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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1164/2013

ATA/557/2014 du 17.07.2014 sur JTAPI/992/2013 ( PE ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1164/2013-PE ATA/557/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 juillet 2014

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______ et ses enfants
représentée par Me Julie Vaisy, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
17 septembre 2013 (JTAPI/992/2013)


EN FAIT

1) Monsieur B______, né le ______ 1969, ressortissant de Zambie, est marié à Madame A______, née le ______ 1982, également ressortissante de Zambie.

2) Le ______ 2004, Mme A______ a donné naissance à l’enfant C______.

3) M. B______ est arrivé à Genève le 24 juillet 2008. Engagé par l’organisation non gouvernementale (ci-après : ONG) E____, il a été mis au bénéfice d’une carte de légitimation temporaire, de type « H », délivrée aux personnes dites sans privilèges et immunités, ainsi qu’aux collaborateurs n’ayant pas le statut de fonctionnaire international.

Dans les années qui ont suivi, le contrat de travail de M. B______ auprès d’E____ a été régulièrement prolongé de même que sa carte de légitimation renouvelée.

4) Le 24 septembre 2008, Mme A______ et l’enfant C______ sont arrivés à Genève, au bénéfice d’un visa pour rendre visite à M. B______.

5) Le 26 janvier 2009, Mme A______ a déposé, auprès de l’office cantonal de la population, devenu depuis l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), une demande d’autorisation de séjour pour formation. Elle s’est inscrite à l’académie de langues et de commerce à Genève. Selon son plan d’études, elle entendait obtenir un diplôme d’études en langue française en juin 2010, puis un diplôme d’assistante de direction en juin 2011.

6) Le 4 juillet 2009, l’OCPM a délivré à Mme A______ l’autorisation de séjour sollicitée, valable jusqu’au 30 juin 2011.

7) Le 13 octobre 2009, son fils C______ a obtenu une autorisation de séjour au titre de regroupement familial avec sa mère, valable également jusqu’au 30 juin 2011, son droit de séjour étant lié à celui octroyé à sa mère.

8) Le 17 novembre 2010, Mme A______ a obtenu son diplôme d’études en langue française.

9) Par lettre du 8 juin 2011, Mme A______ a requis de l’OCPM la délivrance d’une autorisation de séjour sans prise d’activité lucrative, pour elle et son fils, afin qu’ils puissent continuer à séjourner en Suisse avec M. B______, pendant toute la durée de son engagement à Genève.

A son courrier, Mme A______ a annexé une attestation, établie le 3 juin 2011 par l’E____, certifiant que M. B______ verrait son engagement auprès de cette ONG prolongé jusqu’au mois de décembre 2012.

10) Le 30 juin 2011, Mme A______ a obtenu son diplôme d’assistante de direction.

11) Le _____ 2011, elle a donné naissance à son second enfant, D______.

12) Le 28 octobre 2011, E____ a certifié que le contrat de M. B______ serait, à nouveau, prolongé jusqu’au 31 décembre 2013.

13) Le 21 décembre 2011, la mission permanente de la Suisse auprès de l’office des nations unies et des autres organisations internationales à Genève (ci-après : la mission suisse) a informé l’OCPM, qui l’avait interpellée à ce propos, qu’au regard des directives en vigueur, les membres de la famille d’une personne engagée par une organisation internationale en qualité de « non-fonctionnaire », titulaire d’une carte de légitimation de type « H », ne pouvaient pas être admis en Suisse au titre du regroupement familial.

14) Par décision du 11 juillet 2012, reçue le 12 juillet 2012, l’OCPM a refusé d’accorder à Mme A______ et à ses deux enfants l’autorisation de séjour demandée, a prononcé leur renvoi et leur a imparti un délai au 15 août 2012 pour quitter la Suisse.

Les intéressés ne pouvaient pas bénéficier du regroupement familial, car M. B______ était au bénéfice d’une carte de légitimation de type « H », octroyant uniquement un statut temporaire. De plus, Mme A______ avait bénéficié d’une autorisation de séjour pour études, ayant obtenu les diplômes souhaités, le but de son séjour en Suisse devait être considéré comme atteint.

15) Par courriel du 24 août 2012, M. B______ a informé l’OCPM que sa femme s’était vu proposer par E____ un stage d’une durée de six mois, renouvelable.

16) Par courrier daté du 6 septembre 2012 adressé à l’OCPM, rédigé en anglais, M. B______ a sollicité une prolongation des autorisations de séjour de sa femme et de ses enfants.

E____ avait proposé à Mme A______ un stage de six mois, du 21 août 2012 au 19 février 2013. Or, l’autorisation de séjour de cette dernière étant échue, E____ ne pouvait pas requérir une carte de légitimation en sa faveur.

17) Interpellée par l’OCPM, la mission suisse a informé ce dernier le
25 septembre 2012 qu’aucune demande de carte de légitimation en faveur de Mme A______ n’avait été déposée. Elle lui a précisé que selon les règles en vigueur, les personnes faisant l’objet d’une procédure en suspens en matière de résidence – comme en l’espèce – ne pouvaient pas bénéficier d’une telle carte du DFAE.

18) Le 25 septembre 2012, l’OCPM a transmis, sans lettre d’accompagnement, le courrier de M. B______ au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). Au regard du tampon de réception figurant dans le dossier transmis par l’OCP, le TAPI a reçu ledit courrier le 26 septembre 2012.

19) Par courrier du 27 septembre 2012, sous le numéro de cause A/2919/2012, le TAPI sous la signature d’un greffier a écrit à M. B______ un courrier dont la teneur était la suivante :

« Nous accusons réception de votre courrier daté du 6 septembre 2012, que l’OCPM nous a transmis en date du 26 septembre 2012. 

Vous voudrez bien nous indiquer si, par ce biais vous entendiez effectivement recourir, au nom de votre épouse Mme A______ et de vos enfants C______ et D______ contre la décision de l’OCPM du
11 juillet 2012 leur refusant une autorisation de séjour ou si vous sollicitiez, en réalité, que l’OCPM reconsidère sa décision du 11 juillet 2012, compte tenu du fait nouveau (contrat de stage signé entre votre épouse et E____) survenus depuis le prononcé de celle-ci ».

Après lui avoir rappelé que la langue officielle était le français et que l’acte de recours ainsi que les pièces qu’il accompagnait devaient leur parvenir dans cette langue, le TAPI poursuivait :

« Dans le cas où vous estimeriez que votre courrier doit être considéré comme un recours, nous vous invitons dès lors à satisfaire à cette exigence et à joindre toutes pièces utiles d’ici au vendredi 5 octobre 2012, sous peine d’irrecevabilité de ce dernier.

Sans nouvelles de votre part dans ce même délai, votre courrier sera classé sans suite ».

20) Le 5 octobre 2012, M. B______ a répondu ceci :

« Nous accusons réception de votre courrier du 27 septembre 2012 qui a retenu toute notre attention.

Concernant la lettre du 6 septembre 2012, nous demandions à l’OCP de reconsidérer leur décision du 11 juillet 2012 en se fondant sur les faits que nous leur avons fournis. Si ceci n’est pas possible légalement nous feront appel à votre bureau.

Nous espérons que nous avons clairement répondu à votre demande et nous restons à votre disposition. »

21) Le 8 octobre 2012, le TAPI a adressé le courrier précité à l’OCPM accompagné de la demande suivante : « (nous) vous saurions gré de bien vouloir nous indiquer dans les meilleurs délais si vous entendez traiter ledit courrier comme une demande de reconsidération de votre décision du 11 juillet 2012 ».

Ce courrier de transmission se référait au numéro de procédure A/2919/2012.

L’OCP n’a pas répondu immédiatement audit courrier.

22) Par décision du 17 octobre 2012 notifiée à M. B______, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur sa demande de reconsidération du 6 septembre 2012 et a confirmé sa décision du 11 juillet 2012, refusant une autorisation de séjour à
Mme A______ et à ses deux enfants.

L’offre de stage proposée à M. B______ ne constituait pas un fait important justifiant, au sens de l’art. 48 de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) une reconsidération de la décision du 11 juillet 2012. Une demande de réexamen ou de reconsidération n’était pas un moyen de droit destiné à remettre les décisions administratives indéfiniment en question ni à éluder les dispositions légales sur les délais de recours.

23) Par courrier du 18 octobre 2012 se référant à la cause A/2919/2012, l’OCPM a écrit au TAPI. Elle lui transmettait la décision précitée « en réponse à son courrier du 8 octobre 2012 ».

24) Par acte déposé le 18 octobre 2012 au greffe du TAPI portant le numéro de référence A/2919/2012, mais daté du 5 octobre 2012, M. B______ s’est adressé au TAPI en langue française.

« Le Greffier, 

Nous déposons une demande de recours contre la décision de l’OCPM du 11 juillet 2012. Nous comprenons le principe juridique pour refuser de faire droit à ma femme (A______) et mes deux fils (C______ et D______) le permis B sans activité lucrative. Dans le présent recours, nous aimerions vous expliquer davantage notre situation familiale afin qu’elle puisse vous donner des éléments supplémentaires et vous aider à réévaluer et de revoir notre recours favorablement ».

Après cette introduction, il développait la situation familiale à prendre en considération et concluait ainsi : « par conséquent, nous aimerions faire un recours auprès de vous pour revoir notre demande pour des motifs humanitaires. Nous restons à votre disposition et vous prions d’agréer, le Greffier, nos meilleures salutations ».

25) Par mémo du 22 octobre 2012, le TAPI a transmis à l’OCPM l’acte de recours précité. Il se référait au numéro de cause A/2919/2012.

26) Par courriel du 9 novembre 2012, le TAPI a sollicité de l’OCPM la transmission de l’accusé de réception de sa décision du 17 octobre 2012. L’OCPM s’est exécuté par retour de courrier le même jour.

27) Le 28 novembre 2012, dans la cause A/2919/2012, le TAPI a notifié à
M. B______ un jugement du 27 novembre 2012. Selon la page de garde dudit jugement, il a mentionné que celui-ci était rendu dans une cause opposant
M. B______ à l’OCPM. Il a déclaré son recours irrecevable car tardif n’ayant été déposé que le 18 octobre 2012 alors que le délai légal pour faire recours était échu depuis le 11 septembre 2012. Le recourant n’avait invoqué aucun motif de force majeure permettant une restitution du délai de recours.

28) M. B______ n’a pas recouru contre le jugement précité.

29) Par courrier du 10 janvier 2013, les époux B______ ont, par l’intermédiaire de leur avocat, sollicité de l’OCPM une nouvelle demande d’autorisation de séjour en faveur de Mme A______ et des enfants, à considérer le cas échéant comme une demande en reconsidération.

Depuis toujours, la famille B______ formait une famille unie et stable. Il était primordial pour C______ et D______, compte tenu de leur jeune âge, de pouvoir rester vivre avec leur père jusqu’au terme de son activité auprès d’E____. De plus, C______ était scolarisé et bien intégré à Genève. Enfin, aucun intérêt public ne s’opposait à l’octroi d’une autorisation de séjour en leur faveur. La mission de
M. B______ avait été prolongée jusqu’au 30 avril 2013, et le serait très certainement jusqu’au 30 juillet 2014.

30) Par décision du 21 février 2013, l’OCPM, traitant la requête précitée comme une nouvelle demande de reconsidération de sa décision du 11 juillet 2012, a refusé d’entrer en matière sur cette demande et a imparti un délai à Mme A______ et à ses enfants au 20 mai 2013 pour quitter la Suisse.

Les époux B______ n’avaient pas apporté de faits nouveaux susceptibles de modifier la décision du 11 juillet 2012.

31) Par acte du 11 avril 2013, Mme A______, agissant pour elle-même et pour ses deux enfants, a recouru auprès du TAPI contre cette décision, et a conclu principalement à l’octroi de l’autorisation de séjour sollicitée et subsidiairement au renvoi du dossier à l’OCPM pour nouvelle décision.

Les circonstances avaient changé de manière notable depuis le prononcé du refus d’autorisation de séjour du 11 juillet 2012. M. B______ avait vu sa mission auprès d’E____ prolongée au moins jusqu’au mois de mai 2014, il ne devait donc plus être considéré comme ayant un statut temporaire. Sa famille pouvait dès lors se prévaloir du droit au regroupement familial.

La famille B______ vivait de manière unie, les enfants avaient besoin de vivre avec leurs deux parents. Mme A______ et ses enfants dépendaient financièrement de M. B______, toute la famille était bien intégrée à Genève et aucun motif d’ordre public ne s’opposait à l’octroi de l’autorisation sollicitée. Une séparation contreviendrait au droit au respect de la vie privée et familiale.

32) Le 10 juin 2013, l’OCPM a conclu au rejet du recours, aucun fait nouveau n’ayant été apporté par les époux B______.

33) Par jugement du 17 septembre 2013, le TAPI a rejeté le recours de Mme A______ et de ses deux enfants.

Les éléments présentés par la recourante ne constituaient pas des faits nouveaux susceptibles d’obliger l’OCPM, par application de l’art. 48 LPA, à reconsidérer sa décision du 11 juillet 2012.

Le prolongement de la mission de M. B______ auprès d’E____ jusqu’au 30 avril 2013, voire au 30 juillet 2014, ne constituait pas un fait nouveau et important obligeant l’OCPM à entrer en matière sur sa demande de reconsidération.

34) Par acte du 18 octobre 2013, Mme A______ a recouru contre ce jugement, auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour pour elle et ses enfants et subsidiairement au renvoi du dossier à l’OCPM pour nouvelle décision.

La prolongation importante du séjour de M. B______, combinée à la durée concrète de sa présence en Suisse, soit cinq ans, constituait un élément nouveau, car postérieur à la décision initiale du 11 juillet 2012, et important, car susceptible de modifier de manière notable les circonstances ayant amené au refus d’octroyer l’autorisation de séjour en faveur de Mme A______ et de ses enfants. En effet, vu que M. B______ n’avait plus un statut temporaire, sa famille pouvait donc se prévaloir du droit au regroupement familial, afin de demeurer avec lui en Suisse jusqu’à la fin de sa mission auprès d’E____.

En considérant le courrier de M. B______ du 6 septembre 2012 comme une demande de reconsidération et non comme un recours, le TAPI avait privé Mme A______ de la possibilité de faire valoir ses droits dans le cadre d’un recours porté devant une autorité judiciaire, ayant plein pouvoir de cognition pour examiner le fond du litige. Partant, il fallait admettre que les conditions d’une reconsidération étaient remplies.

35) Le 20 novembre 2013, l’OCPM a répondu audit recours et a conclu à son rejet.

Mme A______ n’avait apporté aucun fait nouveau ouvrant la voie de la reconsidération. M. B______ avait une carte de légitimation de type « H ». Bien que sa mission auprès d’E____ ait été prolongée, sa carte de légitimation serait échue à la fin dudit rapport de travail. Partant, M. B______ ne bénéficiait pas d’un droit de séjour durable, sa femme et ses enfants ne pouvaient se prévaloir du droit au respect de la vie privée et familiale pour demeurer en Suisse avec lui.

36) Sur quoi, le 21 novembre 2013, la cause a été gardée à juger.

37) Il résulte de la consultation de la base de données informatique du pouvoir judiciaire que la cause A/2919/2012 a été ouverte le 6 septembre 2012 en mentionnant M. B______ comme recourant et qu’elle a été close à la suite du jugement d’irrecevabilité du TAPI du 28 novembre 2012.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) a. Les décisions administratives peuvent être remises en cause dans un certain délai par les moyens de droit contentieux (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 417, n. 1'247, et p. 476 n. 1'414), soit par la voie du recours ou de l’opposition.

Elles peuvent être reconsidérées par l’autorité décisionnaire pendant le délai de recours et pendant une partie de la procédure contentieuse (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 476 n. 1'414). C’est cette situation qui, en droit genevois, est réglée par l’art. 67 al. 2 LPA, lequel autorise l’autorité décisionnaire, en cours de procédure, à reconsidérer ou retirer sa décision.

b. Lorsqu’une décision est entrée en force, elle peut tout de même être reconsidérée par l’autorité, mais ceci à des conditions restrictives afin d’assurer la sécurité du droit. Hormis les cas dans lesquels une décision peut ou doit être révoquée, un administré a la faculté de s’adresser à l’autorité décisionnaire pour lui demander de l’annuler ou de la modifier (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 476 n. 1'415). Une telle faculté ne lui permet cependant pas, alors que sa situation a été réglée par une décision entrée en force de la remettre continuellement en question (ATF 136 II 177). Dès lors, il n’a aucun droit à ce que l’autorité entre en matière sur sa demande, sauf si une telle obligation résulte de la loi (ATF 120 1b 42 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 477 n. 1'417).

3) En droit genevois, l’obligation de reconsidération d’une décision par l’autorité qui l’a prise est réglée à l’art. 48 LPA.

Selon l’art. 48 al. 1 LPA, les demandes en reconsidération de décisions prises par les autorités administratives sont recevables lorsqu'un motif de révision au sens de l’art. 80 let. a et b LPA existe (let. a) ou, alternativement, lorsque les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis la première décision (let. b).

Aux termes de l'art. 80 let. a à b LPA, il y a lieu à révision d'une décision judiciaire lorsque dans une affaire réglée par une décision définitive, il apparaît que la décision a été influencée par un crime ou un délit établi par une procédure pénale ou d'une autre manière (let. a) ou qu’il existe des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (let. b).

Saisie d’une demande de reconsidération, l’autorité examine préalablement si les conditions de l’art. 48 LPA sont réalisées. Si tel n’est pas le cas, elle rend une décision de refus d’entrer en matière qui peut faire l’objet d’un recours dont le seul objet est de contrôler la bonne application de cette disposition (ATF 117 V 8 consid. 2 ; 109 Ib 246 consid 4a ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 480 n. 1'430).

b. Selon l’art. 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du
18 avril 1999 (Cst. - RS 101), toute personne a le droit à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire, sauf exceptions prévues dans une loi par la Confédération ou les cantons. Il doit s’agir d’un tribunal compétent, impartial et indépendant (art. 30 al. 1 Cst.).

Le Tribunal fédéral admet depuis 1877 que le droit d’obtenir justice est un droit fondamental ancré dans la constitution (ATF 3 425 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, 3ème éd. volume II, 2013, p. 564, n°1212).

L’art. 29a Cst. poursuit le but de soumettre les actes de l’administration à un contrôle juridictionnel pour permettre au particulier de pouvoir saisir une autorité indépendante en étant assuré de bénéficier de certaines garanties procédurales (ATF 130 I 312 consid. 4.2). En particulier, il confère à chaque justiciable le droit de se prévaloir des recours judiciaires existants (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., p. 565 n. 1'216). Les voies de droit à sa disposition doivent lui permettre de soumettre sa cause à un juge investi d’un pouvoir d’examen entier (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., p. 567 n. 1'220). La garantie conférée par l’art. 29a Cst. interdit à l’autorité judiciaire saisie d’une requête, de ne pas la traiter (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, p. 572 n. 1'232).

4) En procédure administrative genevoise, dès le dépôt d’un recours, le pouvoir de traiter l’affaire qui en est l’objet passe à l’autorité de recours (art. 67 al. 1 LPA). Même lorsque l’autorité de première instance, en cours de procédure, reconsidère ou retire sa décision ainsi que l’art. 67 al. 2 LPA l’y autorise, l’autorité de recours continue à traiter celui-ci dans la mesure où la nouvelle décision ne l’a pas rendu sans objet (art. 67 al. 3 LPA).

L’art. 67 al. 3 LPA impose à l’autorité de recours qu’elle clôture la procédure de recours ouverte devant elle par une décision judiciaire, dont le dispositif sera contenu soit dans un jugement réglant les questions juridiques soulevées par le recours qui n’ont pas été réglées par la nouvelle décision, soit par une décision rayant la cause du rôle et réglant, si nécessaire la question des émoluments et indemnités à percevoir conformément à l’art. 87 LPA. Un tel jugement ou une telle décision judiciaire doit être notifiée aux parties conformément à l’art. 46 LPA.

5) Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aujourd’hui aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l’une et l’autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 129 I 161 consid. 4 p. 170 ; 129 II 361 consid. 7.1 p. 381 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C_534/2009 du 2 juin 2010 ; 9C_115/2007 du 22 janvier 2008
consid. 4.2 ; ATA/141/2012 du 13 mars 2012 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., 2011, p. 193 n. 568). Par ailleurs, la jurisprudence a tiré du principe de la bonne foi et de l’interdiction du formalisme excessif le devoir qui s’impose à l’administration, dans certaines circonstances, d’informer d’office le justiciable qui commet ou s’apprête à commettre un vice de procédure, à condition que celui-ci soit aisément reconnaissable et qu’il puisse être réparé à temps, le cas échéant dans un bref délai (ATF 125 I 166 consid. 3a p. 170 ; 124 II 265 consid. 4a
p. 269/270 et les arrêts cités ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C_39/2013 du 11 mars 2013 consid. 2.1 et 2.3 ; 2C_165/2012 du 29 mai 2012 consid. 5.1).

6) L’OCPM a refusé d’entrer en matière sur la requête déposée par la recourante et ses deux enfants le 10 janvier 2013 en considérant que ceux-ci n’établissaient aucun motif l’obligeant à entrer en matière sur une demande de reconsidération de la décision du 11 juillet 2012. De son côté, le TAPI a confirmé cette décision en rejetant le recours en circonscrivant l’examen du recours à la question de savoir si l’autorité intimée avait justement appliqué l’art. 48 LPA.

Il s’agit cependant d’examiner, au regard des dispositions et principes rappelés ci-dessus, si les conditions de l’art. 48 LPA étaient effectivement réunies dans le cas d’espèce permettant à l’OCPM de refuser d’entrer en matière sur la requête des recourants.

7) En l’occurrence, la chambre administrative constate que M. B______, agissant pour le compte de son époux et de ses deux enfants, s’est opposé le
6 septembre 2012 à la décision de l’OCPM du 11 juillet 2012. Agissant sans l’assistance d’un mandataire, il a adressé ce courrier, susceptible de valoir recours, non pas à l’instance de recours désigné dans ladite décision mais à l’autorité décisionnaire. Il a toutefois agi dans le délai légal de 30 jours de l’art. 62 al. 1 let. a LPA, compte tenu la suspension des délais de recours entre le 15 juillet et le
15 août 2012 découlant de l’art. 63 LPA.

Dans les jours qui ont suivi la réception de ce courrier, l’OCPM, conformément à l’art. 64 al. 2 LPA, a transmis ce dernier au TAPI, même si - ce qui n’est pas conforme à la disposition légale précitée - il n’en a pas avisé l’intéressé ou les autres membres de sa famille. De son côté, le TAPI, à réception de l’acte, a ouvert une procédure en attribuant à celle-ci un numéro de cause. Pour des raisons inexpliquées, il a ouvert celle-ci au nom de M. B______ et non pas à celui de la recourante et de ses deux enfants, alors que ce dernier, en vertu de l’art. 9 LPA, ne pouvait qu’agir en leur nom, n’étant pas le destinataire de la décision de l’OCPM.

Si, ayant été saisi par un acte rédigé en anglais, le TAPI était en droit d’impartir un délai à M. B______ pour formuler son recours en français en application de l’art. 65 al. 2 LPA, sa démarche du 27 septembre 2012 visant à interpeller l’intéressé, qui agissait sans être assisté d’un avocat ou d’un mandataire professionnel qualifié, en lui demandant si son courrier du 6 septembre 2012 constituait un recours ou une demande de reconsidération, sans lui expliquer les incidences que sa détermination pouvait entraîner, était beaucoup plus discutable sous l’angle du respect du principe de la bonne foi dont l’administration et la justice doivent faire preuve pour les principes rappelés ci-dessus.

D’une part, le TAPI saisi d’un acte considéré comme un recours par l’autorité décisionnaire elle-même, se devait de purger sa saisine en application de l’art. 67 al. 1 LPA. D’autre part, en suggérant à M. B______ une démarche de reconsidération auprès de l’autorité décisionnaire, il était susceptible de lui fournir des indications erronées sur les éventuelles chances de succès d’une telle démarche. En effet, dans la mesure où l’intéressé lui avait déjà adressé pour le compte de sa famille un acte susceptible de constituer un recours contre la décision du 11 juillet 2012, les conditions d’une demande de reconsidération obligatoire au sens de l’art. 48 LPA ne pouvaient pas a priori être réalisées. En effet, l’acte du 6 septembre 2012, dès lors qu’il était susceptible de constituer un recours des destinataires de ladite décision, empêchait ladite décision de déployer ses effets vu l’effet suspensif que l’art. 66 al. 1 LPA accorde aux recours. De fait, ce contexte juridique faisait que l’intéressée n’avait aucune garantie que la démarche suggérée aboutisse à un résultat positif, ce que la décision de l’OCPM a d’ailleurs confirmé le 7 octobre 2012.

En sus de cela, le TAPI n’a à aucun moment statué sur le sort du recours de Mme A______ et de ses fils du 6 septembre 2012. S’il apparaît que la procédure administrative A/2919/2012 ouverte à la suite dudit recours a été informatiquement considéré comme clôturée le 28 novembre 2012 c’est parce qu’à réception des écritures que M. B______ a adressées au TAPI le 18 octobre 2012, ce dernier les a considérées comme un nouveau recours adressé par celui-ci contre la décision du 11 juillet 2012. Il ne lui a pas attribué un numéro de cause distinct de celui de la cause A/2919/2012. Cela l’a conduit à rendre un jugement d’irrecevabilité suite à ce deuxième recours, sans statuer, que ce soit sous l’angle de sa recevabilité ou sur le fond, sur le recours que son épouse et ses deux enfants avaient déposé le 6 septembre 2012 et qui était enregistré sous ce numéro de cause.

Ledit recours était cependant encore ouvert dans le rôle du TAPI. Il n’avait fait l’objet d’aucune décision notifiée à Mme A______ et à ses enfants ayant pour l’objet de le rayer de son rôle ou d’aucun jugement statuant sur le fond de leur recours. Certes, le TAPI a prononcé un jugement le 27 novembre 2012 dans la cause A/2919/2012 mais celui-ci ne pallie pas cette carence. D’une part, formellement ledit jugement a été rendu à l’encontre du seul M. B______ à l’exclusion de son épouse et de ses enfants, et d’autre part, il ne concerne que le recours formé le 18 octobre 2012 par ce dernier en omettant de prendre en considération celui déposé le 6 septembre 2012 pour le compte de ces derniers.

Force est de constater qu’en traitant de la manière qui vient d’être rappelée les démarches initiées le 6 septembre 2012 par M. B______ pour le compte de son épouse et de ses deux enfants, le TAPI a contrevenu à la garantie de l’accès au juge accordée à tout justiciable par l’art. 29a Cst. En effet, les intimés n’ont eu aucune possibilité, malgré les démarches entreprises par leur représentant, de faire connaître leur contestation par une instance de recours judiciaire qui examine celle-ci avec un plein pouvoir de cognition alors qu’ils l’avaient saisie dans le délai légal.

Ces approximations procédurales concernent certes la conduite de la cause A/2919/2012. Elles ont cependant une incidence sur le sort de la présente cause. En effet, l’absence à ce jour d’un jugement rendu par une instance judiciaire statuant sur le recours interjeté le 6 septembre 2012 a pour effet que la décision du 11 juillet 2012 n’est toujours pas définitive. Dans ces circonstances, ni l’OCPM ni le TAPI ne pouvaient traiter la requête des intimés du 10 janvier 2013 comme une requête en reconsidération au sens de l’art. 48 LPA. Si l’OCPM refusait d’entrer volontairement en matière sur celle-ci, il aurait dû, s’il s’était rendu compte de l’imbroglio juridique qui s’était produit en septembre 2012, suspendre l’instruction de cette requête tout en interpellant le TAPI au sujet du sort du recours du 6 septembre 2012. De son côté, le TAPI, face au même constat, aurait dû d’une part admettre le recours et d’autre part réactiver l’instruction de la cause A/2919/2012 afin de statuer sur la contestation des intimés. Ni l’un ni l’autre n’étaient en droit de restreindre l’examen de leur requête du 10 janvier 2013 aux seules conditions d’une requête en reconsidération au sens de l’art. 48 LPA.

Dans ces circonstances, le recours des intimés doit être admis. Le jugement du TAPI du 27 septembre 2013 doit être annulé. Il en va de même de la décision de l’OCPM du 21 février 2013. La cause sera retournée à cette dernière autorité qui devra suspendre le traitement de la requête du 10 janvier 2013 dans l’attente du jugement que le TAPI devra rendre, après instruction, sur le recours interjeté le 6 septembre 2012 par les intimés contre la décision du 11 juillet 2012.

8) Vu l’issue de la procédure, aucun émolument ne sera perçu. En revanche une indemnité de CHF 1'500.- sera allouée à la recourante, qui sera mise à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 1 et 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 octobre 2013 par Madame A______ et ses enfants contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 septembre 2013 ;

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 septembre 2013 ;

annule la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 21 février 2013 ;

renvoie la cause à l’office cantonal de la population et des migrations pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Madame A______ et ses enfants, à la charge de L'État de Genève, une indemnité de procédure de CHF 1’500.- ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Julie Vaisy, avocate de la recourante et de ses enfants, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population et des migrations, ainsi qu'à l'office fédéral des migrations.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Sudre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.