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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2441/2011

ATA/60/2014 du 04.02.2014 sur JTAPI/1191/2012 ( ICC ) , REJETE

Descripteurs : ; REFORMATIO IN PEJUS ; DÉCISION SUR OPPOSITION ; CALCUL DE L'IMPÔT ; EFFET SUSPENSIF ; REVENU ; ACTIVITÉ LUCRATIVE INDÉPENDANTE ; BÉNÉFICE(DROIT FISCAL) ; VENTE D'IMMEUBLE ; FORTUNE PRIVÉE ET COMMERCIALE(DROIT FISCAL) ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : LPFisc.39 ; LIPP.29 ; LIPP.72.al1 ; aLIPP-IV.3.al2 ; Cst.9
Résumé : La vente d'un appartement doit être considérée comme une opération de gestion commerciale, dès lors qu'elle s'inscrit dans le cadre d'une promotion immobilière. La transformation d'un ensemble immobilier aux fins d'en tirer des avantages financiers confère à la totalité des biens concernés, indépendamment de leur provenance, un caractère commercial. Le bénéfice alors réalisé doit être taxé comme revenu de l'activité lucrative indépendante. A cet égard, des éventuelles hésitations de l'administration à l'imposer ne sauraient être considérées comme une assurance de ne pas le faire.
En fait
En droit

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2441/2011-ICC ATA/60/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 février 2014

2ème section

 

dans la cause

 

Madame X______ et Monsieur Y______
représentés par Me Christine Sayegh, avocate

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er octobre 2012 (JTAPI/1191/2012)


EN FAIT

1) En 1974 et 1985, Monsieur Y______ a hérité des parcelles nos ______, ______, ______ et ______, sises sur la commune de Bernex.

Sur ces parcelles étaient érigés plusieurs bâtiments, dont une maison individuelle dans laquelle M. Y______ et son épouse, Madame X______ avaient leur domicile et une ancienne ferme familiale.

2) Au mois de septembre 2005, M. Y______ a décidé de valoriser lesdites parcelles. Il a réuni ces terrains en une parcelle n° ______, plan n° ______ de la commune de Bernex, à l'adresse chemin A______ ______, ______ à ______. Après édification de nouvelles constructions et transformation des bâtiments existants, il s'est trouvé propriétaire d'un complexe immobilier de douze appartements répartis dans six bâtiments, organisés en propriété par étage (ci-après : PPE) disponibles à des fins de location ou vente.

3) Le 29 septembre 2006, les époux XY______ (ci-après : les époux XY______ ou les contribuables) ont annoncé leur départ du canton de Genève pour le canton de Fribourg à partir du 1er septembre 2006.

4) Le 20 octobre 2008, en vue de la vente par M. Y______ à Monsieur B______ et Madame C______ des droits de PPE pour 77,6/1000èmes liés au feuillet ______ n°______, le notaire de ces derniers a requis de l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) une dispense de consigner l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers (ci-après : IBGI). Le vendeur était un professionnel de l'immobilier astreint à fournir une comptabilité.

5) Le 28 octobre 2008, l'AFC-GE a refusé d'accorder la dispense de consignation, conformément à l'art. 86A de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05). Sur l'original du courrier du notaire du 20 octobre précité versé à la procédure par l'AFC-GE, figure une note manuscrite indiquant : « refus dispense, ______ A______ = domicile, pas encore de vente pro, comptes pas ok, domicile hors canton ».

6) Le même jour, M. Y______ a vendu aux époux BC______ les droits de PPE précités pour un prix de CHF 1'260'000.-.

7) Le 31 octobre 2008, M. Y______ a vendu à Monsieur D______ les droits de PPE pour 77,6/1000èmes liés au feuillet ______ n° ______, pour un prix de CHF 1'000'000.-.

8) Selon un décompte du 18 novembre 2008 établi par une fiduciaire mandatée par M. Y______ que celui-ci a transmis à l'AFC-GE, le prix de revient de chacun des deux appartements vendus au couple BC______ et à M. D______ s'élevait à CHF 549'400.- en fonction d'un prix de revient de CHF 6'901'728.-, soit CHF 6'902.- par millième.

9) Le 15 décembre 2008, au bas du formulaire d'attestation du montant à consigner au titre de l'IBGI (ci-après : le formulaire IBGI) rempli par le notaire qui avait instrumenté l'acte, l'AFC-GE a arrêté à CHF 68'862,40 le montant à consigner pour la vente immobilière du 28 octobre 2008, en fonction d'un bénéfice déclaré de CHF 688'624.- (CHF 1'260'000.- ./. CHF 549'000.- ./. des frais de mutation).

10) Dans leur déclaration fiscale 2008, datée du 21 septembre 2009, les époux XY______ ont mentionné une fortune brute immobilière de CHF 7'966'161.-, dont CHF 4'750'547.- pour leur immeuble de Bernex, la dernière construction ou rénovation datant de 2008. Leur revenu brut total s'élevait à CHF 230'904.- pour les impôts communaux et cantonaux (ci-après : ICC) et CHF 232'993.- pour l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD).

11) Selon la déclaration pour l'IBGI du 13 octobre 2009, transmise par le notaire de M. Y______, relative à la vente immobilière du 31 octobre 2008, le gain immobilier imposable s'était élevé à CHF 464'404,80, calculé également en fonction d'un prix de revient de CHF 6'902.- par millième. Cette opération était déclarée comme relevant de la gestion du patrimoine privé.

12) Dans le cadre de la procédure de taxation 2008, l'AFC-GE a demandé le 16 novembre 2009 aux contribuables de fournir des explications au sujet de la valeur fiscale déclarée pour l'immeuble sis sur la commune de Bernex à hauteur de CHF 4'750'547.-.

Un délai au 14 décembre 2009 leur était imparti à cet effet.

13) Le 12 décembre 2009, M. Y______ a répondu. La transformation de l'immeuble à l'adresse chemin A______ ______ à ______ à Bernex avait été achevée en 2009. Le volume des travaux facturés au 31 décembre 2008 s'était élevé à CHF 4'829'155,30. La valeur avant rénovation des bâtiments existants était de CHF 1'281'728.-. Il fallait déduire de ces montants la valeur des deux appartements vendus en 2008 au prix de CHF 1'260'000.-, respectivement CHF 1'000'000.-. La valeur finale totale du complexe immobilier était en réalité de CHF 3'850'883.-, et non pas de CHF 4'750'547.- comme déclaré de manière erronée par sa fiduciaire.

14) Le 10 février 2010, l'AFC-GE a adressé aux époux XY______ leur bordereau de taxation pour l'ICC et l'IFD 2008. Elle avait notamment retenu un montant de CHF 464'404.- imposé en tant qu'élément (produits d'exploitation) de l'activité indépendante (B) du contribuable en raison individuelle. Ce montant correspondait au « bénéfice sur la vente professionnelle du 31 octobre 2008 de la parcelle ______ sur la commune de Bernex selon la déclaration de l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers ».

15) Dans un courrier adressé à l'AFC-GE, portant la date du 12 décembre 2009, mais posté le 8 mars 2010 selon la date de l'oblitération postale figurant sur l'enveloppe, M. Y______ est revenu sur le montant du bénéfice réalisé lors de la vente immobilière du 31 octobre 2008. Celui-ci s'élevait en réalité à CHF 415'904.- au lieu de CHF 464'404,80 car le coût final des travaux était supérieur à celui pris en compte pour le calcul du bénéfice. La somme de CHF 46'404,50, consignée et versée par le notaire pour l'IBGI, devait également être déduite. Il priait ainsi l'AFC-GE « de bien vouloir prendre en compte ces éléments et de réviser [son] avis de taxation en conséquence ».

16) Le 10 mars 2010, l'AFC-GE a adressé aux époux XY______ un bordereau rectificatif pour l'ICC 2008. Celui-ci était fondé sur les mêmes éléments imposables à Genève que ceux retenus le 10 février 2010, parmi lesquels le montant de CHF 464'404.- à titre de bénéfice net de l'activité indépendante en raison individuelle du contribuable pour la vente immobilière du 31 octobre 2008. Elle prenait cependant en compte le revenu taxable dans le canton de Fribourg selon les éléments de répartition intercantonale transmis par le service cantonal des contributions du canton de Fribourg.

Le tableau récapitulatif des bordereaux notifiés qui était joint se référait à un bordereau du 10 février 2010 pour un ICC 2008 totalisant CHF 139'682.- et au dégrèvement du 10 mars 2010 pour un montant de CHF 132'212,90, après déduction de CHF 7'469,10.

17) Le 29 mars 2010, l'AFC-GE a écrit aux contribuables. « Pour lui permettre de statuer sur leur réclamation déposée le 8 mars 2010 », ceux-ci étaient invités à lui remettre d'ici au 19 avril 2010 le décompte définitif de la vente immobilière du 31 octobre 2008, et toutes pièces probantes justifiant la valeur finale de CHF 7'527.- par millième.

18) Par réponse du 16 avril 2010, M. Y______ a transmis à l'AFC-GE les documents susmentionnés. En tenant compte du coût des travaux, des frais bancaires et de la valeur fiscale initiale des biens immobiliers, la valeur totale du bien était de CHF 7'713'174,55 soit de CHF 7'713.- par millième. Pour une part de 77,6, cela représentait une valeur de CHF 598'542,35.

19) En date du 11 février 2011, l'AFC-GE a informé les contribuables qu'une rectification en leur défaveur de la taxation contestée était envisagée.

Un montant de CHF 593'460.- (CHF 1'192'000.- - CHF 7'713,15 x 77,6), correspondant à la vente immobilière du 28 octobre 2008, serait ajouté au bénéfice résultant de celle du 31 octobre 2008. Un délai de vingt jours leur était accordé pour se déterminer à ce sujet.

20) Le 4 mars 2011, sous la plume de son conseil, M. Y______ a sollicité un délai complémentaire au 31 mars 2011.

21) Par décision du 15 juin 2011 relative à la taxation 2008 des époux XY______, l'AFC-GE a décidé de ramener le bénéfice réalisé sur la vente immobilière du 31 octobre 2008 à CHF 401'460.- et d'imposer le bénéfice réalisé sur la vente immobilière du 28 octobre 2008, soit CHF 593'459,56 (CHF 1'192'000.- - CHF 7'713,15 x 77.6). Elle rappelait qu'elle avait déjà remboursé le montant de CHF 46'440,40, versé préalablement au titre de l'IBGI. Un nouveau bordereau de taxation rectificatif comprenant ces montants était joint.

En l'occurrence, la vente des lots 4.01 et 5.01 de la PPE sise à Bernex ayant été réalisée après réunion de différentes parcelles, viabilisation de celles-ci et transformation du bien en PPE de douze appartements, l'opération devait être considérée comme professionnelle. A teneur des critères jurisprudentiels, il ne pouvait s'agir d'une simple administration de la fortune privée mais d'une activité lucrative indépendante.

Parmi les avis de taxation notifiés, un nouveau document intitulé « élément de l'activité indépendante D » retenait un montant de CHF 593'460.- au titre de produits d'exploitation correspondant au bénéfice de la vente immobilière du 28 octobre 2008.

22) Par acte du 14 juillet 2011, les époux XY______ ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée. Ils ont conclu à l'annulation des chiffres 3 et 3.1 de celle-ci en tant qu'elle rectifiait en leur défaveur la taxation du 10 mars 2010, à sa confirmation pour le surplus, ainsi qu'à l'allocation d'une indemnité de procédure.

Préalablement à la première taxation 2008, soit celle du 10 février 2010, lors d'un entretien téléphonique, l'AFC-GE avait confirmé à M. Y______ que la vente immobilière du 28 octobre 2008 serait considérée comme de la gestion privée puisque l'objet correspondait à son ancien domicile privé. Selon la première taxation de l'exercice 2008, seule la vente immobilière du 31 octobre 2008 avait été prise en considération comme gestion commerciale de la fortune, celle du 28 octobre 2008 ayant été admise comme gestion de la fortune privée. Cette imposition confirmait la promesse de l'AFC-GE de traiter la vente immobilière du 28 octobre 2008, soit celle de l'appartement qui constituait le domicile privé des contribuables, comme de la gestion privée. En violation du principe de la bonne foi selon l'art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), l'AFC-GE avait décidé d'une nouvelle taxation en leur défaveur. Le courrier du 8 mars 2010 de M. Y______ visait à apporter un complément d'information et non pas à élever réclamation contre leur taxation. L'AFC-GE n'avait pas critiqué leur déclaration fiscale, ni motivé le changement de qualification de la vente immobilière du 28 octobre 2008.

23) Dans sa réponse du 27 mars 2012, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Selon l'autorité intimée, les contribuables ne contestaient pas le bien-fondé de la taxation du bénéfice réalisé sur la vente immobilière du 31 octobre 2008 au titre de revenu d'une activité indépendante. S'agissant de la vente immobilière du 28 octobre 2008, ils se prévalaient d'une violation du principe de la bonne foi, faute pour l'AFC-GE d'avoir taxé cette vente sous l'angle de l'IBGI, conformément à sa promesse. Aucun document témoignant de l'engagement pris par l'AFC-GE n'avait été produit. Les renseignements donnés lors d'une demande faite téléphoniquement par la contribuable n'étaient pas de nature à engager l'AFC-GE. En ces circonstances et conformément à la jurisprudence, les explications données au sujet de la promesse alléguée ne pouvaient être prises en considération. Même à supposer que l'AFC-GE aurait pris l'engagement de taxer différemment les contribuables sur la vente immobilière du 28 octobre 2008, ceux-ci ne pouvaient pas prétendre ignorer l'inexactitude de ce renseignement, vu la teneur du courrier du 20 octobre 2008 du notaire des époux BC______. Le fait que les contribuables aient habité jusqu'en 2006 dans la ferme où s'élevait en lieu et place une PPE était insuffisant pour permettre de considérer que la vente de l'un des appartements de cet ensemble, le 28 octobre 2008, relevait de la gestion de fortune privée, alors que celle des autres appartements relèverait d'une activité professionnelle. Le contribuable n'avait pas mentionné les mesures qu'il avait prises en fonction de l'éventuel engagement de l'AFC-GE allégué, ni le préjudice qu'il en subirait en cas contraire. Le contribuable habitait depuis septembre 2006 dans le canton de Fribourg, de sorte que l'hypothèse d'un choix de vendre l'appartement de son ancien domicile pour bénéficier des dispositions de l'IBGI pouvait être écartée. Quelle que soit leur imposition, les deux ventes immobilières du mois d'octobre 2008 auraient été conclues de la même manière. Les conditions d'application du principe de la bonne foi n'étaient pas réalisées. L'AFC-GE était en droit de réexaminer l'intégralité de la taxation des contribuables en leur défaveur, à l'occasion de leur réclamation du 8 mars 2010, selon les art. 42 et 43 al. 1 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17).

24) Par jugement du 1er octobre 2012, le TAPI a rejeté le recours des époux XY______ contre la décision précitée.

En substance, les recourants n'avaient fourni aucune preuve d'un engagement de l'AFC-GE pris lors d'un entretien téléphonique concernant la vente immobilière du 28 octobre 2008. A cet égard, la lettre de l'AFC-GE du 28 octobre 2008 n'apportait aucune précision. L'existence d'une promesse de l'administration n'était pas établie, de sorte que le principe de la bonne foi ne pouvait être appliqué in casu.

25) Le 26 octobre 2012, sous la plume de son conseil, M. Y______ a demandé au notaire des époux BC______ les motifs qui l'avaient conduit dans la déclaration relative à l'IBGI à qualifier M. Y______ de professionnel de l'immobilier.

26) Le 31 octobre 2012, le notaire susvisé a confirmé avoir été mandaté par les époux BC______ pour instrumenter la vente immobilière du 28 octobre 2008 avec M. Y______. Le notaire de ce dernier lui avait également indiqué par courrier du 11 décembre 2007 que « cette opération entrait dans le cadre d'une promotion immobilière, ce qui signifiait sans équivoque que [le contribuable] agissait à titre professionnel ».

27) Par acte du 9 novembre 2012, les époux XY______ ont recouru contre le jugement précité auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Ils ont conclu à l'annulation de celui-ci et des chiffres 3 et 3.1 de la décision du 15 juin 2011 en tant qu'elle rectifie en leur défaveur la taxation du 10 mars 2010, et à sa confirmation pour le surplus, « sous suite de frais et dépens ».

Considérer que le principe de la bonne foi ne s'appliquait en droit fiscal que lorsque la promesse de l'autorité était conforme au droit lui enlevait toute portée. Le jugement entrepris omettait de prendre en considération certains éléments de preuve, dont la note manuscrite figurant sur le courrier du notaire du 20 octobre 2008, apposée par un membre de l'AFC-GE. Celle-ci, mise en relation avec le courrier du 28 octobre 2008 de l'AFC-GE, confirmait que la vente immobilière du 28 octobre 2008 n'était pas considérée comme une opération commerciale. La rectification de l'AFC-GE de sa taxation initiale de la vente visée comme gestion de la fortune privée accréditait l'existence d'une promesse de sa part. Les cinq autres conditions nécessaires à l'application du principe de la bonne foi étaient également réalisées. Il était logique que la vente du domicile privé du recourant devait être taxée en tant que gestion de sa fortune privée. Il s'était fié aux renseignements de l'AFC-GE pour le calcul de son budget et subissait un préjudice certain du fait de la taxation en sa défaveur. Aucun changement législatif n'était intervenu entre les deux taxations.

28) Le 23 novembre 2012, le TAPI a informé la chambre administrative qu'il n'avait pas d'observation à formuler.

29) Dans sa réponse du 10 décembre 2012, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Elle persistait dans ses précédents arguments. Pour le surplus, elle précisait que, contrairement aux allégations des recourants, ceux-ci avaient connaissance du courrier du notaire du 20 octobre 2008. Les conclusions qu'ils en tiraient étaient infondées. Le refus de les dispenser de la consignation du montant de l'impôt dans le cadre de la vente immobilière du 28 octobre 2008 ne constituait pas une indication du statut d'imposition du bénéfice immobilier considéré, tel que mentionné à l'art. 86A LCP. Les inscriptions manuscrites figurant sur cette pièce ne témoignaient nullement d'un engagement pris par l'AFC-GE auprès des recourants de taxer la vente immobilière du 28 octobre 2008 sur la base des dispositions de l'IBGI. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le droit fiscal était une matière qui restait dominée par le principe de la légalité. Les contribuables n'avaient pas donné suite au courrier recommandé du 2 février 2011 les invitant à se déterminer.

30) Le 13 janvier 2013, un délai au 16 janvier 2013 a été accordé aux parties pour formuler toute requête complémentaire.

31) Sur requête des recourants, une audience de comparution personnelle des parties a eu lieu le 25 février 2013.

a. Selon M. Y______, son courrier à l'AFC-GE daté du 12 décembre 2009 avait en réalité été rédigé et envoyé le 8 mars 2010. Il n'avait déclaré aucune vente en 2008 dans sa déclaration fiscale. Après avoir constaté l'imposition du bénéfice réalisé sur la vente immobilière du 31 octobre 2008 à réception du bordereau de taxation du 10 février 2010, il avait contacté l'AFC-GE. Lors de cet entretien téléphonique, un employé de l'AFC-GE lui avait indiqué que la vente du premier appartement était considérée comme une aliénation d'un bien privé, ce qui n'était pas le cas pour la vente du second immeuble. Le recourant avait également précisé que les montants communiqués, auparavant concernant la totalité de la construction, ne représentaient pas les chiffres définitifs. Dans son courrier du 8 mars 2010, il avait transmis lesdits chiffres relatifs à la vente taxée aux fins de correction. Il n'était pas dans son intention d'élever réclamation contre le bordereau fiscal du 10 février 2010. Concernant l'opération immobilière litigieuse, il avait hérité des immeubles concernés. Après avoir procédé à une rénovation de ceux-ci et à la construction de onze logements supplémentaires, il avait décidé d'en vendre quelques-uns et de louer les autres. Il avait l'intention de s'installer ailleurs. Il avait vendu quatre unités d'habitation, dont la maison familiale. La totalité des travaux effectués avait été financée par un emprunt. Ses fonds propres étaient constitués par les biens immobiliers. Il était surpris du changement d'imposition de la première vente par l'AFC-GE.

b. Selon la représentante de l'AFC-GE, le bordereau de taxation rectificatif du 10 mars 2010 reprenait le montant de CHF 415'904.- indiqué comme bénéfice et dont le contribuable demandait la prise en considération dans son courrier reçu le 8 mars 2010. Le bordereau précité avait dû être envoyé avant le 10 mars 2010. Selon sa pratique, l'AFC-GE mentionnait sur le bordereau la date à laquelle le contribuable était censé recevoir ce document. La décision de l'AFC-GE de ne pas considérer les aliénations des unités d'habitation comme des actes de gestion privée résultait de l'importance des travaux entrepris. En outre, les deux ventes immobilières étaient concomitantes, de sorte qu'elles ne pouvaient être considérées différemment. Il n'y avait aucune activité commerciale sur ces biens.

A l'issue de l'audience, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Il s'agit de déterminer si l'autorité fiscale intimée était en droit de procéder le 15 juin 2011 à une reformatio in pejus de l'imposition des recourants découlant des taxations des 10 février et 10 mars 2010, en taxant le bénéfice réalisé lors de la vente d'un appartement, le 28 octobre 2008.

3) En matière cantonale, le département procède à la taxation des impôts sur la base de la déclaration d'impôt et des justificatifs déposés par le contribuable, ainsi que des contrôles et investigations effectués (art. 36 al. 1 LPFisc).

La décision de taxation doit fixer les éléments imposables, les éléments déterminants pour le taux d'imposition, le montant de l'impôt et, le cas échéant, la période pour laquelle l'impôt est prélevé (art. 36 al. 2 LPFisc).

Aux termes de l'art. 39 LPFisc, le contribuable peut adresser au département une réclamation écrite contre la décision d'assujettissement ou de taxation, dans les trente jours qui suivent sa notification (al. 1) ; le contribuable qui a été taxé d'office peut déposer une réclamation contre cette taxation uniquement pour le motif qu'elle est manifestement inexacte ; la réclamation doit être motivée et indiquer, le cas échéant, les moyens de preuve (al. 2).

La procédure de réclamation a effet suspensif. Dès lors qu'une décision fiscale est susceptible d'être attaquée par un moyen de droit ordinaire, elle n'entre pas en force (X. OBERSON, Droit fiscal, 2012, n° 38 p. 538 et 559).

L'administration jouit des mêmes compétences dans la procédure de réclamation que dans celle de taxation (art. 42 al. 1 LPFisc). Elle peut déterminer à nouveau tous les éléments de l'impôt et, après avoir entendu le contribuable, également modifier la taxation au désavantage de celui-ci (art. 43 al. 1 LPFisc). Il en est de même des juridictions de recours (art. 50 al. 2 et 54 LPFisc).

4) En l'espèce, les recourants ont élevé réclamation contre le premier bordereau de taxation notifié le 10 février 2010. Ce dernier n'est donc pas entré en force. Celui adressé le 10 mars 2010 ne visait qu'à comptabiliser un dégrèvement en raison de la répartition intercantonale due au changement de domicile des contribuables, sans prendre en considération le courrier reçu le 8 mars 2010 par l'AFC-GE. L'administration a ainsi modifié la taxation ICC 2008 des contribuables dans le cadre d'une procédure de réclamation contre le bordereau communiqué le 10 février 2010. Le 11 février 2011, les recourants ont été informés de l'intention de l'AFC-GE de rectifier en leur défaveur leur imposition en tenant compte du bénéfice réalisé sur la vente immobilière du 28 octobre 2008. Un délai leur a alors été imparti afin de faire valoir leur point de vue à ce sujet. La procédure a donc été respectée.

5) Dans ces circonstances, il s'agit de déterminer si l'AFC-GE pouvait effectivement taxer le bénéfice réalisé sur la vente immobilière du 28 octobre 2008, c'est-à-dire le considérer comme un revenu de l'activité indépendante.

6) Le 1er janvier 2010 est entrée en vigueur la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), dont l'art. 69 abroge les cinq anciennes lois sur l'imposition des personnes physiques (aLIPP I à V), en particulier la loi sur l'imposition des personnes physiques - Impôt sur le revenu (revenu imposable) du 22 septembre 2000 (aLIPP-IV).

L'art. 72 al. 1 LIPP dispose que cette loi s'applique pour la première fois pour les impôts de la période fiscale 2010, et que les impôts relatifs aux périodes fiscales antérieures demeurent régis par les dispositions de l'ancien droit, même après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

En l'espèce, le recours concerne la période fiscale 2008. Il s'ensuit que la présente cause est régie par les dispositions de l'ancien droit, dans leur teneur de 2008, année de la taxation litigieuse.

7) Selon l'art. 3 al. 2 aLIPP-IV, les bénéfices en capital provenant de l'aliénation, de la réalisation, de la réévaluation comptable ou du transfert dans la fortune privée ou dans une entreprise ou un établissement stable sis à l'étranger d'éléments de la fortune commerciale font partie du produit de l'activité lucrative indépendante. Un tel produit est taxé au titre de l'impôt sur le revenu (art. 3 al. 1 aLIPP-IV).

En revanche, les gains en capital réalisés lors de l'aliénation d'éléments de la fortune privée sont exonérés de l'impôt, les règles sur l'imposition des gains immobiliers étant réservée (art. 10 let. i aLIPP-IV).

8) La fortune commerciale comprend tous les éléments de fortune qui servent entièrement ou de manière prépondérante à l'activité indépendante (art. 3 al. 3 aLIPP-IV).

Outre les biens directement affectés à l'exercice de l'activité commerciale (immeubles utilisés comme bureaux, fonds de commerce, etc.), sont considérées comme relevant d'une activité lucrative indépendante, les opérations (et notamment les ventes) portant sur des éléments de la fortune, en particulier sur des titres et des immeubles, dans la mesure où elles dépassent la simple administration de la fortune (art. 3 al. 1 aLIPP-IV).

9) D'ordinaire, l'analyse de ces critères s'opère en relation avec l'activité du contribuable lui-même.

La situation est toutefois différente lorsque les biens litigieux ont passé dans son patrimoine par la voie successorale.

10) a. En effet, au moment d'un décès, si des immeubles appartiennent à la fortune commerciale du de cujus, ils conservent leur caractère commercial, en application du principe de la rémanence, tant et aussi longtemps que le patrimoine commercial n'est pas liquidé, opération qui implique un décompte fiscal - dans le calcul de l'impôt sur le revenu - des réserves latentes existantes sur les immeubles concernés. Si le patrimoine commercial n'est pas liquidé par la succession et que l'activité commerciale liée à la vente et à la gestion des immeubles est reprise par un successeur du défunt, la vente ultérieure des immeubles est taxée comme produit de l'activité indépendante de celui-ci (art. 3 al. 1 à 3 aLIPP-IV).

b. Si ces mêmes immeubles relèvent de la fortune privée du de cujus, ils conservent ce statut dans le patrimoine des héritiers (sauf si ceux-ci décident d'exercer ensuite une activité professionnelle dans la vente et la gestion de ces immeubles). Leur aliénation ultérieure n'est alors pas soumise à l'impôt sur le revenu dans la personne des héritiers, mais uniquement à celui sur les gains immobiliers (art. 3 al. 1 à 3 a contrario aLIPP-IV et 80 LCP).

11) La « gestion commerciale (c'est-à-dire la présence d'un ou de plusieurs des critères admis par la jurisprudence) d'immeubles qui, au départ, pouvaient apparaître comme faisant partie de la fortune privée du contribuable confère un caractère commercial à l'ensemble de l'opération dont le produit devient imposable. C'est évidemment au moment où est réalisée l'opération imposable qu'intervient sa qualification » (ASA 67 97 ss ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_834/2012 du 19 avril 2013 ; ATA/331/2013 du 28 mai 2013 consid. 3 ss ; ATA/117/2012 du 28 février 2012).

12) En l'espèce, il ressort du dossier que les notaires ayant participé ou instrumenté la vente immobilière du 28 octobre 2008 la considéraient tous deux comme une promotion immobilière, justifiant une dispense de consignation au titre de l'IBGI. Pour eux, il était indubitable que le vendeur agissait à titre professionnel. La totalité des bâtiments existants, dont a hérité le recourant, a été transformée afin d'être comprise dans un ensemble immobilier de douze appartements, constitué en PPE. L'objectif admis était d'en vendre certains et d'en louer d'autres afin d'en tirer des avantages financiers. L'immeuble ayant servi auparavant de domicile aux recourants ne peut donc plus être déterminé en tant que tel aujourd'hui. Ils n'y logent d'ailleurs plus depuis le courant de l'année 2006, date à laquelle ils se sont établis dans le canton de Fribourg. Les recourants ne contestent pas non plus le caractère commercial de la promotion immobilière réalisée. En effet, seul le montant comptabilisé au titre de bénéfice réalisé sur la seconde vente immobilière du 31 octobre 2008 a été discuté, et non pas l'imposition en tant que telle. Dans ce contexte et vu les principes sus rappelés, chaque vente de parts de la PPE doit être traitée de manière identique, soit comme opération de gestion commerciale.

Dès lors, l'AFC-GE avait la compétence de taxer le bénéfice réalisé sur la vente immobilière du 28 octobre 2008 comme elle l'a fait dans le cadre de la procédure de réclamation contre le bordereau de taxation du 10 février 2010.

13) Les recourants considèrent qu'en procédant de la sorte, l'AFC-GE aurait violé une promesse de considérer l'opération susvisée comme de la gestion de la fortune privée.

14) Selon l'art. 9 Cst., toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'Etat sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi.

Le principe de la bonne foi régit aussi les rapports entre les autorités fiscales et les contribuables ; le droit fiscal est toutefois dominé par le principe de la légalité, de telle sorte que le principe de la bonne foi ne saurait avoir qu'une influence limitée, surtout s'il vient à entrer en conflit avec le principe de la légalité (131 II 627 consid. 6.1 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_99/2010 du 6 septembre 2010 consid. 4.1).

Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition a) que l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, b) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et c) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour d) prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et e) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 137 I 69 consid. 2.5.1 ; 131 II 627 consid. 6.1 ; 129 I 161 consid. 4.1).

En l'occurrence, les recourants font valoir une confirmation orale de l'AFC-GE de ne pas taxer le bénéfice réalisé sur la vente immobilière du 28 octobre 2008, reçue lors d'un entretien téléphonique, précédant la notification du bordereau de taxation du 10 février 2010. Faute de pouvoir démontrer leurs dires, ils allèguent diverses conjectures basées sur leur interprétation des actes de l'intimée. Toutefois, l'AFC-GE a dû relancer à plusieurs reprises les recourants afin d'obtenir l'ensemble des renseignements nécessaires concernant les ventes immobilières des 28 et 31 octobre 2008. Les contribuables ne pouvaient ignorer que leur projet de construction était considéré comme une promotion immobilière, visant un certain rendement. En dépit de leurs allégations, ils n'ont pas saisi l'opportunité de se déterminer sur la reformatio in pejus envisagée. Les éventuelles hésitations de l'AFC-GE à taxer le bénéfice réalisé sur la vente immobilière du 28 octobre 2008 ne sauraient donc être considérées comme une assurance de ne pas le faire. A ce stade, il n'apparaît pas que les recourants aient pu prendre des mesures leur causant un préjudice avant d'avoir obtenu une décision de taxation finale.

Il s'ensuit que les conditions nécessaires à l'application du principe de la bonne foi ne sont pas remplies in casu. Ce grief doit être écarté.

15) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge des recourants, conjointement et solidairement (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 novembre 2012 par Madame X______ et Monsieur Y______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er octobre 2012 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame X______ et Monsieur Y______, conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu'il ne leur est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christine Sayegh, avocate des recourants, à l'administration fiscale cantonale, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :