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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/28/2005

ATA/577/2005 du 30.08.2005 ( TPE ) , REJETE

Parties : FONTANET, JEANDIN, HORNUNG ET JEANNERET, FONTANET Bénédict, JEANDIN Nicolas, HORNUNG Douglas, JEANNERET Yvan / COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS, DEPARTEMENT DE L'AMENAGEMENT, DE L'EQUIPEMENT ET DU LOGEMENT, DEPARTEMENT DE L'INTERIEUR, AGRICULTURE ET DE L'ENVIRONNEMENT, KEAT SA
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/28/2005-TPE ATA/577/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 30 août 2005

 

dans la cause

 

Monsieur Guy FONTANET

Monsieur Bénédict FONTANET

Monsieur Nicolas JEANDIN

Monsieur Douglas HORNUNG

Monsieur Yvan JEANNERET
représentés par Me Bénédict Fontanet, avocat

 

contre

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIèRE DE CONSTRUCTIONS

 

et

DéPARTEMENT DE L'AMéNAGEMENT, DE L'éQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

 


et

 

DéPARTEMENT DE L’INTéRIEUR, DE L’AGRICULTURE ET DE L’ENVIRONNEMENT

 

et

 

KEAT S.A.
représentée par Me Dominique Burger, avocate


1. Keat S.A. est propriétaire des immeubles sis sur les parcelles 4596, 4598, 4602, 4603, 4604, 6914, 6925, 6926, 6742, feuille 23, de la commune de Genève-Cité, aux nos 80-82-84, rue du Rhône. Ces parcelles sont situées en première zone de construction au sens de l'article 19, alinéa 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30).

Les bâtiments forment un ensemble, inséré dans un bloc d’immeubles compris entre la rue du Rhône, la rue Neuve-du-Molard, la rue Robert-Céard et la place Longemalle. Deux passages publics parallèles traversent les immeubles au niveau du rez-de-chaussée et relient la rue du Rhône à la rue Neuve-du-Molard.

Les bâtiments forment un tout au niveau du rez-de-chaussée et de l’entresol. Au-delà, seule une partie de l’espace a été construit. Le n° 84 est formé de deux corps de bâtiment de six étages côté rue Neuve-du Molard et de six étages plus un attique côté rue du Rhône, reliés par une cage d’escalier commune. Le n° 80 comprend six étages et un attique et partage une façade avec le n° 84, donnant sur la rue du Rhône. Quant au no 82, qui se trouve derrière le n° 80, il comprend six étages et aucune de ses façades ne donne sur rue.

Les étages supérieurs ont été érigés par immeuble, laissant vides certains espaces. Ainsi, une cour intérieure rectangulaire s’étend entre les bâtiments à hauteur du 1er étage. La cour est bordée au nord et au sud, respectivement par les façades des nos  80 et 82 et à l’est, par la cage d’escalier du n° 84. A l’ouest, la cour rejoint un petit espace vide perpendiculaire ménagé entre les bâtiments mitoyens aux nos 80 et 82. Il existe également une petite courette carrée entre les nos 82 et 84.

Les entrées des nos 82 et 84 se trouvent respectivement dans l’un et l’autre des passages publics et celle du n° 80 dans un troisième passage transversal, reliant les deux autres.

Ces bâtiments ont été conçus en 1963 avec des façades vitrées et un système de climatisation intégré dans les façades. Les surfaces du rez-de-chaussée et de l’entresol sont entièrement occupées par les passages publics, des commerces et des restaurants. Les étages supérieurs sont occupés par des bureaux.

2. Par demande définitive du 26 janvier 2004, enregistrée sous DD 98’989-1 le 10 février 2004, auprès du département de l’aménagement, de l’équipement et du logement (ci-après : le DAEL), la société propriétaire a sollicité la délivrance d’une autorisation de construire portant sur la réfection totale des façades, la modernisation des installations thermiques et de protection incendie, des ascenseurs et des cages d’escaliers ainsi que sur une installation de climatisation et des constructions sur une partie de la cour visant à créer des locaux commerciaux supplémentaires d’environ 1'500 m2 de surface brute totale. Le projet prévoyait la suppression de la cage d’escalier du no 82, la démolition et reconstruction de la cage d’escalier du no 84 et la surélévation d’une partie du bâtiment du no 84 (attique).

Un rapport intitulé « concept énergétique » ainsi qu’un rapport de sécurité incendie, établis par le bureau Amstein et Walthert S.A., étaient joints à la requête.

Un exemplaire des plans déposés était visé par l’office cantonal d’inspection et des relations de travail (OCIRT) le 21 janvier 2004.

3. Le DAEL a ensuite soumis la demande pour préavis aux différentes instances concernées :

- le 3 mars 2004, le service sécurité-salubrité du département a rendu un préavis favorable avec renvoi aux mesures de prévention et sécurité incendie définies dans le rapport établi le 20 janvier 2004 par le bureau Amstein et Walthert S.A.;

- le 3 mars 2004, le service cantonal de la planification de l’eau a préavisé favorablement le projet ;

- le 9 mars 2004, après qu’une délégation ait effectué une visite des lieux, la commission d’architecture a demandé que des modifications soient apportées au projet, s’agissant de la construction sur cour, afin de ne pas prétériter l’éclairage des locaux actuels et des immeubles voisins. Une nouvelle variante du projet ayant été déposée, la commission d’architecture n’a plus émis d’objection sous réserve de la sauvegarde de l’éclairage naturel de la cage d’escalier (préavis du 6 avril 2004). Suite au dépôt d’un projet modifié (no 4) le 13 avril 2004, la commission d’architecture n’a plus émis d’objection dans son préavis du 20 avril 2004 ;

- le 30 mars 2004, la Ville de Genève a rendu son préavis, sans objection. Les transformations envisagées ne modifiaient pas l’aspect actuel du rez-de-chaussée. Une solution astucieuse avait été trouvée qui améliorait nettement les conditions de travail du personnel et l’aspect général des locaux. Une surface de 15% de la surface brute de plancher était récupérée sur l’espace de la courette centrale des bâtiments des nos 80 et 82. La requête était conforme au règlement du plan d’utilisation du sol (PUS) ;

- le 15 juin 2004, l’inspection des chantiers du service de la police des constructions a rendu un préavis favorable, en réservant certaines conditions précises, s’agissant du déroulement du chantier et de la sécurité des occupants.

4. a. Le 22 juin 2004, le DAEL a délivré l’autorisation de construire sollicitée en y intégrant les diverses conditions figurant dans les préavis recueillis (DD 98989-1).

b. Le même jour, le département de l’intérieur, de l’agriculture et de l’environnement (ci-après : le DIAE) a délivré l’autorisation énergétique (no 04/16) pour l’installation de climatisation sous condition résolutoire de l’obtention d’une détermination positive du service cantonal de la protection contre le bruit et les rayonnements non ionisants.

Lesdites autorisations ont été publiées dans la Feuille d’avis officielle (FAO) du 25 juin 2004.

5. Par acte du 26 juillet 2004, Messieurs Guy et Bénédict Fontanet, Nicolas Jeandin, Douglas Hornung et Yvan Jeanneret (ci-après : MM. Fontanet et associés) ont recouru contre les deux autorisations précitées auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : commission de recours). Ils étaient locataires depuis de nombreuses années de locaux commerciaux aux 1er, 3ème, 5ème et 6ème étages de l’immeuble n° 84, rue du Rhône qui abritaient leur étude d’avocats.

Le projet envisagé ne corrigeait pas certaines non-conformités du bâtiment à la législation applicable en ce qui concernait la ventilation et les odeurs. La construction prévue au-dessus de la cour couverte ne pouvait être autorisée à teneur du droit en vigueur. Enfin, la réalisation de ce chantier de grande ampleur ne permettait pas de garantir la sécurité du personnel et des clients de l’étude.

6. Le 30 septembre 2004, la société propriétaire a conclu au rejet du recours. Elle précisait, par ailleurs, que MM. Fontanet et associés plaidaient contre leur bailleur au Tribunal des baux et loyers en diminution de loyer pour défauts de la chose louée et validation d’une consignation de loyer de plus d’un demi-million de francs.

7. Le 24 novembre 2004, la commission de recours a confirmé l’autorisation de construire et l’autorisation d’installation d’une climatisation.

Le recours contre cette dernière décision n’ayant pas été motivé, il était rejeté d’emblée. S’agissant de l’autorisation de construire, tous les préavis étaient positifs ou sans observation. Le système de ventilation était conforme à la législation. Concernant l’éclairage, la solution retenue avait été jugée astucieuse par la commune et améliorait sensiblement la situation. Le dernier exemplaire des plans (n° 4) avait à nouveau été approuvé par l’OCIRT en septembre 2004, en cours d’instance. La sécurité des locataires était assurée par les conditions relatives à l’exécution du chantier dont la surveillance était du ressort du service de l’inspection du chantier. A cet égard, à teneur de la jurisprudence, l’article 14 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) ne s’appliquait pas aux inconvénients temporaires découlant de l’exécution d’un chantier. Les recourants étaient condamnés à un émolument de CHF 1'000.- et au versement à la société propriétaire intimée d’une indemnité de procédure de CHF 1'000.-.

8. Le 6 janvier 2005, MM. Fontanet et associés ont recouru au Tribunal administratif contre la décision de la commission de recours en concluant à son annulation et au renvoi du dossier aux départements, ou subsidiairement à la commission de recours pour nouvelles décisions. Une étude devait être ordonnée, démontrant l’absence de danger pour la sécurité et la santé des occupants quant à la présence d’amiante dans le bâtiment. Ils concluaient également à la suppression de l’indemnité à laquelle ils avaient été condamnés par la commission de recours, leur recours n’étant pas infondé.

La décision de la commission de recours violait leur droit d’être entendu car elle n’était pas suffisamment motivée s’agissant des griefs relatifs aux odeurs et aux problèmes de ventilation, à l’éclairage et à l’obstruction de jours naturels, ainsi qu’à la construction sur cour.

Les recourants ont repris l’argumentation déjà développée devant la commission de recours concernant la non conformité de l’autorisation à la législation applicable. Ils ont également précisé que, s’agissant du problème de ventilation et des odeurs, le débouché des gaines de ventilation devrait être rehaussé sur la toiture des locaux prévus sur la cour des nos 80-82, rue du Rhône, ce qui ne ressortait pas clairement des plans. Les ventilations existantes n’étaient pas conformes à la législation en vigueur et l’autorisation aurait dû imposer un complément au projet en vue de rétablir un système de ventilation conforme. La construction sur cour allait induire des pertes de vues pour les locaux occupés par l’étude et avoir des conséquences sur la ventilation naturelle. Ces aspects n’avaient pas été instruits ni par le département ni par la commission de recours. Des mesures spécifiques auraient dû être mises au point.

Les immeubles avaient été rénovés dans les années 1970 et l’isolation du bâtiment avait été refaite. A cette époque, l’usage massif d’amiante était la règle. En conséquence, une instruction spécifique concernant ce problème aurait dû être ordonnée ; en l’absence de celle-ci, il appartenait au tribunal de renvoyer le dossier au département.

La commission de recours avait jugé leur recours entièrement mal fondé et les avait condamnés au paiement d’un indemnité de CHF 1'000.- en faveur de la société propriétaire. Le projet initial avait été approuvé par l’OCIRT puis, suite aux modifications importantes apportées au projet, cette approbation avait été annulée. Ainsi, les plans finalement approuvés ne comportaient pas de visa de l’OCIRT. Ce n’est qu’après le dépôt du recours que les plans avaient à nouveau été soumis à l’OCIRT qui les avait approuvés en septembre 2004. Par conséquent, le recours ne pouvait être jugé « entièrement mal fondé » et la condamnation au paiement d’une indemnité de procédure par la commission de recours devait être annulée.

9. Le 9 février 2005, le département a déposé ses observations en concluant au rejet du recours.

La question des odeurs et de la ventilation avait été examinée par la commission de recours qui avait estimé que le projet présenté était conforme à la législation étant donné les préavis positifs recueillis. La ventilation directe sur les courettes étant interdite, les mandataires devaient agir dans les règles de l’art. Dans le concept énergétique du projet, le schéma de ventilation indiquait que l’air frais était tout d’abord distribué dans les différents étages puis aspiré vers le haut pour ressortir en toiture.

Quant au soi-disant déficit d’éclairage sur courettes, la commune qualifiait au contraire la solution trouvée en matière d’éclairage d’astucieuse, car elle améliorait sensiblement la situation. La commission n’ayant fait que se rallier aux préavis, aucun défaut de motivation n’existait. La commission d’architecture avait, dans son premier préavis, indiqué qu’une occupation intensive de l’espace dans la cour prétéritait l’éclairage naturel des locaux actuels et des immeubles voisins. Le projet avait ensuite été modifié pour tenir compte des exigences en la matière. Ce nouveau projet n’avait pas à être resoumis à l’OCIRT, puisqu’il ne faisait qu’améliorer la situation.

Le problème de l’amiante était principalement de la responsabilité de l’architecte et du propriétaire du bâtiment. Les inspecteurs du service de l’inspection des chantiers pouvaient ordonner certaines mesures lors de visites sur place. Rien n’indiquait que ce risque, s’il devait s’avérer concret, ne serait pas pris en compte par la propriétaire et son architecte.

10. Le 14 février 2005, le DIAE a persisté dans sa décision de délivrance d’une autorisation d’installation de climatisation accessoire à l’autorisation de construire. Aucun grief à l’encontre de la décision n’était développé dans le recours.

11. Le 15 février 2005, la société propriétaire a conclu au rejet du recours et au versement d’une indemnité de procédure. L’instruction de la demande avait été particulièrement minutieuse sur les différents points soulevés dans le recours. Aucun rejet ni aucune prise d’air ne serait installé dans les courettes, toutes les prises et rejets d’air seraient faits sur la toiture. De même, s’agissant de l’éclairage, le projet avait été modifié à la demande de la commission d’architecture et la solution trouvée améliorait la situation actuelle. Les sondages auxquels l’architecte avait fait procéder n’avaient pas révélé la présence d’amiante dans les gaines techniques et les isolations. Les isolations visibles avaient été réalisées au moyen de liège, de laine de verre ou de sagex. Les questions de sécurité devaient être examinées dans le cadre de la réalisation des travaux. Pour le surplus, le préavis du service de sécurité et salubrité, ainsi que celui de l’inspection des chantiers démontraient que toute l’attention nécessaire était portée à ces questions.

12. Sur quoi la cause a été gardée à juger.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Les recourants invoquent tout d’abord une violation du droit d’être entendu en raison d’une absence de motivation de la décision de la commission de recours.

Tel qu’il est garanti par l’article 29 alinéa 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu implique pour l’autorité l’obligation de motiver sa décision (ATF 122 IV 8 consid. 2c p. 14 et 15). La motivation d’une décision est toutefois suffisante lorsque l’intéressé est mis en mesure d’en apprécier la portée et de la déférer à une instance supérieure en pleine connaissance de cause. Il suffit que l’autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé son prononcé, sans qu’elle soit tenue de répondre à tous les arguments avancés. Elle peut ainsi restreindre son examen aux arguments qui lui paraissent revêtir le plus de pertinence (ATF 126 I 97 ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.67/2001 du 1er novembre 2001 ; ATA/361/2003 du 13 mai 2003).

Par sa décision, la commission de recours a écarté les griefs des recourants en se référant principalement aux préavis unanimes et motivés suivis par le département. Par conséquent, sa décision est suffisamment motivée au regard des exigences rappelées ci-dessus et ce grief doit être écarté.

3. Les recourants estiment que la construction ne peut être érigée sur cour eu égard aux dispositions légales applicables.

Il s’agit tout d’abord de déterminer si les dispositions relatives aux constructions sur cour figurant dans la LCI et dans son règlement sont applicables au cas d’espèce.

Le terme « cour » n’est pas défini dans la LCI. Le Tribunal administratif, appelé à qualifié un espace existant, au niveau du sol, à l’intérieur d’un îlot d’immeubles a notamment retenu que, selon la définition du dictionnaire, il s’agissait d’un espace découvert, clos par des murs ou des bâtiments et dépendant d’une habitation (« Le Petit Robert » 2000, p. 552). Le fait que la limite de la parcelle ne soit pas directement contiguë à un bâtiment n’est pas apte à modifier l’analyse de la situation (ATA/407/2005 du 7 juin 2005 et les références citées).

En l’espèce, l’espace dans lequel les constructions sont projetées correspond à un vide laissé, par les concepteurs de l’époque, à l’intérieur d’un ensemble formé de trois immeubles avec un rez-de-chaussée et un entresol commun. Il s’agit en quelque sorte d’une « cour surélevée » au 1er étage, constituée par le toit de l’entresol. Ce vide ne résulte pas des limitations imposées en matière de gabarit ou de densification prévue par la législation puisqu’en première zone de construction les immeubles peuvent notamment être construits en limite de propriété (art. 20 a. 1 LCI). Ainsi, en l’espèce, en raison des caractéristiques de l’ensemble de bâtiments, l’espace laissé vide ne peut être qualifié de « cour » au sens de la LCI.

Dès lors, les dispositions restrictives relatives aux constructions sur cour limitant celles-ci à des constructions basses ne sont pas applicables en l’espèce et ce sont les dispositions générales de la première zone qui trouvent application, s’agissant du gabarit ainsi que les dérogations prévues par l’article 11 LCI.

L’application de ces dernières dispositions n’étant par ailleurs pas remise en cause en l’espèce, le grief doit être écarté.

4. Il convient d’examiner ensuite le grief relatif à la perte de lumière engendrée par la nouvelle construction.

a. De jurisprudence constante, les préavis recueillis n’ont qu’un caractère consultatif et la loi ne prévoit en effet aucune hiérarchie entre eux. Le Tribunal administratif a constamment rappelé qu’un préavis était en principe sans caractère contraignant pour l’autorité administrative et que, s’il allait de soi que cette dernière ne saurait faire abstraction des préavis exprimés dans des conditions prévues par la loi, l’autorité de décision restait libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur (RDAF 1983, p. 344).

Chaque fois que l’autorité inférieure suit les préavis requis, l’autorité de recours doit s’imposer une certaine retenue qui est en fonction à son aptitude à trancher le litige. Ainsi, la commission de recours qui, certes, a le même pouvoir de cognition que le Tribunal administratif est, contrairement à cette juridiction, composée pour une part de spécialistes et peut donc exercer un contrôle plus technique que celui-ci (ATA/649/2002 du 5 novembre 2002).

b. Tout local de travail doit être pourvu, d’une part, de jours directs sur l’extérieur dont la surface, mesurée verticalement, ne doit en aucun cas être inférieure à 1 m2 et au dixième de la surface du plancher et, d’autre part, d’un éclairage artificiel approprié et d’une intensité équivalente (art. 128 al. 1 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 - RALCI - L 5 05 01). Des locaux de travail dépourvus de jours directs sur l’extérieur ne peuvent être établis qu’avec l’accord du département et si leur éclairage artificiel est équivalent à un bon éclairage naturel. Des installations spéciales peuvent être exigées par le département (art. 128 al. 2 RALCI).

c. Pour les établissements dont les constructions et les installations sont soumises à la loi fédérale sur le travail dans l’industrie, l’artisanat et le commerce, du 13 mars 1964, ou à la loi fédérale sur l’assurance-accidents, du 20 mars 1981, une série complète des documents et plans doit porter le visa d’approbation de l’OCIRT (art. 9 al. 4 RALCI).

En l’espèce, le projet initial a été approuvé par l’OCIRT. Des modifications ont été apportées au projet, à la demande de la commission d’architecture, défavorable à une occupation intensive de l’espace de la cour qui aurait prétérité l’éclairage naturel des locaux actuels et des immeubles voisins. Le projet finalement autorisé a reçu l’aval de la commission d’architecture et un préavis sans objection, équivalent à un préavis favorable, a été rendu par la Ville de Genève qui soulignait que la solution choisie améliorait dans une large mesure les conditions de travail du personnel. Le rapport technique du bureau Amstein et Walthert S.A., quant à lui, soulignait que la conception de la nouvelle façade permettrait de favoriser l’éclairage naturel.

Le DAEL a estimé que les modifications apportées au projet initial amélioraient la situation et étaient mineures. De ce fait, les plans n’ont pas été soumis à nouveau à l’OCIRT avant la délivrance de l’autorisation. Finalement, en cours d’instance devant la commission de recours, les plans modifiés ont à nouveau été approuvés par l’OCIRT.

La procédure suivie par le DAEL, consistant à ne pas soumettre une deuxième fois le projet à l’OCIRT est parfaitement justifiable, compte tenu des améliorations apportées au projet, sur demande de la commission d’architecture, visant essentiellement à un meilleur éclairage des locaux de travail. Elle relève en outre du pouvoir d’appréciation du département est n’est ainsi pas critiquable. Le fait que finalement le nouveau projet ait quand même été soumis à l’OCIRT en cours d’instance n’est pas susceptible de modifier cette appréciation.

En conséquence, le recours sera rejeté sur ce point.

5. En soulevant le grief concernant les odeurs et la ventilation des courettes, les recourants dénoncent des problèmes qui seraient préexistants au projet litigieux.

Ce grief porte sur des autorisations antérieures qui ne peuvent être remises en cause à l’occasion de la présente procédure. Il n’est dès lors pas recevable. En outre, les recourants n’allèguent pas que la situation serait péjorée par le projet litigieux.

Pour le surplus, il ressort des pièces figurant au dossier que, s’agissant de la ventilation des étages de bureaux, deux monoblocs d’extraction sur les toitures des trois immeubles garantissent l’évacuation de l’air vicié.

6. Les recourants concluent, pour la première fois devant le tribunal de céans, au renvoi du dossier au département pour une instruction spécifique concernant le danger que représenterait la présence d’amiante dans le bâtiment.

a. La LCI vise en premier lieu à protéger l’intérêt public à ce que soient élevées sur le territoire des constructions qui présentent certaines qualités, notamment en terme de conception, de solidité, d’aspect et de sécurité (ATA/561/2003 du 23 juillet 2003). Dans ce but, le législateur a prévu que les plans soient élaborés, visés et exécutés sous leur responsabilité par des professionnels dont les qualifications répondent à certains critères (art. 2 al. 3 LCI). Il en va de même de la direction des travaux (art. 6 LCI).

b. En vertu de l’article 121 LCI, une construction, une installation et d’une manière générale, toute chose doit remplir en tout temps les conditions de sécurité et de salubrité exigées par la LCI, son règlement d’application ou les autorisations délivrées en application de ces dispositions. Les constructions doivent être maintenues en un tel état et utilisées de telle sorte à ne pas porter atteinte aux conditions exigibles de sécurité et de salubrité ou de ne pas être la cause d’inconvénients graves à l’égard des usagers, du voisinage et du public (art. 121 al. 3 let. a LCI).

c. En ce qui concerne les chantiers, l’étendue de cette obligation est en particulier réglée par le règlement sur les chantiers du 30 juillet 1958 (RChant – L 5 05.03) prévu par l’article 151 lettre d LCI. Ce règlement entend prévenir les accidents sur les chantiers et fixe les mesures à prendre pour assurer la sécurité des travailleurs, du public, des ouvrages et de leurs abords (art. 1 al. 1 RChant). Sont tenus de si conformer les personnes exécutant des travaux se rapportant à l’activité du bâtiment ou du génie civil ainsi que les personnes physiques ou morales, employant des ouvriers à cet effet et les personnes chargées de la surveillance des travaux notamment pour le compte des bureaux d’ingénieurs, d’architectes, des entreprises générales et des coordonnateurs de sécurité et de santé (art. 1 al. 2 RChant).

d. Les propriétaires sont responsables, dans l’application de la LCI et sous réserve des droits civils, de la sécurité et de la salubrité des constructions et installations (art. 122 LCI). Le département n’a qu’un rôle subsidiaire à jouer qui se manifeste notamment par la surveillance et le prononcé de sanctions en cas de manquements du propriétaire.

e. S’agissant plus particulièrement de travaux effectués dans un bâtiment floqué à l’amiante, le tribunal de céans a déjà jugé que le département n’avait pas l’obligation de prévoir des conditions particulières dans l’autorisation délivrée, la loi étant claire au sujet de la responsabilité des propriétaires et des mandataires en matière de sécurité et de salubrité des constructions (ATA A. du 25 août 1989).

Il est aujourd’hui interdit d’utiliser de l’amiante et son élimination est soumise à des directives strictes (ordonnance sur les substances dangereuses pour l’environnement du 9 juin 1986 – Osubst – RS 814.013). Le problème des bâtiments floqués à l’amiante a été pris en charge par plusieurs organes étatiques, que ce soit au niveau fédéral ou cantonal, notamment afin de procéder à un assainissement des bâtiments concernés. Néanmoins, à l’heure actuelle, il n’existe pas dans le canton de Genève d’obligation légale faite aux propriétaires concernés de faire expertiser systématiquement leurs bâtiments, ni de les assainir. La responsabilité des propriétaires de bâtiments envers les utilisateurs reste entière et la jurisprudence susmentionnée valable.

Si des traces d’amiante sont détectées lors d’un chantier, l’inspection des chantiers ordonne alors les mesures de sécurité nécessaires (art. 3 al. 2 RChant).

Pour le surplus, les sondages effectués à la demande de la société propriétaire n’indiquent pas de présence d’amiante dans l’isolation des façades et des gaines techniques.

En conséquence, le grief soulevé par les recourants visant à invalider la décision pour instruction complémentaire sur la présence d’amiante sera donc rejeté.

7. Les recourants invoquent également une violation de l’article 14 LCI. L’exécution du chantier serait susceptible de leur causer des nuisances importantes.

a. Le département peut refuser les autorisations prévues à l’article 1 LCI lorsqu’une construction ou une installation peut être la cause d’inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public (art. 14 litt. a LCI), ne remplit pas les conditions de sécurité et de salubrité qu’exige son exploitation ou son utilisation (let. b), ne remplit pas les conditions de sécurité ou de salubrité suffisantes à l’égard des voisins ou du public (let. c) ou encore, offre des dangers particuliers (let. d).

b. Les dispositions cantonales concernant la limitation quantitative des nuisances n’ont plus de portée propre dans les domaines réglés par le droit fédéral (ATF 117 Ib 157 ; 113 Ib 220). Elles conservent toutefois une telle portée dans la mesure où elles tendent à lutter contre un type de nuisances secondaires (ATA/629/2003 du 26 août 2003 et les références citées).

c. Selon la jurisprudence constante du Tribunal administratif, l’article 14 LCI fait partie des normes de protection destinées à sauvegarder les particularités de chaque zone, en prohibant les inconvénients incompatibles avec le caractère d’une zone déterminée. Il ne vise pas au premier chef à protéger l’intérêt des voisins (ATA/113/2004 du 3 février 2004).

L’article 14 LCI vise les nuisances issues ou induites par la construction ou l’installation projetée elle-même et non celles provoquées par les modalités de sa réalisation. Ainsi, le Tribunal fédéral a jugé qu’il n'était pas arbitraire de considérer que les inconvénients liés à l’exécution d’un chantier, notamment la circulation accrue qui en résultait, n’étaient ni graves, ni durables même si, suivant les circonstances, ils pouvaient être plus ou moins sensibles pour les voisins, en particulier pendant la phase de chantier, laquelle était toutefois temporaire (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.530/2002 du 3 février 2002 confirmant l’ATA/447/2002 du 27 août 2002).

En conséquence, ce grief des recourants est infondé.

8. S’agissant de l’autorisation accessoire d’installation d’une climatisation, délivrée par le département de l’intérieur, de l’agriculture et de l’environnement, confirmée par la commission de recours en raison de l’absence de griefs invoqués par les recourants, le tribunal de céans ne peut que la confirmer pour les mêmes raisons.

9. Finalement, les recourants font grief à la commission de les avoir condamnés au versement d’une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Keat S.A.

a. La juridiction administrative qui rend la décision statue sur les frais de procédure et émoluments (art. 87 al. 1 LPA). Elle peut, sur requête, allouer à la partie ayant entièrement ou partiellement gain de cause, une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours (art. 87 al. 2 LPA). La juridiction administrative statue dans les limites établies par règlement du Conseil d’Etat et cela conformément au principe de proportionnalité (art. 87 al. 4 LPA). L’indemnité de procédure peut varier entre CHF 200.- et CHF 10'000.- (art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnité en procédure administrative du 30 juillet 1986 - E 5 10.03).

b. Les frais de procédure, émoluments et indemnités arrêtés par la juridiction administrative peuvent faire l’objet d’une réclamation dans le délai de trente jours dès la notification de la décision ; les articles 50 à 52 LPA étant applicables au surplus (art. 87 al. 4 LPA).

c. Selon l'article 50 alinéa 1 LPA, la réclamation a pour effet d’obliger l’autorité qui a rendu la décision administrative attaquée à se prononcer à nouveau sur l’affaire. Or, les recours sont irrecevables contre les décisions qui peuvent faire l'objet d'une réclamation préalable (art. 59 litt. c LPA).

d. Selon l'article 11 alinéa 3 LPA, une autorité doit examiner d'office sa compétence; si elle la décline, elle doit transmettre le dossier à l'autorité compétente.

La réclamation contre l’émolument et l’indemnité, arrêtés par la commission de recours, ne pouvait être déposée auprès du Tribunal administratif. Ce dernier se déclarera incompétent et transmettra le dossier à la commission de recours, afin qu’elle statue sur ce point (art. 64 LPA).

10. Mal fondé, le recours sera rejeté et la décision de la commission de recours confirmée.

11. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 2’000.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, et une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée à l’intimée à charge des recourants, pris conjointement et solidairement (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

rejette dans la mesure où il est recevable le recours interjeté le 5 janvier 2005 par Messieurs Guy et Bénédict Fontanet, Douglas Hornung, Nicolas Jeandin et Yvan Jeanneret contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 24 novembre 2004 ;

le transmet à la commission cantonale de recours en matière de constructions en tant qu’il constitue une réclamation contre l’émolument et l’indemnité de procédure ;

met à la charge des recourants pris conjointement et solidairement un émolument de CHF 2’000.- ;

alloue à Keat S.A. une indemnité de procédure de CHF 2'000.- à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement ;

communique le présent arrêt à Me Bénédict Fontanet, avocat des recourants, à la commission cantonale de recours en matière de constructions, au département de l’aménagement, de l’équipement et du logement et au département de l’intérieur, de l’agriculture et de l’environnement ainsi qu'à Me Dominique Burger, avocate de Keat S.A.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :