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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1185/2012

ATA/505/2012 du 31.07.2012 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1185/2012-PRISON ATA/505/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 juillet 2012

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Marco Crisante, avocat

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON



EN FAIT

1. Monsieur A______ est détenu à la prison de Champ-Dollon (ci-après : la prison) depuis le 16 avril 2009.

2. Il a fait l’objet des sanctions disciplinaires suivantes :

- un jour de cellule forte pour une bagarre entre détenus, survenue le 31 juillet 2009 ;

- un jour de suspension de travail pour contravention à l’interdiction de fumer en un lien où cela a été interdit, le 3 décembre 2009 ;

- une semaine de suspension de travail pour violation de l’interdiction de fumer dans certains locaux, faits du 2 janvier 2010 ;

- suppression du travail dès le 8 février 2010, M. A______ pouvant ensuite se réinscrire, pour non-respect des directives en matière de travail, le 6 février 2010 ;

- interdiction de visites et de colis pour une période de deux mois pour avoir détenu de la marijuana, le 6 mai 2010 ;

- trois jours de cellule forte pour agression sur un codétenu, commise le 7 avril 2011 ;

- suspension de deux jours de travail pour violation de l’interdiction de fumer dans certains locaux, constatée le 24 janvier 2012.

3. Le 19 avril 2012, Monsieur Y______, gardien responsable du secteur, a établi un rapport à l’attention du directeur de la prison au sujet de faits qui s’étaient produits le même jour. Un début d’altercation verbale avait éclaté entre MM. A______ et I______, tous deux détenus dans le réfectoire 3 du secteur est. Le gardien était intervenu avec deux autres collègues pour calmer les protagonistes. Au moment où ils réintégraient leur local de surveillance, une bagarre avait éclaté et une grosse mêlée s’était formée autour de ces deux détenus. Après que l’alarme avait été déclenchée, les gardiens étaient intervenus pour séparer les antagonistes. Au cours de l’échauffourée, un autre détenu, Monsieur B______, s’était saisi d’un couteau et avait asséné plusieurs coups à M. A______.

Suite à ces faits, quatre détenus, MM. A______, I______, B______ et D______, ont été sanctionnés par le directeur de la prison de cinq jours de cellule forte et d’une mesure de suppression du travail, avec transfert en unité Nord ou Sud, chacun des détenus ayant la possibilité de se réinscrire pour le travail.

Cette décision a été notifiée à M. A______ le 20 avril 2012 par le gardien-chef adjoint, Monsieur X______.

4. Par acte déposé le 25 avril 2012, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice contre la décision précitée. Il n’avait jamais causé aucun problème depuis son incarcération. Le 19 avril 2012, alors qu’il se trouvait dans les couloirs de la prison, trois codétenus s’étaient approchés de lui. L’un d’eux l’avait frappé au visage, tandis que les deux autres lui avaient sauté dessus. Sa seule réaction avait été de lever les bras et de se protéger le visage. Il avait reçu un coup de couteau au niveau des bras de la part d’un de ses trois agresseurs. La sanction qui lui avait été infligée était injustifiée dès lors qu’il n’avait adopté aucun comportement répréhensible.

5. Le 7 mai 2012, la direction de la prison a conclu au rejet du recours. La décision était fondée sur le visionnement des images de vidéosurveillance. Quatre détenus, dont le recourant, avaient été sanctionnés pour avoir pris part à une rixe, Contrairement à ce que ce dernier affirmait, son rôle n’avait pas été que passif. Il avait quitté sa place pour s’adresser en des termes vifs, force gestes à l’appui, à l’un des protagonistes, qui ensuite lui a porté une gifle. Il avait répliqué en portant des coups à celui-là. L’un des trois protagonistes s’était saisi d’un couteau.

Au vu de ses antécédents, la sanction qui lui avait été infligée était adéquate et respectait le principe de la proportionnalité.

6. Le 6 juin 2012, le juge délégué s’est rendu à la prison de Champ-Dollon avec sa greffière pour y visionner, en présence du conseil de M. A______, les images de vidéosurveillance prises le jour de l’altercation.

L’intégralité de l’altercation entre les quatre détenus précités avait été filmée. Elle s’était produite dans une salle tenant lieu de réfectoire, dans laquelle étaient installées deux lignées de deux tables. Avant l’altercation, MM. D______ et I______ déambulaient autour des tables, tandis que M. A______ était assis à l’une d’elles. Ce dernier, alors que ceux-là se trouvaient à hauteur de sa table, les avaient interpellés, puis suivis. Il s’en était pris verbalement à M. I______. M. B______, qui avait rejoint ce groupe de trois, en était sorti brièvement pour se saisir d’un couteau sur une table avant de réintégrer l’échauffourée. M. D______ lui avait alors asséné une claque et il avait répliqué. Lorsque les gardiens étaient intervenus, il se trouvait au milieu de la salle, étreint par M. I______, ce dernier cherchant à lui porter des coups de genou. Cette séance de visionnement a fait l’objet d’un procès-verbal de constatation qui a été communiqué aux parties.

7. Le 12 juin 2012, le conseil de M. A______ a considéré que le procès-verbal contenait une contradiction dans sa façon de relater l’étreinte entre MM. A______ et I______.

8. Par courrier du 21 juin 2012, le juge délégué a indiqué à l’avocat de M. A______ qu’il n’y avait pas lieu de modifier la teneur du procès-verbal, celui-ci ne recelant aucune contradiction. Un délai au 30 juin 2012 lui était accordé pour formuler toute requête complémentaire, y compris déposer des observations finales. Celui-ci n’ayant pas fait usage de cette faculté, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente le recours est recevable de ce point de vue (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 60 du règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 - RRIP - F 1 50.04).

2. Le statut des personnes incarcérées à la prison est régi par le RRIP (art. 1 al. 3 de la loi sur l’organisation et le personnel de la prison du 21 juin 1984 - LOPP - F 1 50).

Un détenu doit respecter les dispositions du RRIP, les instructions du directeur de l’office pénitentiaire, et les ordres du directeur et des fonctionnaires de la prison (art. 42 RRIP). Il doit observer une attitude correcte à l’égard du personnel de la prison (art. 44 RRIP). Il lui est notamment interdit de faire du bruit et, d’une manière générale, de troubler l’ordre et la tranquillité de la prison (art. 45 let. a et h RRIP).

S’agissant du travail, sauf ordre contraire de l’autorité compétente, le prévenu peut, sur demande, être affecté à un travail dans les ateliers ou les services généraux de l’établissement, ou en cellule, sous réserve des possibilités existantes (art. 50 al. 1 RRIP). Le produit de son travail est acquis à l’Etat ; toutefois, la direction de la prison verse au prévenu un pécule inscrit sur son compte (art. 50 al. 2 RRIP).

3. Si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu’à la nature et à la gravité de l’infraction, lui est infligée (art. 47 al. 1 RRIP). Avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu (art. 47 al. 2 RRIP).

Le directeur est compétent pour prononcer les sanctions suivantes :

a)  suppression de visite pour quinze jours au plus ;

b)  suppression des promenades collectives ;

c)  suppression d’achat pour quinze jours au plus ;

d)  suppression de l’usage des moyens audiovisuels pour quinze jours au plus ;

e)  privation de travail ;

f)  placement en cellule forte pour cinq jours au plus (art. 47 al. 3 RRIP), étant précisé que ces sanctions peuvent se cumuler (art. 47 al. 4 RRIP).

En l’espèce, les images de vidéosurveillance prises dans le réfectoire au moment des faits permettent de constater que le recourant est à l’origine de l’altercation qui a opposé les quatre détenus sanctionnés. Si ce n’est pas lui qui a frappé le premier, le coup qu’il a reçu de son interlocuteur est consécutif à sa prise à partie agressive de celui-là. En outre, si cette échauffourée s’est poursuivie, c’est parce qu’il a répondu à son agresseur par un coup de poing. Quant au coup de couteau, il est postérieur au début de l’altercation et est le fait d’un autre détenu qui s’était mêlé à celle-ci.

Le jour en question, il y a donc eu rixe entre détenus. Le recourant y ayant pris part, il a contrevenu à l’art. 45 let. a RRIP. C’est donc à juste titre qu’une sanction a été prononcée contre lui, comme à l’encontre de tous les participants.

4. La sanction prise contre le recourant est, dans son principe, la plus lourde de celle de la compétence du directeur de la prison. Toutefois, la direction devant maintenir l’ordre indispensable à la sécurité de tous et au bon fonctionnement d’une prison au fort taux d’occupation, le choix de cette sanction et la quotité du nombre de jours de placement en cellule forte respectent le principe de la proportionnalité, compte tenu notamment de la récidive, puisque le recourant a déjà été sanctionné auparavant pour des faits similaires. En outre, la mesure de privation de travail, avec possibilité de se réinscrire, est également proportionnée, le droit d’exercer une activité au sein de la prison impliquant en contrepartie le respect absolu des règles de discipline.

5. Le recours sera rejeté. Vu la nature et l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu, ni aucune indemnité de procédure allouée (87 LPA ; art. 11 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Les frais de déplacement à hauteur de CHF 35,90 seront laissés à la charge de l’Etat.

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 avril 2012 par Monsieur A______ contre la décision de la direction de Champ-Dollon du 20 avril 2012 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

laisse les frais en CHF 35,90 à la charge de l’Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marco Crisante, avocat du recourant, ainsi qu’à la prison de Champ-Dollon.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction a.i. :

 

 

C. Sudre

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :