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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1073/2011

ATA/588/2011 du 19.09.2011 ( DIV ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1073/2011-DIV ATA/588/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 septembre 2011

 

 

dans la cause

 

Monsieur X______

contre

PLENUM DE LA COUR DE JUSTICE

_________


Recours contre la non-allocation d'un poste de juge titulaire à la chambre administrative de la Cour de Justice du 9 mars 2011 et contre la désignation de M. Z______ au poste de juge titulaire à la chambre administrative de la Cour de justice du 15 juin 2011


EN FAIT

1. Une séance plénière de la Cour de justice s’est tenue le 9 mars 2011. Le premier point de l’ordre du jour était l’« élection à la vice-présidence de la chambre administrative (art. 29 LOJ) » et le deuxième point était l’« allocation des postes de juge titulaire (art. 118 LOJ) ». Deux postes de juge titulaire étaient l’objet de l’allocation, à savoir un poste nouvellement créé, réparti en deux demi-postes, l’un à la chambre des prud’hommes et l’autre à la chambre des assurances sociales d’une part, et un poste vacant à la chambre administrative en raison du départ à la retraite d’une magistrate démocrate-chrétienne (ci-après : PDC) d’autre part. Deux juges s’étaient annoncés pour occuper chacun des demi-postes à la chambre des prud’hommes et à la chambre des assurances sociales. Pour sa part, Monsieur X______, élu sous la bannière de l’Alliance de gauche, avait déposé sa candidature au poste à la chambre administrative. Aucun autre candidat ne s’était annoncé.

2. L’allocation des deux demi-postes a eu lieu sans discussion. En revanche, l’allocation du poste vacant à la chambre administrative a eu lieu à bulletin secret, après que la Cour de justice ait débattu des modalités d’application de l’art. 118 al. 2 let. c de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05). Les juges étaient appelés à remplir un bulletin préimprimé avec le nom du magistrat X______ ainsi que deux cases, « oui » ou « non ». Le résultat du premier tour a été quinze bulletins « non », douze bulletins « oui », deux abstentions et un nul. Il n’y a pas eu de second tour.

3. Le 13 mars 2011, M. X______ a adressé un courrier au plenum de la Cour de justice l’informant qu’il interjetait recours contre la décision du plenum du 9 mars 2011. Le recours était joint audit courrier, sous pli scellé. Le recourant priait le plenum de transmettre le recours à l’autorité que celui-ci désignerait. M. X______ demandait, dans l’hypothèse où il s’agirait de la chambre administrative de la Cour de justice, que celle-ci soit composée conformément à l’art. 118 LOJ, aucun magistrat titulaire ne pouvant par ailleurs siéger en raison de sa participation au plenum du 9 mars 2011. Les magistrats titulaires ne pouvaient pas non plus désigner les juges suppléants. Ces derniers, chargés de choisir les personnes appelées à juger, devaient veiller à ne pas désigner des avocats qui apparaissent régulièrement dans des procédures dont le recourant avait la charge.

4. Le recours figurant dans le pli scellé était interjeté auprès de « l’autorité de recours désignée par le plenum de la Cour de justice ». M. X______ concluait à l’annulation de la décision du plenum de la Cour de justice en tant qu’elle ne lui attribuait pas le poste vacant à la chambre administrative ainsi qu’à la constatation qu'il avait été élu tacitement à ce poste dès lors qu’il était le seul à avoir déposé sa candidature dans les délais. Il s’agissait d’une décision administrative au sens de l’art. 4 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). L’élection tacite était la règle en cas de nombre égal de candidats à celui des sièges à pourvoir et cette règle devait s’appliquer en l’occurrence. La règle de l’art. 118 al. 2 let. c LOJ, qui prévoit que la Cour de justice doit tenir compte, pour la chambre administrative, de l’équilibre des sensibilités politiques n’emportait pas la compétence, pour le plenum de la Cour, de se prononcer sur la composition des sensibilités politiques en général ; la Cour de justice devait seulement veiller, lors de l’attribution concrète des postes entre ses membres, au respect de ce critère. La procédure de l’art. 30 LOJ n’était pas applicable.

5. Le 21 mars 2011, la Présidente de la Cour de justice a retourné à M. X______ son courrier du 13 mars 2011 en le priant d’adresser son recours directement à l’autorité qu’il estimerait être compétente.

6. Le 23 mars 2011, M. X______ a réitéré sa demande de voir le plenum de la Cour de justice transmettre son recours à l’autorité qu’il devait désigner. Il appartenait à la Cour de justice d’indiquer les voie et délai de recours contre sa décision. La décision prise oralement n’avait pas été confirmée par écrit.

7. Lors de la séance plénière de la Cour de justice du 13 avril 2011, il a été décidé de transmettre le recours de M. X______ à la chambre administrative. Le recours a été transmis au doyen des juges suppléants de la Cour de justice.

8. Entre les 13 avril et 22 juin 2011, l’instruction de la cause a porté sur la question de la composition de la chambre administrative de même que sur la question de la récusation des juges suppléants désignés pour statuer.

9. Dans le même temps, le 14 avril 2011, le Grand Conseil a élu Monsieur Z______, PDC, en qualité de juge à la Cour de justice en remplacement de Madame A______, avec entrée en fonction le 15 septembre 2011.

10. Le 15 juin 2011, la Cour de justice, réunie en séance plénière, a alloué à M. Z______ le poste à la chambre administrative. Le vote a eu lieu à bulletin secret, les juges étant appelés à remplir un bulletin préimprimé comportant le nom de M. Z______ ainsi que deux cases « oui » ou « non ». M. X______ n’avait pas déposé sa candidature.

11. Par écriture spontanée du 18 juin 2011, M. X______ s’est adressé à la section administrative de la Cour de justice en complément de son recours du 12 mars 2011 (recte : 13 mars). Le recourant concluait à la nullité de l’élection de M. Z______. Une nouvelle élection à la chambre administrative ne pouvait être organisée faute de vacance du poste et le poste ne pouvait pas être attribué à un juge qui n’appartenait pas à cette juridiction.

12. Par décision du 7 juillet 2011, la chambre de céans a rejeté les demandes de récusation de deux des juges suppléants désignés dans la composition de la chambre.

13. Par écriture spontanée du 14 juillet 2011, M. X______ a déclaré ne pas entendre recourir contre la décision de la chambre administrative et accepter la composition de l’autorité chargée de statuer sur son recours.

14. Le plenum de la Cour de justice a répondu aux recours formés par M. X______ en date du 5 août 2011. La chambre administrative de la Cour de justice était seule compétente pour connaître du recours. Seuls les magistrats suppléants de la chambre administrative pouvaient statuer dans la mesure où ils n’avaient pas pris part aux séances plénières relatives à l’allocation du poste vacant à la chambre administrative. L’allocation de poste n’était pas une élection. L’art. 29 LOJ prévoyait une élection uniquement pour le président et le vice-président. La décision d’allouer ou non un poste à un magistrat était une opération de répartition interne des juges titulaires parmi les chambres et donc typiquement un acte d’organisation interne. Sur le fond, le refus d’allouer le poste vacant à M. X______ comme l’attribution du poste à M. Z______ étaient conformes à l’art. 118 al. 2 let. c LOJ. Le plenum concluait à l’irrecevabilité du recours du 14 mars 2011 comme à l’irrecevabilité des conclusions complémentaires du 18 juin 2011, subsidiairement au rejet du recours.

15. M. X______ a répliqué en date du 20 août 2011. La décision du plenum du 9 mars 2011 de ne pas constater son élection tacite à la chambre administrative était une décision administrative sujette à recours. Cette décision violait son droit à se voir « élire/attribuer/allouer » tacitement un poste laissé vacant au sein de la Cour de justice, violait le principe de l’égalité de traitement eu égard à une élection tacite intervenue à l’époque des faits et était arbitraire. C’était à dessein que le plenum avait retenu son appel du 13 mars 2011 afin de permettre l’élection tacite de M. Z______. L’application de l’art. 118 LOJ ne permettait pas au plenum de ne pas constater son élection en l’absence d’un autre candidat.

16. Le plenum a renoncé à dupliquer et la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. La chambre administrative est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 al. 1 LOJ). La compétence comme la composition de la chambre ont fait l’objet d’une décision en force.

2. Selon l’art. 70 al. 1 LPA, l’autorité peut, d’office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

Le premier acte dont est recours est la non-allocation du poste de juge titulaire à la chambre administrative, intervenue le 9 mars 2011. Le recourant a ensuite, le 18 juin 2011, pris des conclusions nouvelles contre l’allocation du poste de juge titulaire à M. Z______ le 15 juin 2011. Considérant qu’il s’agit-là de deux recours distincts, mais relevant du même complexe de fait et soulevant la même question juridique, il convient d’ordonner la jonction des causes et de traiter simultanément ces deux recours sous le numéro de cause A/1073/2011.

3. a. Selon l’art. 132 al. 2 LOJ, le recours à la chambre administrative est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6, al. 1, let. a et e, et 57 LPA. Sont réservées les exceptions prévues par la loi.

b. Selon l’art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions, les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet :

a) de créer, de modifier ou d’annuler des droits ou des obligations ;

b) de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits ;

c) de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations.

c. L’art. 5 LPA désigne les autorités administratives. L’art. 6 LPA désigne les juridictions administratives, et, parmi celles-ci, la chambre administrative de la Cour de justice (art. 6 al. 1 let. b LPA).

En l’espèce, il est admis que la chambre administrative, dans le cadre de ses fonctions autres que juridictionnelles, est appelée à rendre des décisions au sens de l’art. 4 LPA, de sorte que seule prête à discussion la question de savoir si les actes contre lesquels il a été recouru sont des décisions en tant qu’ils ont pour objet de régler la situation juridique du recourant.

4. Selon la jurisprudence consacrée, la décision comme acte juridique a pour objet de régler la situation d’administrés en tant que sujets de droit et donc, à ce titre, distincts de la personne étatique ou, en d’autres termes, extérieurs à l’administration. L’on oppose dans ce contexte la décision à l’acte interne ou d’organisation, qui vise des situations à l’intérieur de l’administration ; l’acte interne peut avoir des effets juridiques mais ce n’en est pas l’objet ; pour ce motif, il n’est en règle générale pas susceptible de recours (ATF 136 I 323 c. 4.4, et les références citées). Deux critères permettent généralement de déterminer si l’on a affaire à une décision ou à un acte interne. D’une part, l’acte interne n’a pas pour objet de régler la situation juridique d’un sujet de droit en tant que tel et, d’autre part, le destinataire en est l’administration elle-même, dans l’exercice de ses tâches (ibid.). En sus des cas de sanctions disciplinaires déguisées, la jurisprudence reconnaît que le déplacement ou la nouvelle affectation d’un fonctionnaire peut, selon les circonstances, constituer une décision, lorsque son objet va au-delà de l’exécution des tâches qui incombent au fonctionnaire dans sa sphère d’activité habituelle ou des instructions qui lui sont données dans l’exercice de ces tâches (ATF 136 I 323 consid. 4.5).

En l’espèce, la question de savoir si ces conditions sont réalisées s’agissant de la non-allocation au recourant du poste de juge titulaire à la chambre administrative, respectivement de l’allocation du poste à M. Z______, peut demeurer ouverte dans la mesure où en toute hypothèse le recours doit être rejeté.

5. a. Aux termes de l’art. 60 let. b LPA, ont qualité pour recourir, toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu’elle soit annulée et modifiée.

b. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 121 II 39 consid. 2 c/aa p. 43 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1A.47/2002 du 16 avril 2002 consid. 3).

En l’espèce, il apparaît douteux que le recourant, qui n’a pas présenté sa candidature pour l’allocation du poste de juge titulaire à la chambre administrative du 15 juin 2011, ait la qualité pour contester l’allocation du poste de juge titulaire à M. Z______ et, partant, la qualité pour recourir dans le second recours. Cette question peut également demeurer ouverte vu l’issue du recours.

6. a. A teneur de l’art. 25 al. 1 LOJ, les juridictions règlent elles-mêmes leur organisation dans les limites de la loi. Siégeant en séance plénière, les tribunaux élisent parmi leurs membres titulaires un président et un vice-président (art. 29 al. 1 LOJ) ; pour la Cour de justice, un vice-président par section est élu (art. 29 al. 2 LOJ). Le président et le vice-président sont élus pour une période de trois ans. Les tâches du président sont énumérées à l’art. 29 al. 4 LOJ ; elles sont dévolues au vice-président en cas d’empêchement (art. 32 al. 1 LOJ) ; le président, notamment, attribue les procédures, veille à ce que les magistrats du tribunal remplissent leur charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité, veille au bon fonctionnement de la juridiction et à l’avancement des procédures et convoque la séance plénière du tribunal (art. 29 al. 4 litt. a à d LOJ). L’art. 30 LOJ règle les modalités des opérations devant être effectuées en séance plénière aux termes de la loi en imposant un quorum (al. 1), en posant le principe de l’élection à bulletin secret (al. 2), en fixant la règle de la majorité absolue puis relative selon les tours des élections (al. 3), en arrêtant que les décisions sont prises à la majorité simple des votants et qu’en cas d’égalité la voix du président est prépondérante (al. 4) et en prévoyant que les magistrats qui exercent une demi-charge comptent comme ceux qui exercent une pleine charge (al. 5).

b. Sous le titre « Allocation des postes », l’art. 118 LOJ a la teneur suivante :

« 1 Siégeant en séance plénière, la Cour de justice alloue aux différentes chambres et à l’autorité de surveillance qui la composent les postes de juge titulaire nécessaires à leur fonctionnement.

2 A cet effet, elle tient compte notamment :

a) de l’expérience acquise dans les juridictions dont la chambre concernée connaît des jugements et décisions ;

b) des compétences particulières dans les branches du droit concernées, sanctionnées notamment par un titre universitaire ou l’expérience professionnelle ;

c) pour la chambre administrative, de l’équilibre des sensibilités politiques. »

Cette disposition figure dans les dispositions générales du Titre VIII de la loi, dédié à la Cour de justice. La Cour de justice est dotée de trente-deux postes de juge titulaire (art. 117 al. 1 LOJ) et est composée de sept chambres et de l’autorité de surveillance (art. 119, 121, 123, 127, 129, 131, 133 et 125 LOJ).

c. L’élection du président et des vice-présidents de la Cour de justice selon l’art. 29 LOJ, d’une part, et l’allocation des postes aux différentes chambres qui la composent selon l’art. 118 LOJ, d’autre part, sont des actes de fonction et de nature différente. L’élection au poste de président ou vice-président a pour objet de confier à un, respectivement plusieurs magistrats, la responsabilité de la conduite de la Cour, respectivement de sa chambre. Il s’agit d’une fonction qui s’ajoute aux tâches usuelles du magistrat et qui emporte, notamment, l’exercice d’un pouvoir que les autres magistrats de la juridiction n’ont pas. Inversément, l’allocation des postes au sein de la Cour de justice est une mesure d’organisation interne qui a pour objet la répartition des postes des différentes chambres de la Cour entre magistrats élus. Contrairement à l’art. 29 LOJ, l’art. 118 LOJ ne désigne pas cette opération comme une élection. Cette disposition impose uniquement que l’allocation des postes se fasse en séance plénière. Cette distinction entre élections et autres décisions prises en séance plénière se retrouve dans la lettre de l’art. 30 LOJ, qui règle la procédure applicable à l’ensemble des opérations devant être exécutées en séance plénière : les élections, qui se tiennent à bulletin secret (al. 2), doivent respecter le principe de la majorité absolue au premier tour et de la majorité relative au second tour (al. 3) ; en revanche, les décisions sont prises à la majorité des votants, avec au besoin prépondérance de la voix présidentielle (al. 4). Il ressort donc du texte clair de la loi, comme de la systématique de celle-ci, que l’allocation des postes entre les diverses chambres de la Cour de justice n’est pas une élection, contrairement à ce que prétend le recourant.

Pour ce motif, il n’y a en tout état de cause pas lieu de s’interroger sur la question de savoir si les règles relatives à l’élection tacite peuvent être transposées aux élections au sein des juridictions genevoises, car la non-allocation au recourant du poste de juge titulaire à la chambre administrative et l’allocation du même poste à M. Z______ ne constituent pas des élections au sens de la loi.

Au surplus, le fait que les procédures d’allocation des postes des 9 mars et 15 juin 2011 se soient tenues à bulletin secret n’a pas pour effet d’en transformer la nature juridique. L’art. 30 al. 4 LOJ impose seulement que les décisions soient prises à la majorité simple des votants. L’utilisation d’un vote secret ressortit à la liberté organisationnelle de la Cour et n’est contraire à aucune disposition de la LOJ. De même, le fait que l’annonce que l’allocation du poste du 9 mars 2011 se déroulerait en deux tours – ce qui n’a finalement pas été le cas – n’a pas pour effet de modifier l’analyse ci-dessus.

d. Cette situation existant dans la LOJ n’est pas une particularité genevoise qui aboutirait à un résultat insoutenable. Au contraire, il est reconnu aux juridictions cantonales comme au Tribunal fédéral une grande indépendance dans leur organisation. Cette indépendance s’exprime, pour chaque juridiction, par la manifestation de sa volonté en séance plénière. Cette volonté de la juridiction, s’agissant tout particulièrement de l’allocation des postes en son sein, l’emporte sur la volonté individuelle du juge de pouvoir occuper un poste déterminé dans une chambre plutôt qu’une autre (E. POLTIER, L’organisation et le fonctionnement interne de l’ordre judiciaire et des tribunaux, in PJA 2011 p. 1018/1033). Pour cet auteur, l’affectation des juges aux différentes chambres composant le tribunal est un acte important qui s’impose au juge quand bien même cela ne correspondrait ni à sa spécialisation professionnelle, ni à ses vœux. Il en découle que l’adéquation imparfaite entre la phase d’élection et l’attribution d’un nouvel élu à une chambre doit être tolérée au nom de l’indépendance organisationnelle appartenant à la juridiction (ibid.).

e. Au demeurant, une telle procédure ne met pas en péril la saine mise en œuvre de l’art. 118 al. 2 let. c LOJ. Au contraire, elle sert à en assurer le respect. En effet, c’est à la Cour siégeant en séance plénière qu’il appartient, en vertu de cette disposition, de tenir compte de l’équilibre des sensibilités politiques. Le système de l’élection tacite préconisé par le recourant n’est pas compatible avec la mise en œuvre de cette disposition puisqu’il pourrait mener à imposer un candidat à une chambre lorsque celui-ci est seul en lice. Pour veiller au respect de l’art. 118 al. 2 let. c LOJ, il importe que le plenum dispose d’un pouvoir complet de désignation et ne se retrouve pas contraint à prendre acte d’une attribution de poste tacite. L’art. 118 al. 2 let. c LOJ ne contraint pas plus la Cour à veiller à ce qu’un nombre suffisant de candidats se présente afin de disposer d’un vrai choix lors de la procédure d’allocation des postes, contrairement à ce que semble soutenir le recourant. Enfin, le soin de tenir compte de l’équilibre des sensibilités politiques au sein de la chambre administrative est une tâche que le législateur a, lors de la réforme de la justice emportant intégration du Tribunal administratif à la Cour, confiée au plenum de la Cour.

En l’espèce, en n’allouant pas le poste de juge titulaire à la chambre administrative au recourant comme en l’allouant ultérieurement à M. Z______, la chambre a, après avoir débattu de la question de la mise en œuvre de l’art. 118 al. 2 let. c LOJ, procédé souverainement et considéré qu’il s’agissait de remplacer une magistrate sortante par un magistrat de même sensibilité politique. Ce faisant, elle a agi conformément à l’art. 118 al. 1 let. c LOJ.

7. Le recourant invoque le grief d’inégalité de traitement en se prévalant du fait que l’allocation de deux demi-postes à la chambre des prud’hommes respectivement à la chambre des assurances sociales a été faite tacitement.

Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire les distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente (ATF 131 I 1 consid. 4.2).

En l’espèce, les situations ne peuvent pas être considérées comme étant semblables. L’allocation des deux demi-charges à la chambre des prud’hommes et à la chambre des assurances sociales ne sont en effet pas soumises à l’obligation de respecter l’équilibre des sensibilités politiques. Or, il ressort du procès-verbal de la séance plénière du 9 mars 2011 que c’est en raison de l’obligation pour la Cour de procéder désormais avec la cautèle de l’art. 118 al. 2 let. c LOJ pour la composition de la chambre administrative que la procédure de vote a été mise en place.

En outre, comme cela a été exposé dans le considérant 6.c), l’allocation des postes au sens de l’art. 118 LOJ n’est pas une élection. Partant, l’allocation des deux demi-postes sans discussion ne saurait être une élection tacite, comme le prétend le recourant, mais bien une attribution à l’unanimité des voix. Si même la Cour n’avait pas considéré cette attribution comme telle, le recourant ne peut pas s’en prévaloir dans la mesure où, selon la jurisprudence, la violation du principe de l’égalité de traitement ne peut pas être invoquée lorsque la loi est correctement appliquée (ATF 127 II 113 consid. 9a), étant précisé que le juge présume, dans le silence de l’autorité, que celle-ci se conformera au jugement qu’il aura rendu quant à l’interprétation correcte de la règle en cause (Arrêt du Tribunal fédéral 2C.721/2007 du 15 avril 2008 consid. 3.1).

Pour ces motifs, il convient de rejeter le grief de violation du principe de l’égalité de traitement.

8. En résumé, les actes contestés sont bien des allocations de poste, non des élections vu que le recourant ne prétend pas au titre de président ou de vice-président de la Cour de justice, respectivement que M. Z______ n’a pas été élu à un tel poste. Pour une allocation de poste conformément à l’art. 118 LOJ, les règles en matière d’élection tacite ne peuvent pas s’appliquer, au risque de vider de sa substance cette disposition légale, notamment la lettre c de son alinéa 2. Partant, le recourant n’a pas le droit à l’allocation du poste qu’il convoite et doit donc se laisser opposer la non-allocation du poste de juge titulaire à la chambre administrative du 9 mars 2011. Par voie de conséquence, le second recours, en tant qu’il remet en cause l’allocation à M. Z______ du poste de juge titulaire à la chambre administrative le 15 juin 2011, devient sans objet.

Pour tous ces motifs, les recours doivent être rejetés.

9. Un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, en tant qu’il est recevable, le recours interjeté le 13 mars 2011 par Monsieur X______ contre la non-allocation du poste de juge titulaire à la chambre administrative de la Cour de justice, par la Cour de justice réunie en séance plénière le 9 mars 2011 ;

rejette, en tant qu’il est recevable, le recours interjeté le 18 juin 2011 par Monsieur X______ contre la désignation de Monsieur Z______ au poste de juge titulaire à la chambre administrative de la Cour de justice, par la Cour de justice réunie en séance plénière le 15 juin 2011 ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge de Monsieur X______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur X______ et au plenum de la Cour de Justice.

Siégeants : M. Bonard, président, MM. Torello, Bellanger et Hottelier, Mme Chirazi, juges suppléants.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Derpich

 

le président siégeant :

 

 

Y. Bonard

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :