à un travail académique, ce dernier seulement pouvant être sanctionné par le plagiat. La recourante avait reçu l'instruction de rédiger un outil de discussion, en vue d'une séance tripartite faisant suite à une période d'enseignement qui devait être évaluée, et non pas un travail académique. Pour ce genre de travaux, il était d'usage d'utiliser les travaux d'autres stagiaires sans mentionner les sources, ce qui n'avait jamais posé problème auparavant. Le temps imparti pour rédiger ladite fiche était trop court pour qu'elle remplisse les exigences d'un travail académique. Enfin, cette fiche prévisionnelle ne constituait pas l'objet de l'évaluation, celle-ci devant avoir lieu lors de la tripartite du 30 avril 2015.

Le principe de l'interdiction de l'arbitraire était également violé, tant dans l'assimilation insoutenable de la fiche prévisionnelle à un travail académique, et donc dans le relevé d'un plagiat, que dans le résultat, soit l'élimination injustifiée de la recourante du programme de formation.

Le comité avait violé le principe de la confiance. En effet, en se fondant sur les indications de Mme B______, chargée d'enseignement, soit d'élaborer la fiche prévisionnelle litigieuse comme la dernière, la recourante avait de bonne foi rédigé ladite fiche en empruntant des travaux à un tiers sans le citer, comme elle l'avait fait auparavant. Le fait de s'être basée sur les indications d'une personne compétente pour donner lesdites instructions avait mené à une condamnation pour plagiat et à son élimination, un lien de causalité était dès lors avéré.

Enfin, la procédure applicable en matière de fraude et de plagiat avait été violée car celle-ci prévoyait que si le plagiat entraînait l'élimination définitive de l'étudiant concerné, la direction devait saisir le conseil de discipline, ce qui n'avait pas été fait en l'espèce, ce dernier ne s'étant jamais prononcé.

17. Le 22 mars 2016, l'université a conclu au rejet du recours et à la confirmation de ses décisions sur opposition des 18 et 22 décembre 2015.

La fiche prévisionnelle, partie intégrante de l'évaluation de la séance tripartite prévue le 30 avril 2015, devait être considérée comme un travail académique et entrait dans le champ d'application de la directive anti-plagiat. Le délai fixé à la recourante pour rendre ladite fiche était le même pour tous les étudiants, et le thème donné était une matière connue de Mme A______. Elle ne pouvait pas se prévaloir d'une pratique courante chez les enseignants d'échanger les travaux pour la préparation de cours car elle n'était pas enseignante mais étudiante en formation. Mme B______ n'avait pas donné d'indications à la recourante lui autorisant à emprunter des travaux d'autres étudiants sans les citer. Le conseil de discipline avait été saisi le 17 septembre 2015, mais avait décidé de suspendre la procédure jusqu'à droit jugé sur l'opposition de Mme A______.

La chambre administrative, même si elle ne reconnaissait pas le plagiat, ne serait pas en mesure de prononcer la réussite du stage en responsabilité et l'obtention du titre de maîtrise, son pouvoir d'examen en matière d'examens et d'évaluation étant trop restreint par rapport à celui des examinateurs. Partant, elle ne pourrait pas se substituer aux évaluateurs et octroyer un diplôme sans évaluation préalable par l'administration compétente.

18. Le 18 avril 2016, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties.

a. Mme A______ a confirmé les termes de son recours. Elle avait repris les documents d'un étudiant disponibles en ligne pour l'élaboration de sa fiche prévisionnelle, qui, pour elle, n'était pas un travail académique. C'était la première fois qu'il lui était demandé, dans le cadre d'une fiche prévisionnelle, d'effectuer une analyse par écrit. Si la séance orale avait eu lieu, comme c'était prévu, elle aurait discuté des sources utilisées dans l'élaboration de ladite fiche.

b. Les représentants de l'université ont persisté dans leurs déterminations. Les fiches prévisionnelles consistaient en une analyse prospective, effectuées avant de donner un cours, de ce que l'enseignant en formation allait faire, des problèmes de compréhension que les élèves pouvaient rencontrer et des moyens à mettre en œuvre pour s'assurer que l'objectif du cours serait atteint. Mme A______ aurait dû expliquer les raisons pour lesquelles elle avait choisi de reprendre les travaux de l'étudiant en question. La fiche litigieuse, qui devait être préparée par elle-même, consistait à vérifier les progrès de l'intéressée dans sa capacité d'effectuer une analyse préalable.

19. Le 13 juin 2016, le juge délégué a entendu Mme B______, chargée d'enseignement suivant Mme A______, et Madame D______, formatrice de terrain suivant des étudiants de l'IUFE.

a. Mme B______ a indiqué que la recourante avait de la difficulté avec la didactique. La fiche prévisionnelle litigieuse demandée à Mme A______ consistait en une préparation d'une leçon sur un thème qu'elle avait déjà enseigné. La préparation d'une telle fiche était essentielle pour la formation des enseignants. Pour cette fiche en particulier, Mme B______ n'attendait qu'un cadre permettant l'analyse du cours s'il avait été donné, raison pour laquelle il était demandé à l'étudiante de justifier les choix qui avaient été faits. La fiche prévisionnelle litigieuse n'en était pas toute à fait une car la leçon ne devait pas être donnée. Les captures d'écran utilisées par la recourante auraient été admissibles si elle avait mentionné qu'elles appartenaient à quelqu'un d'autre et si elle avait justifié son choix.

b. Mme D______ a expliqué que si, dans le cadre de la préparation du cours et partant dans l'élaboration de la fiche prévisionnelle, des étudiants avaient repris des documents appartenant à des tiers, cela n'aurait pas été « dramatique » car l'important, en physique, était le travail d'analyse faisant suite à la leçon donnée. Il était cependant attendu que le document qui lui était transmis ait été élaboré par l'étudiant. Elle ne s'était jamais retrouvée dans une situation où un étudiant avait repris le travail d'un autre.

20. Lors de l'audience, la recourante a versé trois anciennes fiches prévisionnelles rédigées par ses soins.

21. Le 12 mai 2016, l'intimée a produit trois fiches prévisionnelles rédigées par trois étudiants différents.

22. Le 14 juillet 2016, la recourante a répliqué aux observations de l'intimée du 22 mars 2016 et a transmis ses observations après enquêtes, en persistant dans ses conclusions.

Il ressortait des fiches produites lors de l'audience et de celles produites par l'intimée le 12 mai 2016, qu'aucune d'entre elles ne mentionnait de sources ou de références. Aux termes des différentes auditions et au vu des fiches produites, il était constant que le travail demandé était la réalisation d'une fiche prévisionnelle, soit un document dont rien n'exigeait qu'il comprenne des mentions de sources ou de références. Ainsi, en soumettant son travail à la directive concernant le plagiat, l'intimée avait violé le principe de l'égalité de traitement.

Dans les instructions qu’elle avait reçues pour l'élaboration de la fiche, il était certes indiqué qu'une analyse était requise mais qu'il s'agissait tout de même d'une fiche prévisionnelle devant être réalisée « comme […] pratiquée lors du dernier entretien », soit celle comportant des captures d'écrans sans mention de source ni de référence. Ceci, en plus des motifs invoqués dans son recours du 29 janvier 2016, violait le principe de la confiance par l'intimée.

23. Le 15 juillet 2016, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 36 al. 1 du règlement relatif à la procédure d'opposition au sein de l'université du 16 mars 2009 - RIO - UNIGE).

2. Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA).

3. La recourante reproche à l'université d'avoir violé le principe de l'égalité de traitement en assimilant la fiche prévisionnelle requise avec un travail académique et, partant, d'avoir appliqué à ladite fiche la directive sur le plagiat. Ce principe aurait également été violé car plusieurs autres étudiants auraient utilisés, lors de l'élaboration de fiches prévisionnelles, des documents appartenant à autrui sans référence et que ces mêmes étudiants n'auraient pas été sanctionnés. La violation du principe de la légalité sera également analysée dans ce chapitre.

a. Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 138 V 176 consid. 8.2 p. 183).

b. Le principe de la légalité, consacré à l'art. 5 al. 1 Cst., exige que l'administration n'agisse que dans le cadre fixé par loi. Par loi au sens formel, on entend tout acte que le législateur a adopté selon la procédure législative ordinaire (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 305 p. 104).

En revanche, on entend par prescriptions autonomes les règles de droit édictées par des entités étatiques distinctes de l’État fédéral ou des cantons : collectivités décentralisées (communes), établissements publics autonomes, organismes privés délégataires de tâches publiques. La compétence d'édicter de telles règles sera fondée dans la Constitution ou la loi, fédérale ou cantonale. L'attribution de compétence est souvent accompagnée d'un mécanisme d'approbation (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 339 p.112-113).

c. Au terme de l'art. 1 de la loi sur l'université du 13 juin 2008 (LU - C 1 30), l’université est un établissement de droit public doté de la personnalité morale, placé sous la surveillance du Conseil d’État qui l’exerce par l’intermédiaire du département de l'instruction publique, de la culture et du sport (ci-après : DIP ou le département) (al. 1). L’université s’organise elle-même, fixe ses priorités et ses modalités d’action et est responsable de sa gestion dans le cadre des orientations, principes et règles stipulés par la présente loi et dans le respect des dispositions pertinentes du droit fédéral (al. 2). Les dispositions complétant la présente loi sont fixées dans le statut de l’université (ci-après : statut), les règlements dont celle-ci se dote sous réserve de l’approbation du Conseil d’État et d’autres règlements adoptés par l’université (al. 3).

d. Basée sur l'art. 6 LU, la directive en matière de plagiat des étudiant-e-s, adoptée par le rectorat le 12 septembre 2011, indique que le plagiat consiste à insérer, dans un travail académique, des formulations, des phrases, des passages, des images, ou des chapitres entiers, de même que des idées ou analyses repris de travaux d’autres auteurs, en les faisant passer pour siens. Le plagiat est réalisé de la part de l’auteur du travail soit par l’appropriation active desdits textes ou idées d’autrui, soit par l’omission de la référence correcte aux textes ou aux idées d’autrui et à leurs sources. Les règlements des facultés, ainsi que les indications détaillées des enseignants déterminent les modalités de référencement appropriées (art. 1).

e. En l'espèce, il s'agit de déterminer si la fiche prévisionnelle requise par courriel du 24 avril 2015 constituait un travail académique à part entière soumis à la directive anti-plagiat. Même si Mme B______ affirme, lors de son audition, que pour elle, la fiche prévisionnelle n'en était formellement pas une, aucune leçon ne devant être donnée, il ressort du courriel du 24 avril 2015, qu'elle a bel et bien demandé à la recourante de préparer une fiche prévisionnelle, ce terme figurant en gras. Il s'agit dès lors bien matériellement d'une fiche prévisionnelle. Une telle fiche sert à préparer un cours sur un thème donné, notamment anticiper des problèmes que pourraient rencontrer les élèves. Il ne s'agit pas d'un travail de recherche scientifique, mais d'une sorte de « feuille de route » dans laquelle l'étudiant en formation traite un sujet donné, selon les instructions fixées par les chargés d'enseignement, et ce, en surface, afin de pouvoir discuter des choix fait par ledit étudiant lors d'une séance tripartite. Ces séances, en nombre multiple, sont ensuite évaluées pour la réussite du stage en responsabilité et, partant, l'obtention du diplôme de formation. Ainsi, ce n'est pas la fiche en elle-même qui est évaluée, mais le processus entier d'apprentissage comprenant l'entretien lors duquel l'étudiant doit expliquer les choix qui sont les siens dans l'élaboration de ladite fiche. Il est donc admis que la fiche prévisionnelle fait partie du processus d'évaluation, mais elle ne doit pas être considérée comme un travail académique en tant que tel. La directive anti-plagiat n'aurait pas dû s'appliquer au cas de la recourante.

Par ailleurs, le courriel du 24 avril 2015 qu'elle a reçu de sa chargée d'enseignement, précisait bien qu'elle devait rendre une fiche prévisionnelle à élaborer de la même manière dont elle avait procédé pour les précédentes fiches. Dans ces dernières, tout comme dans celles produites par d'autres étudiants, il a été démontré que des captures d'écrans et des travaux appartenant à des tiers avaient été utilisés sans mentionner de référence et qu'aucune remarque n'avait été émise à ce sujet. Il sied de relever que Mme D______, enseignante en physique et en mathématiques, également formatrice de terrain en physique, a indiqué que les « canevas », auxquels étaient annexés des documents, qu'elle demandait à ses étudiants de lui remettre avant les leçons auxquelles elle allait assister, pouvaient être repris de tiers. Elle a néanmoins précisé qu'elle n'avait jamais été confrontée à la situation d'un étudiant ayant repris le travail d'un tiers pour l'élaboration d'un canevas.

Ainsi, en assimilant la fiche prévisionnelle litigieuse à un travail académique, et partant, en appliquant la directive en matière de plagiat à un travail n'entrant pas dans son champ d'application, la direction de l'université a traité de manière identique deux sortes de travaux dissemblables et a donc violé le principe d'égalité de traitement et le principe de la légalité. Elle a également violé le principe de l’égalité de traitement en traitant différemment la recourante, sanctionnée pour avoir repris des documents d'un ancien étudiant dans le cadre de l'élaboration d'une fiche prévisionnelle, des autres étudiants ayant agi de la même manière pour ce même type de travail sans avoir été sanctionnés.

Le grief de la recourante de violation de l'égalité de traitement sera admis, le plagiat sera rejeté et il ne sera dès lors pas nécessaire d'examiner les autres griefs invoqués.

4. La recourante conclut à l'annulation des décisions, à la réussite du stage en responsabilité et du module « pratique de l'enseignement accompagnée et analysée 2 », ainsi qu'à l'obtention du titre de « maîtrise universitaire spécialisée en enseignement secondaire ».

a. En matière d’examens, le pouvoir de l’autorité de recours est extrêmement restreint, sauf pour les griefs de nature formelle, qu’elle peut revoir avec un plein pouvoir d’examen. En effet, selon la jurisprudence, l'évaluation des résultats d'examens entre tout particulièrement dans la sphère des décisions pour lesquelles l'administration ou les examinateurs disposent d'un très large pouvoir d'appréciation et ne peut faire l'objet que d'un contrôle judiciaire limité (ATA/1220/2015 du 10 novembre 2015 consid. 4).

Cette retenue respecte la jurisprudence du Tribunal fédéral, qui admet que l'autorité judiciaire précédente fasse preuve d'une certaine retenue (« gewisse Zurückhaltung »), voire d'une retenue particulière (« besondere Zurückhaltung »), lorsqu'elle est amenée à vérifier le bien-fondé d'une note d'examen (ATF 136 I 229 consid. 5.4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_54/2014 du 23 janvier 2015 consid. 5.6 ; 2C_632/2013 du 8 juillet 2014 consid. 3.2 ; 2D_6/2013 du 19 juin 2013 consid. 3.2.2). Notamment, dans le cadre de l’évaluation matérielle d’un travail scientifique, il existe des marges d’appréciation, qui impliquent forcément qu’un même travail ne soit pas apprécié de la même manière par les spécialistes. Les tribunaux peuvent faire preuve de retenue tant qu’il n’y a pas d’éléments montrant des appréciations grossièrement erronées (ATF 136 I 229 consid. 5.4.1).

b. En l'espèce, l'université n'a pas procédé à l'évaluation de l'ensemble du processus menant à l'accomplissement du stage en responsabilité, car il a considéré que la fiche prévisionnelle, étape préalable de l'entretien tripartite, était entachée de plagiat. Dès lors, ce n'est pas l'évaluation même qui est contestée, mais bien le fait que la recourante n'a pas été évaluée, en raison de la confirmation du plagiat, puis de son élimination de la formation. Partant, ayant un pouvoir d'appréciation extrêmement restreint en matière d'examens, la chambre administrative n'est compétente ni pour prononcer la réussite du stage en responsabilité, ni le module « pratique de l'enseignement accompagnée et analysée 2 ». Elle n'est également pas compétente pour prononcer l'obtention de la « maîtrise universitaire spécialisée en enseignement secondaire ».

La recourante sera dès lors autorisée à présenter une nouvelle fiche prévisionnelle, remplaçant celle litigieuse, en vue d'un entretien tripartite, et dont le nouveau thème sera choisi par l'université.

Les conclusions prises par la recourante, à l'exception de la conclusion en annulation des décisions entreprises, seront par conséquent rejetées.

5. Au vu de ce qui précède, la chambre administrative admettra partiellement le recours, annulera les décisions sur opposition des 18 et 22 décembre 2015 et invitera l'université à réévaluer Mme A______ selon les règles en vigueur dans les ateliers de didactiques de l'IUFE.

6. Au vu de l'issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge de l'intimée (art. 87 al. 1 LPA).

La recourante obtenant gain de cause, une indemnité de procédure de CHF 2’000.- lui sera allouée, à la charge de l'intimée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 janvier 2016 par Madame A______ contre les décisions de l'Université de Genève des 18 et 22 décembre 2015 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision de l'Université de Genève du 18 décembre 2015 confirmant le plagiat et l'échec en deuxième tentative du stage en responsabilité de Madame A______ ;

constate qu'il n'y a pas eu de plagiat et que par conséquent Madame A______ n'a pas échoué en deuxième tentative du stage en responsabilité ;

annule la décision de l'Université de Genève du 22 décembre 2015 éliminant Madame A______ de la maîtrise universitaire spécialisée en enseignement secondaire en mathématiques ;

invite l'Université de Genève à réévaluer Madame A______ sur la base d'un nouveau thème selon les règles en vigueur dans les ateliers de didactiques de l'institut universitaire de formation des enseignants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à Madame A______ une indemnité de procédure de CHF 2'000.-, à la charge de l'Université de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

-          par la voie du recours en matière de droit public ;

-          par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Cyril Mizrahi, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'Université de Genève.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin et Mme Junod, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :