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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/990/2012

ATA/512/2013 du 27.08.2013 ( TAXIS ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/990/2012-TAXIS ATA/512/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 août 2013

 

dans la cause

 

Monsieur R______
représenté par Me Yves Nidegger, avocat

contre

SERVICE DU COMMERCE



EN FAIT

Monsieur R______, domicilié à Genève, exerce la profession de chauffeur de taxi.

Par courrier du 5 octobre 2009, le service du commerce (ci-après : Scom) a informé M. R______ qu’il était en mesure de lui proposer d’acquérir un permis d'exploiter un taxi de service public pour autant qu’il accepte formellement dite proposition. Un montant de CHF 60'000.- était à régler au titre de la taxe unique prévue par l'art. 58 al. 5 de la loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) du 21 janvier 2005 (LTaxis - H 1 30).

M. R______ a accepté cette proposition le 2 novembre 2009.

Le 22 février 2010, l'intéressé a transmis au Scom la formule de demande d’autorisation d’exploiter un taxi de service public en qualité d’indépendant, dûment remplie et accompagnée de la preuve du versement du montant de CHF 60'000.- au titre de la taxe unique.

Le 25 février 2010, le Scom a délivré l’autorisation sollicitée.

Par arrêté du 19 mai 2010, le Conseil d'Etat a fixé la taxe unique à CHF 82'500.-.

Statuant sur recours de l’association de défense des intérêts des chauffeurs de taxi et de plusieurs chauffeurs de taxi agissant individuellement, le Tribunal fédéral a, par arrêt du 18 juin 2011, annulé l’arrêté précité du Conseil d’Etat pour défaut de base légale (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_609/2010). L'art. 21 al. 6 LTaxis sur lequel il se fondait ne fixait pas l'assiette de la taxe, ni la fourchette de son montant, ni les modalités de sa perception. Seul le montant minimum prévu par cette disposition, soit CHF 40'000.-, pouvait être réclamé au titre de cette taxe.

Se fondant sur l'arrêt susmentionné, M. R______ a demandé au Scom, le 9 février 2012, le remboursement de la somme de CHF 20'000.-, seul un montant de CHF 40'000.- pouvant être perçu au titre de la taxe unique.

Par décision du 28 février 2012, le Scom a refusé tout remboursement, le montant de CHF 60'000.- ayant été versé à bon droit, vu les dates auxquelles le permis de service public lui avait été proposé, respectivement accepté. L’arrêt du Tribunal fédéral annulant l’arrêté ne saurait remettre en cause cet état de fait.

Le 28 mars 2012, M. R______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 28 février 2012, concluant à son annulation et à ce que l’Etat de Genève soit condamné à lui rembourser la somme de CHF 20'000.- avec intérêts à 5% dès le 24 février 2010. Il découlait de l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_609/2010 que le montant de la taxe unique ne pouvait être supérieur à CHF 40'000.-.

Le 26 avril 2012, le Scom a conclu au rejet du recours. L’autorisation d’exploiter un taxi de service public en qualité d’indépendant avait été proposée et acceptée en 2009 sous l'empire du régime de l'art. 58 al. 5 LTaxis, fixant la taxe unique à CHF 60'000.-. Cette disposition n'avait pas été remise en cause par le Tribunal fédéral.

Le 3 mai 2012, le juge délégué a transmis la détermination du Scom à M. R______ en octroyant à ce dernier un délai au 31 mai 2012 pour formuler toute requête complémentaire.

L'intéressé n'a pas donné suite à ce courrier.

Le 31 juillet 2012, le Scom a demandé à pouvoir compléter son écriture du 26 avril 2012. Il avait fait le point sur plusieurs procédures pendantes devant la chambre administrative ayant trait à la même problématique et souhaitait préciser sa position selon les différentes situations des chauffeurs de taxis.

Le 2 août 2012, le juge délégué a accordé au Scom un délai au 31 août 2012 pour compléter sa détermination.

Le 31 août 2012, le Scom a rectifié sa position en ce sens que c'était la date de délivrance du permis, et non la date de sa proposition, qui était déterminante pour le montant de la taxe unique. Dans le cas particulier, le permis avant été délivré avant le 19 mai 2010, de sorte que c'était bien le régime de l'art. 58 al. 5 LTaxis qui était applicable.

Le 31 octobre 2012, M. R______ a persisté dans son recours.

Le 19 novembre 2012, M. R______ a informé la chambre administrative qu'il venait de découvrir l'existence d'un arrêté rendu le 10 janvier 2007 par le Conseil d'Etat en application de l'art. 21 LTaxis. Cet arrêté était peu connu car il avait été annulé par son auteur le 30 octobre 2007. Le Tribunal administratif, prédécesseur de la chambre de céans, avait rendu un arrêt le 30 juin 2009 (ATA/325/2009) concernant cet arrêté. Il était incompréhensible que le Scom ait voulu biaiser le cours des débats en passant sous silence l'existence d'un arrêté antérieur à celui du 19 mai 2010, alors que son argumentation reposait sur le fait que le montant prévu par l'art. 58 al. 5 LTaxis était applicable car le Conseil d'Etat n'avait pas encore usé de sa prérogative d'intervenir sur le montant de la taxe unique en novembre 2009. Au moment où le permis de service public lui avait été offert, le nombre adéquat de permis en circulation, fixé à neuf cents en 2006, était nécessairement atteint et stabilisé. Le droit transitoire prévu par l'art. 58 al. 5 LTaxis était caduc et en l'absence d'un arrêté du Conseil d'Etat valable fixant, seul le montant prévu par l'art. 21 al. 6 LTaxis pouvait lui être réclamé.

Le 21 décembre 2012, le Scom s'est déterminé sur les éléments susmentionnés.

Par arrêté du 10 janvier 2007, se fondant sur les art. 21 al. 6 et 22 al. 4 LTaxis, le Conseil d'Etat avait fixé la taxe unique à CHF 45'000.- pour 2006, CHF 55'000.- pour 2007, CHF 66'000.- pour 2008 et CHF 77'000.- pour 2009. Cet arrêté n'avait pas été publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO), de sorte qu'il n'était jamais entré en vigueur. En effet, le Scom s'était rendu compte à fin janvier 2007 que ledit arrêté violait l'art. 58 al. 5 LTaxis dès lors que le nombre adéquat de taxis en service, fixé à neuf cents en 2006, n'ayant pas été atteint et n'étant pas resté stable, le Conseil d'Etat ne pouvait l'édicter. Par souci de clarté, le Conseil d'Etat avait, par arrêté du 3 octobre 2007, annulé avec effet ex tunc l'arrêté du 10 janvier 2007. Ce second arrêté n'avait pas été publié dans la FAO puisque le premier ne l'avait pas été. Ces deux arrêtés n'avaient jamais déployé d'effet sur les administrés.

L'autorisation d'exploiter un taxi de service public avait été délivrée le 25 février 2010 à M. R______ sur la base de l'art. 58 al. 5 LTaxis car à cette date, moins de neuf cents permis de service public étaient émis.

Le 23 janvier 2013, M. R______ a persisté dans son recours.

Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Aux termes de l'art. 11 LTaxis, l’autorisation d’exploiter un taxi de service public est strictement personnelle et intransmissible ; elle est délivrée par le département compétent à une personne physique lorsqu’elle satisfait à un certain nombre de conditions, dont celle de se voir délivrer un permis de service public (art. 11 let. b LTaxis).

Le nombre de permis de service public est limité en vue d’assurer une utilisation optimale du domaine public, notamment des stations de taxis et des voies réservées aux transports en commun et un bon fonctionnement des services de taxis. Ce nombre maximal est déterminé et adapté par le département, sur préavis des milieux professionnels concernés, sur la base de critères objectifs, liés, notamment, aux conditions d’utilisation du domaine public et aux besoins des usagers (art. 20 LTaxis).

L'art. 21 al. 3 LTaxis dispose que si le nombre de requérants est supérieur au nombre de permis disponibles, l’octroi des permis est effectué sur la base d’une liste d’attente établie selon la date à laquelle l’inscription sur la liste est validée. Chaque requérant n’est habilité à se voir délivrer qu’un seul permis. Il ne peut se réinscrire qu’après l’obtention d’un permis.

Selon l'art. 21 al. 4 LTaxis, l'autorisation d'exploiter un taxi de service public en qualité d'indépendant au sens de l'art. 11 LTaxis est délivrée contre le paiement d'une taxe unique affectée à un fonds constitué aux fins d'améliorer les conditions sociales de la profession de chauffeur de taxi et de réguler le nombre de permis. Ce fonds est géré par le département ou par les milieux professionnels dans le cadre d'un contrat de prestations. Le requérant qui ne paie pas la taxe dans le délai imparti par le département est biffé de la liste d’attente, mais peut se réinscrire (art. 21 al. 5 LTaxis).

Le Conseil d’Etat détermine les modalités de gestion du fonds et fixe le montant de la taxe de manière à ce que, en fonction de la rotation des permis, les détenteurs qui cessent leur activité perçoivent un montant compensatoire au moins égal à CHF 40'000.-. La taxe est égale ou supérieure au montant compensatoire et son montant maximum fixé par le Conseil d’Etat (art. 21 al. 6 LTaxis).

Selon l'art. 58 al. 5 LTaxis, le montant de la taxe unique est fixé à CHF 60'000.- tant que le nombre de permis de service public déterminé dès la deuxième année après l'entrée en vigueur de la loi n'est pas atteint (art. 58 al. 5 LTaxis). Dès que le Scom considère que le nombre de permis de service public adéquat est atteint et reste stable, le Conseil d’Etat fixe le montant de la taxe et du montant compensatoire selon les principes de l’art. 21 al. 6 LTaxis (art. 58 al. 6 LTaxis).

Le 19 mai 2010, se fondant notamment sur l'art. 21 al. 6 LTaxis, le Conseil d'Etat a adopté l'arrêté fixant la taxe unique à CHF 82'500.-.

Cet arrêté a été annulé par le Tribunal fédéral le 18 juin 2011. Il ressort de son arrêt (2C_609/2010 précité) que la taxe unique ne vise pas à compenser l'avantage octroyé par l'Etat en termes d'usage commun accru du domaine public, comme cela était le cas avant l'entrée en vigueur de la LTaxis. Elle n'est pas une taxe causale, mais pourrait être une taxe d'orientation, voire un impôt - question laissée ouverte par la Haute Cour, dès lors que dans ces deux hypothèses, le principe de la légalité s'appliquerait strictement. Or, la LTaxis et en particulier l'art. 21 al. 6 LTaxis ne fixent pas une assiette précise de la taxe. Les critères de fixation - notamment la fourchette du montant de la taxe - et les modalités de perception ne figurent pas dans la loi. Il s'ensuit que l'arrêté ne reposait pas sur une base légale formelle. La perception de la taxe unique ne pouvait dès lors se fonder que sur l'art. 21 al. 6 LTaxis, qui fixe son montant à CHF 40'000.-.

Le recourant prétend au remboursement d'un montant de CHF 20'000.- sur les CHF 60'000.- versés au titre de la taxe unique, suite à l'Arrêt du Tribunal fédéral 2C_609/2010 susmentionné.

Tel n'est pas le cas. Sa situation est en effet différente de celle d'un chauffeur qui aurait obtenu l'autorisation d'exploiter un taxi de service public en qualité d'indépendant sous l'empire de l'arrêté, soit à une période où le nombre de permis de service public adéquat était considéré comme atteint et restant stable. Cette condition légale préalable et nécessaire à l'édiction de l'arrêté annulé n'a pas été remise en cause. Elle a eu comme conséquence de mettre fin le 18 mai 2010 à minuit au régime transitoire instauré par l'art. 58 al. 5 LTaxis, fixant à CHF 60'000.- la taxe unique tant que le nombre de permis de service public déterminé selon la loi n'était pas atteint.

Le recourant soutient en vain que ledit régime transitoire aurait pris fin antérieurement, à l'occasion de l'adoption par le Conseil d'Etat d'un premier arrêté du 10 janvier 2007. C'est en effet notamment parce que le nombre de permis de service public adéquat et stable n'avait pas été considéré comme atteint par le Scom, donc que la condition permettant l'édiction de l'arrêté n'était pas remplie, que le Conseil d'Etat l'a annulé le 3 octobre 2007, ainsi que cela ressort de l'ATA/329/2009 déjà cité. C'est le lieu de relever que le recourant ne peut tirer aucun argument du fait qu'il aurait découvert récemment l'existence de ces arrêtés. Ceux-ci ne sont pas pertinents pour la solution du litige. En outre, il est conseillé par un avocat genevois qui ne peut ignorer la jurisprudence de la chambre de céans et de son prédécesseur. Celle-ci est systématiquement mise en ligne dès son adoption et, par conséquent, aisément accessible. Il est ainsi mal venu de reprocher au Scom d'avoir tu l'existence de ces arrêtés.

Ainsi, le recourant a obtenu son autorisation d'exploiter un taxi de service public en qualité d'indépendant le 25 février 2010, alors que prévalait le régime transitoire précité. Le montant de la taxe unique de CHF 60'000.- qu'il a dû alors acquitter figurant directement dans la LTaxis, sa perception repose sur une base légale formelle et échappe ainsi à toute critique (ATA/734/2012 et ATA/735/2012 déjà cités).

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).


* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 mars 2012 par Monsieur R______ contre la décision du service du commerce du 28 février 2012 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur R______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure à Monsieur R______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yves Nidegger, avocat du recourant, ainsi qu'au service du commerce.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Hurni et Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :