Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1676/2017

ATA/763/2018 du 20.07.2018 sur JTAPI/1343/2017 ( ICCIFD ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1676/2017-ICCIFD ATA/763/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 juillet 2018

4ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Antoine Berthoud, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 décembre 2017 (JTAPI/1343/2017)


EN FAIT

1) Le litige concerne le refus de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) de communiquer à Monsieur A______ une pièce de son dossier dans le cadre d’une procédure en rappel d’impôt et pour soustraction d’impôt portant sur l’impôt cantonal et communal (ICC) et l’impôt fédéral direct (IFD) 2001 à 2014.

2) Par lettres recommandées des 11 octobre 2011, respectivement 10 juin 2016, l’AFC-GE a informé le contribuable de l’ouverture de procédures en rappel d’impôt et pour soustraction d’impôt concernant les années fiscales 2001 à 2009, respectivement 2010 à 2014.

L’AFC-GE a considéré que le contribuable contrôlait la B______ et que les avoirs de cette dernière devaient être imposés chez lui. Par ailleurs, il était aussi l’ayant-droit économique de sociétés « offshore » détenant des comptes bancaires.

Sur la base des éléments à sa disposition, l’AFC-GE avait déterminé les reprises à effectuer pour les périodes fiscales 2001 à 2014. Certains avoirs bancaires pour les années 2001 à 2006 et 2008 à 2014 et leurs rendements avaient été estimés sur la base des informations à sa disposition. Le contribuable était dès lors prié de fournir les pièces justificatives nécessaires, afin de déterminer le montant exact des reprises.

3) Par courrier du 14 juin 2016, le contribuable a demandé à consulter l’intégralité du dossier avant de prendre position sur les reprises.

4) Après avoir pu consulter le dossier en date du 9 août 2016, le contribuable a sollicité de la part de l’AFC-GE qu’elle lui communiquât les pièces 37a à 37h, 38 et 39. Il a exposé que l’AFC-GE ayant déclaré la pièce 38 couverte par le secret fiscal, elle lui avait, certes, indiqué oralement qu’il s’agissait d’un tableau récapitulatif listant des numéros de comptes avec leurs intitulés, l’identité du cocontractant et de l’ayant-droit économique, ainsi que le montant des avoirs bruts et nets au 31 décembre 2007. Elle avait toutefois refusé de lui communiquer l’identité de la personne qui l’avait établie. Or, sans savoir de qui émanait ce document, il était impossible au contribuable de se prononcer sur son éventuelle force probante.

5) Par courrier du 25 août 2016, l’AFC-GE a remis au mandataire une copie des pièces 37a à 37h et 39. S’agissant de la pièce 38, elle lui a confirmé les informations précédemment fournies oralement, en soulignant que ce document était couvert par le secret fiscal. Un délai au 30 septembre 2016 était imparti au contribuable pour formuler d’éventuelles observations.

Ce délai a été prolongé au 31 janvier 2017, afin de permettre au contribuable de procéder à une analyse comptable par un expert mandaté et pour remettre des pièces complémentaires.

6) Par courrier du 31 janvier 2017, le contribuable a répondu avoir acquis un soupçon fondé que l’auteur de la pièce 38 était un collaborateur de la banque C______ devenue D______ (ci-après : E______). Si tel devait être le cas, ce document aurait été transmis à l’AFC-GE en violation du secret bancaire, opposable au fisc, ce qui était réprimé pénalement. Dès lors, faute de preuve apportée par l’AFC-GE que l’auteur de ce document n’était pas soumis au secret bancaire, il fallait écarter cette pièce de la procédure avec tous les éléments qui en découlaient. Par ailleurs, le contribuable contestait formellement être le titulaire des avoirs récapitulés dans ce document ou devoir être taxé sur cette base, ainsi que les montants en fortune et en revenus qui y figuraient.

7) Par lettre recommandée du 8 février 2017, l’AFC-GE a confirmé que la pièce 38 n’était pas soumise au secret bancaire, mais soumise au secret fiscal comme indiqué dans son courrier du 25 août 2016. Elle a accordé un délai au contribuable pour remettre les pièces requises.

8) Par courrier recommandé du 10 février 2017, le contribuable a formellement demandé à l’AFC-GE de lui communiquer la pièce 38 dans son intégralité avec l’indication de l’identité de son auteur, en précisant qu’un refus de sa part devait faire l’objet d’une décision susceptible de recours.

9) Par lettre recommandée du 13 avril 2017, l’AFC-GE a informé le contribuable que les procédures de rappel d’impôt et de soustraction d’impôt pour les années 2001 à 2009 et 2010 à 2014 étaient terminées et lui a remis ses bordereaux de rappel ICC et IFD 2002 à 2009, de taxation ICC et IFD 2010 à 2014, d’amende pour soustraction consommée pour l’ICC 2007 à 2009 et d’amende pour tentative de soustraction concernant l’ICC et l’IFD 2010 à 2014.

Elle rappelait également que le contribuable avait pu consulter l’intégralité du dossier, excepté la pièce 38 dont le contenu essentiel lui avait été communiqué oralement le 9 août 2016 et confirmé par écrit le 25 août 2016 avec la mention qu’elle était couverte par le secret fiscal. La confirmation qu’elle n’était pas couverte par le secret bancaire avait été donnée par courrier du 8 février 2017. En outre, le contribuable avait eu la possibilité de s’exprimer et d’apporter ses propres moyens de preuve. Par conséquent, elle estimait avoir pleinement respecté les conditions légales applicables.

10) Par acte expédié le 5 mai 2017, le contribuable a saisi le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) d’un recours contre le refus de l’AFC-GE, signifié dans sa décision du 13 avril 2017, de le laisser consulter la pièce 38. Il a conclu à ce qu’il soit ordonné à l’AFC-GE de produire cette pièce, le cas échéant en caviardant le nom de tiers contribuables y figurant, et de communiquer l’identité complète de son auteur.

Bien que cette décision ne remplît pas les conditions de forme, elle comportait clairement le refus de l’AFC-GE de donner suite à sa demande, de sorte que le recours contre celle-ci était ouvert.

L’affirmation de l’AFC-GE selon laquelle le document litigieux était couvert par le secret fiscal et n’était pas soumis au secret bancaire n’était étayée par aucun élément. En particulier, le nom de son auteur n’ayant pas été communiqué, il était impossible de vérifier s’il s’agissait d’un employé de la banque où les fonds litigieux étaient déposés. Certaines des informations dont l’AFC-GE se prévalait ne pouvaient être connues que d’un collaborateur de la banque dépositaire, ce qui permettait de nourrir le soupçon d’une violation du secret bancaire. Or, ce soupçon ne pouvait être levé que si l’identité de l’auteur de la pièce était divulguée.

Par ailleurs, d’après la description donnée par l’AFC-GE de cette pièce, il ne voyait pas en quoi le secret fiscal pouvait être violé, dans la mesure où il était lui-même supposé être le titulaire des comptes. Quoi qu’il en soit, si des noms de tiers devaient apparaître sur le document, ils pouvaient être caviardés. Enfin, il ne comprenait pas non plus pourquoi la divulgation de l’identité de l’auteur du document violerait le secret fiscal.

11) L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Le contribuable avait lui-même confirmé que le contenu essentiel de la pièce 38 lui avait été communiqué oralement, puis par écrit, et qu’il avait ainsi pu s’exprimer sur son contenu et apporter les moyens de preuve qu’il jugeait nécessaires. Partant, il n’y avait pas eu de violation du droit de consulter le dossier.

Les informations contenues dans la pièce litigieuse concernaient en majeure partie des tiers, et le contribuable avait été renseigné sur son contenu avec suffisamment de précision, de sorte qu’il n’apparaissait pas opportun de la lui remettre, dès lors qu’elle serait presqu’entièrement caviardée.

La pièce avait été découverte dans le cadre d’une enquête menée par l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) contre un contribuable gestionnaire de fortune indépendant. Les honoraires de gestion de ce dernier étant notamment calculés sur la valeur des dépôts de ses clients figurant sur des listes, celles-ci avaient été séquestrées afin de déterminer son chiffre d’affaires. Or, il ressortait de ces listes que le contribuable était un client de ce gestionnaire de fortune et qu’il disposait d’avoirs bancaires auprès de la E______ qui n’avaient pas été déclarés. C’était dès lors dans le cadre parfaitement légal de cette collaboration avec l’AFC-CH, qu’elle s’était fondée sur ces informations pour ouvrir une procédure de contrôle à l’encontre du recourant. Une lettre de l’AFC-CH du 8 août 2017 confirmait ces explications.

12) Dans sa réplique, le recourant a relevé que l’information essentielle selon laquelle la pièce litigieuse consistait en une liste mentionnant les avoirs sur lesquels un gestionnaire de fortune disposait d’un pouvoir de gestion ne lui avait pas été communiquée auparavant.

En déclarant que les noms des tiers mentionnés sur cette liste devaient être caviardés si ce document était produit comme moyen de preuve, l’AFC-CH ne semblait pas partager le refus de l’AFC-GE de communiquer cette pièce. Le refus de révéler le nom de l’auteur de la pièce n’était toujours pas expliqué et ne pouvait pas se justifier par le respect du secret fiscal, puisque, après caviardage des données de tiers, ce document ne pouvait contenir aucune information sur la situation financière de cette personne.

Selon lui, il devait s’agir de Monsieur F______, qui avait été directeur général, du 15 février 1995 au 17 septembre 1999, puis administrateur de E______, du 23 mars 2005 au 3 avril 2007 En tant que client de la banque, il avait fait sa connaissance.

Le TAPI n’avait pas à trancher la question de savoir si la pièce était soumise au secret bancaire ou non et de ses conséquences sur les procédures de rappel et pour soustraction d’impôt. En revanche, il était essentiel que l’identité de l’auteur de ce document fût clarifiée, afin que cette question fût traitée dans le cadre de la réclamation déjà déposée contre les bordereaux de rappel d’impôt et d’amendes.

13) Dans sa duplique, l’AFC-GE a indiqué que, comme le mentionnait sa lettre du 8 août 2017, la pièce litigieuse avait été obtenue dans le cadre d’une procédure à l’encontre d’un contribuable tiers. L’identité de son auteur ne pouvait être divulguée sans violer la protection conférée par le secret fiscal. Le recourant disposait des informations suffisantes pour développer son argumentation sans qu’il fût nécessaire de lever le secret fiscal.

14) Par jugement du 18 décembre 2017, le TAPI a déclaré le recours irrecevable. Le refus de communiquer la pièce constituait une décision incidente. La loi ne prévoyant pas la voie de la réclamation, mais uniquement celle du recours, d’une part, et, d’autre part, le TAPI étant l’autorité de recours de première instance pour les contestations fiscales, il convenait de retenir sa compétence fonctionnelle pour trancher le litige. Le délai de recours contre les décisions incidentes étant de dix jours, le recours, formé plus de dix jours après notification de la décision querellée, était ainsi tardif.

15) Par acte expédié le 28 décembre 2017, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, dont il a requis l’annulation. Il a conclu au renvoi du dossier au TAPI pour décision sur le fond.

L’AFC-GE n’avait pas relevé devant le TAPI que le délai de recours était de 10 jours. Elle n’avait pas rendu de décision formelle de refus de laisser consulter la pièce litigieuse ; aucune voie ni délai de recours n’avait été indiquée. Dans ces conditions, la motivation retenue par le TAPI, entièrement nouvelle, violait le droit d’être entendu du recourant. Par économie de procédure, il suggérait toutefois que la chambre de céans statue sur la recevabilité du recours formé devant le TAPI, en retenant que le jugement attaqué violait tant le droit fédéral que cantonal.

La loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) ne connaissait qu’un délai unique de recours, de trente jours. La loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17) ne prévoyait également qu’un délai de recours de trente jours. S’agissant d’une loi spéciale, il n’y avait pas de raison d’appliquer les dispositions de la loi générale, soit la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

16) Le TAPI n’a pas formulé d’observations.

17) L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Certes, le courrier confirmant le rejet de remettre la pièce 38 ne comportait pas d’indication des voies de droit. Toutefois, l’absence de l’indication d’une voie de recours était aisément décelable pour le mandataire du recourant. L’avis de doctrine relatif à l’art. 140 LIFD auquel faisait référence le recourant n’indiquait pas que le délai de recours contre une décision incidente était de trente jours. L’art. 17 LPFisc prévoyait uniquement que si l’autorité fiscale entendait se prévaloir d’un document soustrait à la consultation du contribuable, elle devait, oralement ou par écrit, lui en communiquer le contenu essentiel avant de trancher le différend. Tant la LIFD que la LPFIsc ne réglaient que le délai de recours contre les décisions rendues sur réclamation. Pour le surplus, le droit cantonal était applicable. Celui-ci prévoyait expressément un délai de dix jours pour recourir contre les décisions incidentes.

18) Dans sa réplique, le contribuable a souligné que la procédure relative au droit de consulter le dossier fiscal était entièrement régie par les normes de droit fiscal ; la LPA n’était ainsi pas applicable.

19) Par courrier du 19 mars 2018, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) Les parties ne critiquent pas le jugement en tant qu’il retient que la décision refusant l’accès à la pièce 38 constitue une décision incidente et est directement susceptible de recours auprès du TAPI.

Seule est litigieuse le délai dans lequel le recours devait être formé.

a. Toute décision doit contenir, notamment, l’indication de la voie et du délai de recours (art. 46 al. 1 LPA). De jurisprudence constante, l’absence de mention des voies de droit dans une décision constitue un vice formel qui rend sa notification irrégulière (ATF 125 V 65 consid. 4). Une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA).

b. Dans la conduite d’une procédure, les autorités et les parties doivent respecter le principe de la bonne foi (ATF 123 II 231 ; 119 IV 330 consid. 1c ; 117 Ia 297 consid. 2). Ainsi, lorsqu’une décision omet de mentionner les voies de droit, la restitution de délai n’est pas automatique. Celle-ci doit être examinée, d’après les circonstances du cas concret. Il s’agit de déterminer si la partie intéressée a réellement été induite en erreur par l’irrégularité de la notification et a, de ce fait, subi un préjudice en s’en tenant aux règles de la bonne foi qui imposent une limite à l’invocation du vice de forme (ATF 131 I 153 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_318/2009 du 10 décembre 2009 consid. 3.3 et les références citées). Le destinataire d’une décision sans indication de voie ni de délai de recours doit donc entreprendre dans un délai raisonnable les démarches voulues pour sauvegarder ses droits (ATF 119 IV 330 consid. 1c ; 112 Ib 417 consid. 2d ; 111 Ia 280 consid. 2b). Cette exigence est accrue lorsque le recourant, assisté d'un avocat, peut par une lecture systématique de la loi déceler l'erreur dans l’indication de la voie de recours ou combler l’absence de celle-ci (ATF 141 III 270 consid. 3.3 et les référence cités).

c. En matière d'impôt fédéral direct, le contribuable a le droit de consulter les pièces qu'il a produites ou signées (art. 114 al. 1 LIFD). Il peut prendre connaissance des autres pièces une fois les faits établis et à condition qu'aucune sauvegarde d'intérêts publics ou privés ne s'y oppose (al. 2). Lorsqu'une autorité refuse au contribuable le droit de consulter une pièce du dossier, elle ne peut se baser sur ce document pour trancher au détriment du contribuable que si elle lui a donné connaissance, oralement ou par écrit, du contenu essentiel de la pièce et qu'elle lui a au surplus permis de s'exprimer et d'apporter ses propres preuves (art. 114 al. 3 LIFD). L'autorité qui refuse au contribuable le droit de consulter son dossier confirme, à la demande de celui-ci, son refus par une décision susceptible de recours (art. 114 al. 4 LIFD).

La LIFD, qui introduit ainsi une voie de recours atypique – la réclamation contre les décisions étant la règle (art. 132 al. 1 LIFD) – demeure toutefois muette sur le délai dans lequel ce recours doit être formé. Elle indique un délai de trente jours pour recourir contre la décision sur réclamation (art. 140 al. 1 LIFD), mais ne comporte pas d’indication relative au délai dans lequel la décision mentionnée à l’art. 114 al. 4 LIFD peut être portée devant l’autorité cantonale de recours.

d. Il en va de même du droit cantonal, qui comporte une disposition similaire à l’art. 114 LIFD. En effet, aux termes de l’art. 17 al. 5 LPFisc, lorsqu’il refuse au contribuable le droit de consulter son dossier, le département confirme son refus, à la demande de celui-ci, par une décision susceptible de recours. La LPFisc déroge ainsi également à la voie de droit ordinaire de recours en matière d’ICC en ce sens que la voie de la réclamation n’est pas non plus prévue pour ce type de décision, qui est directement sujette à recours. La LPFisc ne comporte cependant aucune disposition régissant le délai du recours dirigé contre cette décision.

e. Dans le cas particulier, il convient d'examiner si, conseillé par un avocat, le recourant aurait dû comprendre à la seule lecture de la loi que le délai de recours contre la décision de refus de consulter l’intégralité de la pièce 38 était de dix jours, comme l’ont retenu les premiers juges.

Or, comme cela vient d’être exposé, ni la LIFD ni la LPFisc ne comportent d’indication quant au délai de recours relatif à la décision concernant le refus de consulter une pièce. En droit cantonal, le raisonnement suivi par le TAPI est soutenable. En effet, le renvoi de l’art. 2 al. 2 LPFisc aux dispositions de la LPA, pour autant que la seconde loi ne déroge pas à la première, permet l’application de la LPA. Selon cette loi, le délai de recours est de trente jours s'il s'agit d'une décision finale ou d'une décision en matière de compétence (art. 62 al. 1 let. a LPA), et de dix jours s'il s'agit d'une autre décision (art. 62 al. 1 let. b LPA). De jurisprudence constante, les décisions incidentes ne mettant pas un terme à une procédure entrent dans la catégorie des « autres décisions » au sens de l’art. 62 al. 1 let. b LPA (ATA/549/2018 du 5 juin 2018 ; ATA/613/2017 du 30 mai 2017 et les arrêts cités). En droit cantonal, il pourrait ainsi être soutenu que le délai de recours contre la décision du 13 avril 2017 est de dix jours.

Cela étant, la LIFD ne connaissant pas de délai de recours ou de réclamation de dix jours, il ne peut, par une lecture systématique de la loi, être retenu que le délai de recours serait également de dix jours selon la LIFD. Au contraire, cette loi mentionne systématiquement des délais de recours de trente jours (art. 132, 140 LIFD), voire nonante jours (art. 148 LIFD), mais aucun délai de dix jours. Il ne peut ainsi être retenu que le délai de recours de dix jours s‘imposait à la seule lecture systématique de la LIFD par le conseil du recourant.

En outre, il convient de relever que la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) commande aux cantons de concrétiser l'harmonisation fiscale consacrée à l'art. 129 Cst., ce qui implique de mettre en place des dispositions assurant une certaine cohérence et coordination entre les règles cantonales de procédure en matière d'IFD et d'ICC (ATF 130 II 65 consid. 5.2). L'existence de délais de recours différents en fonction de ces deux catégories d'impôts va à l'encontre de ces exigences d'harmonisation (ATF 137 II 353 consid. 3.3 non publié ; arrêt du Tribunal fédéral. 2A 70/2006 du 15 février 2006 consid. 3). Compte tenu de ce qui suit, il n’est toutefois pas nécessaire de déterminer si le droit de procédure cantonale doit, dans le cas de la contestation d’une décision incidente, s’imposer face à l’absence de réglementation spécifique de la LIFD quant au délai de recours.

La décision litigieuse ne mentionnait pas le délai de recours. Comme évoqué ci-dessus, cette omission ne pouvait être comblée par la lecture systématique des lois fédérale et cantonales applicables, même effectuée par un avocat rompu au droit fiscal. En outre, la question à trancher, à savoir le bienfondé du refus d’accès complet à une pièce utilisée dans les décisions de taxation, de rappels d’impôts et d’amende, concerne tant le régime fiscal fédéral que cantonal ; un traitement différencié du recours contre la décision incidente se heurterait à l’harmonisation de la procédure fiscale voulue par le constituant fédéral. Enfin et surtout, le contribuable a formé recours dans le délai ordinaire de trente jours dès notification de la décision attaquée ; il a ainsi agi dans un délai que l’on peut qualifier de raisonnable.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, la protection de la bonne foi du recourant, qui ne saurait subir un préjudice de l’absence de l’indication du délai de recours, imposait de déclarer recevable son recours. Le jugement querellé sera donc annulé, le recours déclaré recevable et la cause renvoyée aux TAPI afin qu’il se prononce sur le fond de la contestation.

3) Vu l’issue du litige, il n’y a pas lieu à perception d’un émolument (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 800.- sera allouée au recourant, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 décembre 2017 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 décembre 2017 ;

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 décembre 2017 ;

déclare recevable le recours formé par Monsieur A______ le 5 mai 2017 devant le Tribunal administratif de première instance ;

renvoie la cause au Tribunal administratif de première instance afin qu’il statue sur le fond du recours ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 800.-, à charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Antoine Berthoud, avocat du recourant, au Tribunal administratif de première instance, à l'administration fiscale cantonale ainsi qu’à l’administration fédérale des contributions.

Siégeant : Mme Junod, présidente, M. Thélin et Mme Krauskopf, juges.


 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

P. Hugi

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :