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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2572/2009

ATA/611/2009 du 24.11.2009 ( ANIM ) , REJETE

Descripteurs : ; CHIEN ; CAS DE SÉQUESTRE ; PROPORTIONNALITÉ ; DÉTENTION D'ANIMAUX
Normes : LChiens.11.al1 ; LChiens.11.al2 ; LChiens.2A.al2 ; LChiens.23 ; LChiens.24 ; RChiens.28
Résumé : Cas d'un chien, considéré comme potentiellement dangereux, ayant attaqué et mordu à plusieurs reprises. Sa propriétaire n'ayant pas pris toutes les mesures nécessaires pour qu'il ne nuise pas au public et ayant promené son chien sans muselière alors qu'elle y était tenue, le tribunal a confirmé le séquestre définitif de l'animal.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2572/2009-ANIM ATA/611/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 24 novembre 2009

2ème section

dans la cause

 

 

 

 

Madame S______
représentée par Me Tal Schibler, avocat

 

 

 

 

contre

 

 

 

 

SERVICE DE LA CONSOMMATION ET DES AFFAIRES VÉTÉRINAIRES

 



EN FAIT

1. Madame S______, domiciliée 31, rue X______ à Genève, est détentrice d’un chien de race Lévrier afghan, mâle, né en 2005, nommé "A_____". Ce canidé est régulièrement promené par Monsieur K______, l’ami de l’intéressée.

2. Ce chien est enregistré auprès de la banque de données centrale ANIS. Il a été acquis à l’âge de dix mois dans un élevage situé en France dont il n’était jamais sorti jusqu’à son adoption.

3. M. K______, domicilié 19, Z______, a suivi des cours d’éducation canine auprès de l’école du chien à Vandoeuvres alors que Mme S______ n’a jamais suivi de tels cours.

4. Le service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : SCAV) a été informé à plusieurs reprises du fait qu’"A______" avait agressé diverses personnes.

Le 15 septembre 2008, Monsieur G______ a signalé au SCAV avoir été victime à deux reprises de morsures par "A______". La première fois, en juin 2008 au parc Bertrand, le chien l'avait mordu dans le bas du dos. Quelques semaines plus tard, "A______" l’avait à nouveau attaqué "dans le fond du dos". Par la suite, l'animal avait tenté à deux reprises d'attaquer l’amie de M. G______ et avait déchiré le T-shirt d’un enfant, chaque fois au parc Bertrand. Lors de ces attaques, le chien était toujours en compagnie de M. K______.

5. Par courrier du 24 septembre 2008, le SCAV a convoqué M. K______ pour une entrevue le 6 octobre 2008. A cette occasion, l’intéressé devait produire un certificat sanitaire vétérinaire, une copie du carnet de vaccination, du formulaire d’inscription à la banque de données ANIS et de la quittance de la médaille de l’impôt pour l’année 2008. Dans l’intervalle, le chien devait impérativement être muselé à l’extérieur.

6. Le 6 octobre 2008, M. K______ et Mme S______ se sont présentés avec "A______" dans les locaux du SCAV, le chien n’étant pas muselé.

Ces deux personnes ont déclaré qu’"A______" était un animal craintif. Quant aux personnes qui se plaignaient des morsures de ce chien, elles formaient un complot et leurs accusations n’étaient pas fondées.

La spécialiste du service a procédé à l’observation du canidé et constaté que celui-ci présentait des signaux de stress. Une consultation chez un vétérinaire comportementaliste était nécessaire pour diagnostiquer une éventuelle pathologie de l’animal et y remédier. Dans l’intervalle, "A______" devait impérativement être muselé dès qu’il se trouvait à l’extérieur, ce que le vétérinaire cantonal a confirmé par courrier du 8 octobre 2008 à Mme S______.

Le 6 octobre 2008 également, le SCAV a reçu par fax un formulaire d'annonce de morsure de chiens émanant de Madame F______, qui indiquait s’être fait mordre le 29 septembre 2008 au parc Bertrand par "A______". La plaignante soulignait qu’aucune des personnes s’occupant d’"A______" n’obtenait le moindre rappel sur ce chien. Elle avait pris contact avec la propriétaire de celui-ci, Mme S______, qui s’était engagée à faire le nécessaire pour qu’"A______" soit éduqué.

7. Le 10 octobre 2008, une éducatrice canine agréée de l’école du chien de Vandoeuvres a procédé à une évaluation du comportement de l’animal. Elle a constaté qu'il était craintif, ce qui était déjà le cas lorsqu’elle l'avait vu courant 2006. De plus, "A______" avait un comportement réactif vis-à-vis de ses congénères.

8. Par décision du 6 novembre 2008, le SCAV a ordonné à Mme S______ ainsi qu’à toute personne susceptible de promener "A______" de prendre les mesures nécessaires afin d’éviter tout nouvel incident. En particulier, "A______" devait porter une muselière dès qu’il se trouvait à l’extérieur.

9. Mme S______ a annexé à un courrier au SCAV du 7 novembre 2008 un rapport de la vétérinaire comportementaliste du 12 octobre 2008. Cette dernière a établi ce rapport après avoir observé Mme S______ promenant l’animal d’une part, et le comportement du chien en liberté sur le terrain pour chiens du parc Bertrand, d’autre part. Cette spécialiste concluait que bien qu’à l’intérieur Mme S______ ait une certaine maîtrise du chien, elle ne parvenait plus à communiquer avec lui dans des situations liées au stress. Sur le terrain, "A______" était plutôt laissé à lui-même et n’était pas encadré. Tant Mme S______ que M. K______ étaient très motivés pour éviter d’autres incidents et ils avaient déjà commencé à suivre des cours d’éducation canine. Cette spécialiste recommandait, pour prévenir d’autres incidents, le port d’une muselière dans les lieux publics, des cours d’éducation canine à suivre par Mme S______ et M. K______, un traitement médical, un collier DAP pour calmer "A______" et un contrôle après 4-6 semaines pour décider si des cours de désensibilisation et de contre-conditionnement contre des personnes avec des gestes brusques étaient nécessaires.

10. Le 9 décembre 2008, le SCAV a fixé à Mme S______ un délai au 15 janvier 2009 pour transmettre le rapport de la consultation de contrôle auprès de la vétérinaire comportementaliste ainsi que celui de l’éducatrice canine auprès de laquelle elle suivait des cours.

Il était rappelé à l’intéressée que son chien devait être muselé dans les espaces publics.

11. Mme S______ a transmis les pièces requises, par pli du 11 janvier 2009, en particulier le rapport établi par la vétérinaire comportementaliste le 27 décembre 2008. Celui-ci formulait les mêmes recommandations que celles du 12 octobre 2008, un contrôle devant être opéré quatre semaines plus tard.

12. Par décision du 30 janvier 2009, le SCAV a enjoint Mme S______ de poursuivre les cours d’éducation canine, de continuer à mettre une muselière à "A______" dès que celui-ci se trouvait à l’extérieur, de poursuivre le traitement médical et de procéder à un contrôle quatre semaines plus tard en produisant un nouveau rapport d’évaluation d’ici le 23 février 2009.

13. Aux termes d’un rapport daté du 13 janvier 2009, l’éducatrice canine a relevé que cette race de canidé n’était pas très facile à éduquer. Lors des cours collectifs, "A______" était toujours muselé. Il montrait plutôt de l’indifférence à l’égard de ses congénères et des autres propriétaires de chien. Il ne posait pas de problème d’agression mais le rappel était encore à travailler ainsi que l’éducation en général. "A______" évitait les autres chiens et souvent le conducteur devait aller vers l’animal qui avait tendance à se réfugier auprès de son maître.

14. Le 18 février 2009, le SCAV a reçu un rapport de contravention établi par la sécurité municipale de la commune de Thônex selon lequel, le 29 janvier 2009, M. K______ promenait "A______" sans qu'il soit tenu en laisse au chemin de Mapraz. En outre, M. K______ avait eu de la peine à rappeler l’animal. Le SCAV a obtenu la confirmation par la sécurité municipale de Thônex qu’à l’occasion des faits précités, le chien n’était pas muselé. Le SCAV a ainsi signifié le 6 mars 2009 une contravention de CHF 100.- à Mme S______, en application des art. 25 al. 1 et 26 de la loi sur les conditions d’élevage, d’éducation et de détention des chiens du 1er octobre 2003 (LChiens - M 3 45).

15. Dans un courrier complémentaire du même jour, le SCAV a rappelé à Mme S______ qu’en cas de nouvel incident ou de non-respect des exigences déjà posées, le séquestre provisoire d’"A______" serait ordonné et les frais inhérents à cette mesure seraient mis à sa charge.

16. Le 13 mars 2009, le SCAV a réclamé à Mme S______ le rapport de contrôle que devait établir la vétérinaire comportementaliste et un délai au 29 mars 2009 lui a été imparti pour produire ce document. Ce dernier, daté du 25 mars 2009, a été envoyé au SCAV et concluait au fait que le chien était plus calme. La continuation des cours d’éducation canine était proposée, le rappel en particulier devant encore être amélioré. En revanche, le traitement médical pouvait être stoppé et l’obligation de museler "A______" levée.

17. Par décision du 22 avril 2009, le SCAV a informé Mme S______ que le traitement médical du chien pouvait être interrompu. En revanche, "A______" devait toujours être muselé lorsqu’il se trouvait à l’extérieur et les cours d’éducation canine devaient être poursuivis. Un nouveau rapport de contrôle de la vétérinaire comportementaliste devait être produit d’ici le 1er septembre 2009.

18. Le 16 juin 2009, Mme R______ a dénoncé au SCAV, par courrier électronique, les faits qu’elle avait déjà signalés le 24 mai 2009, à savoir que ce jour-ci, "A______" avait mordu sa fille C______, âgée de dix ans. Le chien se trouvait alors au parc Bertrand et était promené par une personne de sexe masculin. Contactée par téléphone, Mme R______ a indiqué que le jour de l'agression, le chien n’était pas muselé. Il avait porté précédemment une sorte de muselière. L’animal était très craintif et passait à l’attaque lorsqu’il avait peur. Il s’est avéré que le chien en question était "A______".

19. Le SCAV a convoqué Mme S______ avec son chien pour le 22 juin 2009 en réitérant l’obligation de museler l’animal dès que celui-ci se trouvait à l’extérieur.

20. Le 22 juin 2009, M. K______ s’est présenté avec "A______", Mme S______ ayant subi une intervention le matin même.

Le chien portait une muselière dont le SCAV a constaté qu’elle était peu serrée et n’empêchait pas l’animal de mordre du bout des dents.

M. K______ a été surpris d’apprendre l’incident du 24 mai 2009 car il n’avait rien vu. Il muselait toujours le chien. Il était victime d’une cabale. Le traitement médical prescrit à "A______" avait été arrêté progressivement et aucun changement n’avait été noté dans le comportement de l’animal depuis lors.

Le SCAV a avisé M. K______ qu’une décision serait prise à l’encontre de Mme S______. Le chien devrait être tenu en laisse et porter une muselière de type panier dès qu’il se trouvait à l’extérieur, ce type de muselière convenant mieux aux lévriers. Les cours d’éducation canine devraient être poursuivis. Un test de contrôle devait être effectué dans le courant du mois d’août 2009.

En outre, M. K______ a été informé que si le chien ne portait pas de muselière adaptée, il serait séquestré définitivement.

21. Par décision du 1er juillet 2009, adressée sous pli recommandé à Mme S______, le SCAV a ordonné que toutes les mesures de sécurité adéquates soient prises par Mme S______ et M. K______ pour éviter qu’"A______" ne blesse des personnes ou ses congénères. Le chien devait être tenu en laisse et muselé au moyen d’une muselière de type à panier dès qu’il se trouvait à l’extérieur. Mme S______ devait poursuivre les cours d’éducation canine et produire d’ici le 1er septembre 2009 le rapport de l’éducateur canin et celui de la vétérinaire comportementaliste. Enfin, un test de maîtrise et de comportement ainsi qu’une évaluation seraient effectués par un collaborateur du service au plus tard d’ici le 1er septembre 2009.

En cas de non-respect de ces injonctions, le séquestre définitif de l’animal serait ordonné.

22. Les 5, 9 et 10 juillet 2009, un fonctionnaire du SCAV a aperçu soit Mme S______, soit M. K______, promener "A______" non muselé.

23. Par décision du 10 juillet 2009, le SCAV a prononcé le séquestre définitif d’"A______". Ce séquestre a été exécuté le même jour. Les frais d’intervention du service se montant à CHF 500.- ont été mis à la charge de Mme S______. Cette décision a été déclarée exécutoire nonobstant recours. Elle reposait sur les art. 11 al. 1 et 2, 12 et 23 LChiens ainsi que l’art. 24 du règlement d'application de la loi sur les conditions d'élevage, d' et de détention des chiens du 17 décembre 2007 (RChiens - M 3 45.01), en particulier sur les trois dernières violations des injonctions du SCAV constatées les 5, 9 et 10 juillet 2009.

24. Entendue le 10 juillet 2009, Mme S______ a déclaré qu’elle avait reçu la décision du SCAV du 1er juillet 2009. Le 5 juillet 2009, elle se trouvait avec M. K______ et promenait son chien sans qu'il soit muselé. Le 9 juin 2009 (recte juillet) elle avait sorti "A______" à la rue Prévost-Martin, en laisse mais non muselé. M. K______ a été entendu par la gendarmerie le 10 juillet 2009, après s'être opposé à l’intervention du fonctionnaire du SCAV ayant séquestré le chien. Lors de cette déposition, M. K______ a admis qu’il ne muselait pas "A______" quand il le promenait en laisse pour faire ses besoins dans le quartier.

25. Le 16 juillet 2009, le conseil mandaté par Mme S______ a prié le SCAV de reconsidérer sa décision de séquestre, une mesure moins coercitive paraissant plus appropriée. Mme S______ s’engageait à promener elle-même "A______", à suivre les cours d’éducation canine, à consulter régulièrement le vétérinaire comportementaliste et à reprendre si nécessaire, le traitement médicamenteux ainsi qu’à utiliser une laisse et mettre une muselière adaptée à "A______" dès que l’animal se trouverait à l’extérieur. Elle sollicitait une dernière chance, la séparation d’avec son chien étant particulièrement difficile.

26. Par acte déposé le 20 juillet 2009 auprès du greffe du Tribunal administratif, Mme S______ a recouru contre le séquestre définitif prononcé le 10 juillet 2009 en concluant principalement à l’annulation de cette décision et à la restitution immédiate du chien. Le tribunal devait lui donner acte de son engagement de promener personnellement "A______".

Elle ne contestait pas que M. K______ avait promené "A______" le 10 juillet 2009 sans que le chien soit muselé malgré la décision du service du 1er juillet 2009. Cependant, le séquestre définitif de l’animal était disproportionné eu égard aux autres mesures qu’aurait pu prendre le SCAV "malgré le petit incident du mois de mai 2009". Les cours d’éducation canine avaient eu un effet positif sur le comportement d’"A______". Le séquestre immédiat de ce dernier avait permis à la recourante de se rendre compte des conséquences du non-respect des décisions de l’autorité. Elle proposait que le droit de s'occuper d'"A______" ne soit accordé qu'à elle seule. Une surveillance de ses promenades avec le chien pourrait être instaurée. "A______" n’était pas un danger pour la société et elle avait un intérêt privé à s’occuper de son chien. Cet intérêt devait primer l’intérêt public à séquestrer l’animal.

27. Le 22 juillet 2009, le SCAV a refusé de reconsidérer sa décision, en raison des "antécédents du chien" et du dédain affiché par Mme S______ pour les recommandations déjà faites et les mesures prises.

28. Le 28 août 2009, le SCAV a conclu au rejet du recours. Depuis sa mise en fourrière, "A______" avait été examiné et un rapport daté du 5 août 2009 avait été établi. L'animal présentait des troubles du comportement problématiques et faisait preuve d’une très grande anxiété. Il représentait toujours un danger pour la sécurité publique. La mesure prise respectait pleinement le principe de proportionnalité, le petit incident du 24 mai 2009 n’étant pas anodin et le non-respect par la recourante des décisions du service, constant.

29. Le 16 octobre 2009, le juge délégué a entendu les parties lors d’une audience de comparution personnelle.

a. La représentante du SCAV a souligné que le chien se trouvait à la fourrière depuis le 10 juillet 2009. Il ne recevait aucun traitement médical, ce dernier ayant été arrêté le 25 mars 2009, suite au rapport du vétérinaire comportementaliste. Le chien demeurait extrêmement craintif : seules deux personnes étaient parvenues à établir un contact avec lui.

 

Si la décision de séquestre définitif était confirmée, deux situations étaient envisageables : d'une part, le placement chez une personne disposant de connaissances cynologiques, de temps et de moyens financiers suffisants pour assurer des soins vétérinaires conséquents, ou d'autre part, l’euthanasie.

 

Malgré l’avis et le rapport du vétérinaire comportementaliste du 25 mars 2009, selon lequel il n’était plus nécessaire que le chien soit muselé, le SCAV avait estimé que le port d’une muselière devait toujours être prescrit pour des raisons de sécurité.

 

Précédemment, le chien portait un "halti". Il s’agissait d’un harnais se fixant sur le museau du chien. Ce harnais n’était cependant pas considéré comme une muselière car il n'empêchait pas l'animal d’ouvrir la gueule, ni de pincer ou de mordre. Seules les muselières "à panier" étaient adaptées en l’espèce : elles étaient plus agréables pour le chien et assuraient une meilleure sécurité. Initialement, le SCAV n’avait pas spécifié à Mme S______ quel type de muselière elle devait utiliser, mais il l'avait fait par la suite.

 

Le SCAV n’entendait pas restituer le chien à Mme S______. Celle-ci n'était pas digne de confiance, malgré les promesses qu’elle avait formulées dans son recours. Elle avait été avertie dix fois au moins que le chien devait être muselé à l'extérieur et qu'à défaut, le séquestre définitif du chien serait prononcé. Le SCAV a déposé, lors de l’audience, une lettre de lecteur rédigée par Mme S______ et publiée par la Tribune de Genève le 29 septembre 2009, qui démontrait que celle-là n’avait pas conscience de la dangerosité de son chien. Enfin, le chien était anxieux depuis tout petit et il n’était pas possible de connaître les causes de cette attitude.

 

b. Selon Mme S______, le chien s’était toujours montré gentil avec M. K______ et elle-même. Il était maintenant à la fourrière, sans traitement et sans contact avec d’autres chiens. Elle préférait que le chien soit euthanasié plutôt que placé chez un tiers. Elle promenait A______ deux heures tous les matins en campagne. L’après-midi et en soirée, c'était M. K______ qui le sortait. Elle n'était pas présente lors de l’incident du 24 mai 2009 au parc Bertrand. Elle n’en avait été informée qu’à son retour de vacances, courant juin. Elle ne pouvait pas contester qu’un incident s’était produit à cette date-là. Elle avait souvent mis la muselière à A______. Néanmoins, le 5 juillet 2009, ce n’était pas le cas. Le 9 juillet 2009, elle avait promené son chien en laisse mais non muselé. Enfin, elle était au courant de l’incident du 10 juillet 2009, survenu lorsque M. K______ promenait le chien.

 

c. Au terme de l'audience, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La LChiens a pour but de régir, en application de la loi fédérale sur la protection des animaux du 16 décembre 2005 (ci-après : LFPA - RS 455), les conditions d'élevage, d'éduction et de détention des chiens, en vue de garantir le bien-être de ces derniers, d'en réguler le nombre et la détention par foyer et d'assurer la sécurité, la salubrité de la tranquillité publiques, de même que le respect de l'environnement, des cultures agricoles, de la faune et des biens (art. 1 LChiens). Le SCAV et la direction générale de la nature et du paysage sont compétents pour l'application de la LChiens et de son règlement (art. 2 LChiens, art. 1 al. 1 RChiens).

Par conséquent, la décision de séquestre définitif prise par le SCAV, émane de l'autorité compétente.

3. A teneur de l'art. 11 al. 1 LChiens, tout détenteur de chien est tenu de prendre les précautions nécessaires afin que l'animal ne puisse pas lui échapper ou nuire au public ou aux animaux. Le détenteur doit veiller à l'empêcher de mordre, menacer ou poursuivre le public – en particulier les enfants et les personnes âgées – ou les autres animaux (art. 11 al. 2 LChiens).

En l'espèce, "A______" a mordu différentes personnes, dont un enfant de dix ans, à quatre reprises, soit deux fois en juin 2008, le 29 septembre 2008, et le 24 mai 2009.

Mme S______ n'ayant pas pris toutes les mesures nécessaires pour que son canidé ne nuise pas au public, elle a violé l’art. 11 al. 1 et al. 2 LChiens. Le fait que le chien ait commis ses attaques uniquement lorsqu'il était promené par M. K______ n'enlève rien au fait que Mme S______ a violé ses obligations. En effet, elle devait elle-même, en sa qualité de propriétaire de l'animal, prendre toutes les mesures nécessaires pour que son chien ne trouble pas la sécurité et la tranquillité publiques.

4. Selon l'art. 2A LChiens, sont considérés comme potentiellement dangereux les chiens, toutes races confondues, avec antécédents avérés, soit ceux ayant déjà attaqué et mordu des personnes ou des animaux et ayant fait l'objet de la procédure fixée à l'art. 24 LChiens.

En vertu de cette dernière disposition, le SCAV saisi d'une plainte convoque dans les meilleurs délais le ou les plaignants et le détenteur du chien, afin de connaître les circonstances faisant l'objet de la dénonciation (al. 1).

Comme il a été mentionné précédemment, A______ a attaqué et mordu différentes personnes à quatre reprises, soit deux fois en juin 2008, le 29 septembre 2008 et le 24 mai 2009. Suite à la plainte de M. G______ du 15 septembre 2008, le SCAV a convoqué M. K______ pour une entrevue le 6 octobre 2008. Aussi, le chien ayant attaqué et mordu et ayant fait l'objet d'une procédure d'intervention au sens de l'art. 24 al. 1 LChiens, il doit être considéré comme dangereux au sens de l'art. 2A al. 2 LChiens.

5. Selon l'art. 28 RChiens, le port de la muselière est obligatoire pour tous les chiens potentiellement dangereux sur la voie publique et dans tous les lieux d'ébats, à l'exception des espaces de liberté clôturés pour les chiens. Le modèle conseillé est du type dit à panier. Le port de la muselière est également prescrit pour tous les canidés faisant l'objet d'une décision individuelle de port de la muselière notifiée par le service.

Par décisions des 6 novembre 2008, 30 janvier et 1er juillet 2009, "A______" devait obligatoirement être muni d'une muselière lorsqu'il se trouvait à l'extérieur. M. K______ a cependant promené le chien les 29 janvier, 18 février et 10 juillet 2009 sans que celui-ci soit muselé. Le 5 juillet 2009, M. K______ ainsi que Mme S______ promenaient "A______", en liberté et non muselé, en compagnie d'un canidé de la même espèce. Le 9 juillet 2009, Mme S______ a été aperçue promenant son chien sans laisse, ni muselière, ce qu'elle a admis.

Le canidé n'ayant pas été muselé à plusieurs reprises lorsqu'il se trouvait à l'extérieur, alors qu'il était considéré comme potentiellement dangereux et qu'il avait fait l'objet de plusieurs décisions individuelles de port de la muselière, Mme S______ a violé l'art. 28 RChiens.

6. Selon l'art. 23 LChiens, en cas d'inobservation des dispositions de la LChiens et du RChiens, le département peut ordonner, notamment, les mesures suivantes :

a. l'obligation de prendre des cours d'éducation canine ;

b. la castration ou la stérilisation des chiens ;

c. l'interdiction d'élever des chiots ;

d. l'interdiction de détenir un chien ;

e. le séquestre provisoire ou définitif du chien ;

f. la mise à mort du chien ;

g. la révocation de l'autorisation de pratiquer l'éducation canine ;

h. la révocation de l'autorisation d'exercer l'activité de promeneur de chien ;

i. la révocation de l'autorisation d'acquérir ou de détenir un chien potentiellement dangereux.

7. La recourante allègue que le séquestre définitif prononcé par le SCAV serait disproportionné.

a. Dans l’exercice de ses compétences, le SCAV doit, comme toute autorité administrative, respecter le principe de la proportionnalité. Ce dernier comporte traditionnellement trois aspects : d’abord, le moyen choisi doit être propre à atteindre le but fixé. De plus, entre plusieurs moyens adaptés, on doit choisir celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés ; enfin, l’on doit mettre en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré avec le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 123 I 112 consid. 4e p. 121 et les arrêts cités ; ATA/366/2009 du 28 juillet 2009 ; ATA/515/2008 du 7 octobre 2008 et les réf. citées).

b. Comme mentionné ci-dessus, suite aux attaques répétées du canidé, le SCAV a ordonné à la recourante, par décisions des 6 novembre 2008, 30 janvier et 1er juillet 2009, que son chien porte une muselière lorsqu'il se trouvait à l'extérieur. Cette dernière a également été avertie le 18 février 2009 que si elle ne respectait pas les exigences posées par le SCAV, le chien serait séquestré provisoirement. Le 22 juin 2009 et le 1er juillet 2009, vu le non-respect de ses injonctions, le SCAV a menacé l'intéressée de séquestrer définitivement le chien. Malgré cela, "A______" a été promené les 5, 9 et 10 juillet 2009 sans muselière aussi bien par M. K______ que par Mme S______. Vu le non-respect des trois décisions du SCAV ainsi que les violations des art. 11 al. 1 et 2 LChiens par Mme S______, le SCAV a prononcé le séquestre définitif de l'animal le 10 juillet 2009.

c. En application de l'art. 23 LChiens, le SCAV aurait toutefois pu ordonner d'autres mesures moins incisives que le séquestre définitif de l'animal.

Suite aux attaques perpétrées par "A______" en juin 2008 ainsi que le 29 septembre 2008, Mme S______ avait suivi des cours d'éducation canine. Le canidé avait cependant à nouveau attaqué et mordu une fillette de dix ans le 24 mai 2009. Ces cours n’ont pas suffi à assurer la sécurité du public lorsque le chien se trouvait à l'extérieur. Aussi, une telle mesure n'aurait pas été apte à atteindre le but de sécurité et de tranquillité publiques. L'interdiction d'élever des chiots (let. c), de détenir un chien (let. d), la castration ou la stérilisation du canidé (let. b), ne sont pas appropriées en l’espèce.

d. Reste à examiner si le séquestre provisoire de l'animal, prévu à l'art. 23 let. e LChiens, aurait permis d'atteindre le but d'intérêt public recherché.

Au vu des nombreux avertissements et menaces qu’a reçus Mme S______ de la part du SCAV et dont elle n’a pas tenu compte, un séquestre provisoire n'aurait pas été adéquat. En effet, cette sanction n'aurait pas été assez contraignante et n'aurait ainsi pas empêché Mme S______ de commettre de nouvelles infractions à la LChiens et au RChiens. Ainsi, aucune autre mesure moins incisive que le séquestre définitif de l'animal n'aurait été à même d'atteindre le but de sécurité publique fixé par la LChiens.

Au surplus, dans sa demande de reconsidération adressée au SCAV le 16 juillet 2009, Mme S______ s'est engagée à prendre toutes les mesures nécessaires pour que la sécurité publique soit assurée, notamment à promener elle-même son chien, à suivre des cours d'éducation canine, à reprendre les consultations auprès d'un vétérinaire comportementaliste, et si nécessaire à redonner un traitement médicamenteux à A______. Elle promettait qu'à l'avenir, le chien serait toujours promené avec une laisse et une muselière dès qu'il se trouverait à l'extérieur.

Or, vu l’attitude adoptée antérieurement par la recourante et la désinvolture dont celle-ci a fait preuve, le tribunal de céans estime qu'il n'est plus possible de faire confiance à Mme S______, malgré les promesses formulées dans son recours ainsi que dans sa demande de reconsidération.

e. Dans le cadre de la pesée des intérêts à laquelle le tribunal de céans doit procéder, la sauvegarde de la sécurité et la tranquillité publiques doit primer l'intérêt privé de la recourante à pouvoir s'occuper de son chien.

f. Il résulte de ce qui précède qu'en ordonnant le séquestre définitif, le SCAV n'a pas excédé son pouvoir d'appréciation, aucune autre mesure moins incisive ne permettant d'atteindre le but poursuivi.

8. Le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe. Vu l'issue du litige, aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 juillet 2009 par Madame S______ contre la décision du service de la consommation et des affaires vétérinaires du 10 juillet 2009 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'000.- ;

dit que, conformément aux art. 82 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Tal Schibler, avocat de la recourante, au service de la consommation et des affaires vétérinaires, ainsi qu'à l'office vétérinaire fédéral, pour information.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :