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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/784/2009

ATA/51/2010 du 26.01.2010 ( AIDSO ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/784/2009-AIDSO ATA/51/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 26 janvier 2010

2ème section

dans la cause

 

 

 

Madame M______
représentée par Me Christine Sordet, avocate

 

 

 

 

contre

 

 

 

 

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1. Madame M______, née le ______ 1967, célibataire, de nationalité suisse, domiciliée à Genève, est titulaire d’un CFC d’employée de bureau obtenu en 1987. De 1987 à 1990, elle a effectué un apprentissage d’horticultrice à la Ville de Genève puis elle a travaillé dans ce canton de 1991 à 1993. Dès 1994, elle a vécu dans le canton de Fribourg d’où elle est revenue en 2003.

N’ayant pas trouvé de travail à Genève, elle a sollicité le 4 mai 2004 des prestations de l’Hospice général (ci-après : l'hospice) qui lui ont été versées, tout d’abord au titre de la loi sur l’assistance publique du 19 septembre 1980 (LAP - J 4 05), puis dès le 19 juin 2007 de la loi sur l’aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LASI - J 4 04).

2. Le 4 mai 2004, Mme M______ a signé un document intitulé "ce qu’il faut savoir en demandant l’intervention de l’assistance publique". Les 16 janvier et 27 octobre 2008, elle a signé un document "mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général".

Elle devait tout mettre en œuvre pour améliorer sa situation sociale et financière.

3. Du 18 avril au 18 août 2006, Mme M______ a effectué un stage au centre d’intégration professionnel ARVA suivi de plusieurs autres proposés par cet organisme, essentiellement dans le domaine du jardinage. D’elle-même, elle en a interrompu deux, l’un à l’Orangerie en novembre 2006 et l’autre au centre ornithologique, en mai 2007.

4. Le 28 août 2006, elle a signé un contrat d’aide sociale individuel (ci-après : CASI) tel qu’il est prévu par les art. 14 et ss LASI. Le projet social mentionné était : "réinsertion professionnel via ARVA plus stage" et le délai fixé était de un à douze mois.

Selon l’art. 7 al. 1 du règlement d’exécution de la loi sur l’aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RASI - J 4 04.01) :

"un supplément d’intégration mensuel de CHF 100.- est accordé :

a. à la signature du CASI pour une durée d’un mois ;

b. au bénéficiaire incapable de fournir une prestation d’intégration ou de signer un CASI malgré sa bonne disposition avérée".

Le CASI permet de fixer à son bénéficiaire des objectifs à atteindre de mois en mois pour faciliter son intégration sociale et son insertion professionnelle. Outre les prestations de base, le bénéficiaire a droit à un supplément d’intégration mensuel de CHF 300.-, versé le mois suivant celui au cours duquel il a atteint l’objectif convenu. Si celui-ci n’est pas atteint, le supplément d’intégration peut être réduit à CHF 100.-, voire supprimé (art. 7 al. 3 let. a RASI), ces mesures se voulant incitatives.

5. Mme M______ est suivie par Monsieur D______, assistant social au centre d’action sociale et de la santé (ci-après : CASS) de St-Jean.

6. Le 3 avril 2007, un nouveau CASI a été conclu dont le projet était le suivant : "avoir une activité hebdomadaire, via activités de réinsertion (ci-après : ADR) par exemple". Un délai de trois à six mois était prévu.

a. L’objectif à atteindre pour le mois de juin 2007 était de "remettre à jour le CV".

b. Pour juillet 2007, l’intéressée devait :

"1. Se rendre au centre du volontariat pour se documenter sur les associations qui cherchent des bénévoles pour des activités en plein air ;

2. Apporter les recherches".

c. Pour août 2007, elle devait :

"1. Apporter les numéros de dossier (Ville de Genève/office cantonal du logement) ;

2. Poursuivre mission ADR".

d. Ce dernier objectif était également fixé pour septembre et octobre 2007.

7. Par pli recommandé du 22 novembre 2007, Mme M______ a reçu de l’hospice un avertissement.

Le 18 juillet 2007, elle avait signé un contrat relatif à une activité de réinsertion à la voirie de Meyrin pour une durée de douze mois, mais le 10 octobre 2007 elle avait informé l’hospice qu’elle avait cessé cette dernière activité sans fournir de motifs valables. Or, elle avait par deux fois déjà, abandonné deux stages. Elle était ainsi avisée qu’elle avait contrevenu à l’art. 20 LASI. Si elle continuait à ne pas respecter ses engagements, l’hospice serait dans l’obligation de diminuer les prestations qui lui étaient allouées.

8. Le 28 novembre 2007, Mme M______ a eu un entretien avec M. D______. A cette occasion, elle a allégué pour la première fois des problèmes de santé. Selon un certificat médical établi par le Dr François Polastri le 1er novembre 2007, elle ne devait pas soulever des charges de plus de dix kilos.

9. Par courrier du 19 décembre 2007, M. D______ a informé Mme M______ que, depuis fin novembre 2007, elle ne percevait plus les prestations incitatives, suite à l’avertissement qui lui avait été signifié le 22 novembre 2007. Le supplément d’intégration de CHF 300.- était lié au projet de CASI et à la réalisation de ses objectifs. Or, depuis l’arrêt en octobre 2007 de son activité de réinsertion à Meyrin, le projet du CASI n’avait plus lieu d’être. Depuis deux ans, avec l’aide d’ARVA, elle avait postulé pour des places en tant qu’aide-jardinière et elle avait entrepris différents stages. Comme elle ne pouvait plus porter des charges supérieures à dix kilos et qu’elle n’acceptait plus une activité au cours de laquelle il fallait vider des poubelles, l’obtention d’un poste d’aide-jardinière paraissait compromise. Il lui était demandé de réfléchir à un nouveau projet de CASI qui soit réalisable. Il était précisé que "lors de notre prochain rendez-vous, nous accueillerons vos propositions et selon le projet, nous pourrons alors vous accorder des prestations incitatives dès la réussite de vos objectifs".

En décembre 2007, Mme M______ n’a pas reçu de supplément d’intégration puisqu’aucun CASI n’existait.

10. Le 15 janvier 2008, M. D______ a rencontré Mme M______ et l’a aidée à concevoir un nouveau projet. Un CASI a été signé le même jour. Le projet social mentionné sur ce document consistait à "trouver un stage (ADR ou autres) sur le long terme dans le domaine du jardinage". Le délai était de six mois renouvelable. Du fait qu’elle avait signé ce nouveau CASI, Mme M______ a eu droit à un supplément d’intégration de CHF 100.- qui lui a été versé en février 2008.

Le 20 février 2008, Mme M______ avait rendez-vous avec M. D______. Elle s’est présentée mais son assistant social était absent. Personne n’a pu la recevoir. Elle n’a pas déposé de documents attestant de ses recherches. L’hospice a considéré que les objectifs fixés pour février 2008 n’avaient pas été atteints. Le supplément d’intégration pour mars 2008 n’a donc pas été versé à l’intéressée.

Le 19 mars 2008, Mme M______ a indiqué à M. D______ qu’elle avait entrepris des recherches de places de stage en jardinage par le biais d’ARVA. Elle avait envoyé divers courriers sans être en mesure d’en produire des copies. Elle a été informée que le supplément d’intégration d’avril 2008 ne lui serait dès lors pas versé.

Un nouvel objectif lui a été fixé qui serait évalué le 22 avril 2008 en vue de l’octroi des prestations pour mai 2008. L’objectif fixé était : "feuilles de recherche de stages".

Le 22 avril 2008, Mme M______ a apporté à M. D______ la preuve des recherches qu’elle avait effectuées pour l’assurance chômage en mars 2008. Cette feuille manuscrite comportait le nom de dix entreprises contactées par l’intéressée entre le 4 et le 31 mars 2008 pour une activité à plein temps ou à temps partiel en qualité de jardinière ou paysagiste. Dans la rubrique "résultat de l’offre de services", la recourante avait noté en regard du nom de chaque entreprise "motif de non engagement". M. D______ a considéré qu’elle avait rempli l’objectif fixé, de sorte que le supplément d’intégration de CHF 300.- lui a été octroyé pour mai 2008. Toutefois, compte tenu du manque de motivation de l’intéressée, il lui a demandé de réfléchir pour le prochain rendez-vous du 21 mai 2008 à un autre projet de CASI, l’objectif étant formulé ainsi : "compte rendu oral ou écrit de la réflexion".

11. Le 28 avril 2008, l’hospice a signifié à Mme M______ un refus d’octroi de supplément d’intégration pour novembre et décembre 2007 car l’objectif fixé pour novembre 2007 n’avait pas été atteint et qu’aucun CASI n’existait en décembre 2007.

12. En temps utile, Mme M______ a fait opposition en concluant à l’annulation de la décision du 28 avril 2008 et au versement des suppléments d’intégration pour novembre et décembre 2007.

13. Le 21 mai 2008, Mme M______ a proposé une activité de bergère et le supplément d’intégration de CHF 300.- lui a été octroyé pour juin 2008.

L’objectif à atteindre pour le 16 juin 2008 a été libellé ainsi : "continuer mes démarches pour un emploi comme bergère".

Le 16 juin 2008, Mme M______ a remis à M. D______ une feuille de recherches d’emplois. Un délai supplémentaire lui a été donné pour fournir les coordonnées des personnes contactées.

Le 18 juin 2008, l’hospice a proposé à Mme M______ une ADR dans un manège. Pour s’inscrire, elle devait produire un CV qu’elle n’a jamais fourni.

14. Le 11 juillet 2008, le directeur général de l’hospice a admis partiellement l’opposition. Il a annulé la décision du 28 avril 2008 en tant qu’elle refusait l’octroi du supplément d’intégration pour novembre 2007, considérant que l’intéressée avait droit à ce supplément de CHF 300.- pour ce mois-ci. Il a confirmé la décision attaquée pour le surplus en ce qu’elle refusait l’octroi du supplément d’intégration pour décembre 2007.

Cette décision est devenue définitive et exécutoire, n’ayant pas fait l’objet d’un recours auprès du Tribunal administratif.

15. Le 22 juillet 2008, Mme M______ a présenté le document requis le 16 juin 2008, manuscrit et comportant les noms et adresses de dix personnes, toutes en France, dont il a été admis qu’elles recherchaient des bergères. Mme M______ a donc reçu CHF 300.- comme supplément d’intégration à titre rétroactif pour juillet 2008. Elle devait aussi présenter un compte-rendu écrit de ses projets professionnels. A cette occasion, elle a remis une page manuscrite intitulée "objectifs d’août 2008" et datée du 20 juillet 2008 dont le texte intégral est reproduit ci-dessous :

- "un emploi de jardinière ;

- je suis à la recherche d’un poste de préférence dans mon domaine : jardinage, entretien des jardins ;

- ne trouvant pas d’offres d’emploi de jardinière, je ne sais pas comment faire ;

- n’ayant pas de connaissance en ordinateur, j’aurais besoin de cours ;

- jardinière ;

- jardinière ;

- jardinière ;

- jardinière ;

- jardinière ;

- jardinière".

Au vu de ce document, M. D______ a considéré que l’objectif de juillet n’était pas atteint, raison pour laquelle le supplément d’intégration de CHF 300.- pour le mois d’août n’a pas été versé à l’intéressée.

16. Le 28 juillet 2008, il a écrit à Mme M______ pour lui faire part de son interrogation sur sa réelle aptitude au placement et sur ses motivations. Il considérait que "trouver un stage sur le long terme dans le domaine du jardinage (projet de votre CASI du 15 janvier 2008) n’a plus de sens et est donc clos à compter du mois d’août 2008".

Le 20 août 2008, elle devrait lui faire part d’un projet réaliste et d’un objectif à fixer en septembre 2008. Elle pouvait solliciter une décision formelle susceptible d’opposition.

Le 28 juillet 2008, un avocat s’est constitué pour Mme M______ et a prié l’hospice de rendre une décision formelle puisque sa mandante n’avait pas reçu les suppléments d’intégration de janvier à juillet 2008.

17. Par décision du 18 août 2008, après avoir retracé l’historique des démarches de l’intéressée, l’hospice a relevé que celle-ci avait perçu CHF 100.- pour la signature du CASI de janvier 2008 et ce montant avait été encaissé en février 2008. Par ailleurs, elle avait perçu un supplément d’intégration de CHF 300.- en mai, juin et juillet 2008 du fait que les objectifs respectivement d’avril, mai et juin avaient été considérés comme atteints. Le refus des suppléments d’intégration pour janvier, février, mars, avril et août 2008 était confirmé. La décision était déclarée exécutoire nonobstant opposition.

18. Le 12 septembre 2008, Mme M______ a fait opposition. Elle a conclu principalement à l’annulation de la décision du 18 août 2008 et à l’octroi des suppléments d’intégration pour janvier, février, mars, avril et août 2008 et subsidiairement, pour respecter le principe de proportionnalité, à la réduction desdits suppléments dans une juste mesure, selon l’art. 7 al. 3 let. a RASI.

19. Par décision du 3 février 2009, le directeur de l’hospice a rejeté l’opposition et confirmé la décision attaquée.

En janvier 2008, Mme M______ ne pouvait pas recevoir un supplément d’intégration de CHF 300.- puisque celui-ci était octroyé en fonction de la situation prévalant en décembre 2007. Or, pour ce mois-ci, elle n’était plus liée à l’hospice par un CASI. Sur ce point, la décision sur opposition du 11 juillet 2008 était définitive et exécutoire.

Pour février 2008, Mme M______ avait reçu un supplément d’intégration de CHF 100.- puisqu’elle avait signé un nouveau CASI en janvier 2008. Ce montant ne pouvait être cumulé avec le supplément d’intégration de CHF 300.- prévu à l’art. 7 al. 3 RASI car elle ne pouvait pas déjà avoir réalisé un objectif.

Concernant le supplément d’intégration de mars 2008, Mme M______ ne pouvait pas y prétendre. En février 2008, elle n’avait pas cherché une place de stage dans le jardinage. Elle avait ultérieurement soutenu qu’elle n’avait pu atteindre cet objectif du fait qu’elle n’avait pas accès à des données informatiques. Or, elle n’avait jamais parlé de cela à son assistant social d’une part, et elle avait été informée d’autre part, qu’elle pouvait se faire accompagner pour utiliser gratuitement les ordinateurs des associations ARVA, TRIALOGUE ou même pour se rendre dans un cyber café.

Le refus du supplément d’intégration pour le mois d’avril 2008 était fondé car en mars 2008, Mme M______ n’avait pas rapporté la preuve qu’elle avait effectué des recherches de places de stage de jardinière.

Les recherches d’emploi de bergère effectuées en mars 2008 avaient été prises en compte pour le supplément d’intégration de mai 2008.

Quant au supplément d’intégration pour le mois d’août 2008, il n’était pas dû car l’objectif n’avait pas été atteint en juillet, la feuille manuscrite produite ne constituant pas un compte-rendu de ses projets professionnels.

20. a. Par acte du 6 mars 2009, Mme M______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif à l’encontre de cette décision reçue le 4 février 2009, en concluant préalablement, à ce qu’un délai lui soit octroyé pour compléter son recours et produire des pièces. Principalement, elle sollicitait l’annulation de la décision du 3 février 2009 et la constatation qu’elle avait droit aux suppléments d’intégration pour les mois de janvier à avril ainsi que pour le mois d’août 2008 à raison de CHF 400.- par mois.

Un délai au 31 mars 2009 a été octroyé à Mme M______ pour compléter son recours. Le 9 avril 2009, elle a adressé au tribunal de céans un bordereau de pièces et sollicité l’audition de témoins pouvant confirmer sa bonne volonté et ses efforts pour répondre aux objectifs fixés par l’hospice dans le cadre des divers CASI.

b. Le 15 mai 2009, l’hospice a conclu au rejet du recours pour les motifs exposés dans la décision sur opposition. De plus, et contrairement aux allégués de la recourante, les suppléments d’intégration respectivement de CHF 100.- accordés lors de la signature d’un CASI et de CHF 300.- lorsque l’objectif fixé était atteint, n’étaient pas cumulables.

c. Les parties ont été entendues lors d’une audience de comparution personnelle le 5 juin 2009.

M. D______ était également présent.

Mme M______ a relevé qu’elle trouvait surprenant d’être sanctionnée pour le mois de mars 2008 alors qu’elle s’était présentée au rendez-vous fixé par son assistant social le 20 février 2008 mais qu’il était absent. Personne ne le remplaçait. Elle n’avait pas songé à déposer des documents puisqu’elle pensait discuter avec lui des objectifs que celui-ci lui avait fixés.

Sur ce point, M. D______ a répondu que le jour en question il était en congé paternité suite à la naissance de sa fille, le 16 février 2008. Mme M______ n’avait pas été informée de son absence mais elle aurait néanmoins pu déposer les documents requis. Si tel avait été le cas, elle aurait reçu le supplément de d’intégration pour mars 2008.

La recourante s’est référée à la liste des recherches d’emploi qu’elle avait effectuées en mars 2008 à l’intention de la caisse de chômage. M. D______ a exposé qu’il n’avait eu connaissance de ce document que le 22 avril 2008, raison pour laquelle le supplément d’intégration pour mai 2008 avait été octroyé à la recourante sur la base de ce document.

La recourante a persisté à réclamer le supplément d’intégration pour janvier 2008.

Elle a produit en outre une attestation du 3 juin 2009 certifiant que de juillet 2007 à mars 2009, elle avait travaillé bénévolement une journée par semaine en qualité de jardinière au Château de Penthes où elle s’occupait des fleurs qu’elle taillait et arrosait. Depuis fin mars 2009, elle était hospitalisée à Belle-Idée et acceptait de délier du secret médical les médecins afin que ceux-ci attestent de sa situation en 2008 et 2009.

M. D______ a déclaré qu’il ne s’occupait plus du dossier de Mme M______ depuis le 6 mars 2009. Il convenait qu’il n’aurait pas dû lui proposer un nouveau CASI le 15 janvier 2008. En novembre 2007, l’intéressée avait fait état pour la première fois de problèmes de santé l’empêchant de soulever des charges de plus de dix kilos. Or, toutes les tentatives d’intégration étaient faites dans le domaine du jardinage qui ne semblait plus approprié. Mme M______ semblait souffrir de problèmes psychiques face auxquels elle était en plein déni. De plus, elle avait refusé qu’il prenne contact avec le responsable du Château de Penthes. En décembre 2007, il n’y avait plus de contrat permettant d’octroyer un éventuel supplément d’intégration pour janvier 2008.

Quant à Mme M______, elle a répondu sur ce dernier point que ce n’était pas de sa faute puisqu’elle avait écrit les 16 novembre et 4 décembre 2007. Elle avait dû attendre le 15 janvier 2008 pour avoir un rendez-vous.

Enfin, elle avait sollicité des cours d’informatique car des employeurs lui avaient demandé si elle avait des connaissances dans ce domaine, notamment pour pouvoir classer des plantes ou trier des commandes.

Le conseil de la recourante a précisé qu’il solliciterait des Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après : HUG) un certificat médical circonstancié qui serait adressé au tribunal de céans.

La représentante de l’hospice s’est engagée à envoyer au juge délégué un relevé des prestations versées à la recourante de janvier à août 2008 avec l’indication des dates des versements et des mois auxquels ceux-ci correspondaient.

21. Le 18 juin 2009, l’hospice a produit les pièces précitées qui ont été transmises à la recourante avec un ultime délai au 15 juillet 2009 pour se déterminer à leur sujet.

22. Le 15 juillet 2009, l’intéressée a persisté dans ses explications et conclusions.

23. Le 14 août 2009, l’hospice s’est déterminé à son tour sur cette dernière écriture en persistant dans sa réponse du 15 mai 2009. Les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

24. Aucun certificat médical n’étant parvenu au juge délégué, celui-ci l’a réclamé le 13 janvier 2010 au conseil de la recourante, en vain à ce jour.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Mme M______ réclame le versement de suppléments d’intégration pour les mois de janvier à avril ainsi que pour le mois d’août 2008 à raison de CHF 300.- par mois, sous déduction de CHF 100.- versés en février 2008 selon ses dernières conclusions du 15 juillet 2009.

3. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; 127 III 576 consid. 2c p. 578 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C.573/2007 du 23 janvier 2008 consid. 2.3). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; 130 I 425 consid. 2.1 p. 428 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C.402/2008 du 27 juin 2008 consid. 3.2 ; 2P.205/2006 du 19 décembre 2006 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/432/2008 du 27 août 2008 consid. 2b). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 133 II 235 consid 5.2 p. 248 ; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 ; 126 I 97 consid. 2b p. 103).

En l’espèce, il est inutile de procéder aux auditions de témoins requises le 9 avril 2009 par la recourante, les pièces du dossier et l’audition des parties permettant au tribunal de céans de statuer en toute connaissance de cause.

4. Il résulte de la décision sur opposition du 11 juillet 2008, définitive et exécutoire, que les parties n’étaient plus liées par un CASI en décembre 2007, un nouveau CASI n’ayant été signé que le 15 janvier 2008. A teneur de l’art. 14 al. 1 LASI "en contre-partie des prestations d’aide financière auxquelles il a droit et des mesures d’intégration sociale ou d’insertion professionnelle mises en place, le bénéficiaire s’engage à participer activement à l’amélioration de sa situation. Cet engagement prend la forme d’un contrat" (art. 14 al. 1 LASI), signé par le bénéficiaire et l’hospice (art. 16 al. l LASI).

Celui-ci a pour but de restaurer la dignité de la personne, de la socialiser et de favoriser son insertion socio-professionnelle ainsi que d’améliorer sa situation matérielle (art. 15 LASI).

Il contient, selon l’art. 18 LASI :

"a. le projet, ainsi que les objectifs à atteindre pour le réaliser ;

b. les délais dans lesquels ces objectifs doivent être atteints ;

c. les moyens à mettre en œuvre à cet effet, en précisant à qui ils incombent".

Une évaluation doit être effectuée à l’échéance des délais fixés (art. 18 al. 1 et 2 LASI). Le contrat est réadapté en fonction de l’évolution de la situation et doit tenir compte des objectifs atteints (art. 18 al. 3 LASI).

Enfin, le bénéficiaire de l’aide sociale bénéficie des mesures d’intégration sociale et/ou d’insertion professionnelle mises en place par l’Etat dans le cadre des dispositifs prévus par la loi en matière de chômage (art. 19 al. 1 LASI).

Quant à l’art. 20 LASI, il instaure un devoir de collaboration pour le bénéficiaire. Si ce dernier ne respecte pas sans justes motifs le CASI qu’il a signé, il s’expose aux sanctions prévues à l’art. 35 al. 1 let. e LASI, soit à la réduction, la suspension ou la suppression de l’aide allouée.

5. L’art. 7 RASI dispose qu’un supplément d’intégration mensuel de CHF 100.- est accordé :

"a. à la signature du CASI pour une durée d’un mois ;

b. au bénéficiaire incapable de fournir une prestation d’intégration ou de signer un CASI malgré sa bonne disposition avérée".

L’art. 7 al. 3 let. a RASI prévoit qu’"un supplément d’intégration de CHF 300.- est accordé au bénéficiaire qui a atteint l’objectif mensuel fixé dans son CASI. En cas d’objectif non atteint, le montant du supplément d’intégration peut être diminué à CHF 100.-, voire supprimé".

6. Dans un tel cas, l’hospice doit rendre une décision formelle susceptible d’opposition (art. 47 et 51 LASI) puis de recours auprès du tribunal de céans (art. 52 LASI).

7. Il résulte de la procédure que l’hospice fixe au bénéficiaire du CASI des objectifs à atteindre de mois en mois. Lorsque l’objectif est atteint, le supplément d’intégration est versé le mois suivant.

8. Pour déterminer si la recourante a droit au supplément d’intégration qu’elle réclame pour les mois de janvier à avril ainsi que pour le mois d’août 2008, il faut donc apprécier si elle bénéficiait d’un CASI, et dans cette hypothèse, si elle a atteint les objectifs qui lui avaient été fixés au cours de chacun des mois précédents la période précitée, à savoir de décembre 2007 à mars 2008 et en juillet 2008.

9. Comme indiqué ci-dessus, aucun CASI ne liait les parties en décembre 2007, de sorte qu’il est exclu que Mme M______ puisse bénéficier du supplément d’intégration en janvier 2008, aucun objectif n’ayant pu lui être fixé le mois précédent. Du fait qu’elle avait signé le 15 janvier 2008 un nouveau CASI, elle a reçu en février 2008, un supplément d’intégration de CHF 100.- par application de l’art. 7 al. 1 let. a RASI.

10. A teneur de ce dernier CASI, le projet social à atteindre d’ici le 20 février 2008 était ainsi défini : "trouver un stage (ADR = activité de réinsertion) ou autres) sur le long terme dans le domaine du jardinage".

Il est constant que le 20 février 2008, Mme M______ avait rendez-vous avec M. D______ mais que celui-ci était absent, ce dont la recourante n’avait pas été informée alors qu’une telle absence, occasionnée par un congé paternité, était prévisible. Personne d’autre n’a reçu l’intéressée. Mme M______ n’ayant pas déposé de documents à la réception en l’absence de son assistant social, elle n’a pas reçu de supplément d’intégration pour le mois de mars 2008. Selon les déclarations de M. D______ faites lors de l’audience de comparution personnelle du 5 juin 2009, Mme M______ connaissait le système du CASI et si elle avait déposé les documents requis, elle aurait reçu le supplément d’intégration en question. Elle n’avait pas davantage reçu le supplément d’intégration pour février 2008 puisque le CASI datant du 15 janvier 2008 seulement, elle ne pouvait satisfaire les objectifs avant la fin du mois.

Lors de cette même audience, M. D______ a cependant déclaré qu’il n’aurait pas dû proposer un nouveau CASI à Mme M______ puisque depuis novembre 2007, elle avait fait état de problèmes de santé l’empêchant de soulever des charges de plus de dix kilos alors que toutes les tentatives d’intégration étaient faites dans le domaine du jardinage. Or, une telle limitation était incompatible avec ce type d’activité.

Dans ces circonstances, il est incompréhensible que M. D______ ait fait signer un nouveau CASI à Mme M______ le 15 janvier 2008 en fixant comme projet social "trouver un stage sur le long terme dans le domaine du jardinage" et que ce même cet objectif ait été fixé une nouvelle fois pour le 19 mars 2008, alors qu’il paraissait tout aussi inatteignable pour les raisons sus-évoquées et qu’aucun point de la situation n’avait été effectué le 20 février 2008.

Il résulte des propos tenus par l’intéressé lors de l’audience de comparution personnelle que la recourante ne pouvait pas atteindre les objectifs qui lui étaient fixés dans un domaine où elle était inapte au travail. De plus, il est douteux qu’un tel objectif satisfasse aux conditions de l’art. 18 LASI rappelées ci-dessus.

Même si Mme M______ ne paraît pas particulièrement motivée, M. D______, respectivement l’hospice, ne pouvait reprocher à la recourante de n’avoir pas déposé des documents à la réception en son absence au seul motif qu’elle connaissait la procédure à suivre. Le but du CASI, tel qu’il est défini dans la loi, ne se résume pas à la fixation d’objectifs flous et à l’échange de listes qui ne permettent pas d’établir la réalité des démarches entreprises par une personne livrée à elle-même, ce d’autant que M. D______ était conscient, comme il l’a déclaré lors de l’audience de comparution personnelle qu’à cette époque, Mme M______ "semblait souffrir de problèmes psychiques face auxquels elle était en plein déni".

11. Le 19 mars 2008, Mme M______ n’a pas davantage présenté des documents attestant de ses recherches dans le domaine du jardinage, compte tenu des objectifs identiques, tout aussi irréalistes, et elle n’a donc pas reçu le supplément d’intégration en avril 2008.

Au vu des pièces produites le 22 avril 2008, soit de la liste de quelque dix noms censés attester des recherches comme bergère qu’auraient faites Mme M______ en France au cours du mois de mars 2008, l’objectif a néanmoins été considéré comme atteint. Il en a été de même le 21 mai 2008.

Quant à l’objectif fixé le 22 juillet 2008, à savoir présenter un compte-rendu écrit des projets professionnels, il paraissait tout aussi inadéquat et irréaliste, car il est permis de se demander en quoi une telle démarche favorisera la réinsertion de l’intéressée. Enfin, il est incompréhensible de demander à la recourante quels sont ses besoins en formation pour dénier ensuite toute pertinence à sa requête de cours d’informatique.

12. Les objectifs fixés de février à juillet 2008 par M. D______ étaient irréalisables, notamment en raison de l’état de santé de la recourante dont celui-là avait connaissance depuis novembre 2007. Dans ces conditions, il est difficile de reprocher à l’intéressée de n’avoir pas produit les documents requis. Ce nonobstant, il est délicat, au regard du principe d’égalité de traitement avec d’autres bénéficiaires qui satisfont à leurs obligations, d’en conclure que le supplément d’intégration de CHF 300.- par mois devrait être versé intégralement à Mme M______.

Le tribunal de céans admettra cependant, qu’en application de l’art. 7 al. 1 let. b RASI, la recourante a droit pour ces mois-ci à un supplément d’intégration mensuel de CHF 100.- en considérant sa bonne disposition avérée puisque, même en l’absence du certificat médical que sa mandataire devait produire depuis juin 2009, il apparaît que l’intéressée était incapable de fournir une prestation d’intégration.

Cette constatation fait apparaître les limites du CASI qui avaient déjà été dénoncées par le rapport de minorité lors des travaux préparatoires (MGC 2005-2006/IA 228 ss p. 97 notamment).

13. Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis. La décision sur opposition prise par le directeur de l’hospice le 3 février 2009 sera confirmée s’agissant des mois de janvier et février 2008. En revanche, elle sera annulée concernant les mois de mars, avril et août 2008 étant précisé qu’en application de l’art. 7 al. 1 let. b RASI un supplément d’intégration de CHF 100.- pour chacun de ces mois doit être versé à la recourante.

14. Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument. Une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée à la recourante à charge de l’Etat de Genève. (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 mars 2009 par Madame M______ contre la décision sur opposition du directeur de l'Hospice général du 3 février 2009 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

confirme la décision attaquée concernant les mois de janvier et février 2008 ;

l’annule s’agissant des mois de mars, avril et août 2008 ;

dit qu’un supplément d’intégration de CHF 100.- est dû à la recourante pour chacun de ces trois mois ;

condamne en tant que de besoin l’Hospice général à verser à la recourante CHF 300.- ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à la recourante une indemnité de procédure de CHF 500.- à la charge de l’Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christine Sordet, avocate de la recourante, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a. i. :

 

 

F. Rossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :