Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/26/2010

ATA/656/2010 du 21.09.2010 ( TAXIS ) , ADMIS

Descripteurs : ; TAXI ; CHAUFFEUR DE TAXI ; SANCTION ADMINISTRATIVE ; MESURE DISCIPLINAIRE ; AMENDE ; DEVOIR PROFESSIONNEL ; PRISE DE POSITION DE L'AUTORITÉ ; DÉCISION
Normes : LTaxis.45 ; LTaxis.48 ; RTaxis.74
Résumé : Annulation d'une sanction disciplinaire infligée à un chauffeur de taxi pour violation de son devoir professionnel, en raison de l'absence de préavis délivré par la commission instituée par l'art. 48 LTaxis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/26/2010-TAXIS ATA/656/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 21 septembre 2010

 

dans la cause

 

Monsieur B______
représenté par Me Ridha Ajmi, avocat

contre

SERVICE DU COMMERCE

 



EN FAIT

1. Monsieur B______, né le ______ 1971, domicilié rue de C______ à Genève, est chauffeur du taxi immatriculé GE ______.

2. Le 26 juin 2009, M. B______ a transporté Madame R______, née en 1977, de l'Aéroport International de Genève au quartier de Châtelaine.

3. Le 2 juillet 2009, Mme R______ s'est plainte auprès du département des affaires régionales, de l'économie et de la santé (anciennement dénommé département de l'économie et de la santé) suite a un incident survenu lors de cette prise en charge. Lorsqu'elle avait communiqué l'adresse de sa destination à M. B______, celui-ci s'était plaint de la brièveté de la course. Elle lui avait demandé de mettre à zéro le compteur qui affichait CHF 12.- lorsqu'elle était montée dans le taxi, ce qui avait eu pour conséquence de l'énerver davantage. Pendant le trajet, M. B______ lui avait indiqué qu'il avait dû faire la queue pendant plus d'une heure et demie pour prendre en charge un client. Il lui avait reproché de ne pas être allée prendre un taxi au niveau "départs". Enfin, ce chauffeur l'avait invectivée, lui reprochant de ne pas voyager beaucoup et de ne pas savoir que "ce genre de chose ne se [faisaient] pas". Arrivée à destination, Mme R______ avait demandé un reçu au chauffeur, ce qu'il n'avait guère apprécié. Elle avait malgré tout laissé un pourboire et quitté le taxi.

4. Le 23 juillet 2009, le service du commerce (ci-après : SCom) a informé M. B______ qu'il envisageait de lui infliger une amende administrative suite aux événements précités.

Il avait manqué à son devoir général de courtoisie, en violation des art. 34 al. 1er de la loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) du 21 janvier 2005 (LTaxis - H 1 30) et 45 du règlement d'exécution de la loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) du 4 mai 2005 (RTaxis - H 1 30.01).

Il octroyait à l'intéressé un délai au 6 août 2009 pour faire valoir sa position et exercer son droit d'être entendu.

5. Par pli du daté du 3 août 2009, M. B______ a fait part au SCom de ses observations.

Le 26 juin 2009, il avait pris Mme R______ en charge. Cette dernière était très pressée et l'avait prié de "rouler plus vite". Il lui avait répondu que ce n'était pas possible compte tenu des limitations de vitesse. Il ne restait en outre que cinq minutes de trajet. La cliente, se prévalant de prétendus reproches qu'il lui aurait fait sur la brièveté de sa course, l'avait menacé et indiqué qu'il allait "recevoir de ses nouvelles". Il lui avait répondu qu'il avait la conscience tranquille et qu'il n'avait fait que son travail, lui avait remis la quittance sollicitée et était reparti.

6. Par décision du 1er décembre 2009, le SCom a infligé à M. B______ une amende de CHF 200.-, pour violation du devoir général de courtoisie (art. 34 al. 1er et 45 LTaxis).

La voie et le délai de recours au Tribunal administratif étaient indiqués.

7. Le 5 janvier 2010, M. B______ a recouru contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif. Il conclut à l'annulation de la décision entreprise ainsi qu'à l'ouverture d'enquêtes.

La dénonciation n'était pas justifiée et reposait sur des mensonges. Il n'avait jamais eu le moindre problème avec ses clients. Par ailleurs, il ignorait le détail de ce qui lui était reproché car il n'avait pas consulté le dossier avant d'exercer son droit d'être entendu.

La décision attaquée violait ce droit d'être entendu. Elle ne prenait pas en compte sa détermination. Elle n'était en outre pas motivée, aucun motif ne figurant à l'appui des dispositions invoquées.

8. Le 29 janvier 2010, le SCom a conclu au rejet du recours, sous suite de frais et dépens, ainsi qu'à la confirmation de sa décision du 1er décembre 2009.

Il ressortait de la plainte déposée par Mme R______ que M. B______ avait eu un comportement agressif et inadéquat envers sa cliente, violant le devoir général de courtoisie à son égard.

9. Le juge délégué a convoqué une audience de comparution personnelle et d'enquêtes, qui s'est tenue le 28 mai 2010. Mme R______ a été citée en qualité de témoin.

M. B______ ne s’est pas présenté, ni personne pour lui. Le SCom étant également absent, le juge délégué n'a entendu que le témoin, qui a maintenu sa plainte et persisté dans sa version des faits.

10. Le 9 juin 2010, le SCom a informé le tribunal de céans qu'il avait pris connaissance du procès-verbal de l'audience du 28 mai 2010, mais qu'il ne s'y était pas rendu, aucune convocation ne lui étant parvenue.

11. Sur quoi la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le recourant se plaint d’une violation de son droit d'être entendu. Cette question peut souffrir de rester ouverte, la décision devant être annulée pour un autre motif.

3. Selon l'art. 45 LTaxis, le SCom peut infliger une amende administrative de CHF 100.- à CHF 20'000.- à toute personne ayant enfreint les prescriptions de la loi ou de ses dispositions d’exécution (al. 1er). L’amende peut être portée à CHF 100'000.- en cas d’organisation dans un dessein de lucre, sans autorisation, d’un service de transport de personnes au sens de la présente loi (al. 2). L’amende peut être infligée par un officier de police lorsqu’elle n’excède pas CHF 200.- (al. 3). Lorsqu’une infraction a été commise dans la gestion d’une personne morale ou d’une entreprise en raison individuelle, les sanctions sont applicables aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en son nom. La personne morale ou le propriétaire de l’entreprise individuelle répond solidairement des amendes. Les sanctions sont applicables directement aux sociétés et entreprises précitées lorsqu’il n’apparaît pas de prime abord quelles sont les personnes responsables de l’infraction (al. 4).

L'amende litigeuse est fondée sur l'al. 1er de cette disposition, la violation invoquée figurant à l'art. 34 al. 1er LTaxis.

4. Selon l'art. 48 LTaxis, une commission de discipline, formée des représentants des milieux professionnels, des organes de police et de l’office cantonal des automobiles et de la navigation (ci-après : OCAN), est appelée à donner son préavis sur les mesures et sanctions administratives prononcées par le SCom. Ses préavis ont valeur consultative et ne lient pas ce dernier. La commission de discipline au sens de cette disposition siège à 4 membres, par rotation éventuelle entre ses membres. Elle est présidée par un représentant du service qui invite un membre de la police et un membre de l’OCAN à participer aux séances (art. 74 al. 1er RTaxis). Les séances de la commission sont convoquées par le service, autant de fois qu'il le juge nécessaire selon les dossiers en cours (art. 74 al. 2 RTaxis). Pour les infractions impliquant des amendes en application de l'art. 45 de la loi, le préavis de la commission peut être donné au service par la seule approbation d'un barème (art. 74 al. 3 RTaxis).

Il ressort des pièces du dossier que la commission de discipline prévue à l’art. 48 LTaxis n'a pas décerné de préavis spécial portant sur la situation d'espèce, ni délivré de préavis anticipé par l'édiction d'un barème au sens de l'art. 74 al. 3 RTaxis. Or, l'existence d'un préavis, sous l'une ou l'autre de ces deux formes, est exigée par la loi. Conformément aux jurisprudences rendues ce jour dans la même matière, l’absence d’un tel préavis entraîne l'invalidation de la décision (P. MOOR, Droit administratif, vol. 2, 2ème éd., 2002, p. 246, n. 2.2.5.4 et références citées ; ATA/657/2010, ATA/658/2010 et ATA/659/2010 du 21 septembre 2010).

5. Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision du SCom du 1er décembre 2009 annulée.

6. Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du SCom, qui succombe (art. 87 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée au recourant faute de conclusion dans ce sens (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 janvier 2010 par Monsieur B______ contre la décision du service du commerce 1er décembre 2009 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision du 1er décembre 2009 du service du commerce ;

met à la charge du service du commerce un émolument de CHF 500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Ridha Ajmi, avocat du recourant ainsi qu'au service du commerce.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy, Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

F. Glauser

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :