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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2212/2011

ATA/647/2013 du 01.10.2013 sur JTAPI/1041/2012 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2212/2011-ICCIFD ATA/647/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er octobre 2013

2ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

Madame C______ et Monsieur V______

représentés par Me Ludovic Rais, avocat

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 septembre 2012 (JTAPI/1041/2012)


EN FAIT

Les époux C______ et V______ sont domiciliés et contribuables à Genève.

En 2008, M. V______ était l’unique associé et détenait l’intégralité du capital social de la société X______ S.à r.l. (ci-après : X______ ou la société), dont le but social était : « activité de fiduciaire, de conseils et de services dans les domaines de l’économie, du commerce et de l’administration de sociétés ainsi que prise de participation dans d’autres sociétés, à l’exclusion d’opérations prohibées par la loi fédérale sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger du 16 décembre 1983 (LFAIE - RS 211.412.41) ».

Selon les bilans de la société versés à la procédure, le bilan 2008 de celle-ci comportait un poste « compte courant associé » d’un montant de CHF 49’182.-. Au 31 décembre 2007, ce poste s’élevait à CHF 16’594.- et il était nul en 2006.

Dans le cadre de la taxation de la société, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a sollicité le 19 mai 2009 de la société des informations sur les raisons du « compte courant associé » précité. M. V______ a répondu le 9 juin 2009 pour le compte de la société. Il ne s’agissait pas d’un prêt en faveur de son associé-gérant mais d’un compte courant sur lequel avaient été portées diverses dépenses privées de ce dernier payées par la société ainsi que des parts privées sur des dépenses engagées par celle-ci. Aucun contrat écrit n’avait été signé mais le paiement d’un intérêt de 3,25 % avait été demandé à M. V______, calculé sur la moyenne annuelle de la valeur du compte, soit CHF 32’173.-.

Lorsqu’elle a établi les bordereaux de taxation de la société, l’AFC-GE a retenu que le montant de CHF 49’182.- constituait une prestation appréciable en argent car cette avance accordée à son porteur de parts n’aurait manifestement pas été octroyée à des tiers dans des circonstances analogues. Il s’agissait d’un actif fictif qui devait faire l’objet d’une reprise sur le plan fiscal au niveau de la détermination du capital propre imposable et d’un refus de toute provision ou amortissement qui seraient comptabilisés ultérieurement sur ce prêt. La taxation 2008 de la société n’a pas fait l’objet d’une contestation.

Selon la déclaration fiscale 2008 des contribuables déposée le 5 décembre 2009, ils ont déclaré que M. V______ avait perçu de X______ un revenu brut de CHF 61’800.-, composé d’un salaire de CHF 60’000.- et de prestations en nature liées à l’utilisation d’une voiture de service en CHF 1’800.-. Mme C______ avait de son côté perçu de X______ un revenu brut de CHF 34’620.-.

M. V______ avait vis-à-vis de X______ une dette chirographaire de CHF 49’182.-qu’il déduisait de sa fortune, pour laquelle il avait payé CHF 1’046.- d’intérêts qu’il déduisait de son revenu. De son côté, Mme C______ avait une dette chirographaire de CHF 51.-, pour laquelle elle avait payé des intérêts à hauteur de CHF 16.-.

Le 31 mars 2010, l’AFC-GE a remis aux contribuables leurs bordereaux de taxation définitive 2008 pour l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et pour l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC). L’impôt dû pour l’IFD s’élevait à CHF 872.- pour un revenu de CHF 19’000.- et celui de l’ICC à CHF 4’129,80 pour un revenu imposable de CHF 83’315.-. La taxation avait été effectuée conformément aux éléments que les contribuables avaient déclarés.

Le 27 janvier 2011, l’AFC-GE a informé les contribuables de l’ouverture d’une procédure en rappel d’impôt et d’une procédure pénale pour soustraction d’impôt pour l’IFD et l’ICC 2008. X______ avait accordé à M. V______ une prestation appréciable en argent sous forme d’un prêt simulé. En cas de déclaration inexacte, elle ajouterait CHF 49’182.- à son revenu et refuserait la déduction de CHF 1’046.- d’intérêts dudit revenu car il s’agissait d’intérêts non admis. Elle refuserait également de déduire CHF 49’182.- sur la fortune car il s’agissait d’une dette non admise. Les contribuables avaient un délai de dix jours pour se déterminer. Les bordereaux rectificatifs, qui comprendraient des intérêts de retard, comporteraient également une amende fixée selon le montant de l’impôt soustrait.

Selon une note manuscrite figurant sur la copie du courrier transmise par l’AFC-GE, M. V______ a téléphoné le 3 février 2011 et obtenu un délai au 28 février 2011 pour démontrer qu’il n’y avait pas de prêt simulé.

Le 2 mars 2011, les contribuables ont écrit à l’AFC-GE. Le prêt accordé par X______ avait été remboursé dans son intégralité en date du 28 janvier 2010 selon copie de l’avis bancaire annexé à leur courrier. Ils avaient pu procéder à cette opération grâce à un prêt de CHF 50’000.- consenti par la banque Y______ à Horgen le 21 janvier 2010. Ils ont transmis une copie de l’avis bancaire lié au paiement précité et du contrat de prêt.

Le prêt entre X______ et son associé n’avait pas été simulé puisque ce dernier avait payé des intérêts à un taux respectant les normes émises par l’AFC-GE dans ce domaine.

Le 31 mars 2011, l’AFC-GE a écrit aux contribuables. Les procédures en rappel et en soustraction d’impôt ouvertes le 27 janvier 2011 étaient terminées. Deux bordereaux de supplément d’impôt leur étaient notifiés, soit un montant de CHF 2’816.-, à titre d’IFD, plus CHF 207,70 de retard, et un montant de CHF 13’632,60, à titre d’ICC, plus CHF 409.- de retard. En outre, un bordereau d’amende IFD de CHF 2’112.- et un bordereau d’amende ICC de CHF 10’224.- leur étaient adressés.

Tant pour l’IFD que pour l’ICC, elle avait ajouté au revenu taxable un montant de CHF 49’182.- à titre de revenu mobilier non-soumis à l’impôt anticipé.

La taxation avait été effectuée sur la base des reprises annoncées dans le courrier du 27 janvier 2011.

La quotité de l’amende avait été fixée à 0,75 fois le montant des droits éludés, ceci tant pour l’ICC que pour l’IFD, l’infraction ayant été commise à tout le moins par négligence.

Par courrier du 28 avril 2011, les contribuables ont formé une réclamation auprès de l’AFC-GE contre les bordereaux de rappel d’impôt IFD et ICC 2008 ainsi que contre les deux bordereaux d’amende. Ils contestaient que les conditions d’une prestation appréciable en argent soient réalisées. Le prêt de CHF 49’182.- comportait une contreprestation puisqu’il portait intérêt à 3,25 % selon les taux prévus par la lettre circulaire de l’AFC-GE du 1er février 2008 concernant les taux d’intérêt 2008 pour le calcul des prestations appréciables en argent. Les intérêts n’étaient pas fictifs puisque le contribuable avait établi les avoir versés, ceci dans le cas de la déclaration d’impôt 2008 de X______. La société n’avait pas été appauvrie puisqu’elle avait été remboursée depuis lors. Il n’y avait eu aucune simulation dès le début. Malgré l’absence de contrat écrit, il y avait eu prêt accordé effectivement par X______ au contribuable pour lui éviter de produire des justificatifs pour des dépenses payées par la société mais qu’elle ne pouvait pas comptabiliser comme charges et qui l’avaient été sur le compte courant de l’actionnaire de la société. Il y avait une relation entre le but de X______ et ledit compte courant dès lors que les fonds prêtés n’étaient pas accordés gratuitement.

Le 10 juin 2011, l’AFC-GE, par deux décisions, l’une concernant l’ICC et l’IFD 2008, a maintenu les reprises de même que les amendes. Ses décisions étaient fondées sur les informations qu’avait transmises X______ le 9 juin 2009 à la suite d’une demande de renseignement du service des personnes morales de l’AFC-GE à propos des raisons du poste compte courant associé. Le 30 juillet 2009, dans le cadre de la taxation 2008 de la société, qui n’avait pas été contestée, l’autorité fiscale avait refusé d’admettre le montant de CHF 49’182.-  à titre de créance de la société vis-à-vis de M. V______, assorti du commentaire suivant « le prêt consenti par la société à son porteur de parts devait être considéré comme une prestation appréciable en argent dans la mesure où il n’aurait manifestement pas été octroyé à des tiers absolus dans des circonstances analogues, notamment en raison de l’absence de volonté de rembourser le prêt. Ce prêt représente un actif fictif qui a les conséquences suivantes pour la société : constitution d’une réserve négative dans le cadre de la détermination du capital propre imposable et refus sur le plan fiscal de toute provision ou amortissement qui sera comptabilisé ultérieurement sur ce prêt ». Pour le contribuable, la prestation était imposable à titre de revenu, raison de la reprise et de la pénalité pour n’avoir pas déclaré cette prestation.

Le 13 juillet 2011, les contribuables ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les deux décisions sur réclamation du 10 juin 2011 précitées, qu’ils avaient reçues le 14 juin 2011. Ils concluaient à l’annulation de ces deux décisions sur réclamation et des bordereaux de rappel d’impôt et d’amende qui y étaient liés.

Ils contestaient l’existence d’un prêt simulé à l’actionnaire. Ils reprenaient les explications données dans le cadre de la réclamation sur l’origine du prêt, qui n’avait jamais été simulé ab initio. Il n’y avait aucun indice suffisant permettant d’admettre une simulation. L’avance précitée avait été entièrement remboursée par le contribuable en 2010 par un nouveau prêt. Le fait qu’une réserve négative de CHF 49’182.- ait été retenue par l’AFC-GE lors de la taxation de X______ ne permettait pas de conclure que le contribuable avait bénéficié d’une prestation appréciable en argent. La reprise opérée sur le revenu imposable qui conduisait à la taxation de l’avance précitée à titre de revenu mobilier entraînait une violation du principe constitutionnel de la capacité contributive, dans la mesure où les recourants n’étaient pas en mesure d’user, de jouir et de disposer de ce montant puisqu’il avait été entièrement remboursé à X______. Dans la même logique, le refus d’admettre l’avance précitée comme dette chirographaire était inadmissible.

Le 30 novembre 2011, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours. En 2007, le contribuable disposait d’une dette en compte courant de CHF 16’594,83 à l’égard de sa société. En 2008, celle-ci avait passé à CHF 49’182,53 et à CHF 97’843.- en 2009. C’était la raison pour laquelle le service des personnes morales de l’AFC-GE avait interrogé la société sur les circonstances auxquelles ce prêt avait été octroyé. L’avance faite par la société à son actionnaire au 31 décembre 2008 n’avait fait l’objet d’aucun contrat écrit en prévoyant la durée, le montant, le plan de remboursement, etc., le service des personnes morales avait considéré que le prêt consenti au contribuable constituait une prestation appréciable en argent et qu’il représentait un actif fictif car il ne pourrait être provisionné ou amorti ultérieurement. La société n’avait nullement contesté ce point de vue.

Sur le plan fiscal, l’existence d’une prestation appréciable en argent constituait un revenu pour son bénéficiaire qui devait être taxé comme tel. On ne savait pas si les intérêts avaient été effectivement versés à la société ou s’ils avaient été simplement capitalisés sur le compte courant. On ne pouvait retenir l’affirmation de la société selon laquelle elle aurait traité un tiers de la même manière que son associé-gérant.

En l’espèce, le prêt octroyé à celui-ci représentait 39 % des actifs comptabilisés de la société au 31 décembre 2008. Dès lors, en octroyant un tel prêt, la société avait pris un risque qu’aucune autre entreprise de même nature n’aurait en principe encouru en pareilles circonstances. C’était d’autant plus vrai que le prêt en question n’était associé à aucune garantie. Pour juger du caractère admissible d’un prêt, on se plaçait au moment de son octroi et on ne pouvait tenir compte de développements ultérieurs tels des remboursements intervenus après l’échéance de l’année fiscale, conformément au principe de l’étanchéité des exercices.

Au demeurant, le contribuable n’avait pu procéder au remboursement du prêt figurant dans les comptes 2008 de sa société qu’en concluant un petit crédit auprès d’un établissement bancaire à un taux d’intérêt effectif très élevé, qui s’élevait à 11,90 %, et à des modalités de remboursement beaucoup plus strictes que celles qu’il avait convenues avec sa société. Le petit crédit contracté ne permettait pas de rembourser la totalité de l’emprunt puisque celui-ci avait été porté à CHF 97’843.- au 31 décembre 2009. En fonction de ces circonstances, l’autorité fiscale était en droit de retenir l’existence d’un prêt simulé et d’effectuer les reprises fiscales qui découlaient de ce constat.

Par jugement du 10 septembre 2012, le TAPI a admis le recours des contribuables et annulé les décisions sur réclamation du 31 mars 2011. Malgré les revenus qu’ils avaient déclarés en 2008, le fait qu’une banque leur avait octroyé un prêt de CHF 50’000.- à un taux d’intérêt bien supérieur à celui fixé par la lettre circulaire devait conduire à considérer qu’ils étaient solvables. Le fait qu’aucun contrat de prêt n’ait été établi entre le contribuable et sa société réglant ses modalités n’était pas essentiel. Le fait déterminant était que l’emprunt avait été intégralement amorti le 28 janvier 2011 grâce au petit crédit accordé par la banque. Il n’y avait donc pas de simulation et les bordereaux de rappel et d’amende devaient être annulés, qu’il s’agisse de l’IFD ou de l’ICC.

Le 12 octobre 2012, l’AFC-GE a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, reçu le 12 septembre 2012. Elle concluait à son annulation et à la confirmation de ses décisions du 10 juin 2011.

Le TAPI avait erré en retenant qu’il n’y avait pas eu de prêt simulé. En effet, toutes les conditions jurisprudentielles permettant de retenir que l’avance consentie par la société à l’actionnaire constituait une prestation appréciable en argent, taxable chez ce dernier comme revenu. A l’appui de son recours, elle reprenait dans le détail l’argumentation qu’elle avait déjà développée dans la réponse au recours qu’elle avait adressée au TAPI.

Le 9 novembre 2012, les contribuables ont conclu au rejet du recours. Le remboursement du prêt n’avait pas pour but d’éviter la qualification de prestation appréciable en argent. L’avance faite à l’actionnaire avait continuellement été indiquée dans les états financiers de la société et l’intérêt était conforme depuis son octroi initial aux prescriptions fiscales en matière de taux d’intérêt déterminant pour le calcul des prestations appréciables en argent. Le remboursement du prêt ayant été effectif, le recours à un petit crédit n’avait aucune importance. La reprise opérée sur le revenu imposable des contribuables à concurrence de CHF 49’182.- constituait une violation du principe de leur capacité contributive dès lors qu’ils n’étaient pas en mesure d’user du montant précité, qu’ils avaient dû entièrement rembourser.

Le 12 novembre 2012, la chambre administrative a avisé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Les questions de droit matériel sont résolues par le droit en vigueur au cours des périodes fiscales litigieuses (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_835/2012 du 1er avril 2013 consid. 8 ; 2A.568/1998 du 31 janvier 2000 ; ATA/197/2013 du 26 mars 2013 ; ATA/724/2012 du 30 octobre 2012 ; ATA/505/2008 du 30 septembre 2008 ; ATA/93/2005 du 1er mars 2005 ; ATA/877/2004 du 9 novembre 2004).

En l’espèce, l’IFD est soumis à la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), entrée en vigueur le 1er janvier 1995.

Quant à l’ICC, le 1er janvier 2010 est entrée en vigueur la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), dont l’art. 69 abroge les cinq anciennes lois sur l’imposition des personnes physiques - Détermination du revenu net - Calcul de l’impôt et rabais d’impôt - Compensation des effets de la progression à froid du 22 septembre 2000 (aLIPP-V - D 3 16). L’art. 72 al. 1 LIPP prévoit que cette loi s’applique pour la première fois pour les impôts de la période fiscale 2010 et que les impôts relatifs aux périodes fiscales antérieures demeurent régis par les dispositions de l’ancien droit, même après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi.

Le recours concernant la période fiscale 2008, le droit cantonal dans sa teneur à cette date est applicable (aLIPP-V).

a. En matière d’IFD, l’impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu’ils soient uniques ou périodiques (art. 16 al. 1 LIFD), y compris les prestations en nature (art. 16 al. 2 LIFD). Sont imposables à ce titre tous les revenus provenant d’une activité dépendante, soit d’une activité exercée dans le cadre de rapports de travail, inclus les revenus accessoires, soit les indemnités pour prestations spéciales, les commissions, les allocations, primes, gratifications, pourboires, tantièmes et autres avantages appréciables en argent (art. 17 al. 1 LIFD). Sont également taxables à ce titre les dividendes et parts de bénéfice provenant de participations de tous genres (art. 20 al. 1 let. c LIFD).

b. Pour la fixation de l’IFD, le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 26 à 33a LIFD (art. 25 LIFD).

Peuvent notamment être déduits les intérêts passifs privés à concurrence du rendement imposable de la fortune. Ne sont pas déductibles les intérêts des prêts qu’une société de capitaux accorde à une personne physique avec laquelle elle a des liens étroits ou qui détient une part importante de son capital, à des conditions nettement plus avantageuses que celles qui sont habituellement proposées aux tiers (art. 33 al. 1 let. a LIFD).

Des règles similaires se retrouvent en matière d’ICC (art. 1 al. 1 de l’ancienne loi sur l’imposition des personnes physiques - Objet de l’impôt - Assujettissement à l’impôt du 22 septembre 2000 - aLIPP- I - D 3 11 ; art. 2 de l’ancienne loi sur l’imposition des personnes physiques - Impôt sur le revenu -revenu imposable - du 22 septembre 2000 - aLIPP-IV - D 3 14 pour les revenus de l’activité lucrative dépendante ; art. 6 let. c aLIPP-IV pour les dividendes ou parts de bénéfice et autres avantages appréciables en argent provenant de participations), ainsi que pour les déductions. Il en va de même pour les déductions des intérêts passifs sur le revenu (art. 6 al. 1 aLIPP-V).

Sont imposables à titre de revenus les prestations appréciables en argent, soient les avantages accordés par la société aux actionnaires ou à leurs proches sans contreprestation et qui ne s’expliquent qu’en raison du rapport de participations, dès lors que la société ne les aurait pas faites dans les mêmes circonstances, à des tiers non participants (ATF 119 Ib 119 ; X. OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., 2012 § 7 p. 138). Constitue notamment une prestation appréciable en argent l’octroi par une société d’un prêt à son actionnaire (RDAF 1997 II, p. 392 ; X. OBERSON, op.cit., p. 237 n. 44). Dans l’hypothèse d’un tel prêt, il y a prestation appréciable en argent si la société l’a accordé pour un certain montant, uniquement pour la raison que l’emprunteur était le détenteur des droits de participation (RDAF 1997 II p. 295 ; Arch. 53-54 consid. 3 p. 58). Il y a prestation appréciable en argent si et dans la mesure où le prêt en question n’aurait pas été accordé à un tiers non intéressé. La comparaison doit être effectuée en prenant en considération toutes les circonstances concrètes en rapport avec le contrat conclu (RDAF 1997 p. 395).

En l’espèce, le contribuable est détenteur de toutes les parts sociales de la société qui lui a fait crédit. Il en est le seul gérant. C’est donc lui qui a pu décider d’inscrire en compte courant les dépenses privées que la société a prises en charge pour son compte et faire passer sur le plan comptable cette prise en charge en une avance à lui-même. Certes, il a payé des intérêts sur les montants avancés, mais n’a pas payé ceux-ci, portant leur montant en augmentation desdites avances. Au vu des fonds propres de la société, les montants avancés sont considérables. Or, la société n’a formalisé le prêt dans aucun contrat définissant les modalités des avances, de leur remboursement, ni le taux d’intérêt et la durée du prêt. Elle n’a d’autre part sollicité aucune garantie de son gérant et propriétaire pour assurer le remboursement dudit prêt. De telles circonstances sont extrêmement favorables et ne sont dues qu’à la proximité existant entre le prêteur et l’emprunteur. C’est à juste titre que l’AFC-GE a considéré que le prêt accordé constituait une prestation appréciable en argent, qui devait être réintégrée dans le revenu imposable des contribuables.

De même, c’est à juste titre que l’AFC-GE, dès lors qu’elle constatait qu’il y avait eu prestation appréciable en argent accordée aux contribuables, a refusé la déduction des intérêts qui se rattachaient audit prêt, qui se trouvait être simulé.

Le jugement du TAPI sera annulé. Toutefois, en application du principe de la réalisation effective, voire de périodicité, ne sera réintégré dans le revenu des recourant qu’un montant correspondant à l’augmentation, dans les livres de la société, du compte courant du contribuable, qui s’est produite entre le 1er janvier et le 31 décembre 2008. Au 31 décembre 2007, ce poste s’élevait à CHF 16’594.-. Au 31 décembre 2008, il était de CHF 49’182.-. L’AFC-GE était donc en droit d’ajouter un revenu de la fortune mobilière de CHF 32’588.- à celui des contribuables et de leur refuser la déduction d’un montant de CHF 1’490.- d’intérêts.

En matière d’imposition cantonale sur la fortune, sont déductibles de celle-ci les dettes chirographaires ou hypothécaires justifiées par titres, extraits de comptes, quittances d’intérêts ou déclaration du créancier (art. 13 al. 1 let. a de l’ancienne loi sur l’imposition des personnes physiques - Impôt sur la fortune du 22 septembre 2000 - aLIPP-III - D 3 13), mais ne sont déductibles que les dettes effectivement dues par le contribuable (art. 13 al. 2 aLIPP-III).

En l’espèce, le prêt étant simulé, il constitue en réalité un revenu des contribuables. La conséquence en est qu’aucune déduction pour dettes chirographaires ne peut être admise, ainsi qu’en a à juste titre décidé l’AFC-GE. Le recours sera également admis sur ce point, si ce n’est que la déduction à titre de dette chirographaire ne peut être refusée que pour le montant de l’augmentation du débit du compte-courant qui s’est produite durant l’exercice fiscal, soit CHF 32’588.-.

Selon les contribuables, la réintégration du montant précité dans leurs revenus porte atteinte à leur capacité contributive protégée par l’art. 127 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant le principe de l’imposition d’après la capacité contributive, chaque personne doit participer aux charges financières de l’Etat selon ses moyens (ATF 133 I 217 consid. 7.1). En outre, chaque citoyen doit contribuer à la couverture des dépenses publiques compte tenu de sa situation personnelle et en proportion de ses moyens : la charge fiscale doit être adaptée à la substance économique à la disposition du contribuable (D. YERSIN / Y. NOËL, Impôt fédéral direct, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2008, p. 29 et les arrêts cités).

En l’espèce, les reprises sur le revenu et la fortune ordonnées par l’AFC-GE sont conformes au principe de l’imposition selon la capacité contributive des intimés. Elles correspondent, ainsi qu’ils l’ont admis, à des montants dont ils ont bénéficié via les frais privés payés par la société. Dès lors que ces montants constituaient des revenus, ils étaient taxables fiscalement. De ce fait, leur ajout à ceux qu’ils ont déclarés ne conduit pas à une taxation plus élevée que celle dont ils auraient fait l’objet s’ils les avaient déclarés correctement. On ne se trouve donc en aucun cas dans une situation susceptible de léser la capacité contributive des contribuables.

Concernant les bordereaux d’amende IFD et ICC, l’art. 175 al. 1 LIFD en matière d’IFD et les art. 56 al. 1 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) et 69 al. 1 et 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17) en matière d’ICC, le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, aura fait en sorte qu’une taxation entrée en force soit incomplète, sera puni d’une amende proportionnée à sa faute, allant du tiers au triple de l’impôt soustrait ; en règle générale, l’amende sera égale au montant simple de l’impôt soustrait.

a. Il y a négligence lorsque, par une imprévoyance coupable, un contribuable ne se rend pas compte ou ne tient pas compte des conséquences de son acte (RDAF 2003 II 622, 631 ; X. OBERSON, op. cit., § 26 p. 587 n. 18).

b. Il y a comportement intentionnel dès lors qu’il est établi avec une sécurité suffisante que le contribuable était conscient que les informations données étaient incomplètes ou incorrectes ; si cette conscience est établie, on peut alors présumer l’intention ou du moins le dol éventuel (X. OBERSON, op. cit., § 26 p. 587 n. 17). Une telle présomption est difficile à renverser à teneur de la jurisprudence constante (ATF 114 1B 27 consid. 3a p. 29 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_480/2009 du 16 mars 2010 consid. 5.5 ; RDAF 2003 II 632 ss, notamment 637, et la jurisprudence citée).

a. A teneur des art. 59 al. 3 LHID et 82 LPFisc pour l’ICC ou par renvoi de l’art. 333 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) pour l’IFD, les dispositions générales du CP sont applicables à la sanction de la soustraction fiscale (X. OBERSON, op. cit., § 26 p. 589 n. 25).

b. La quotité de l’amende n’est pas fixée en fonction de l’intention de soustraire ou de la négligence qui peut être reprochée au contribuable mais de l’intensité de sa faute qui doit être évaluée en fonction de sa culpabilité (art. 48 CP, dans sa teneur antérieure au 1er janvier 2007, ou art. 106 CP, en vigueur depuis cette date, mais dont la portée est inchangée). En revanche, le fait que l’auteur ait agi intentionnellement ou par négligence peut avoir une incidence sur l’intensité de la faute et, partant, sur la quotité de l’amende.

c. De jurisprudence constante, l’autorité doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi. Dans ce cadre, l’AFC-GE jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour fixer la quotité d’une amende et l’autorité de recours ne peut revoir cette quotité qu’en cas d’excès du pouvoir d’appréciation (ATA/42/2011 du 25 janvier 2011 ; ATA/607/2008 du 2 décembre 2008 ; ATA/96/2008 du 4 mars 2008 ; ATA/128/2003 du 11 mars 2003).

En l’espèce, les contribuables ont considéré pouvoir faire passer le paiement de frais privés par la société sous forme d’avances faites par celle-ci, un tel procédé n’étant pas admissible et constitutif de soustraction fiscale. L’AFC-GE a considéré dans sa décision sur réclamation qu’il n’y avait eu que négligence de leur part. La chambre administrative ne remettra pas ce choix en question. Cela étant, en infligeant sur cette base des amendes correspondant aux trois quart du montant soustrait, la recourante a respecté le cadre légal de la sanction qu’elle pouvait infliger. Elle respecte en outre le principe de la proportionnalité garanti par l’art. 5 al. 2 Cst. dans la mesure où la négligence des intimés confine à l’intention. Les bordereaux d’amende seront cependant annulés, les montants de ceux-ci devant être recalculés en fonction des nouvelles taxations à effectuer.

Le recours est donc en grande partie admis. Le jugement du TAPI est annulé et le dossier retourné à l’AFC-GE pour nouvelle décision de taxation et d’amende, au sens des considérant. Compte tenu de l’issue de la procédure, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge conjointe et solidaire des contribuables. Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 LPA).

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 octobre 2012 par l’administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 septembre 2012 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 septembre 2012 ;

annule les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale du 10 juin 2011 et les bordereaux de taxation et d’amende qui s’y rattachent concernant tant l’impôt fédéral direct que l’impôt cantonal et communal ;

retourne la cause à l’administration fiscale cantonale pour détermination des nouvelles taxations et fixation de nouvelles amendes, au sens des considérants ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge conjointe et solidaire de Madame C______ et de Monsieur V______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l’administration fiscale cantonale, à Me Ludovic Rais, avocat de Madame C______ et de Monsieur V______, à l’administration fédérale des contributions, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :