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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2386/2021

ATA/760/2023 du 11.07.2023 sur JTAPI/1256/2021 ( ICC ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT FISCAL;IMPÔT;IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;IMPÔT SUR LE BÉNÉFICE DES ENTREPRISES;IMPOSITION DE L'ENTREPRISE(DOUBLE IMPOSITION);ÉTABLISSEMENT STABLE;IMMEUBLE;PROPRIÉTÉ FONCIÈRE
Normes : LIPM.2; LIPM.3; LIPM.4; LHID.20.al1; LHID.21.al1
Résumé : Dans le cas d’une entreprise ayant réalisé un bénéfice sur un projet immobilier dans le canton de Vaud, le TAPI a considéré que les éléments constitutifs d’un établissement stable n’étaient pas réalisés, mais que la contribuable pouvait être qualifiée de commerçante d’immeubles, de sorte que son bénéfice devait être imposé dans le canton de situation des immeubles. Le recours de l’AFC-GE sur ce dernier point est admis, dès lors que la société n’avait jamais été propriétaire des immeubles ayant généré un bénéfice et devait ainsi être imposée au lieu de son siège, soit Genève.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2386/2021-ICC ATA/760/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 juillet 2023

4ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE recourante

contre

COMPAGNIE A______ SA intimée
représentée par BERNEY ASSOCIÉS SA, mandataire

_________



Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 décembre 2021 (JTAPI/1256/2021)


EN FAIT

A. a. La COMPAGNIE A______ SA (ci-après : la société) est inscrite au registre du commerce genevois et a pour but la promotion et la réalisation d'ouvrages basés sur des concepts mettant l'accent sur la qualité architecturale et la construction rationnelle. Son siège se trouve à Genève.

b. Dans sa déclaration fiscale pour l’année 2019, la société a fait état d’un bénéfice et d’un capital s’élevant respectivement à CHF 1'957'629.- et CHF 1'804'070.-, intégralement imposables dans le canton.

c. Par bordereau d’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) du 25 mars 2021, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé la contribuable pour l’année 2019 sur la base des éléments déclarés.

d. Le 29 avril 2021, la société a formé réclamation à l’encontre de ce bordereau.

Son chiffre d’affaires se composait essentiellement d’un gain réalisé sur une promotion immobilière dans le canton de Vaud. Dès lors que celui-ci constituait un for spécial, il convenait de procéder à une répartition intercantonale des éléments imposables et d’attribuer au canton de Vaud ce bénéfice et le capital.

Une nouvelle déclaration fiscale était jointe, indiquant un bénéfice et un capital imposables s’élevant respectivement à CHF 1'957'629.- et CHF 1'804'070.-. La part de ces éléments imposable dans le canton était nulle.

e. Le 17 juin 2021, l’AFC-GE a rejeté la réclamation.

Le gain réalisé sur la vente du projet immobilier vaudois s’apparentait à des commissions de courtage, dans la mesure où la société n’avait jamais été propriétaire des immeubles vendus. Dans les rapports intercantonaux, celles-ci devaient être attribuées et imposées au for d’exploitation des courtiers, soit à Genève, et non au lieu où la promotion avait été réalisée.

B. a. La société a recouru le 12 juillet 2021 devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à la réforme de la décision sur réclamation en ce sens que le bénéfice tiré de la promotion et le capital y relatif ne soient pas imposables à Genève.

Elle avait développé depuis 2008, en collaboration avec un bureau d’architecte, un projet immobilier à Mies, portant sur la réalisation de huit villas de deux logements en PPE sur plusieurs parcelles. Elle avait conclu divers contrats d’entreprise avec des maîtres d’ouvrage intéressés à la construction de villas. Le coût total du chantier s’était élevé à environ CHF 22'000'000.-. En tant qu’entrepreneur général, bien que n’ayant pas directement participé aux divers travaux de construction, elle les avait dirigés, coordonnés et surveillés, sous sa propre responsabilité. Elle avait également fourni les infrastructures nécessaires au bon déroulement du chantier. Le bénéfice résultant du projet avait été comptabilisé en 2019.

L’AFC-GE assimilait à tort son bénéfice à des commissions de courtage. Celles-ci avaient été perçues par B______ SA. Le projet vaudois correspondait à la notion d’établissement stable. En effet, la phase de construction s’était étalée sur presque trois ans et, si l’on prenait en compte la phase de pré-construction, le projet avait duré plus de dix ans. En présence d’un établissement stable, il se justifiait de fractionner la souveraineté fiscale entre Vaud et Genève.

Alternativement, le gain devait être considéré comme un bénéfice réalisé par une entreprise effectuant un commerce d’immeubles. Dès lors qu’elle avait déployé une activité d’entrepreneur général dans le canton de Vaud, elle devait y être assujettie de manière limitée.

b. Le 7 septembre 2021, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La société n’avait pas disposé d’un établissement stable dans le canton de Vaud. La livraison des lots devait avoir lieu quatorze mois après le début des travaux pour un prix unitaire de CHF 1'770'000.-. L’on ne se trouvait par ailleurs pas en présence d’importants chantiers de construction, tel qu’exigé par la jurisprudence. Pour constituer un établissement stable, le chantier aurait dû comporter des routes d’accès, des monte-charges, des installations de conditionnement, des cantines, des hôpitaux de chantier, des parcs de machines, des ateliers de réparation et des bureaux de direction de chantier, existant pendant plusieurs années et érigés, le cas échéant, pour la durée de l’exploitation.

Dans la mesure où la contribuable n’était pas propriétaire des immeubles vendus, elle ne pouvait pas non plus être considérée comme un commerçant d’immeubles.

c. Le 13 octobre 2021, la société a maintenu son recours.

Le chantier avait duré au moins deux ans et demi, de sorte qu’une activité d’une certaine durabilité exercée sur le sol vaudois devait être admise. Il avait nécessité la mise en place d’infrastructures plus importantes que celles d’un chantier standard. Il avait requis un équipement complet du terrain, ainsi que la construction de murs phoniques et de voies d’accès permettant de rallier le nouveau quartier au village de Mies. Le chiffre d’affaires de la société pouvait être estimé à environ CHF 28'000'000.- (CHF 1'770'000.- x 16), ce montant se rapprochant d’un chiffre d’affaires de CHF 39'000'000.-, que le Tribunal fédéral avait admis comme justifiant une imposition limitée au lieu de l’exercice du chantier.

d. Le 2 novembre 2021, l’AFC-GE a persisté dans ses conclusions.

e. Par jugement du 13 décembre 2021, le TAPI a partiellement admis le recours et renvoyé le dossier à l’AFC-GE pour instruction et nouvelle décision.

Les éléments constitutifs d’un établissement stable dans le canton de Vaud n’étaient pas réunis. La contribuable ne faisait pas partie d’un consortium de construction. Le projet immobilier à Mies ne portant sur la construction que de quelques villas individuelles, celui-ci ne pouvait être qualifié d’important chantier de construction. La société n’avait pas démontré que ce dernier disposait d’installations autres que les installations courantes se trouvant d’ordinaire sur un chantier.

C’était en revanche à tort que l’AFC-GE avait attribué l’entier du bénéfice imposable au canton de Genève. Peu importait que la société n’eût pas été propriétaire des immeubles aliénés, dès lors qu’en matière de double imposition intercantonale les commerçants d’immeubles et les entreprises générales de construction étaient traités de manière identique. La contribuable devait ainsi être qualifiée de commerçante d’immeubles et le bénéfice qu’elle avait réalisé dans le cadre du projet devait être taxé dans le canton de situation des immeubles et non dans celui de son siège. Le montant du gain réalisé dans le canton de Vaud ne ressortant pas des pièces du dossier, ce dernier devait être retourné à l’AFC-GE pour instruction et nouvelle taxation.

C. a. L’AFC-GE a recouru le 13 janvier 2022 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation et à la confirmation de sa décision sur réclamation du 17 juin 2021.

Le jugement était contesté en tant qu’il admettait que le bénéfice imposable généré par l’activité de la société devait être taxé dans le canton de situation de la promotion immobilière, en l’occurrence le canton de Vaud, et non à Genève au siège de la société.

Faute d’existence d’un établissement stable dans le canton de Vaud, le bénéfice de la société devait, sous cet angle, être imposé à Genève.

Par ailleurs, la propriété était une condition nécessaire en matière d’imposition des entreprises générales et de répartition intercantonale pour qu’un commerçant d’immeuble soit imposé au lieu de situation des biens immobiliers. Le point de vue du TAPI ne pouvait ainsi pas être suivi. Celui-ci avait procédé à une analyse extrêmement succincte pour justifier le lieu de l’imposition et avait fondé son raisonnement sur un article de doctrine à teneur duquel les points de rattachement « faire le commerce » et « servir d’intermédiaire » se référaient uniquement à des immeubles appartenant à des tiers, car pour ses propres immeubles, il existait un rattachement économique dans le canton de situation de l’immeuble à raison de la propriété de celui-ci. L’interprétation du TAPI selon laquelle la société devait en l’occurrence être assimilée à un commerçant d’immeuble dont le bénéfice réalisé devait être taxé dans le canton de situation de la promotion immobilière, plutôt que dans le canton du siège, était contraire à la loi et à la jurisprudence du Tribunal fédéral.

La société n’avait jamais été propriétaire de la promotion immobilière et ne l’avait d’ailleurs pas portée à son bilan en tant qu’actif circulant. Son rôle se limitait à la planification, la construction était assurée par des maîtres d’ouvrage. Les acomptes que l’intimée recevait témoignaient du fait qu’elle n’agissait que comme intermédiaire.

En considérant que peu importait que la société n’ait pas été propriétaire des immeubles aliénés, le TAPI se contredisait, en ce sens qu’il préconisait de traiter les entreprises générales de manière identique aux commerçants d’immeuble, sans toutefois analyser ni appliquer les critères permettant de qualifier un contribuable de commerçant d’immeuble.

Tout comme les commerçants d’immeuble devaient être propriétaires des biens dont ils faisaient commerce pour être qualifiés de tels, les entreprises générales devaient aussi être propriétaires des immeubles dont elles avaient la charge pour bénéficier du même traitement fiscal. Le contraire revenait à traiter les entreprises générales de manière schématique, sans nuance et sans tenir compte des éléments factuels. Les imposer systématiquement pour les bénéfices découlant d’un immeuble en son lieu de situation s’apparentait à considérer que ledit immeuble constituait un établissement stable, une jurisprudence du Tribunal fédéral écartant cette hypothèse.

b. Le 16 février 2022, la société a répondu au recours, concluant implicitement à son rejet.

L’analyse du TAPI était correcte. Il y avait lieu de procéder à une interprétation commune des anciennes et nouvelles dispositions se référant aux notions de commerce d’immeuble et d’activité intermédiaire. Par ailleurs, la référence de la recourante à la volonté du législateur concernait la modification législative relative au commerce d’immeuble et non directement aux entreprises générales de construction, ce qu’il convenait de distinguer.

Au surplus et dans la mesure où le chiffre d’affaires du projet réalisé avait été d’environ CHF 22'000'000.-, ce montant était suffisamment important pour considérer qu’elle avait, en 2019, un établissement stable dans le canton de Vaud.

c. Le 18 mars 2022, l’AFC-GE a persisté dans les termes et conclusions de son recours, à défaut de nouveaux arguments ou pièces susceptibles d’influer sur le sort du litige.

La jurisprudence du Tribunal fédéral en matière d’imposition intercantonale des entreprises générales, qu’il n’y avait pas lieu de renverser, ne retenait comme critère d’assujettissement dans un canton autre que celui du siège, l’existence d’un établissement stable et non celui de la situation de l’immeuble. La volonté du législateur était clairement que le commerçant d’immeuble devait être propriétaire de l’immeuble à un moment précis. Cet élément ressortait également de la doctrine, laquelle distinguait les immeubles dont les entreprises générales étaient propriétaires de ceux pour lesquels elles agissaient pour le compte de tiers.

d. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2.             Le présent litige porte sur la question de savoir si le gain réalisé par l’intimée sur la promotion immobilière doit être imposé dans le canton du lieu où elle se situe, soit Vaud, ou celui du siège de la société, soit Genève.

3.             3.1 Les personnes morales sont assujetties à l’impôt à raison de leur rattachement personnel lorsqu’elles ont leur siège ou leur administration effective dans le canton (art. 2 de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 - LIPM - D 3 15 ; art, 20 al. 1 1ère phr. de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID – RS 642.14).

Selon les art. 3 al. 1 LIPM et 21 al. 1 LHID, les personnes morales qui n’ont ni leur siège ni leur administration effective dans le canton sont assujetties à l’impôt à raison de leur rattachement économique, notamment lorsqu’elles exploitent un établissement stable dans le canton (let. b).

On entend par établissement stable toute installation fixe dans laquelle s’exerce tout ou partie de l’activité de l’entreprise. Sont notamment considérés comme établissements stables les sièges de direction, succursales, usines, ateliers, comptoirs de vente, représentations permanentes, mines et autres lieux d’exploitation de ressources naturelles, ainsi que les chantiers de construction ou de montage d’une durée d’au moins douze mois (art. 3 al. 3 LIPM).

3.2 L’assujettissement fondé sur un rattachement personnel est illimité ; il ne s’étend toutefois pas aux entreprises, aux établissements stables et aux immeubles situés hors du canton (art. 4 al. 1 LIPM). À teneur de l’art. 4 al. 2 LIPM, l’assujettissement fondé sur un rattachement économique est limité à la partie du bénéfice et du capital qui est imposable dans le canton selon l’art. 3 LIPM.

3.3 Selon le Tribunal fédéral, la reconnaissance des chantiers de construction en tant qu’établissements stables ne dépend pas uniquement d’un facteur temporel. Les critères de permanence ne sont pas tellement les limites absolues dans le temps, mais bien plutôt l’importance économique de l’ouvrage à construire, ainsi que la nature et l’organisation des installations sur place (ATF 110 Ia 190 consid. 4c = JdT 1986 I 51).

Plus récemment (arrêt 2C_518/2010 du 9 février 2011 in RDAF 2011 II 379 consid. 4.1 à 4.4), le Tribunal fédéral a retenu l’existence d’un établissement stable lorsqu'une société possède des structures et des installations matérielles permanentes qui forment une partie de l'entreprise hors du canton et grâce auxquelles l'activité technique et commerciale est exercée d'une manière qualitativement et quantitativement significative. En présence de plusieurs chantiers, chacun d’eux doit remplir les exigences posées par la jurisprudence fédérale pour être considéré comme un établissement stable. Dès lors, seuls les revenus fixes provenant de chaque chantier peuvent être pris en compte.

3.4 Dans le cas d'espèce, il n’était pas question d'importants chantiers de construction, car chacun d’eux était destiné à la réalisation de petits immeubles et de maisons individuelles, qui disposaient uniquement des installations courantes de chantier (clôtures, grues, installations d'approvisionnement hydrauliques, installation d'écoulement des eaux usées, illumination électrique, WC de chantier, Verabox équipés en tant que bureaux de chantier ainsi que pour les ouvriers, etc.). En outre, même les coûts respectifs de construction démontrent qu'il ne s'agissait pas d'un chantier important.

3.5 Dans les rapports intercantonaux, pour qu’un chantier de construction soit considéré comme un établissement stable, il faut que les installations aient une certaine importance économique et que ces dernières soient organisées. Il faut en outre qu’elles existent pendant une certaine durée – on peut présumer plusieurs années. Le Tribunal fédéral ne reprend donc pas la définition donnée par la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), qui précise, à l’instar de l’art. 5 al. 3 du Modèle de Convention de l’OCDE, que les chantiers de construction ou de montage ouverts pendant douze mois au moins constituent un établissement stable (Daniel DE VRIES REILINGH, La double imposition intercantonale, 2e éd., 2013, § 376, p. 126).

3.6 Le fardeau de la preuve de l'existence d'un établissement stable incombe au contribuable, puisque la reconnaissance d'une telle entité diminue l'assiette de l'impôt dudit contribuable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_729/2019 du 7 juillet 2020 consid. 4.5).

3.7 En l’espèce et à la lumière de ce qui précède, le TAPI a retenu à juste titre que la promotion immobilière consistait en l’édification de quelques villas destinées à accueillir seize logements et que le projet ne pouvait ainsi pas être qualifié d’important chantier de construction. La contribuable n’avait de plus pas démontré que le chantier disposait d’installations autres que les installations courantes qui se trouvent d’ordinaire sur un chantier.

En conséquence, bien que l’intimée soutienne encore dans sa réponse au stade de la présente procédure l’existence d’un établissement stable, il n’y a pas lieu de remettre en question l’analyse du TAPI sur ce premier point.

4.             La recourante conteste que la contribuable puisse être qualifiée de commerçant d’immeubles dont le bénéfice serait imposable au lieu de situation de la promotion immobilière, n’étant pas propriétaire des immeubles vendus.

4.1 Selon les art. 3 al. 1 LIPM et 21 al. 1 LHID, les personnes morales qui n’ont ni leur siège ni leur administration effective dans le canton sont assujetties à l’impôt à raison de leur rattachement économique, notamment lorsqu’elles font le commerce d’immeubles sis dans le canton (let. d).

Conformément à la volonté du législateur, cette disposition prévoit expressément que les personnes morales faisant commerce d’immeubles sont imposées dans le canton de situation de l’immeuble concerné lorsqu’elles n’y ont pas leur siège. Cela concerne les personnes morales sises tant à l’étranger qu’en Suisse, dans un autre canton que celui de la situation de l’immeuble. La modification apportée par la nouvelle lettre d de l’art. 21 al. 1 LHID permet d’unifier formellement les règles concernant l’imposition des personnes physiques et morales faisant commerce d’immeubles. La modification formelle ne change rien au sens de la notion de commerce d’immeubles, dans la mesure où le commerçant d’immeubles doit, à un moment précis, être propriétaire de l’immeuble (FF 2016 5155, p. 5165).

4.2 En matière de double imposition intercantonale, les commerçants professionnels d’immeubles et les entreprises générales de construction sont traités de manière identique, quand bien même leurs activités sont, en partie, différentes. Les deux types d’acteurs économiques s’occupent de la vente d’immeubles, ce qui constitue leur point commun. Le commerçant professionnel d’immeubles achète et vend des immeubles, si bien que ses biens immobiliers sont destinés à la vente et font partie de ses actifs circulants. L’entreprise générale de construction, en revanche, a pour but la planification et la construction de différents projets immobiliers, tant pour son propre compte que pour le compte de tiers. Par conséquent, les immeubles qu’elle détient sont des projets immobiliers qui font également partie de l’actif circulant (Daniel DE VRIES REILINGH, op. cit., § 1084, p. 320).

4.3 En l’espèce, la recourante relève à juste titre que l’intimée n’a jamais été propriétaire des immeubles constituant la promotion immobilière vaudoise. Il ne ressort d’ailleurs pas des pièces du dossier que cette dernière aurait été portée comme actif au bilan de la société, dont le rôle s’est limité en l’occurrence à celui d’intermédiaire.

Le raisonnement du TAPI ne peut ainsi pas être suivi dans la mesure où il s’avère contraire au droit, ainsi qu’à la doctrine et la jurisprudence précitées, de retenir qu’une entreprise générale devrait être traitée fiscalement de la même manière qu’un commerçant d’immeubles, sans toutefois prendre en considération le critère de la propriété, cette condition étant nécessaire pour qu’un commerçant d’immeuble soit imposé au lieu de situation du bien immobilier. En effet, tant les entreprises générales que les commerçants d’immeubles doivent être, ou avoir été à un moment donné, propriétaires des immeubles concernés pour que les bénéfices qui en découlent soient taxés au lieu de situation et non au lieu du siège de la société.

Partant, l’intimée n’ayant jamais été propriétaire des immeubles ayant généré un bénéfice, elle ne peut pas être qualifiée de commerçant d’immeubles et recevoir le même traitement fiscal. Comme l’estime à juste titre la recourante, le bénéfice précité doit donc être imposé à Genève, lieu du siège de la société.

Le recours sera ainsi admis.

Il s’ensuit que le jugement attaqué sera annulé et la décision sur réclamation du 17 juin 2021 de l’AFC-GE rétablie.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de l’intimée, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 janvier 2022 par l’administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 décembre 2021 ;

 

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 décembre 2021 ;

rétablit la décision sur réclamation de l’administration fiscale cantonale du 17 juin 2021 ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de la COMPAGNIE A______ SA ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l’administration fiscale cantonale, à la COMPAGNIE A______ SA ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :