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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2555/2013

ATA/628/2013 du 24.09.2013 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2555/2013-FORMA ATA/628/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 septembre 2013

1ère section

 

dans la cause

 

Madame S_____ M______, représentée par sa mère Madame D_____ M______

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA CULTURE ET DU SPORT



EN FAIT

Madame S______ M______, née le ______ 1995, a suivi durant l'année scolaire 2010–2011, la première année de l'Ecole de culture générale. A son terme, elle a été promue avec une moyenne générale de 5.

Désirant poursuivre sa formation au collège de Genève, Mme M______ s'est présentée, durant l'été 2011, aux examens d'admission en deuxième année de la formation gymnasiale. Elle n'y a toutefois pas été admise et a suivi, durant l'année scolaire 2011–2012, la première année gymnasiale au collège de Madame de Staël (ci-après : le collège). A son terme, elle a été promue par tolérance avec une moyenne générale de 4.5, une note insuffisante (3.8) dans l'option spécifique « espagnol » et la somme des écarts négatifs à la moyenne de 0.2.

Dans ses observations, le responsable du groupe d'enseignement relevait que de nombreux résultats avaient baissé au cours du deuxième semestre, quatre notes étant devenues insuffisantes.

Au terme du premier semestre de l'année scolaire 2012–2013, en deuxième année du collège, Mme M______ a obtenu une moyenne générale de 4.1. Dans quatre matières, sa moyenne était inférieure à 4 et la somme des écarts négatifs à la moyenne était de 1.5.

L'enseignante responsable du groupe relevait que l'intéressée devait mettre l'accent sur les branches scientifiques tout en consolidant les autres disciplines.

Le 24 janvier 2013, une doyenne du collège a écrit aux parents de Mme M______. Les résultats de cette dernière empêchaient, en l'état, sa promotion. En cas d'échec, le redoublement n'était pas automatique et ne pouvait être accordé que sur préavis du conseil de promotion en fin d'année scolaire.

Au terme de l'année scolaire 2012–2013, Mme M______ n'a pas été promue, obtenant les résultats suivants :

Disciplines

1er semestre

2ème semestre

moyenne

Français

4.0

4.1

4.1

Italien

4.5

4.3

4.4

Anglais

4.1

2.7

3.4

Mathématiques

3.8

3.3

3.6

Biologie

3.8

4.3

4.1

Chimie

3.7

4.7

4.2

Physique 1

3.2

3.6

3.4

Histoire

4.0

4.3

4.2

Géographie

4.2

5.4

4.8

Arts visuels
arts plastiques
histoire de l'art


4.7
5.0


4.6
4.7

4.8

Éducation physique

4.5

Certificat médical

4.5

Moyenne générale

4.1

Nombre de moyennes insuffisantes : 3

Somme des écarts négatifs
à la moyenne : 1.6

 

Le 26 juin 2013, Mme M______, agissant par la plume de sa mère, a saisi le département d'instruction publique (ci-après : DIP) d'un recours, en vue d'obtenir une promotion par dérogation.

Elle avait eu certains soucis de santé pendant l'année scolaire, qui l'avaient fragilisée.

Il ne lui manquait que quelques dixièmes de point pour obtenir une promotion par dérogation. Le redoublement en deuxième année n'était pas possible et son rêve, soit de devenir enseignante de français et de philosophie, ne pourrait être réalisé. Mme M______ s'était inscrite à des cours d'anglais à l'IFAGE pendant l'été.

Par décision du 19 juillet 2013, le DIP a rejeté le recours et confirmé la décision de la direction du collège de ne pas accorder une promotion par dérogation en troisième année. De plus, Mme M______ ayant déjà doublé la première année, elle n'était pas autorisée à répéter la deuxième année. Elle devait se réorienter.

Une promotion par dérogation ne pouvait être accordée que lorsque les résultats de l'élève s'approchaient fortement des normes de promotion. En l'espèce, l'espace négatif autorisé pour être promu était de 1.0 alors que celui obtenu par Mme M______ était de 1.6. De plus, durant l'année 2012–2013, elle avait réussi à remonter ses notes en biologie, chimie et géographie alors que les autres matières étaient marquées par une forte baisse ou par une stagnation.

Les problèmes de santé de Mme M______ ne pouvaient justifier la faiblesse des résultats. Elle ne remplissait plus les conditions de promotion du collège de Genève depuis le second semestre de sa première année gymnasiale. Ses lacunes étaient trop importantes pour émettre un pronostic favorable de réussite.

a. Par acte daté du 13 août 2013 et reçu à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le lendemain, Mme M______, agissant par la plume de sa mère, a formé recours contre la décision précitée. Aucun texte réglementaire n'interdisait une promotion par dérogation avec les résultats qu'elle avait obtenus. Elle avait fait preuve de motivation, malgré ses nombreuses absences, excusées pour des motifs de santé. Elle avait déployé beaucoup d'énergie pour remonter ses notes dans les matières scientifiques. Elle possédait les qualités nécessaires à une promotion en troisième année et était décidée à tout mettre en œuvre pour combler les lacunes. Elle avait d’ores et déjà mis en œuvre des cours de soutien durant l’été à cette fin.

b. En annexe au recours, Mme M______ produisait :

- Une attestation d'inscription concernant des cours d'anglais, durant le mois d'août 2013, à l'IFAGE ;

- une attestation de son psychologue selon laquelle elle avait dû faire face à des grosses difficultés familiales, tant au niveau matériel que psychologique, qui ne lui avaient pas permis d'étudier dans des conditions minimales nécessaires pour se concentrer. Le fait qu'elle devienne majeure au mois de septembre devrait lui permettre de construire un environnement plus apte à la réussite de ses études et à dépasser les difficultés de ces dernières années afin de réussir ses projets futurs, lesquels impliquaient impérativement qu'elle puisse poursuivre sa formation au collège de Genève ;

- un résumé d'un séjour aux Hôpitaux Universitaires de Genève dont il ressortait qu'elle avait été hospitalisée le 16 décembre 2012 en raison d'une crise d'épilepsie inaugurale au sujet de laquelle des investigations complémentaires devaient être réalisées.

Le 26 août 2013, le DIP a conclu au rejet du recours, reprenant et développant les éléments figurant dans les décisions antérieures.

Dans le délai imparti, Mme M______ n'a pas exercé son droit à la réplique, et la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

La recourante, devenue majeure en cours de procédure, est représentée par sa mère, ce qui est prévu par l'art. 9 LPA.

Le recours est recevable.

La chambre de céans applique le droit d’office. Elle ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, sans être liée par les motifs invoqués (art. 69 LPA) ni par l’argumentation juridique développée dans la décision entreprise (P. MOOR/ E. POLTIER, Droit administratif, vol. II, 2011, p. 300 ss). Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). La chambre administrative n’a toutefois pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

La recourante fait valoir, en substance, que l’autorité intimée aurait dû lui accorder par dérogation une promotion en troisième année.

a. Selon l’art. 44A de la loi sur l’instruction publique du 6 novembre 1940 (LIP – C 1 10), le collège de Genève et l'école de culture générale appartiennent à l’enseignement secondaire pour la scolarité secondaire II, qui assure un enseignement général et professionnel. Dans la continuité des objectifs du degré secondaire I, il permet aux élèves d’approfondir et d’élargir les savoirs et les compétences acquis pendant la scolarité obligatoire. Il dispense une formation de culture générale solide et complète, doublée, dans les écoles professionnelles, d’une formation théorique et pratique spécialisée. Les certificats délivrés au degré secondaire II garantissent l’accès aux filières de formation du degré tertiaire ou à la vie professionnelle. Le degré secondaire II prend des mesures facilitant, cas échéant, le changement de filières en cours de formation et l’accès aux formations tertiaires ne relevant pas des hautes écoles (art. 44 al. 2 LIP).

b. L’art. 47 al. 1 LIP délègue au Conseil d’Etat le pouvoir d’établir les conditions d’admission, de promotion et d’obtention des titres. Sur cette base, il a adopté le règlement de l'enseignement secondaire du 14 octobre 1998 (RES - C 1 10.24). A teneur de l’art. 22 RES, l’orientation des élèves constitue une part importante de la mission de l’école ; dans cette optique, la direction d’un établissement, sur proposition de la conférence des maîtres ou maîtresses de la classe ou du groupe ou, dans des cas exceptionnels, de sa propre initiative, peut autoriser un élève non promu à répéter l’année. Il est tenu compte des circonstances qui ont entraîné l’échec, de la fréquentation régulière des cours et du comportement adopté par l’élève durant l’année.

c. Dans ce cadre, l’autorité scolaire bénéficie d’un très large pouvoir d’appréciation (ATA/47/2012 du 24 janvier 2012 consid. 5c ; ATA/634/2001 du 9 octobre 2001 consid. 10), dont la chambre de céans ne censure que l’abus ou l’excès. Ainsi, alors même que l’autorité resterait dans le cadre de ses pouvoirs, quelques principes juridiques les restreignent, dont la violation constitue un abus de ce pouvoir : elle doit exercer sa liberté conformément au droit. Elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d’inégalité de traitement et appliquer le principe de la proportionnalité (P. MOOR, Droit administratif, vol. I : Les fondements généraux, 1994, p. 376 ss et les références citées).

a. A teneur de l’art. 21 RES, les conditions de promotion sont déterminées par les règlements de formation ou d’études, d’école et de type d’école.

S’agissant de la promotion par dérogation, la direction d’un établissement, sur proposition de la conférence des maîtres ou maîtresses ou des maîtres et maîtresses de la classe ou du groupe ou, dans des cas exceptionnels, de sa propre initiative, peut accorder la promotion à des élèves qui, sans satisfaire complètement aux conditions de promotion, semblent présenter les aptitudes nécessaires pour suivre l’enseignement du degré suivant avec succès ; il est tenu compte des progrès accomplis, de la fréquentation régulière des cours et du comportement adopté par l’élève durant l’année. Un élève ne peut bénéficier de cette mesure deux années consécutives (art. 21 al. 2 RES).

En fonction des circonstances qui ont entraîné l’échec, de la fréquentation régulière des cours et du comportement adopté par l’élève durant l’année, un élève non promu peut être autorisé à répéter l’année (art. 22 al. 1 RES). Toutefois, selon l’art. 22 RES, il ne peut y être autorisé deux années de suite ou deux degrés de suite (art. 22 al. 2 RES).

b. Selon l'art. 12 du règlement relatif à la formation gymnasiale au collège de Genève du 14 octobre 1998 (RGymCG - C 1 10.71), les élèves doivent, pour être promus, obtenir la note annuelle de 4.0 au moins pour chacune des disciplines d’enseignement suivies (ch. 1). Une promotion par tolérance est accordée lorsque, cumulativement, un élève obtient une moyenne générale égale ou supérieure à 4.0, une note égale ou supérieure à 4.0 en option spécifique et que la somme des écarts à la moyenne des notes insuffisantes (au maximum 3 notes) ne dépasse pas 1.0 (ch. 2).

En l’espèce, la recourante a obtenu une moyenne annuelle de 4.1 et de 4.8 dans son option spécifique, les arts visuels ; dans trois disciplines, ses notes sont inférieures à 4. Cependant, l'écart négatif à la moyenne est de 1.6, soit 60 % supérieur à celui permettant une promotion par tolérance. Elle se trouve de ce fait en situation d’échec, ce qu’elle ne conteste d’ailleurs pas.

Les progrès accomplis, la fréquentation régulière des cours et le comportement adopté par l’élève durant l’année constituent des critères permettant de déterminer qu’elle semble présenter les aptitudes nécessaires pour suivre l’enseignement du degré suivant avec succès.

a. S’agissant des progrès accomplis, les notes de Mme M______ ont progressé au cours de l'année en français (1 dixième), en biologie (5 dixièmes), en chimie (10 dixièmes), en physique (4 dixièmes), en histoire (4 dixièmes) et en géographie (12 dixièmes). Elles ont en revanche régressé en italien (- 2 dixièmes), en anglais  (- 4 dixièmes) et en mathématiques (- 5 dixièmes).

b. Pour apprécier la fréquentation régulière des cours, seul le nombre d’heures d’absence non excusées peut et doit être pris en compte (ATA/741/2012 du 30 octobre 2012).

En l'espèce, Mme M______ a eu de nombreuses absences pendant l'année pour des motifs médicaux, mais seule une heure n'a pas fait l'objet d'une excuse.

c. Le comportement de la recourante à l'école ne présente pas de particularité, selon le dossier. Aucune mention, dans les bulletins produits par l'autorité intimée, n'indiquent le contraire. L'affirmation, ressortant de la décision initiale, selon laquelle ses enseignants lui reprocheraient un « manque de participation en classe » n'est pas documentée et n'a, en tout état, que peu de pertinence.

En portant une appréciation globale sur les éléments qui précèdent, et en tenant compte de l'ensemble du cursus scolaire de l'intéressée au cours des années antérieures, la maîtresse responsable de groupe ou les autres enseignants de Mme M______ étaient en droit, sans excéder ou abuser de leur pouvoir, de renoncer à toute démarche auprès de la conférence des maîtres ou maîtresses en vue de proposer une promotion par dérogation. De même, la direction du collège était en droit de ne pas faire usage de ses prérogatives pour décider d’elle-même d’une telle faveur. En prenant la décision attaquée, l’autorité intimée a donc à juste titre confirmé la position des instances de l’école fréquentée par la recourante.

Le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe. Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 août 2013 par Mademoiselle S______ M______, représentée par sa mère Madame D______ M______ contre la décision du département de l'instruction publique, de la culture et du sport du 19 juillet 2013 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de la recourante ;

dit qu’il n’est pas perçu d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame S______ M______, représentée par sa mère Madame D______ M______, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la culture et du sport.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :