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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/915/2002

ATA/733/2003 du 07.10.2003 ( TPE )

Parties : COMMUNE DE COLLONGE-BELLERIVE / BRUNNER Roland, COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS, DEPARTEMENT DE L'AMENAGEMENT, DE L'EQUIPEMENT ET DU LOGEMENT, HOFFMANN, ANAVI & BRUNNER Richard, Ramon & Roland, ATE, ASSOCIATION TRANSPORTS ET ENVIRONNEMENT, SECTION DE GENEVE, WORLD WIDE FUND FOR NATURE - WWF SUISSE, ANAVI Ramon, SECTION GENEVOISE DU TOURING CLUB SUISSE
En fait
En droit
Par ces motifs

 

 

 

 

 

 

 

"sur partie"

du 7 octobre 2003

 

dans la cause

 

COMMUNE DE COLLONGE-BELLERIVE

représentée par Me François Membrez, avocat

 

et

 

TOURING CLUB SUISSE, SECTION DE GENEVE

représenté par Me Yves Bonard, avocat

 

 

contre

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS

 

et

 

DEPARTEMENT DE L'AMENAGEMENT, DE L'EQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

 

et

 

ATE, ASSOCIATION TRANSPORTS ET ENVIRONNEMENT, SUISSE et ATE, ASSOCIATION TRANSPORTS ET ENVIRONNEMENT, SECTION DE GENEVE

 

et

 

WORLD WIDE FUND FOR NATURE - WWF SUISSE et WORLD WIDE FUND FOR NATURE - WWF, SECTION DE GENEVE

représentés par Me Yasmine Djabri, avocate

 

et

 

Messieurs Ramon ANAVI, Roland BRUNNER et Richard HOFFMANN

 



EN FAIT

 

 

1. L'Etat de Genève a envisagé un ouvrage routier consistant à construire une tranchée couverte pour traverser le village de Vésenaz. Un projet de loi 7784 a été déposé en 1997 puis abandonné pour des raisons budgétaires l'année suivante. Dans le cadre de ce projet, un premier rapport d'impact avait été déposé en juillet 1997 au stade de l'enquête publique découlant de l'ancien article 8 de la loi sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes - L 1 10).

 

2. a. Reprenant le projet à son compte, la commune de Collonge-Bellerive a déposé, le 15 février 1999, une demande d'autorisation définitive de construire (DD 96'396) une tranchée couverte sous la route de Thonon pour traverser Vésenaz et pour aménager des voies de circulation en surface ainsi qu'une requête en approbation LER 2561.

 

b. A cette fin, la commune a mandaté ZS Trafitec S.A. (ci-après : Trafitec) pour déposer le second rapport d'impact. Ce rapport d'impact, deuxième étape, a été déposé en janvier 1999 et finalisait l'étude d'impact requise au sens de l'article 9 de la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) et de l'ordonnance fédérale relative à l'étude d'impact sur l'environnement du 19 octobre 1988 (OEIE - RS 814.011).

 

c. Dans ce rapport, Trafitec a fait une description de l'ouvrage projeté puis il a examiné les impacts sur l'environnement et a exposé la situation actuelle ainsi que la situation future sans le projet pour la comparer à la situation future une fois le projet réalisé.

Ainsi, l'ouvrage projeté consistait en la mise en dénivelé de la route cantonale N° 1 "route de Thonon". Il était exécuté en tranchée couverte sur une longueur de 520 mètres à laquelle venaient s'ajouter deux trémies d'accès d'une longueur d'environ 100 mètres chacune. Cet ouvrage permettrait le passage direct entre les débouchés des chemins Neuf-de-Vésenaz et de Californie et son axe correspondait à l'actuelle route de Thonon. Deux voies de circulation étaient prévues, une par sens et la surface de la route de Thonon serait réaménagée pour assurer les liaisons locales. D'autres variantes avaient été examinées mais elles avaient été éliminées au cours du processus d'étude.

 

En surface, seul subsisterait le trafic local et le trafic provenant de la route d'Hermance. Les mouvements actuellement possibles en surface seraient maintenus à l'exception du mouvement de "tourne-à-gauche" en direction du chemin de Mancy ainsi que les mouvements "tourne-à-gauche" d'accessibilité aux propriétés riveraines de la trémie côté Thonon. L'accessibilité à ces lieux serait toutefois assurée par le carrefour-giratoire à construire à l'intersection route de Thonon/chemin des Tattes et par la place de rebroussement située à l'intersection avec le chemin de la Californie. A noter que l'accroissement de la distance parcourue serait faible par rapport aux avantages acquis, notamment au plan de la sécurité routière.

 

En raison du gain d'attractivité, le trafic augmenterait d'environ 7% par rapport à l'état de comparaison. Cette augmentation s'effectuerait pendant les heures creuses du fait de la saturation des noeuds voisins aux heures de pointe. Les mesures d'accompagnement nécessaires consistaient à aménager un giratoire au carrefour route de Thonon/chemin des Tattes/chemin du Petray et à réaliser les aménagements de surface prévus. Le projet était globalement compatible avec les objectifs du plan "circulation 2000". Aucun impact négatif n'avait été mis en évidence au plan du trafic et des transports.

 

L'analyse des nuisances sonores a permis de constater que les valeurs limites d'immission étaient actuellement dépassées en de nombreux points tant le jour que la nuit et que dans neuf cas la valeur d'alarme diurne était même dépassée. La mise en service de l'ouvrage permettrait de diminuer les immissions sonores. En certains points toutefois, celles-ci resteraient supérieures aux valeurs limites mais les exigences posées par l'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41) seraient respectées pour chaque point de calcul. La réduction des nuisances sonores serait significative à l'intérieur des limites de l'ouvrage et la réalisation de la tranchée couverte pouvait à ce titre être considérée comme une mesure d'assainissement.

 

Quant à la pollution atmosphérique, le niveau d'immission de dioxyde d'azote (NO2), de 32 ug/m3 pour la région de Vésenaz, était actuellement légèrement supérieur à la limite fixée par l'ordonnance sur la protection de l'air du 16 décembre 1985 (OPair - RS 814.318.142.1). La réalisation de la tranchée couverte entraînerait une augmentation des immissions de NO2 de l'ordre de 5 ug/m3 aux abords des trémies, pour six habitations. En revanche, les valeurs de l'OPair seraient respectées au centre du village de Vésenaz.

 

Le rapport conclut qu'aucun impact grave ou permanent n'a été mis en évidence en cas de réalisation du projet. La faisabilité de l'ouvrage était donc assurée sur le plan de la protection de l'environnement.

 

3. Le 22 décembre 1999, les associations membres de la "coordination transports et déplacements" ont fait valoir leur opposition aux requêtes déposées par la commune de Collonge-Bellerive. L'opposition était formulée sur le papier en-tête de "coordination transports et déplacements" sur lequel figuraient différentes associations dont l'association transports et environnement, ATE (ci-après : ATE) et le WWF fonds mondial pour la nature, Genève (ci après : WWF Genève).

 

4. L'opposition formulée par "coordination transports et déplacements" a été soumise à l'office des transports et de la circulation qui s'est déterminé à son propos dans une note du 31 janvier 2000.

 

L'accroissement du trafic susceptible d'être engendré par l'ouvrage projeté devait être examiné sur trois échelles. Tout d'abord, sur une échelle large, on constatait un accroissement indéniable du trafic sur l'axe en cause du fait du l'urbanisation du Bas-Chablais et de la région suisse comprise entre Vésenaz et la frontière. A cette échelle régionale, l'effet du projet ne serait que marginal.

 

A l'échelle de la gestion de l'axe considéré, trois artères étaient concernées, la route d'Hermance, la route de Thonon et la route de la Capite. Ces trois artères convergeaient vers le quai Gustave-Ador par la place du Traînant dont la signalisation lumineuse exerçait une fonction de contrôle d'accès à la ville. Ici, aucune augmentation de volume n'était envisageable durant les heures de pointes. La place du Traînant était "le carrefour déterminant de tout l'axe" et l'ouvrage projeté n'influerait pas sur cette gestion.

 

Plus localement, l'ouvrage augmenterait l'offre existante. Toutefois, ceci ne devait pas engendrer un accroissement de l'offre accédant à la ville vu l'explication ci-dessus. Par contre, un transfert était attendu de la route de la Capite sur l'axe de la route de Thonon. Ce transfert, jugé favorable pour la Capite et Cologny, n'était pas à craindre pour la traversée de Vésenaz vu les conditions de circulation prévues qui assuraient une minimisation des émissions polluantes.

5. a. Le service cantonal d'écotoxicologie a soumis le rapport de Trafitec à tous les services concernés du département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie, à savoir :

 

- le service cantonal de géologie;

- le service des contrôles de l'assainissement;

- le service des forêts, de la protection de la nature et du paysage;

- l'office des transports et de la circulation;

- le service cantonal d'écotoxicologie dans les domaines la qualité de l'air, de l'acoustique environnementale, de l'hydrobiologie, des sols;

- la direction de l'environnement pour les risques d'accidents majeurs.

 

b. Le service de la qualité de l'air a indiqué que les nouvelles valeurs limites d'immission pour les poussières, modifiées par l'OPair depuis le 10 décembre 1997, n'avaient pas été prises en compte dans le rapport d'impact.

 

c. Le service de l'acoustique environnementale a jugé indispensables les mesures constructives prévues par le rapport d'impact, à savoir l'utilisation de couche de roulement "acoustique", de panneaux acoustiques multicouches aux extrémités de la tranchée, de parois latérales de trémies dans un matériau acoustique absorbant ainsi que l'installation de ventilation silencieuse.

 

d. Enfin, la direction de l'environnement pour les risques d'accidents majeurs a relevé qu'il n'existait toujours pas de rapport succinct au sens de l'ordonnance sur la protection contre les accidents majeurs du 27 février 1991 (OPAM - RS 814.012; ci-après : rapport OPAM) ni pour la route principale T105, ni pour cet ouvrage en particulier, qu'un tel rapport avait déjà été demandé lors du préavis émis le 10 octobre 1997 et qu'une évaluation quantitative de la situation future par le biais d'un rapport succinct OPAM restait nécessaire.

 

6. Faisant la synthèse des avis de tous les services précités, le service cantonal d'écotoxicologie a émis, le 31 janvier 2000, un préavis favorable. Trois réserves étaient toutefois formulées :

 

- l'autorisation coordonnée pour l'abattage d'arbres et la réalisation d'un projet de plantation était nécessaire;

- l'intégration au projet de mesures de minimisation du bruit du trafic routier devait être faite;

- une évaluation quantitative du risque, conformément aux exigences de la direction de l'environnement, devait être fournie, un rapport OPAM faisant défaut.

 

7. a. D'autres services se sont également prononcés sur le projet. En particulier :

 

b. La commission d'architecture n'a pas formulé d'observations autres que celles relatives à l'aménagement d'une piste cyclable en surface sur l'ensemble du tronçon;

c. La direction du patrimoine et des sites n'a émis aucune remarque;

 

d. Seule la direction de l'aménagement, dans un préavis du 21 juin 2000, s'est dite très réservée quant à l'impact de cet ouvrage sur l'aménagement de la commune. Ce projet apportait une amélioration uniquement entre l'intersection de la route de Thonon/route d'Hermance et la trémie nord mais ne modifierait en rien le trafic sur la route d'Hermance. Se ralliant à la commission d'urbanisme, elle estimait nécessaire l'étude d'une solution alternative, sous forme d'une amélioration de l'état existant, comme "un boulevard urbain" (sic).

 

Il est à noter qu'au moment où la direction de l'aménagement s'est prononcée, le dossier ne comprenait que le préavis émis par la commission d'urbanisme le 30 avril 1997. Dans ce préavis, rendu suite au premier rapport d'impact, la commission d'urbanisme se disait favorable au projet, une mesure d'évitement n'étant pas possible compte tenu de la configuration des lieux. Selon ladite commission, le projet s'inscrivait dans les mesures d'assainissement des localités et permettait "une amélioration notable du traitement de l'espace public et favorisait l'éco-mobilité au sein de la commune". Elle recommandait toutefois une attention particulière au traitement des trémies d'entrée et de sortie de la tranchée couverte pour minimiser leur impact visuel.

 

8. Le 16 novembre 2000, la commune de Collonge-Bellerive a déposé une requête en abattage d'arbres.

 

9. Le Conseiller d'Etat chargé du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : le DAEL ou le département) a informé le 5 décembre 2000 "coordination transports et déplacements" que ses observations n'avaient pas été retenues.

 

10. Le même jour, le DAEL a accordé l'autorisation de construire DD 96'396 et l'autorisation LER 2561, toutes deux publiées dans la Feuille d'avis officielle (ci-après : la FAO) le 8 décembre 2000.

 

11. Par acte du 18 décembre 2000, Messieurs Richard Hoffmann, domicilié 98a, route de Thonon à Vésenaz, Roland Brunner, domicilié 100, route de Thonon et Ramon Anavi, domicilié 98b, route de Thonon, ont recouru contre la construction d'une tranchée couverte à Vésenaz disant craindre, en termes très généraux, qu'il en résulterait une augmentation du trafic et des immissions. Etait jointe la liste de 62 autres opposants.

 

12. a. Par acte posté le 8 janvier 2001, ATE, Association transports et environnement à Berne (ci-après : ATE Suisse) et sa section de Genève (ci-après : ATE Genève) ainsi que le World Wide Fund for Nature Suisse (ci-après : WWF Suisse) et sa section de Genève (WWF Genève) ont recouru auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : la CCRMC) contre les deux autorisations délivrées par le DAEL.

 

Le rapport d'impact était incomplet car il ne tenait pas compte des projets intéressant Genève et sa région dans le domaine des transports. L'autorisation de construire n'était dès lors pas conforme à la législation fédérale et devait être annulée. De plus, les valeurs limites d'immission sonores seraient dépassées sur neuf points situés principalement à l'entrée et à la sortie des trémies. Or, le projet de construction ne comprenait aucune mesure d'assainissement visant à assurer le respect des normes de protection contre le bruit dans les périmètres où celui-ci dépassait les valeurs limites d'immission. De même, le niveau préexistant de NO2, qui dépassait les normes maxima prévues par l'OPair, serait encore augmenté sur une zone englobant six habitations. Les autorisations délivrées par le département violaient donc la législation en vigueur. Enfin, le projet allait à l'encontre des objectifs fixés dans le plan de mesures, au sens de l'article 31 OPair, adopté par le Conseil d'Etat le 27 mars 1991, actualisé en 1995 et 1999, et qui liait les autorités pour toutes leurs prises de décision.

 

b. Le 8 février 2001, l'ATE Suisse et Genève et le WWF Suisse et Genève ont déposé un mémoire complémentaire en faisant valoir :

 

- l'absence de préavis de la commission d'urbanisme, ce qui contrevenait à l'article 8 LRoutes;

- la nécessité d'attendre la fin de l'élaboration du plan régional des déplacements, commencé en 1999, et qui aurait des conséquences sur la qualité de l'air;

- le désintérêt du Conseil d'Etat pour le projet, au financement duquel il ne participerait pas. Il fallait y voir la preuve que ce projet ne répondait à aucun intérêt public prépondérant;

- enfin, le projet n'était pas conforme au principe du développement durable énoncé aux articles 2 alinéa 4 et 73 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. féd. - RS 101) et l'étude d'impact ne faisait pas référence audit principe.

 

L'ATE et le WWF produisaient en outre un plan de mesures actualisé de l'assainissement de l'air selon la procédure prévue par les articles 31, 32 et 33 OPair, plan approuvé par le Conseil d'Etat le 28 juin 2000.

 

13. Le 22 février 2001, la commune de Collonge-Bellerive a conclu à l'irrecevabilité du recours d'ATE Suisse et Genève et du WWF Suisse et Genève pour cause de tardiveté et au rejet, dans la mesure où il était recevable, du recours de Messieurs Hoffmann, Brunner et Anavi.

 

14. Par acte daté du 23 février 2001 et réceptionné le 27 février 2001, le Touring Club Suisse (ci-après : le TCS), section genevoise, est intervenu auprès de la CCRMC et il a conclu au rejet des recours.

 

Le projet querellé était l'un des objectifs prévu dans le plan "circulation 2000" ainsi que dans le concept d'aménagement cantonal adopté le 8 juin 2000 par le Grand Conseil.

 

Selon l'étude d'impact, le projet améliorerait la qualité de vie des habitants de la commune, accroîtrait la sécurité des usagers, éliminerait les encombrements sur cet axe notamment et n'engendrerait pas une augmentation du trafic, la capacité de l'axe étant définie par le carrefour situé au bout du tronçon.

 

15. A l'occasion d'une audience de comparution personnelle tenue par la CCRMC le 4 mai 2001, le conseil de l'ATE et du WWF a relevé que la commission d'urbanisme n'avait pas émis de préavis, celui datant d'avril 1997 étant antérieur au projet de loi 7784. Il a également contesté la possibilité pour le TCS d'intervenir.

 

16. Le 8 juin 2001, le TCS a persisté dans ses conclusions.

 

Il avait la qualité pour recourir étant une association d'importance cantonale au sens de l'article 145 alinéa 3 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L5 05). De plus, selon l'article 2 de ses statuts, il avait pour objectif de sauvegarder les intérêts de ses sociétaires dans la circulation routière et dans le domaine de la mobilité en général.

 

Il contestait la qualité pour recourir d'ATE Suisse et du WWF Suisse. Ceux-ci n'avaient pas participé à la procédure d'opposition et ils ne pouvaient donc pas recourir. Quant à leur section genevoise, elles avaient "vraisemblablement eu connaissance de la décision attaquée le 6 décembre 2000 de sorte que leur recours, posté le 8 janvier 2001 était tardif".

 

Pour le surplus, il a repris ses explications précédentes.

 

17. Le 11 juin 2001, le DAEL a persisté dans les deux autorisations qu'il avait délivrées, tout en s'en rapportant à justice sur la recevabilité des recours et de l'intervention.

 

Le projet améliorerait la situation, permettant le respect des valeurs limites d'immission, ainsi que celui de la limite OPair au centre du village de Vésenaz. Il induirait certes une augmentation de 30 à 35 ug/m3 de NO2 au niveau des portails, ce qui ne concernerait que six habitations. Malgré cela, le projet était conforme à l'article 18 OPair.

 

Enfin, en permettant un assainissement d'une situation, le projet s'insérait dans le cadre des objectifs poursuivis par le Conseil d'Etat et réduisait considérablement les immissions subies par la forte majorité des riverains.

 

18. Le 2 juillet 2001, la commune de Collonge-Bellerive ainsi que l'ATE et le WWF ont maintenu leur position respective.

 

19. Par ordonnance préparatoire du 12 octobre 2001, la CCRMC a considéré, d'une part, que le préavis de la commission d'urbanisme entériné le 30 avril 1997 était antérieur au rapport d'impact établi en janvier 1999 et que, d'autre part, selon les plans déposés, le projet impliquait la démolition de certains bâtiments. Elle a ordonné au DAEL le dépôt d'observations complémentaires portant sur la question des démolitions et à la commission d'urbanisme de déposer un préavis au sens de l'article 8 alinéa 3 LRoutes après avoir pris connaissance de l'étude d'impact et des observations complémentaires du DAEL. La commission d'urbanisme devait se prononcer sur la justification du projet, sur son impact sur l'environnement, y compris sur l'affectation des bâtiments et des installations avoisinantes. Enfin, elle a autorisé les autres parties - y compris l'intervenant - à déposer des observations complémentaires.

 

20. Le 11 novembre 2001 le DAEL a précisé à l'intention de la CCRMC que le seul élément à démolir était la marquise de la station-service et que celle-ci n'était plus en activité.

 

21. Le 21 novembre 2001, le groupe transports de la commission cantonale d'urbanisme s'est réuni. Le projet était presque entièrement situé sous le domaine public cantonal. La partie du village de Vésenaz, située au sud de l'ouvrage prévu, se trouvait en zone de construction 4B protégée. La tranchée couverte était située en 4ème zone de développement et en 5ème zone dans sa partie est. Le projet prévoyait la réalisation d'une tranchée couverte pour permettre le passage en souterrain du trafic de transit qui représentait l'essentiel (69 %) du trafic total traversant Vésenaz. Une fois achevée, la tranchée couverte permettrait d'éliminer près de 2/3 du trafic actuel en surface, restituant des potentialités pour un aménagement d'un espace public favorable à la vie locale.

 

22. Le 17 janvier 2002, la commission cantonale d'urbanisme a émis un préavis défavorable. La tranchée couverte de Vésenaz revêtait un caractère local et régional; elle permettrait de réduire les nuisances résultant du passage de 19'000 véhicules quotidiens mais :

 

- dans le nouveau plan directeur cantonal (note du rédacteur : approuvé par le Conseil fédéral le 14 mars 2003), le village de Vésenaz était destiné à devenir l'un des quatre centres périphériques avec Versoix, Satigny et Bernex.

 

Or, il était mal desservi par les transports publics et sa densification se confrontait avec le tissu historique villageois, en zone 4B protégée, voire le détruisait;

 

- la volonté de désengorger le centre de Vésenaz en canalisant le trafic de transit était en contradiction avec l'implantation de centres commerciaux aux portes du village;

 

- la réalisation de la tranchée couverte aurait des incidences à l'endroit des trémies en particulier, très proche du centre villageois, et les questions d'intégration urbaine et architecturale n'avaient pas été traitées par l'étude d'impact.

 

La commission demandait donc que le dossier soit complété en :

 

- élaborant un plan directeur de quartier clarifiant la capacité réelle du site à se développer et précisant notamment "les services de base qui peuvent être attendus à l'échelon de la région et de l'espace urbain franco-valdo-genevois";

 

- étudiant une alternative à ladite tranchée couverte;

 

- étudiant la mise en valeur de l'"espace rue";

 

- envisageant, enfin, une éventuelle modification de la zone 4B protégée existante, pour "concilier le mieux possible une densification du village avec des services et des commerces et la sauvegarde des caractères d'un habitat à la campagne".

 

23. Le 25 janvier 2002, le DAEL a conclu derechef au rejet des recours.

 

La commission d'urbanisme avait bien été consultée en 1997 et son préavis avait été rendu sur la base du dossier comprenant un rapport d'impact. L'article 8 LRoutes avait ainsi été respecté. De plus, il rappelait qu'un préavis n'avait qu'une valeur consultative. Enfin, s'agissant du préavis défavorable de la commission d'urbanisme du 17 janvier 2002, il portait pour l'essentiel sur des éléments d'opportunité.

 

24. Le 20 février 2002, le TCS s'en est entièrement remis à l'appréciation du DAEL du 25 janvier 2002.

 

25. Le 21 février 2002, la commune de Collonge-Bellerive a notamment relevé que le préavis de la commission d'urbanisme du 17 janvier 2002 était favorable ou ne se prononçait pas sur les points requis par la CCRMC. Le préavis était défavorable essentiellement pour des éléments d'opportunité soustraits à l'appréciation de la CCRMC.

 

26. L'ATE et le WWF ont persisté dans leurs conclusions le 21 février 2002.

 

27. Par décision du 19 août 2002, la CCRMC, après avoir joint les deux causes, a rejeté l'intervention du TCS au motif que cette association n'avait pas pour but l'étude des questions relatives à l'aménagement du territoire, à la protection de l'environnement ou à celle des monuments, de la nature ou des sites au sens de l'article 93 LRoutes. Enfin, il n'était pas établi que la majorité des membres du TCS était touchée directement et plus que quiconque par le projet.

 

Elle a admis la qualité pour recourir des associations nationales d'ATE et du WWF puisqu'il s'agissait d'associations nationales au sens de l'article 55 alinéas 1 à 3 LPE.

 

La commission a considéré que la publication de l'autorisation de construire dans la FAO du 8 décembre 2000 avait été faite comme s'il s'agissait d'une autorisation préalable de construire et en même temps d'une autorisation définitive. Elle a relevé que cette forme de publication n'était pas prévue par la LCI et elle a traité cette demande comme une autorisation définitive de construire rendue simultanément avec une décision d'approbation LER. Enfin, elle a considéré que le projet apparaissait comme une mesure d'assainissement partiel puisqu'il n'y aurait pas d'incidence sur les véhicules en provenance de la route d'Hermance, ni sur ceux qui accéderaient aux commerces du centre.

 

Elle a examiné si cette mesure d'assainissement, qui apparaissait comme locale, l'emportait sur les contradictions relevées quant à l'urbanisme par la commission cantonale d'urbanisme le 17 janvier 2002 et quant aux inconvénients que causerait l'ouvrage aux recourants domiciliés à proximité des trémies ou dans des voies perpendiculaires.

 

La CCRMC a relevé que le DAEL n'avait pas suivi le préavis défavorable de la commission d'urbanisme considérant le projet comme une mesure d'assainissement de la route actuelle. Or, le rapport d'impact faisait apparaître une légère amélioration quant aux limites d'immission du bruit et une légère augmentation des immissions de NO2 de 5 mg/m3 pour six habitations, en particulier celles se trouvant vers la sortie nord. Lesdits habitants subiraient en outre les inconvénients résultant des difficultés à s'insérer dans le flux de circulation sur la route de Thonon proche du carrefour de la Pallanterie à la sortie nord du tunnel. Quant à la jonction de la route d'Hermance dans le centre du village, elle resterait problématique même en cas de réalisation du projet. Ces inconvénients devaient être considérés comme graves au sens de l'article 14 LCI. La CCRMC a ainsi retenu que le DAEL avait abusé de son pouvoir d'appréciation en ne tenant pas suffisamment compte de cette situation.

 

De plus, la CMNS n'avait pas été consultée alors que le village de Vésenaz était un village protégé. Enfin, aucun rapport OPAM n'avait été établi malgré la demande faite en ce sens par le service cantonal d'écotoxicologie le 10 octobre 1997 déjà. Or, la sécurité du projet devait être étudiée à ce stade de la procédure en vertu du principe de la coordination.

 

En conséquence, la CCRMC a annulé l'autorisation de construire DD 96'396 et la décision d'approbation LER 2561.

 

28. Le 30 septembre 2002, la commune de Collonge-Bellerive a recouru auprès du Tribunal administratif contre cette décision. Elle a conclu, préalablement, à ce que qu'un transport sur place soit ordonné de même que la comparution personnelle des parties puis, au fond, à l'admission du recours, à l'annulation de la décision attaquée et à la confirmation des deux autorisations délivrées par le département (procédure n° A/915/2002).

 

La CCRMC avait admis à tort la qualité pour recourir de l'ATE Suisse et du WWF Suisse car celles-ci n'étaient pas intervenues au stade de l'opposition et n'avaient pas été représentées par leur section cantonale genevoise.

 

Sur le fond, la CCRMC avait outrepassé son pouvoir d'appréciation en estimant que les autorisations n'auraient pas dû être délivrées en raison des impératifs de la protection de l'air. La réalisation de la tranchée couverte apporterait une diminution notable de la pollution de l'air, les valeurs limites posées par l'OPair n'étant dépassées que pour six habitations. S'agissant du préavis de la commission d'urbanisme du 17 janvier 2002, bien que défavorable, celui-ci ne se prononçait pas sur les points évoqués par la CCRMC mais sur des considérations générales.

 

Le DAEL avait agi dans le cadre de son pouvoir d'appréciation en accordant les autorisations et en considérant que la traversée de Vésenaz ne saurait être la cause d'inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public mais remplissait au contraire toutes les conditions de sécurité et de salubrité suffisantes à l'égard des voisins ou du public.

 

La réalisation de la tranchée couverte favoriserait l'accès aux habitations et aux commerces et l'aménagement en surface redonnerait une qualité de vie. Elle permettrait un accès aux transports publics avec la possibilité de la construction d'une ligne de tramway. Il n'y avait dès lors pas de contradiction entre la volonté de désengorger le centre de Vésenaz et la construction de centres commerciaux aux portes du village. Les possibilités d'insertion dans la circulation pour les habitants riverains avaient été examinées et des solutions efficaces offertes. Il en était de même pour l'insertion de la route d'Hermance sur la route de Thonon où le giratoire serait tout à fait capable d'absorber les véhicules prévus en surface.

 

Enfin, l'OPAM ne trouvait pas application et aucun préavis de la CMNS ne devait être obtenu.

 

29. Le TCS a également recouru auprès du Tribunal administratif le 3 octobre 2002 en concluant préalablement à l'irrecevabilité des recours d'ATE et WWF, qu'ils émanent des sections genevoises ou des associations nationales, ainsi qu'à l'admission de la qualité pour recourir du TCS. Au fond, il a conclu à la confirmation des autorisations délivrées par le département (procédure n° A/925/2002).

 

Le département n'avait pas à requérir un nouveau préavis de la commission d'urbanisme. En tout état, même le dernier préavis, défavorable, n'avait qu'une valeur consultative. L'ouvrage apporterait des améliorations sur le plan de l'assainissement du bruit et de l'air. Enfin, le village de Vésenaz était bien un village protégé mais le préavis de la CMNS n'avait pas à être requis puisque le projet ne touchait pas le village de Vésenaz. De même, un rapport OPAM n'était pas indispensable puisque lui-même, le TCS, estimait que le projet était sûr et que "la sécurité à l'intérieur du tunnel est à même d'être assurée de manière optimale et que cela a été démontré par les concepteurs du projet tout au long de cette longue procédure administrative".

 

30. Messieurs Brunner, Anavi et Hoffmann ont conclu, le 28 octobre 2002, au rejet des recours de la commune et du TCS. Il n'était pas admissible que ce projet améliore la situation pour certains habitants tout en la péjorant pour d'autres.

 

31. Le 31 octobre 2002, la commune de Collonge-Bellerive a appuyé les conclusions du TCS (procédure n° A/925/2002). Celui-ci en a fait de même pour les conclusions prises par la commune (procédure n° A/915/2002).

 

32. A la même date, l'ATE et le WWF ont conclu à l'irrecevabilité du recours du TCS et au rejet du recours de la commune de Collonge-Bellerive. Ils ont repris leur argumentation développée devant la CCRMC. Pour le surplus, ils ont demandé d'attendre la parution du plan régional des déplacements et ont fait leurs les constatations de la CCRMC concernant l'absence de rapport OPAM et l'absence de préavis de la CMNS.

 

33. Le département a, pour sa part, déclaré, le 29 novembre 2002, s'en rapporter à justice quant à la recevabilité des recours. Il a conclu à l'annulation de la décision attaquée et à la confirmation de ses propres autorisations. La CCRMC avait statué en pure opportunité contrairement à l'article 61 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

 

Il n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation en se conformant à tous les préavis favorables. Le dernier préavis émis par la commission d'urbanisme était consultatif. Il s'était fondé principalement sur le préavis du service cantonal d'écotoxicologie du 31 janvier 2000 s'agissant de l'autorisation de construire et sur celui de l'OTC du 21 janvier 2000 pour l'autorisation LER.

S'agissant de l'absence de préavis de la CMNS et du rapport OPAM le département n'a formulé aucune remarque.

 

34. Sur requête de la juge déléguée, le DAEL a fourni des informations complémentaires le 15 mai 2003 sur les points suivants :

 

a. La CMNS n'avait pas été consultée car le projet ne se trouvait pas en zone 4B protégée.

 

b. Le département n'avait pas sollicité de rapport OPAM lors de la délivrance de l'autorisation de construire car seules les mesures de minimisation contre le bruit préconisées par le service cantonal d'écotoxicologie figuraient comme condition de l'autorisation de construire du 5 décembre 2000 délivrée par le département. Par ailleurs l'OPAM n'exigeait, ni l'existence d'un rapport comme condition à la délivrance d'une autorisation de construire, ni le respect d'un quelconque délai pour son élaboration.

 

c. Les habitations exposées à une augmentation de NO2 étaient celles de Ojjeeh Farid Abdulaziz, parcelle n° 6026, de M. Agabekov Youri, parcelle n° 6826, de la Paroisse protestante, parcelle n° 5539 et de Mme Schweinberger Sophie, parcelle n° 4371, sises respectivement au n° 31, 73, 78 et 80 route de Thonon.

 

d. Selon les renseignements obtenus de l'office des transports et de la circulation du département de l'intérieur, de l'agriculture et de l'environnement, le plan régional des déplacements n'était pas terminé. Toutefois, il s'agissait de directives d'aménagements internes, à l'usage exclusif de l'office des transports et de la circulation et il n'existait aucun document officiel le concernant.

 

e. Aucune procédure d'opposition n'avait eu lieu. Le département s'en était tenu aux termes de l'ancien article 8 LRoutes qui mentionnait "l'enquête publique" comme procédure à suivre telle que définie dans le cadre de l'adoption de plans localisés de quartier à l'exclusion d'une procédure d'opposition.

 

f. Enfin, selon les renseignements obtenus par la juge déléguée, dans son préavis du 21 juin 2000, la direction de l'aménagement se référait à un préavis de la commission cantonale d'urbanisme entériné le 17 septembre 1998. Or, ce préavis n'avait pas été produit.

 

Le département a expliqué que le préavis du 17 septembre 1998 avait été émis dans le cadre du projet de plan directeur de la commune de Collonge-Bellerive. Ce préavis portait sur un aspect général et non sur l'aspect particulier de la tranchée de Vésenaz. Il était étranger au présent litige et n'avait dès lors pas à être produit devant la CCRMC.

35. Le 25 juin 2003, le TCS a persisté dans toutes ses conclusions. La commune de Collonge-Bellerive en a fait de même le 30 juin 2003.

 

36. Par décision du 7 avril 2003 le Tribunal administratif a joint les causes A/915/2002 et A/925/2002 en une seule procédure, sous le n° A/915/2002.

 

37. L'ATE et le WWF ont persisté dans leur position le 16 septembre 2003.

 

38. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

 

 

 

EN DROIT

 

 

1. Les recours de la commune de Collonge-Bellerive et du TCS ont été interjetés en temps utile devant la juridiction compétente (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. a. Aux termes de l'article 60 LPA ont qualité pour recourir, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a) ainsi que toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (let. b).

 

b. Le Tribunal administratif a déjà jugé que la lettre a de l'article 60 LPA se lit en parallèle avec la lettre b de ce même article : si le recourant ne peut faire valoir un intérêt digne de protection, il ne peut être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance. Cette notion de l'intérêt digne de protection est identique à celle développée par le Tribunal fédéral aux articles 103 lettre a de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (OJ - RS 173.110) et 48 lettre a de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021; ATA E.-H. et consorts du 8 avril 2003; P. du 11 mai 1999 et les réf. citées).

 

c. Le Tribunal administratif doit pouvoir vérifier si les circonstances ayant permis de reconnaître la qualité pour agir en première instance existent toujours, non pas seulement lors du dépôt du recours, mais également lorsqu'elle statue, et dénier, le cas échéant, cette qualité à une personne qui se serait vue reconnaître à tort la qualité de partie à la procédure devant la commission cantonale de recours ou qui l'aurait perdue en cours de procédure (ATF n.p. du 30 septembre 1999, 1P.390/1999, consid. 2c).

 

d. Une association peut recourir soit pour la défense de ses propres intérêts, soit pour la défense des intérêts de ses membres, si ses statuts prévoient un tel but et si un grand nombre de ses membres ont eux-mêmes la qualité pour agir (ATF 125 I 71, consid. 1b, p. 75; 121 II 39 consid. 2c/aa, p. 43; ATA P. V. du 26 août 2003; C. du 15 janvier 2002, confirmé par ATF n.p. du 16 avril 2002, 1A.47/2002 et les réf. citées)

 

Ces considérations présupposent cependant que l'association en cause possède la personnalité juridique (ATF 125 I 71 précité et les réf. citées; ATA E. S.A. et consorts du 5 novembre 2002 et les réf. citées; P. MOOR, Droit administratif, Vol. II, 2002, p. 643 ss).

 

e. Enfin, dans quelques matières, le législateur a conféré la qualité pour agir dans un but idéal par norme expresse à des organisations privées (P. MOOR, op. cit., p. 653). Ainsi, la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) prévoit un droit de recours des organisations nationales dont le but est la protection de l'environnement contre des décisions des autorités cantonales ou fédérales relatives à la planification, à la construction ou à la modification d'installations fixes soumises à l'étude de l'impact sur l'environnement selon l'article 9 et pour autant qu'elles aient été fondées dix ans avant l'introduction du recours (art. 55 al. 1 LPE). Ces organisations sont également habilitées à user des moyens de recours prévus par le droit cantonal (art. 55 al. 3 LPE). Toutefois, lorsque le droit fédéral ou cantonal prévoit une procédure d'opposition antérieure à la prise de décision, les organisations n'ont qualité pour recourir que si elles sont intervenues dans la procédure d'opposition à titre de partie (art. 55 al. 3 LPE).

 

Les organisations nationales peuvent être représentées par leurs sections cantonales dans l'exercice des oppositions et des recours cantonaux. Cette représentation s'entend très largement; il n'est même pas nécessaire que la section locale agisse expressément au nom de l'association nationale. Il suffit qu'il existe un lien étroit reconnaissable entre elle et l'association nationale (Isabelle ROMY, Les droits de recours administratif des particuliers et des organisations en matière de protection de l'environnement, in DEP 2001, p. 248 ss, p. 263).

f. La loi sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes - L 1 10) et la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) ont également réservé la qualité pour recourir aux associations d'importance cantonale ou actives depuis plus de trois ans qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à l'étude de questions relatives à l'aménagement du territoire, à la protection de l'environnement ou à la protection des monuments, de la nature ou de sites (art. 93 al. 2 LRoutes; art. 145 al. 3 LCI).

 

En l'espèce, le recours de la commune de Collonge-Bellerive sera déclaré recevable, celle-ci étant maître de l'ouvrage et le projet devant se réaliser sur son territoire.

 

S'agissant de la qualité pour recourir du TCS, selon les statuts de cette organisation, la section genevoise a pour but notamment "de sauvegarder et promouvoir les droits et les intérêts généraux des sociétaires, par rapport aux questions relatives à la circulation routière, à la complémentarité des modes de transport et à la mobilité dans le cadre de l'aménagement du territoire, des constructions et ouvrages et de la protection de l'environnement" (art. 4 lit d).

 

Dans un arrêt récent, le tribunal de céans a considéré que le but premier poursuivi par la section genevoise du TCS est la protection et la sauvegarde des intérêts de ses membres et non l'étude, par pur idéal, de questions relatives à l'aménagement du territoire et la protection de l'environnement (ATA TCS du 26 août 2003).

 

La qualité pour recourir sur la base de l'article 92 alinéa 2 LRoutes ou de l'article 145 alinéa 3 LCI doit dès lors être déniée au TCS.

 

De même, le TCS ne peut prétendre recourir dans l'intérêt de ses membres, un grand nombre de ceux-ci ne possédant pas eux-mêmes la qualité pour agir.

 

En conséquence, le recours du TCS sera déclaré irrecevable.

3. Les recourants contestent la qualité de parties de ATE Suisse et de WWF Suisse, ces associations n'étant pas intervenues au stade de l'opposition.

 

Le tribunal laissera la question ouverte de savoir si une procédure d'opposition est prévue par la loi, le département ayant déclaré ne pas avoir procédé à une telle procédure. De toute manière, dans le cas particulier, les associations membres de "coordination transports et déplacements", parmi lesquelles figurent l'ATE et le WWF Genève, ont déclaré, le 22 décembre 1999, faire opposition aux requêtes déposées par la commune de Collonge-Bellerive. Puis l'ATE, Suisse et sa section genevoise, et le WWF, Suisse et sa section genevoise, ont fait recours contre les autorisations délivrées par le département le 5 décembre 2000.

 

ATE Genève et WWF Genève ont ainsi la qualité de parties. Par ailleurs, les organisations nationales pouvant être représentées par leurs sections cantonales sans qu'il soit nécessaire que la section locale le mentionne expressément, il convient de considérer que l'ATE Suisse et le WWF Suisse ont été représentés lors de l'opposition formulée le 22 décembre 1999. La qualité de partie sera donc également reconnue à ATE Suisse et au WWF Suisse.

 

4. Le tribunal de céans examinera préalablement si, comme l'a relevé la CCRMC, la CMNS devait être consultée.

 

5. L'article 106 LCI prévoit la nécessité d'obtenir le préavis de la CMNS lors de construction dans les villages protégés.

 

6. Selon le plan n° 25158-515 des zones de constructions de la commune et du village de Vésenaz, Collonge-Bellerive, adopté par le Grand Conseil le 1er mars 1963, la zone 4B protégée forme un rectangle qui longe, sans toutefois la toucher, la route de Thonon sur la droite jusqu'à la hauteur du chemin Neuf-de-Vésenaz puis se rétrécit et forme un nouveau rectangle plus petit qui borde le chemin du Vieux Vésenaz et s'arrête avant le Rond point avec la route d'Hermance.

Par rapport au projet litigieux, la zone 4B protégée se situe au niveau de la trémie d'accès mais n'est pas touchée par celui-ci. En particulier, le projet ne prévoit pas de construction ou d'aménagement à réaliser dans cette zone. En conséquence, le préavis de la CMNS n'a pas à être requis dans le cas d'espèce.

 

7. La CCRMC a également considéré qu'en vertu du principe de la coordination, la sécurité du projet devait être étudiée au stade actuel de la procédure.

 

8. L'ordonnance sur la protection contre les accidents majeurs du 27 février 1991 (OPAM - RS 814.012) a pour but de protéger la population et l'environnement des graves dommages résultant d'accidents majeurs (art. 1). Le détenteur d'une voie de communication est tenu de remettre à l'autorité d'exécution un rapport succinct (art. 5 al. 2 OPAM) qui permettra à cette dernière de déterminer si le risque encouru par la population et l'environnement est acceptable ou non (art. 7 OPAM).

 

9. Dans une jurisprudence bien établie, le Tribunal fédéral a dégagé les principes imposant une coordination matérielle et formelle des décisions fondées, en tout ou partie, sur le droit fédéral de l'environnement ou de l'aménagement du territoire.

 

Ainsi, lorsque, pour la réalisation d'un projet, différentes dispositions légales sont simultanément applicables et qu'il existe entre elles une imbrication telle qu'elles ne sauraient être appliquées indépendamment les unes des autres, il y a lieu d'assurer leur coordination matérielle (ATA APV du 24 mars 1998 et les réf. citées).

 

Une coordination matérielle suffisante suppose qu'une pesée globale de tous les intérêts en présence la plus précoce et la plus exhaustive possible s'effectue en première instance déjà. Pour être complète, cette balance des intérêts doit englober toutes les questions de fait (détermination des impacts), de droit (détermination des intérêts concernés, primauté de certains intérêts sur d'autres) et opportunité politique (pesée d'intérêts concrète en fonction des particularités du cas d'espèce). Seule la prise en compte simultanée de toutes les normes touchées assure la mise en oeuvre correcte de l'ordre juridique en vigueur. L'exigence de coordination matérielle suppose nécessairement un devoir de coordination formelle (JAAC 63-95 891ss, consid. 2.2; R. ZUFFEREY, "Coordination des procédures de décision et droit de l'environnement in DEP 2001 p. 228 ss).

 

10. Conformément à cette jurisprudence, la LPA a introduit un nouvel article, entré en vigueur le 10 novembre 2001, qui prévoit que lorsque plusieurs législations ayant entre elles un lien matériel étroit sont applicables à un projet, les procédures doivent être coordonnées (art. 12A LPA).

 

11. En l'espèce, le rapport d'impact indique expressément qu'au vu de la nature de l'ouvrage les événements extraordinaires doivent être vérifiés. Il relève que l'OPAM effectue une analyse globale de l'ensemble d'un axe routier et non d'un ouvrage en particulier. En l'espèce, l'axe routier concerné par l'ouvrage, soit la route principale suisse T 105 et la route cantonale RC 1 n'avait pas fait l'objet d'un rapport OPAM mais l'autorité cantonale devait y procéder prochainement.

 

De son côté, la direction de l'environnement pour les risques d'accidents majeurs a requis, lors de l'examen du deuxième rapport d'impact, une évaluation quantitative de la situation future par le biais d'un rapport succinct OPAM comme cela avait déjà été fait lors du préavis du 10 octobre 1997.

 

12. Il est vrai que l'OPAM ne fixe aucun délai pour procéder à une étude d'impact lors de la réalisation d'un nouvel ouvrage routier.

 

Toutefois, l'article 9 alinéa 2 lettre b LPE dispose que le rapport d'impact doit contenir le projet, y compris les mesures prévues pour la protection de l'environnement et pour les cas de catastrophes. De même, l'article 10 LPE prévoit que quiconque exploite ou entend exploiter des installations qui, en cas d'événements extraordinaires, peuvent causer de graves dommages à l'homme ou à l'environnement, doit prendre les mesures propres à assurer la protection de la population et de l'environnement. Il y a notamment lieu de choisir un emplacement adéquat, de respecter les distances de sécurité nécessaires, de prendre des mesures techniques de sécurité, d'assurer la surveillance de l'installation et l'organisation du système d'alerte.

 

Or, le rapport succinct permet d'évaluer la probabilité d'occurrence d'un accident majeur. Sur la base d'un tel rapport, l'autorité compétente peut ainsi déterminer la nécessité d'une étude de risques et ordonner, le cas échéant, des mesures de sécurité supplémentaires. Il se justifie dès lors de procéder à une évaluation des risques par un rapport succinct parallèlement à l'élaboration du rapport d'impact. D'ailleurs, la doctrine semble unanime à admettre que l'analyse de risques doit s'intégrer dans l'étude d'impact (Alain CHABLAIS, Protection de l'environnement et droit cantonal des constructions, 1996, p. 141).

 

En conséquence, il appartient au département de faire établir un rapport succinct OPAM.

 

13. Au vu de ce qui précède, le tribunal de céans sollicitera préparatoirement l'établissement d'un rapport succinct OPAM.

 

Les autres griefs soulevés par les parties seront examinés ultérieurement et les frais de la procédure seront réservés jusqu'à droit jugé au fond.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme:

 

déclare recevable le recours interjeté le 30 septembre 2002 par la Commune de Collonge-Bellerive contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 19 août 2002;

 

déclare irrecevable le recours interjeté par le Touring Club Suisse le 3 octobre 2002 contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 19 août 2002;

 

 

préparatoirement:

 

ordonne au département de faire établir un rapport succinct au sens de l'ordonnance sur la protection contre les accidents majeurs du 27 février 1991;

 

réserve les frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond;

 

dit que conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours ou, s'il s'agit d'une décision incidente, dans les dix jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il est adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

communique le présent arrêt à Me François Membrez, avocat de la commune de Collonge-Bellerive, à Me Yves Bonard, avocat du Touring Club Suisse, à la commission cantonale de recours en matière de constructions, au département de l'aménagement de l'équipement et du logement, à M. Richard Hoffmann, pour Messieurs Ramon Anavi et Roland Brunner, à Me Yasmine Djabri, avocate de l'Association Transports et Environnement et du World Wide Fund for nature ainsi qu'à l'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage.

 


Siégeants : M. Paychère, président, MM. Thélin, Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. : le vice-président :

 

M. Tonossi F. Paychère

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci