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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3748/2005

ATA/727/2005 du 28.10.2005 ( CE ) , REJETE

Recours TF déposé le 02.12.2005, rendu le 08.05.2006, REJETE, 1P.786/2005
Descripteurs : ELECTION(DROITS POLITIQUES); PROCEDURE; NULLITE; DELAI DE RECOURS; QUALITE POUR AGIR
Normes : CEDH.6 al.1; PDCP.14 paragraphe 1; LEDP.180; LEDP.76; LEDP.73; LEDP.67; LEDP.66
Parties : MAILLEFER Denise, BLANCHARD QUELOZ Marie-Paule, ECUYER René, WENGER Salika, BRAM Hans, ALLIANCE DE GAUCHE / CONSEIL D'ETAT
Résumé : Lorsque, comme en l'espèce, les recourants contestent les résultats de l'élection en alléguant que des irrégularités lors du dépouillement et de la récapitulation en auraient faussé le résultat, la question se pose de savoir si le délai de six jours court dès le moment où ils ont eu connaissance de l'acte, de l'omission ou de la décision qu'ils considérent comme une atteinte à leurs droits politiques ou dès le moment de la publication des résultats. Question laissée ouverte en l'espèce le recours devant être rejeté sur le fond, vu l'absence d'irrégularité constatée.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3748/2005-CE ATA/727/2005


ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 28 octobre 2005

dans la cause

ALLIANCE DE GAUCHE
et
Madame Marie-Paule BLANCHARD-QUELOZ
et
Monsieur Hans BRÄM
et
Monsieur René éCUYER
et
Madame Denise MAILLEFER
et
Madame Salika WENGER
représentés par Me Jean-Pierre Garbade, avocat

contre

CONSEIL D'éTAT


 


1. Le 9 octobre 2005, les électeurs et électrices du canton de Genève se sont rendus aux urnes pour élire cent députés au Grand Conseil. Dix listes avaient été déposées.

Selon les résultats diffusés le lundi 10 octobre 2005, trois de ces listes, soit celles présentées par l’Alliance de Gauche (Parti du travail et indépendants, ci-après : AdG), Solidarités et les Communistes n’ont pas obtenu le quorum, fixé à 7%.

2. Le même jour, l’AdG a diffusé un communiqué de presse, repris par les médias locaux, dans lequel elle contestait le résultat des élections. Entre le dépouillement réalisé au bureau de vote de Meyrin et le recomptage effectué à Uni-Mail, elle avait été spoliée de cent bulletins de vote compacts, qui avaient été attribués à un autre parti. Ils correspondaient à dix mille suffrages lesquels, s’ils lui avaient été attribués, auraient permis à l’AdG d’atteindre, voire de dépasser le quorum.

3. Le 11 octobre 2005, la Chancellerie d’Etat (ci-après : la Chancellerie) a diffusé un communiqué de presse contestant les allégations de l’AdG. Une erreur avait été commise au bureau de vote de Meyrin, qui avait été rectifiée par la suite. Les résultats étaient exacts.

4. Par arrêté du 12 octobre 2005, publié dans la Feuille d’Avis Officielle (ci-après : FAO) du 14 octobre 2005, le Conseil d’Etat a constaté les résultats de l’élection de cent députés au Grand Conseil. L’AdG avait obtenu 592'372 suffrages, alors que le quorum était fixé à 600'679,17 suffrages, de sorte qu’elle n’avait pas droit à siéger au Grand Conseil.

5. a. Le 20 octobre 2005, Madame Denise Maillefer, agissant personnellement et comme représentante de l’AdG ayant déposé la liste, Mesdames Marie-Paule Blanchard-Queloz et Salika Wenger, Messieurs Hans Bräm et René Ecuyer, tous citoyens suisses domiciliés à Genève, ont mis à la poste deux courriers à l’intention du Tribunal administratif, l’un contenant l’acte de recours et l’autre les pièces. Les quatre dernières personnes nommées étaient elles-mêmes candidates au Grand Conseil.

L’acte de recours a été enregistré au Tribunal administratif le 21 octobre, alors que le courrier contenant les pièces est arrivé trois jours plus tard, soit le 24 octobre 2005. A la demande du juge délégué à l’instruction de la cause, l’AdG a déposé en mains du tribunal une copie des pièces en question le 21 octobre.

Par courrier du 20 octobre 2005, reçu au Tribunal administratif le lendemain, Mme Blanchard-Queloz a complété le recours, signalant deux jurisprudences dont les recourants avaient omis de faire état.

b. Préalablement, les recourants concluent à ce que l’effet suspensif soit octroyé au recours et, principalement, à ce que la liste de l’AdG soit créditée de deux cent nonante bulletins de vote compacts valables, comptés dans le local de vote de Meyrin. L’arrêté du Conseil d’Etat du 12 octobre 2005 devait être modifié en ce sens que l’AdG, après avoir obtenu le quorum, devait prendre part à la répartition des sièges. Subsidiairement, l’élection du Grand Conseil dans la commune de Meyrin devait être annulée et un nouveau scrutin devait y être organisé. Plus subsidairement encore, le tribunal devait offrir aux recourants la possibilité de faire la preuve des faits allégués.

Contrairement à ce qu’affirmait la Chancellerie, le dépouillement des bulletins de vote avait eu lieu dans le local de Meyrin. Les décomptes ultérieurs effectués à Uni-Mail ne constituaient pas un dépouillement centralisé, mais une simple récapitulation du vote. Les personnes procédant à cette opération – qui n’était au demeurant pas publique - n’étaient pas des jurés électoraux et les contrôleurs, proposés par les partis et désignés par le Conseil d’Etat, n’avaient pas été mis en état de procéder à un réel contrôle de l’opération. En particulier, ils n’avaient pas été informés et n’avaient pas pu surveiller les décomptes des enveloppes provenant de la commune de Meyrin. Depuis la disparition des estampilles, il n’était plus possible de vérifier que les bulletins de vote recomptés par la suite soient bien ceux qui avaient été déposés dans les urnes. Une substitution de bulletins de vote était envisageable. Les importantes violations de la loi sur l'exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 (LEDP - A 5 05) et le fait que les opérations effectuées à Uni-Mail n’étaient pas conformes à la loi faisaient sérieusement douter du résultat du scrutin.

Les recourants ont de plus critiqué la validité des opérations relatives au dépouillement du vote des Suisses de l’étranger, sans que cet élément ne soit toutefois repris dans leurs conclusions.

6. L’acte de recours a été transmis au Conseil d’Etat. Un délai échéant le 26 octobre 2005 à 17h00 lui a été imparti pour produire ses observations.

7. Par courrier daté du 24 octobre 2005 enregistré au Tribunal administratif le lendemain, un avocat s’est constitué pour les recourants. Il a indiqué être à disposition pour convenir d’une date pour entendre les parties ou des témoins et a sollicité un bref délai pour transmettre au tribunal le nom des personnes que les recourants souhaitaient citer, dans l’hypothèse où le Conseil d’Etat contesterait certains de leurs allégués.

8. Par courrier du 24 octobre 2005 et reçu au Tribunal administratif le 26 octobre dans la matinée, l’AdG a précisé quelques éléments qui n’avaient pas été intégrés dans la dactylographie finale du recours. Elle a aussi communiqué un fait nouveau : un des contrôleurs avait indiqué à un membre de l’AdG avoir écrit au directeur général du dépouillement centralisé pour s’étonner de ne pas avoir été informé, pendant les séances du 9 octobre, de l’erreur portant sur les 100 bulletins de vote du local de Meyrin.

9. La lettre de constitution de l’avocat, de même que le courrier reçu directement de l’AdG ont été transmis au Conseil d’Etat le 26 octobre 2005 dans la matinée.

10. Le 26 octobre 2005, à 16h25, le Conseil d’Etat s’est déterminé sur le recours.

Il conclut préalablement à ce que les écritures, pièces et offres de preuve spontanées expédiées le 24 octobre 2005 soient écartées du dossier et à ce que l’effet suspensif lié au recours soit retiré. Principalement, le recours devait être déclaré irrecevable et subsidiairement rejeté.

La conclusion en irrecevabilité était fondée sur le non-respect du délai de recours de six jours. Ce dernier commençait à courir au moment où l’AdG, Mme Maillefer en sa qualité de représentante de ladite alliance et les quatre co-recourants, tous députés, avaient eu connaissance de l’irrégularité alléguée, soit le lundi 10 octobre déjà. Leurs griefs portaient en effet sur la procédure de dépouillement, et non directement sur l’arrêté du Conseil d’Etat du 12 octobre 2005.

Le recours avait, de par la loi, effet suspensif. Celui-ci devait lui être retiré, dans la mesure où les recourants ne concluaient qu’à l’annulation partielle du scrutin et qu’il y avait un intérêt prépondérant à ce que le canton pût disposer d’un parlement opérationnel.

Quant au fond du recours, le Conseil d’Etat a indiqué que l’opération électorale avait fait l’objet d’un dépouillement centralisé, ce qui était le cas pour les élections au Grand Conseil depuis 1948. Les décomptes effectués dans les bureaux de vote ne constituaient que des pré-dépouillements. Le dépouillement centralisé disposait d’une base légale claire et était réalisé par des jurés électoraux nommés par la Chancellerie. Deux dépouillements étaient réalisés à Uni-Mail, l’un le dimanche et l’autre le lundi. La loi ne prévoyait la participation des électeurs nommés par le Conseil d’Etat, sur proposition des groupes ayant déposé les listes, que pour les travaux de récapitulation, qui concernaient uniquement le deuxième dépouillement. Les contrôleurs recevaient des informations précises et avaient un libre accès à tous les locaux utilisés pour le dépouillement.

Les recourants soutenaient à tort que le décompte réalisé dans le local de vote de Meyrin devait être retenu. Il y avait eu des erreurs dans ce décompte, erreurs qui avaient été rectifiées par la suite. Le résultat final publié dans l’arrêté querellé était exact.

Le Conseil d’Etat a encore relevé qu’outre les cent bulletins retirés à l’AdG et qui faisaient l’objet de la procédure, vingt-trois bulletins compacts lui avaient été réattribués au local de vote des Crêts, suite au contrôle effectué à Uni-Mail. Dans l’hypothèse où les cent bulletins seraient comptabilisés en faveur de l’AdG, il faudrait aussi lui retirer les vingt-trois bulletins du local des Crêts, de sorte qu’elle n’aurait toujours pas le quorum.

11. A la demande du Tribunal administratif, le conseil de l’AdG a précisé, par télécopie du 26 octobre 2005, que l’AdG faisait élection de domicile en son étude, ce qui n’était pas le cas pour les autres recourants.

12. Sur instruction du conseil des recourants, une copie de la réponse du Conseil d’Etat et des pièces annexées a été remise à Mme Wenger le 26 octobre 2005, vers 17h00.

13. Par télécopie et lettre-signature expédiées le 27 octobre 2005, les recourants ont demandé qu’un deuxième échange d’écritures soit autorisé ou qu’ils puissent plaider sur la question de l’effet suspensif, de la recevabilité et des faits nouveaux ressortant de la réponse au recours et, subsidiairement, que des enquêtes soient ouvertes sur les faits contestés.

14. S’agissant de l’organisation des opérations de dépouillement centralisé, les éléments suivants ressortent de la directive y relative, actualisée pour les élections du Grand Conseil 2005 (pièce 18 recourants) :

a. Le dépouillement est placé sous la direction d’un directoire et d’un directeur général ;

b. Les tâches sont réparties entre divers services, notamment celui intitulé « contrôle des urnes », qui a la responsabilité de compléter et de contrôler les pré-dépouillements effectués dans les locaux de vote. Ce service doit recompter les bulletins compacts et blancs qui ne seront pas saisis individuellement, numéroter et ranger dans des enveloppes les bulletins modifiés et sans nom de liste à saisir dans les salles. Il sépare aussi les bulletins nuls et douteux numérotés et les transmet directement au service contrôle-vérification (cf. directive précitée, p. 9).

c. Le service « contrôle des urnes » est lui-même constitué de divers secteurs.

Le secteur « réception des urnes » est chargé :

de recevoir les urnes arrivant des locaux de vote, transportées par la police ;

de noter l’heure d’arrivée de chaque urne ;

de vider et contrôler le contenu de l’urne et d’effectuer des photocopies du
procès-verbal de résultats rempli par le bureau de vote ;

de sortir de l’urne les enveloppes contenant les bulletins compacts, modifiés
et sans nom de liste ;

de les mettre dans un bac et de les transmettre au secteur « distribution des
urnes ».

Le secteur « distribution des urnes » reçoit les enveloppes et les distribue aux chefs de groupe de contrôle. Une fois le contrôle effectué, ce secteur remet dans les urnes les enveloppes compactes et transmet au secteur « contrôle de sortie » celles contenant les bulletins modifiés ou sans nom de liste. Le chef de groupe a notamment pour tâche, à réception des bacs contenant les enveloppes d’un bureau de vote, de comparer les chiffres portés sur le procès-verbal du local de vote avec le nombre de bulletins figurant dans les enveloppes, de déceler les erreurs pouvant avoir une influence sur l’établissement des résultats provisoires et de s’assurer qu’aucun bulletin ne soit réintroduit lors du travail.

Les jurés membres du groupe sont divisés en deux groupes de trois. L’un de ces groupes a pour tâche de vérifier que les bulletins dans les enveloppes marquées « compact » soient effectivement compacts, de contrôler le parti, de compter les bulletins de chaque parti et d’inscrire sur l’enveloppe, s’il y a lieu, un nombre différent de bulletins contrôlés. Ces trois jurés doivent de plus ventiler sur le procès-verbal de vérification « B2 » les chiffres inscrits sur les enveloppes.

15. Le Tribunal administratif relèvera les éléments factuels suivants, ressortant de la procédure :

a. Par arrêté « relatif à la désignation des contrôleurs pour l’élection du 9 octobre 2005 de cent députés au Grand Conseil » du 7 septembre 2005, publié dans la FAO du 12 septembre suivant, le Conseil d’Etat a désigné dix contrôleurs « aux fins de contrôler les opérations centralisées de dépouillement et de récapitulation pour l’élection de cent députés au Grand Conseil ».

b. Par insertion dans la FAO du 26 septembre 2005, les électeurs et électrices ont été convoqués à cette élection. Cet encart précisait que le dépouillement et la récapitulation des votes seraient effectués par les soins de la Chancellerie d’Etat en séance publique, sous le contrôle d’électeurs désignés par le Conseil d’Etat.

c. La première séance des contrôleurs a eu lieu le dimanche 9 octobre à 13h00. A cette occasion, le Chancelier leur a indiqué qu’ils avaient la liberté de se rendre dans chaque salle, d’observer tout le processus de dépouillement, de poser des questions, faire des remarques et noter les problèmes constatés. L’horaire prévu pour les opérations leur a été indiqué (cf. pièce 24 recourants).

d. Selon la formule « B », contresignée par le président et le vice-président du bureau de vote de Meyrin, le tri des bulletins faisait apparaître les résultats suivants, concernant les bulletins compacts :

Les Verts 195
Parti radical genevois 171
Les socialistes 170
AdG 290
Libéral 168
Parti démocrate chrétien 198
UDC Genève 268
Solidarités 137
Mouvement citoyen genevois 237
Les communistes 36

Ces renseignements ont été communiqués à la Chancellerie, par téléphone, à 14h50.

e. Selon le procès-verbal « B2 » contresigné par le groupe 9 du contrôle des urnes, le nombre de bulletins compacts retrouvés lors du premier comptage du dépouillement centralisé était le suivant :

Les Verts 195
Parti radical genevois 140
Les socialistes 269
AdG 190
Libéral 168
Parti démocrate chrétien 198
UDC Genève 269
Solidarités 137
Mouvement citoyen genevois 237
Les communistes 36

La mention manuscrite suivante figurait dans la rubrique « explication des différences retrouvées » :

 Indication de total erronée : - 100 pour socialistes compact ü envel
+ 100 pour libéraux compact þcorrect

- 31 bulletins non retrouvés dans radicaux compacts

- 7 bulletins non retrouvés dans les modifiés

1 radical + 1 socialiste modifiés dans les compacts

f. Selon un rapport rédigé par le chef du service « contrôle des urnes » le 11 octobre 2005, l’urne de Meyrin était arrivée à Uni-Mail, correctement plombée, à 15h30. Elle avait été conservée dans le local approprié jusqu’à son ouverture. Elle avait été remise à 16h30 à la table n° 9 pour le comptage des bulletins. Conformément à la procédure, les bulletins compacts avaient été vérifiés et comptés deux fois. Les différences trouvées avaient été reportées sur le procès-verbal « B2 ». Le travail avait été terminé à la table 9 à 18h04. Conformément à la procédure, les bulletins compacts avaient été remis dans l’urne, qui avait ensuite été replombée.

A 18h30, sur instructions du directeur du service des votations, les bulletins compacts avaient été recomptés et aucune différence n’avait été constatée par rapport au premier comptage réalisé à Uni-Mail.

g. Ces informations sont confirmées par un rapport rédigé le 13 octobre 2005 par le directeur du dépouillement.

h. Il ressort du procès-verbal de la huitième séance des contrôleurs, qui s’est tenue le lundi 10 octobre à 18h10, que le directeur général du dépouillement centralisé a informé les contrôleurs qu’il y avait une différence de 100 bulletins compacts de l’AdG et du parti socialiste entre ce qui figurait sur le procès-verbal « B », établi par la présidence du local de vote de Meyrin et sur le procès-verbal de vérification « B2 », établi par le contrôle des urnes. Un nouveau recomptage avait été organisé par le chef du service des votations. Le lundi après-midi, un nouveau comptage avait été refait par quatre contrôleurs, qui confirmait les chiffres ressortant du procès-verbal « B2 ». Toujours dans ce procès-verbal, diverses interventions de la contrôleuse proposée par l’AdG sont mentionnées, visant à avoir des informations complémentaires.

Au terme de la séance, la contrôleuse proposée par l’AdG a refusé de signer le procès-verbal. Après des suspensions de séance, elle l’a finalement signé, en le complétant de la manière suivante :

« J’ai constaté que sur le procès-verbal B2 (saisi à 18h50) le contrôle des bulletins de vote du local de Meyrin qu’il était indiqué de manière manuscrite que 100 bulletins compact devait être en diminution pour le Parti libéral et qu’en fait, cette diminution a été imputé sur le nombre de bulletin de vote compact de l’Alliance de Gauche (liste n° 4). Il y a donc contradiction » (sic).

i. Le 10 octobre 2005, l’AdG a diffusé un communiqué de presse, signé par MM. René Ecuyer et Hans Bräm, indiquant que cent bulletins de vote compacts provenant du local de vote de Meyrin avaient été enlevés au total de suffrages de l’AdG, faisant perdre 10'000 suffrages de liste à cette dernière.

1. a. Aux termes de l’article 180 alinéas 1 et 2 LEDP et de l’article 56Ade la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ - E 2 05), le Tribunal administratif est compétent pour connaître des recours concernant les opérations électorales, telle l’élection en cours.

b. Mmes Maillefer, Wenger et Blanchard-Queloz ainsi que MM. Ecuyer et Bräm sont domiciliés dans le canton de Genève, où ils exercent leurs droits politiques (art. 1 let. a LEDP). Ils ont donc qualité pour agir, ce que le Conseil d’Etat ne conteste pas. En revanche, cette question peut rester ouverte en ce qui concerne l’AdG - qui n’a fourni aucun renseignement quant à sa forme juridique -  dans la mesure où les cinq autres recourants peuvent agir à titre personnel (ATA/122/2004 du 3 février 2004).

c. Selon l’article 63 alinéa 1 lettre c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) le délai de recours est de six jours en matière de votations et d’élections. L’article 180 alinéa 2 LEDP précise que le délai de recours est ouvert contre les violations de la procédure des opérations électorales indépendamment de l'existence d'une décision.

D’autre part, l’article 76 alinéas 1 et 3 LEDP prévoit que le Conseil d'Etat, au vu du procès-verbal de la récapitulation générale, constate les résultats de l'opération électorale et en ordonne, dans le plus bref délai, la publication dans la FAO ; cet avis doit mentionner qu'un recours est ouvert contre les résultats de l'opération électorale.

Lorsque, comme en l’espèce, les recourants contestent les résultats de l’élection en alléguant que des irrégularités lors du dépouillement et de la récapitulation en auraient faussé le résultat, la question se pose de savoir si le délai de six jours court dès le moment où ils ont eu connaissance de l’acte, de l’omission ou de la décision qu’ils considèrent comme une atteinte à leurs droits politiques (art 180 al. 2 LEDP) ou dès le moment de la publication des résultats.

Cette question – et en conséquence la recevabilité du recours – souffrira de ne pas être tranchée en l’espèce, au vu de ce qui suit.

2. a. Le droit d’être entendu est une garantie de nature formelle (Arrêt du Tribunal Fédéral 2P.256/2001 du 24 janvier 2002 consid. 2a et les arrêts cités ; ATA/172/2004 du 2 mars 2004). Sa portée est déterminée en premier lieu par le droit cantonal (art. 41ss LPA) et le droit administratif spécial (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.742/1999 du 15 février 2000 consid. 3a ; ATF 124 I 49 consid. 3a p. 51 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral du 12 novembre 1998 publié in RDAF 1999 II 97 consid. 5a p. 103). Si la protection prévue par ces lois est insuffisante, ce sont les règles minimales déduites de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) qui s’appliquent (Arrêts du Tribunal fédéral 2P.256/2001 du 24 janvier 2002 consid. 2b ; 1P.545/2000 du 14 décembre 2000 consid. 2a et les arrêts cités ; B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 198).

Tel qu’il est garanti par l’article 29 alinéa 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne pourraient l'amener à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (Arrêts du Tribunal fédéral 2P.200/2003 du 7 octobre 2003, consid. 3.1 ; 2P.77/2003 du 9 juillet 2003 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/172/2004 du 2 mars 2004 ; ATA/39/2004 du 13 janvier 2004 consid. 2). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui lui paraissent pertinents (Arrêts du Tribunal fédéral 1P.32/2004 du 12 février 2004 consid. 6 ; 1P.24/2001 du 30 janvier 2001 consid. 3a et les arrêts cités ; ATA/292/2004 du 6 avril 2004).

La procédure administrative est en principe écrite (art. 18 LPA, par renvoi de l’art. 76 LPA). Un deuxième échange d’écriture ne peut être ordonné que si la juridiction l’estime nécessaire (art. 74 LPA).

En dernier lieu, le Tribunal administratif relèvera que le présent litige ne porte pas sur des droits et obligations à caractère civil. L’article 6 paragraphe 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et l'article 14 paragraphe 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 (RS 0.103.2) ne sont pas applicables. L'article 25 de ce même pacte ne donne pas droit à une audience publique.

b. En l’espèce, procédant à une appréciation anticipée des preuves, le Tribunal administratif refusera d'exécuter les actes requis par les recourants dans leur courrier du 27 octobre 2005.

D'une part, il est inutile de déterminer le moment exact auquel ils ont pris connaissance des violations qu’ils allèguent, la question de l’éventuelle tardiveté du recours n’ayant pas à être tranchée. Quant à la requête de retrait de l’effet suspensif, elle est devenue sans objet par le prononcé du présent arrêt. D’autre part, ni les circonstances dans lesquelles les recomptages ont été effectués ni le fait de déterminer si la récapitulation a eu lieu le dimanche et le lundi, ou le lundi seulement, ne nécessitent un deuxième échange d’écritures, une plaidoirie ou des enquêtes. Ces éléments ont été largement et suffisamment traités dans le recours pour permettre au tribunal de céans de statuer.

c. De plus, il n’est pas nécessaire de statuer sur le sort de l’écriture spontanée produite par les recourants. Les conclusions du Conseil d’Etat visant à ce que l’effet suspensif lié au recours soit retiré deviennent sans objet.

3. a. Les modalités prévues pour le dépouillement d’une opération électorale sont fixées au chapitre 10 de la LEDP. L’article 66 de cette loi, intitulé « opérations de dépouillement » prévoit qu’après la clôture du scrutin, les jurés électoraux procèdent publiquement à l’ouverture des urnes, puis au dépouillement des bulletins.

L’alinéa 5 de cette disposition réserve l’article 67 LEDP, intitulé « dépouillement centralisé ». Cette disposition prévoit que le dépouillement peut se faire d’une manière centralisée. Dans cette hypothèse, il appartient à la Chancellerie de convoquer les jurés chargés de ce travail.

En l’espèce, il ressort de l’arrêté du Conseil d’Etat du 7 septembre 2005 relatif à la désignation des contrôleurs pour l’élection du 9 octobre 2005, publié dans la FAO du 12 septembre suivant, que les opérations de dépouillement seraient centralisées. La convocation des électeurs, parue dans la FAO du 26 septembre 2005, précise que « le dépouillement et la récapitulation des votes s’effectueront par les soins de la Chancellerie d’Etat, en séance publique ». De plus, comme le relève le Conseil d’Etat, cette manière de procéder a cours dans le canton de Genève depuis plusieurs dizaines d’années, en particulier lors des élections au Grand Conseil.

L’allégation des recourants, selon laquelle le dépouillement aurait eu lieu dans les bureaux de vote et non d’une manière centralisée n’est ainsi pas fondée. Le fait que les bureaux de vote ne procèdent pas au décompte des suffrages, mais se limitent à trier les bulletins trouvés dans les urnes et à les compter par catégories, confirme cela.

b. Une fois admis que le dépouillement est centralisé, la plupart des arguments développés par les recourants s’effondrent. En particulier, les critiques portant sur le fait que les opérations auxquelles il a été procédé à Uni-Mail n’auraient pas été réalisées par des jurés électoraux sont erronées : l’ensemble des personnes convoquées à Uni-Mail pour le dépouillement sont des jurés électoraux désignés par la Chancellerie, en application de l’article 67 alinéa 2 LEDP.

4. Les recourants fondent de plus leur recours sur une violation du chapitre 11 LEDP, intitulé « récapitulation ». Les électeurs désignés par le Conseil d’Etat n’auraient pas été informés des irrégularités constatées et n’auraient pas été mis dans une situation où ils auraient pu réaliser le contrôle qui leur est dévolu par l’article 73 alinéa 1 LEDP.

Selon l’article 73 alinéa 1 LEDP, la récapitulation générale des votes se fait publiquement, dans les meilleurs délais, par la Chancellerie, sous le contrôle d’électeurs désignés par le Conseil d’Etat.

La récapitulation peut être définie comme étant l’action de résumer ce qui a été dit (cf. le dictionnaire multi-fonctions à l’adresse http://dictionnaire.tv5.org-dictionnaires.asp) ou comme étant l’action de reprendre point par point (cf. Le trésor de la langue française informatisé, à l’adresse http://atilf.atilf.fr/tlf.htm). Historiquement, en matière d’élections cantonales, ce terme qualifiait la procédure au cours de laquelle les résultats décomptés dans les bureaux de vote étaient mis ensemble et vérifiés, afin d’obtenir le résultat définitif de l’opération électorale (Mémorial du Grand conseil 1948 II 1347-1348).

Cette phase, importante lorsque le dépouillement est effectué dans les bureaux de vote (art. 66 LEDP), doit être relativisée lorsqu’il est centralisé (art. 67 LEDP). Les opérations de dépouillement et de récapitulation sont, en cas de dépouillement centralisé, intimement intégrées l’une à l’autre.

Dans ce cadre, la mission des contrôleurs – qui n’est définie plus précisément ni dans la loi ni dans les règlements – est extrêmement large. A cet égard, les informations qui leur ont été données lors de la première séance de travail ne prêtent pas à confusion : ils avaient toute latitude de se rendre dans chacune des salles ; ils pouvaient poser les questions qu’ils désiraient, observer le processus du dépouillement et faire toutes remarques nécessaires. Comme l’indique le Conseil d’Etat dans sa réponse, l’intervention des contrôleurs, prévue dans la loi uniquement au stade de la récapitulation, a été étendue à l’ensemble des opérations de dépouillement.

Cela dit, la loi ne confie pas à la Chancellerie, organisatrice des opérations de dépouillement centralisé ni aux jurés électoraux qui y procèdent, la charge d’appeler les contrôleurs chaque fois qu’un problème surgit ou qu’un groupe de jurés repère une différence entre les comptages réalisés dans les bureaux de vote et ceux effectués au cours du dépouillement centralisé. Les contrôleurs sont libres de procéder aux contrôles qu’ils choisissent. Ils se rendent d’eux-mêmes, et au moment qu’ils définissent, dans les salles qu’ils auront sélectionnées.

Le fait de ne pas avoir été appelés dans la salle procédant au contrôle des urnes de Meyrin au moment où les jurés se sont rendus compte qu’il y avait une différence entre leur décompte et celui effectué au local de vote, ne constitue dès lors pas une irrégularité.

5. Les recourants allèguent une violation de la publicité de la procédure de récapitulation, prévue à l’article 73 alinéa LEDP.

a. En premier lieu, le Tribunal administratif relèvera que, si les opérations de récapitulation doivent être publiques, tel n’est pas le cas des opérations de dépouillement centralisé. En effet, l’exigence de publicité des opérations de dépouillement, figurant à l’article 66 alinéa 2 LEDP, n’est pas reprise à l’article 67 LEDP.

b. D’autre part, et d’une manière plus générale, il apparaît que la Chancellerie, en sa qualité d’organisatrice du dépouillement centralisé, a mis sur pied un large dispositif d’information sur le déroulement des opérations de dépouillement. La sécurité de ces opérations impose en revanche que les accès aux locaux concernés soient strictement contrôlés, afin d’éviter le risque que des bulletins soient subtilisés, modifiés ou remplacés par des personnes qui y auraient accès. A cet égard, la situation du dépouillement centralisé, par l’ampleur des dispositifs mis sur pied, est singulièrement différente de ce qui se passe dans les bureaux de vote, où le public peut être plus largement admis (ATA C. du 15 avril 1991). Dans ces circonstances, le Tribunal administratif admettra que la publicité requise à l’article 73 alinéa 1 LEDP est assurée – dans les locaux du dépouillement centralisé -  par la présence des contrôleurs, représentants les électeurs. Les contrôleurs disposent d’une liberté de mouvement totale pour se rendre dans les lieux qu’ils choisissent, au moment où ils le désirent, ce qui leur a été rappelé lors de la première séance à laquelle ils ont assisté.

c. Les recourants n’allèguent pas qu’ils auraient demandé à assister aux opérations de dépouillement et de récapitulation et que cette demande aurait été rejetée. Ce grief est dès lors sans fondement, pour ce motif également.

6. S’il apparaît que des irrégularités de procédure ont pu influencer le résultat d’un vote, celui-ci doit être annulé par l’autorité judiciaire saisie. Le citoyen n’a pas à apporter la preuve que l’irrégularité en cause a effectivement exercé une influence. Selon les faits établis, il suffit qu’une telle influence ait été possible (ATA/595/1998 du 22 septembre 1998 ; SJ. 1992 p. 318 ).

Il ressort des considérants qui précèdent que la procédure en matière de dépouillement et de récapitulation a été strictement suivie par les autorités et qu’il n’y a pas eu d’irrégularités à ce stade.

Il est certes exact que, dans la présente cause, une erreur a été commise lors du comptage effectué dans le bureau de vote de Meyrin. Lors de la première vérification de ce comptage, opérée dans le cadre du dépouillement centralisé à Uni-Mail, cette erreur a été mise en évidence et rectifiée. Tous les comptages subséquents ont confirmé l’exactitude des chiffres retrouvés à Uni-Mail. Le fait que des mentions manuscrites inexactes – au demeurant regrettables – aient été portées sur le procès-verbal « B2 » ne modifie pas cette conclusion, car les chiffres, et c’est cela qui importe, étaient exacts.

De plus, l’hypothèse esquissée par les recourants selon laquelle une liasse de bulletins de vote aurait été remplacée par une autre n’est pas crédible. L’ensemble des opérations du dépouillement centralisé, les mesures de sécurité mises en place - qui doivent être qualifiées d’adéquates, importantes et minutieuses - et le fait que tous le comptages sont réalisés par au moins deux jurés électoraux permettent d’écarter une telle supposition. A cela s’ajoute, comme le relève le Conseil d’Etat dans sa réponse, que d’autres erreurs ont été commises par le bureau de vote de Meyrin, erreurs qui ont aussi été repérées et corrigées lors du dépouillement centralisé.

Dans ces circonstances, le Tribunal administratif exclut que des mains malhonnêtes aient :

retiré d’une enveloppe 100 bulletins compacts de l’AdG, pour les remplacer par des bulletins compacts en faveur des socialistes, et modifié un bulletin compact en faveur d'une autre liste ;

subtilisé 31 bulletins compacts en faveur des radicaux ;

subtilisé 7 bulletins modifiés ;

7. En conséquence, le recours sera rejeté, dans la mesure où il est recevable.

8. Au vu de l’issue du litige, un émolument de procédure de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent (art. 87 LPA).

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

rejette le recours interjeté le 20 octobre 2005 par l’Alliance de Gauche et Madame Marie-Paule Blanchard-Queloz, Monsieur Hans Bräm, Monsieur René Ecuyer, Madame Denise Maillefer, Madame Salika Wenger, en tant qu’il est recevable ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement ;

communique le présent arrêt à l’Alliance de Gauche, en son domicile élu chez Me Jean-Pierre Garbade, à Mesdames Marie-Paule Blanchard-Queloz, Denise Maillefer et Salika Wenger, à Messieurs Hans Bräm et René Ecuyer, ainsi qu’au Conseil d’Etat.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy et Hurni, M. Thélin, juges, M. Grant, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste  adj. :

 

 

M. Tonossi

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :