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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1823/2008

ATA/510/2009 du 13.10.2009 ( DCTI ) , REJETE

Parties : SENFTEN Cédric et Myriam, SENFTEN Myriam / COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS, DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1823/2008-DCTI ATA/510/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 13 octobre 2009

 

dans la cause

 

 

 

Madame Myriam et Monsieur Cédric SENFTEN
représentés par Me Julien Blanc, avocat

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE ADMINISTRATIVE

et

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION

 



EN FAIT

1. Madame Myriam et Monsieur Cédric Senften sont propriétaires de la parcelle n° 1172, feuille 10 de la commune de Genthod, à l’adresse 18, chemin du Pré-Paul. Le terrain est fortement exposé aux nuisances sonores dues au trafic aérien provenant de l’Aéroport international de Genève (ci-après : AIG). De forme rectangulaire, libre de construction, il se trouve à l’extrémité nord d’une 5ème zone de construction au bout du chemin précité. Ses faces nord et est marquent la limite de la 5ème zone et bordent la zone agricole. Sa voisine directe à l’ouest, la parcelle n° 1175, également en 5ème zone, n’est pas bâtie. Elle ne fait l’objet d’aucun projet de construire. Le côté ouest de la parcelle n° 1172 jouxte la parcelle n° 787, sise en zone agricole. Seules les faces nord des parcelles nos 1172 et 1175 sont accolées à des parcelles bâties, situées en 5ème zone, portant les nos 1176, 1999 et 2000.

2. Le 6 décembre 2005, M. et Mme Senften ont requis du département des constructions et des technologies de l’information (ci-après : DCTI ou le département) une autorisation de construire une villa (DD 110'289/1).

3. Le 12 janvier 2006, le service cantonal de protection contre le bruit et les rayonnements non ionisants (ci-après : SPBR) a préavisé favorablement la requête précitée en considérant que les mesures prises par l’architecte permettraient de respecter les valeurs limites d’immission (ci-après : VLI) aux embrasures des fenêtres, fixées par l’annexe 5 de l’ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41).

Néanmoins, le 5 février 2006, le SPBR est revenu sur son préavis. Bien que les solutions apportées par l’architecte fussent efficaces et permettaient d’apporter un confort acceptable aux futurs résidents, dans le cas d’une éventuelle dérogation, les VLI restaient généralement dépassées, de jour comme de nuit, de sorte que les exigences posées par l’art. 31 al. 1 OPB n’étaient pas respectées.

4. La direction du domaine de l’aménagement du territoire a également émis un prévis défavorable le 20 avril 2006.

L’exposition au bruit du trafic aérien de l’aéroport de la parcelle en cause a été déterminée selon les valeurs fixées par le laboratoire fédéral d’essai de matériaux et de recherches (ci-après : EMPA), sur la base des données du trafic connu pour l’année 2000.

 

 

Elles sont les suivantes :

Période

Lr exposition au bruit selon l’EMPA

Lr valeur limite d’immission selon l’annexe 5 de l’OPB

06-22h

63-64 dB(A)

60 dB(A)

22-23h

62 dB(A)

55 dB(A)

23-24h

56 dB(A)

50 dB(A)

05-06h

45 dB(A)

50 dB(A)

 

5. Le 4 juillet 2006, le DCTI a refusé l’autorisation de construire sollicitée.

6. Le 4 août 2006, les époux Senften ont recouru contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions, devenue depuis le 1er janvier 2009 la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission).

7. Par décision du 5 février 2007, la commission a admis le recours, annulé la décision du DCTI du 4 juillet 2006 et renvoyé le dossier au département pour complément d’instruction afin de requérir en particulier, un nouveau préavis du SPBR, déterminant si les mesures proposées par l’architecte au sens de l’art. 31 al. 1 let. b OPB permettaient ou non la délivrance de l’autorisation sollicitée.

8. Le DCTI a prié le SPBR d’examiner les mesures proposées. Ce service a rendu le 21 mai 2007 un nouveau préavis défavorable. Les solutions techniques préconisées, en particulier la mise place d’une baie vitrée constituée d’une double peau, ventilée mécaniquement, permettraient une amélioration sensible du confort des futurs résidents, mais non le respect des VLI. Selon le SPBR, "les dispositifs projetés, intégrés dans le bâtiment, sont assimilés à l’isolation acoustique, solution qu’on peut admettre uniquement en cas de dérogation, fondée sur la conclusion qu’il s’agit d’un projet présentant un intérêt prépondérant" au sens de l’art. 31 al. 2 OPB.

9. Le 28 août 2007, le DCTI a refusé l’autorisation sollicitée, la dérogation envisagée par le SPBR n’étant pas possible car la parcelle en cause ne constituait pas "une brèche dans le bâti existant".

10. Le 28 septembre 2007, les époux Senften ont recouru une nouvelle fois auprès de la commission.

11. Le 10 avril 2008, celle-ci a rejeté le recours, la solution proposée par l’architecte ne constituant pas une mesure constructive suffisante et ne répondant pas aux critères de l’art. 31 al. 1 OPB. La commission s’est référée à l’ATA/126/2008 du 18 mars 2008, rendu par le tribunal de céans dans l’intervalle, et dans lequel il avait été admis également que l’octroi d’une dérogation au sens de l’art. 31 al. 2 OPB n’était pas possible.

12. Le 26 mai 2008, les époux Senften ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif en concluant préalablement, à ce qu’un transport sur place soit ordonné et principalement, à l’annulation de la décision de la commission du 10 avril 2008. Le DCTI devait se voir ordonner d’autoriser la construction faisant l’objet de la demande DD 100'289/7. Les recourants sollicitaient en outre, le versement d’une indemnité de procédure.

13. Le 31 juillet 2008, le DCTI a conclu au rejet du recours. Son refus était fondé. Il n’était pas contesté que les VLI sur la parcelle des recourants étaient dépassées de 4 dB le jour et de 6 à 7 dB pour les deux premières tranches nocturnes. Il en résultait que le permis de construire ne pouvait être délivré sur la base de l’art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01). A teneur de l’art. 31 al. 1 OPB, lorsque les VLI étaient dépassées, les nouvelles constructions comprenant des locaux à usage sensible au bruit ne devaient être autorisées que si ces valeurs pouvaient être respectées par la disposition des locaux à usage sensible au bruit du côté du bâtiment opposé à celui-là, ou si des mesures de construction ou d’aménagement, susceptibles de protéger le bâtiment contre le bruit, pouvaient être prises. En l’espèce, l’architecte avait prévu notamment, de protéger les futurs résidents du bruit du trafic aérien en construisant un bâtiment en béton armé, muni d’une toiture plate et sans ouverture, et d’équiper une façade d’une baie vitrée constituée d’une double peau et ventilée mécaniquement. Néanmoins, selon le SPBR, ces aménagements ne permettaient pas de respecter les exigences posées par les art. 31 al. 1 let. b et 39 al. 1 OBP, ces dispositifs n’étant admissibles que dans les cas d’autorisation dérogatoire au sens de l’art. 31 al. 2 OPB. Les conditions pour l’octroi d’une telle dérogation n’étaient pas réalisées en l’espèce car, selon la jurisprudence, le projet des recourants ne pouvait être considéré comme "présentant un intérêt prépondérant".

14. Le 29 septembre 2008, le juge délégué a organisé un transport sur place auquel ont pris part les parties et l’architecte des recourants.

a. A cette occasion, il a été constaté que la parcelle n° 1172 était délimitée par une rangée de chênes et un grillage. Elle se trouvait, comme indiqué ci-dessus, au bout du chemin Pré-Paul. Les recourants ont exposé que cette parcelle, à l’origine d’un seul tenant avec les parcelles voisines, avait été morcelée. A proximité se trouvaient quatre maisons individuelles dont la construction avait été achevée en 1995. M. Senften a fait observer qu’une maison plus récente encore se trouvait sur le chemin de la Pralay et que de son terrain, l’on pouvait observer au loin une grue et des villas en construction. Il s’étonnait que leurs propriétaires aient pu obtenir des autorisations de construire.

b. La représentante du département a fait remarquer que celui-ci était prêt à produire les dossiers relatifs à ces constructions mais il en résulterait vraisemblablement que celles-ci avaient été autorisées par voie dérogatoire, car elles constituaient une "brèche en milieu bâti". De plus, les constructions nouvelles mentionnées par les recourants étaient soumises aux mêmes VLI que leur parcelle, soit le degré de sensibilité au bruit (ci-après : DS) II, mais elles ne présentaient pas la même exposition au bruit. C’était la police des constructions qui décidait si la parcelle présentait une "brèche en milieu bâti" et non le SPBR.

Ce dernier s’était expliqué devant la commission sur les raisons de son revirement.

A la requête des recourants, les parties se sont transportées à proximité de la parcelle n° 853, feuille 11 de la commune de Genthod, faisant l’objet de l’ATA/126/2008 précité.

c. Selon le conseil des recourants, la situation de ces derniers et celle visée par l’ATA précité n’était pas comparable.

d. Quant à la représentante du département, elle a exposé que les villas qui se trouvaient de l’autre côté du chemin, de facture récente, avaient certes été autorisées mais tous leurs propriétaires avaient déposé une demande d’indemnisation auprès de l’AIG, au motif que les tuiles des toitures s’envolaient en raison du souffle des avions. Quant au quarante-huit maisons du chemin des Boulangers, elles constituaient des constructions très légères mais avaient été autorisées sous l’ancien droit.

e. M. Senften a souligné encore que M. Latsis, dont la propriété était à proximité, avait quant à lui obtenu une dérogation.

f. Lors du transport sur place, il a été convenu que l’architecte prendrait contact avec le SPBR pour soumettre à celui-ci d’autres mesures constructives, afin d’examiner si elles pouvaient être considérées comme telles.

15. Le 17 octobre 2008, le juge délégué a prié le conseil des recourants de lui indiquer si les démarches entreprises par l’architecte avaient eu lieu.

A la requête du juge délégué, le département a produit le 31 octobre 2008 le courrier de l’office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage du 9 juin 2005 auquel il avait fait référence.

16. Le 6 novembre 2008, ce courrier a été transmis aux recourants avec l’indication que, dès que l’architecte aurait communiqué la position du SPBR quant aux nouvelles mesures proposées, un délai leur serait fixé pour pouvoir se déterminer.

17. Le 9 décembre 2008, le conseil des recourants a produit un courrier qu’il avait envoyé le même jour au DCTI, accompagné du rapport de Monsieur Robert Beffa, architecte acousticien, sans transmettre cependant ledit rapport au tribunal de céans.

18. Le 17 février 2009, le DCTI a informé le juge délégué qu’il maintenait son refus d’octroi d’autorisation à titre ordinaire, une autorisation dérogatoire n’entrant pas en ligne de compte pour les raisons sus-exposées. Au vu du rapport de l’acousticien qui lui avait été transmis par les recourants le 9 décembre 2008, il avait sollicité un nouveau préavis du SPBR lequel, le 30 janvier 2009, s’était prononcé de manière défavorable, les mesures proposées ne satisfaisant toujours pas les exigences de l’art. 31 al. 1 OPB.

19. Les parties ont été informées que la cause serait gardée à juger, sauf avis contraire de leur part d’ici le 16 mars 2009.

20. A cette dernière date, le conseil des recourants a écrit au juge délégué pour s’étonner du fait que le DCTI lui ait transmis le préavis négatif du SPBR, le contraignant ainsi à produire le projet de l’acousticien en question du 8 décembre 2008. Ce rapport comprend une photo aérienne de la parcelle des recourants et de celles de leurs voisins, ainsi que l’esquisse de l’implantation de la villa projetée. En outre, les acousticiens mandatés par les recourants concluaient leur rapport en concluant de la manière suivante :

"En mettant en place des dispositifs de protection acoustique constructivement bien adaptés au projet analysé (soit protection des ouvertures du bâtiment par des dispositifs d’aération opaques ou transparents), ainsi qu’en dimensionnant correctement les éléments de façade vitrés (dimensionnement à faire en fonction des diverses contraintes), la villa prévue devrait être correctement protégée du bruit des avions et offrir aux futurs habitants situés dans les pièces "sensibles au bruit" des conditions d’aération satisfaisantes en laissant pénétrer un niveau de bruit équivalent (voire inférieur) à celui qui est admis sans restriction pour une villa située juste à l’extérieur des limites de bruit publiée par le SPBR, courbes calculées par l’EMPA pour l’AIG.

Malheureusement, pour le bruit perçu à l’extérieur de la villa projetée, aucun moyen raisonnable de protection acoustique ne pourra être mis en œuvre".

Par ailleurs, les recourants persistaient à considérer que le DCTI refusait arbitrairement de leur délivrer une quelconque autorisation de construire. Il était choquant que le SPBR se prononce en défaveur d’un projet élaboré par un acousticien particulièrement qualifié. Enfin, le DCTI avait, très récemment encore autorisé, sur une parcelle vendue par l’Etat en 2006, la construction de trois villas à moins de cent mètres de celle des recourants sur la base d’un préavis favorable du SPBR alors que pour ces constructions, les mesures constructives de protection contre le bruit étaient bien moindres que celles proposées par les recourants.

21. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La 5ème zone est destinée à l’habitation et plus particulièrement à l’édification de villas (art. 19 al. 3 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30).

3. A aucun moment les recourants n’ont contesté les valeurs de mesure du bruit retenues par le département, fondées sur des statistiques remontant à l’année 2000 d’une part, pas plus qu’ils n’ont remis en cause le fait que les VLI seraient dépassées de 4 dB de jour et de 6 à 7 dB pour les deux premières tranches nocturnes sur leur parcelle.

C’est après avoir pris connaissance de ce document que le SPBR a émis son dernier préavis du 30 janvier 2009, défavorable également, les fonctionnaires du service déclarant partager entièrement les conclusions du bureau mandaté par les recourants. Le bruit au milieu des fenêtres ouvertes, soit à l’endroit où devaient être mesurées les immissions, devait être inférieur aux valeurs limite fixées par l’OPB, ce qui n’était pas le cas.

4. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la conjugaison des art. 31 al. 1 OPB et 22 al. 2 LPE a pour conséquence que le respect des VLI est en principe exigé pour l’octroi d’un permis de construire dans des secteurs exposés au bruit (Arrêt du Tribunal fédéral 1A.108/2003 du 9 septembre 2003).

Aux termes de l’art. 22 al. 1 LPE (titre : « Permis de construire dans les zones affectées par le bruit »), les permis de construire de nouveaux immeubles destinés au séjour prolongé des personnes ne seront délivrés, sous réserve de l’al. 2 de cette disposition, que si les VLI ne sont pas dépassées.

Cette disposition s’applique au projet litigieux, dès lors qu’il s’agit d’une maison d’habitation. Dans la présente contestation, seul le bruit du trafic aérien est en cause ; les valeurs limites déterminantes sont donc celles fixées dans l’annexe 5 de l’OPB, état au 1er juin 2006, la requête en autorisation de construire ayant été déposée le 6 décembre 2005.

a. A teneur de l’art. 38 al. 2 OPB, les immissions de bruit des avions sont en principe déterminées non sur la base de mesures mais par calcul, selon l’état admis de la technique (ATF 126 II 522 consid. 48a, p. 592 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1A.21/2003 du 29 septembre 2003, consid. 5a). L’office fédéral de l’environnement des forêts et du paysage (ci-après : OFEFP) recommande des méthodes de calcul appropriées.

b. Le choix des autorités de privilégier la méthode de calcul s’explique en partie par le fait que les mesures sur le terrain sont chères et compliquées sans être plus précises pour autant. De plus, les développements informatiques permettent de produire des modèles de bruit. Il existe de nombreux logiciels de simulation, au moyen desquels on peut calculer aussi bien des situations sonores isolées que des cadastres de bruit tout entier. Ce n’est que dans des cas particulièrement complexes que des mesures sont requises. Pour le bruit des grands aéroports, le modèle de calcul de l’exposition au bruit des aéronefs est effectué à l’aide du programme de simulation du bruit des aéronefs FLULA2 (Flug - Lärmprogramm ; Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage - OFEFP -, Cahier de l’environnement n° 329 - Bruit - Lutte contre le bruit en Suisse - Etat actuel et perspective, Berne 2002, p. 43 et 91 ; ATA/126/2008 précité).

5. Conformément à l’art. 39 OPB, pour les bâtiments, les immissions de bruit sont mesurées au milieu de la fenêtre ouverte des locaux à usage sensible au bruit. Les immissions de bruit des avions peuvent aussi être déterminées à proximité des bâtiments.

6. Les VLI font partie d’un système d’évaluation des nuisances, composé de trois valeurs limites d’exposition (ci-après : VLE). Elles figurent dans les annexes à l’OPB.

7. a. Les VLE sont déterminées en fonction du genre de bruit, de la période de la journée, de l’affectation du bâtiment et du secteur à protéger (art. 2 OPB). Ainsi, elles sont classées en quatre catégories, selon le DS qui a été attribué à un secteur déterminé (art. 43 al. 1 litt. a-d OPB) et en fonction de la zone d’affectation à laquelle il correspond (cf. art. 14 ss de la loi fédérale du 22 juin 1979 sur l’aménagement du territoire – LAT – RS 700).

b. Les DS indiquent le niveau d'immission à partir duquel les nuisances sonores sont ressenties comme incommodantes par la population de la zone concernée. Ce niveau doit être respecté par toute installation fixe nouvelle ou existante.

c. Selon l’art. 44 al. 1 OPB, les cantons veillent à ce que les DS soient attribués aux zones d’affectation dans les règlements de construction ou les plans d’affectation communaux. Avant leur attribution, ils sont déterminés de cas par cas par les cantons au sens de l’art. 43 OPB (art. 44 al. 3 OPB).

L'art. 43 al. 1 OPB commande en particulier l'attribution d'un DS II dans les zones où aucune entreprise gênante n'est autorisée, notamment dans les zones d'habitation ainsi que dans celles réservées à des constructions et installations publiques (let. b), et d'un DS III dans les zones ouvertes aux entreprises moyennement gênantes, telles les zones d'habitation et artisanales (zones mixtes) et les zones agricoles (let. c). Cette classification doit être respectée par les autorités cantonales et communales dans l'exercice du pouvoir d'appréciation qui leur est reconnu en la matière (ATF 120 Ib 287 consid. 3c/bb p. 295, 456 consid. 4b p. 460 ; 119 Ib 179 consid. 2a p. 186 ; ZBl 97/1996 p. 407 consid. 4b p. 411).

En l’espèce, il n’existe aucun plan d’affectation spécial attribuant le DS de la parcelle concernée. S’agissant toutefois de la zone villas, c’est le DS II qui doit être retenu, ce qui correspond à la pratique en cours dans le canton de Genève (ATA/126/2008 précité ; ATA/830/2005 du 6 décembre 2005 et les références citées). Celle-là est par ailleurs compatible avec la jurisprudence du Tribunal fédéral, pour lequel, en zone résidentielle, le DS II doit en principe être appliqué conformément à l'art. 43 al. 1 let. b OPB (Arrêt du Tribunal fédéral 1A.20/2007 du 23 octobre 2007).

8. Lorsque le DS II est applicable, les VLI sont les suivantes :

entre 06h00 et 22h00 : 60 dB(A) ;

de 22h00 à 24h00 et de 05h00 à 06h00 : entre 50 et 55 dB(A).

Au vu de ce qui précède, le Tribunal administratif constate que les VLI sont dépassées de 3 à 4 dB entre 06h00 et 22h00 et de 6 à 7 dB pour les deux premières tranches nocturnes soit entre 22h00 et 23h00 et entre 23h00 et 24h00, d’autre part.

9. Si les VLI sont dépassées, les permis de construire de nouveaux immeubles destinés au séjour prolongé de personnes ne sont délivrés que si les pièces ont été judicieusement disposées et si les mesures complémentaires de lutte contre le bruit qui pourraient encore être nécessaires, ont été prises (art. 22 al. 2 LPE et 31 al. 1 OPB).

En l’espèce, aussi bien le DCTI que le SPBR sont parvenus à la conclusion que les solutions retenues par l’architecte, même les dernières proposées, ne permettaient pas que soient respectées les VLI maximales, comme indiqué ci-dessus.

10. L’art. 31 al. 2 OPB prévoit une exception au principe du respect des VLI, en ce sens que, si les différentes mesures mentionnées à l’art. 31 al. 1 OPB ne permettent pas de respecter les VLI, le permis pourra néanmoins être délivré, avec l’assentiment de l’autorité cantonale, pour autant que l’édification du bâtiment présente un intérêt prépondérant.

Cela implique une pesée des intérêts en présence, à savoir d’une part, les intérêts liés à la protection contre les nuisances sonores excessives et, de l’autre, ceux liés à la construction de la parcelle.

En l’espèce, la protection de la santé des recourants constitue un intérêt public important qui doit primer leur intérêt privé à édifier une villa à cet endroit.

La pénurie de logements alléguée et avérée ne suffit pas à modifier cette pesée de intérêts. (CH. JAEGER, Bâtir dans les secteurs exposés au bruit, in VLP-ASPAN, juillet n° 4/2009 ; A.-C. FAVRE, La protection contre le bruit dans la loi sur la protection de l’environnement, thèse Lausanne 2002, p. 269 ss ; Arrêts du Tribunal fédéral 1A.108/2003 du 9 septembre 2003 et 1A.90/2002 du 7 février 2003).

Enfin, "une brèche dans le milieu bâti" est constituée de parcelles non bâties isolées, contiguës aux terrains construits, en général déjà équipées et d’une surface relativement réduite. L’affectation d’une telle brèche est essentiellement marquée par les constructions qui l’entourent (ATF 132 II 218, consid. 4.2.1 ; ATF 121 II 417 consid. 5a 424).

En l’espèce, il résulte clairement de la description des lieux faite lors du transport sur place d’une part, et de la photo aérienne figurant en première page du rapport de l’acousticien mandaté par les recourants d’autre part, que la parcelle de ces derniers ne se trouve pas dans une "brèche du milieu bâti" puisqu’elle est en bout de lignée de villas existantes. Cette condition n’est donc pas remplie non plus.

Aucune autorisation à titre dérogatoire au sens de l’art. 31 al. 2 OPB ne peut donc être délivrée.

11. En conséquence, le département, puis la commission étaient fondés à refuser de délivrer l’autorisation de construire sollicitée.

En l’espèce, le tribunal de céans n’a aucune raison de s’écarter de la solution qu’il a adoptée dans un cas similaire soit l’ATA/126/2008 du 18 mars 2008 situé sur la commune de Genthod.

12. Quant au principe d’égalité de traitement invoqué par les recourants au regard de l’art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), force est d’admettre qu’il ne trouve pas application puisque, comme la représentante du département l’a relevé, soit les autorisations de construire des villas voisines ont été accordées car les terrains sur lesquels celles-ci ont été édifiées se trouvaient dans une "brèche du milieu bâti", soit l’exposition au bruit de ces bâtiments différait de celle du projet des recourants et ont été édifiés alors que le nouveau droit, plus strict, n’était pas en vigueur, soit encore dans le cas de M. Latsis, les conditions pour l’octroi d’une dérogation étaient remplies.

La situation des recourants n’étant pas la même que celle des propriétaires dont ils se prévalent, il en résulte que le grief de violation du principe d’égalité de traitement sera écarté.

13. En conséquence, le recours sera rejeté. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’500.- sera mis à la charge des recourants pris conjointement et solidairement. Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 mai 2008 par Madame Myriam et Monsieur Cédric Senften contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 10 avril 2008 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge des recourants pris conjointement et solidairement un émolument de CHF 1’500.- ;

dit qu’aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée ;

dit que, conformément aux art. 82 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Julien Blanc, avocat des recourants, à la commission cantonale de recours en matière administrative ainsi qu’au département des constructions et des technologies de l'information.

Siégeants : M. Thélin président, Mmes Bovy, Hurni, Junod et M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a. i. :

 

 

F. Rossi

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :