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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1100/2014

ATA/504/2014 du 01.07.2014 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1100/2014-FPUBL ATA/504/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er juillet 2014

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Agrippino Renda, avocat

contre

DÉPARTEMENT DES FINANCES

 



EN FAIT

1) Madame A______, née en 1970, a été engagée le ______ 2007 en qualité de gestionnaire administrative à l’office des bâtiments (ci-après : l’OBA), à 90%. Son poste a été ultérieurement rattaché au service « B______ ». Elle a été nommée fonctionnaire dès le ______ 2009.

2) Divers problèmes ayant surgi, en particulier avec son responsable hiérarchique, ce dernier lui a remis, le 23 juin 2011, une convocation pour un entretien de service fixé au 4 août 2011.

3) L’intéressée étant en incapacité de travail depuis le 20 juin 2011, l’entretien a eu lieu sous forme écrite le 30 août 2011. Divers objectifs ont été fixés à l’intéressée, à réaliser dans un délai de trois mois après la reprise de travail.

4) Le 13 octobre 2011, le département a accusé réception des observations de l’intéressée. Des discussions étaient en cours avec sa hiérarchie en vue d’un transfert interne.

5) Le 30 novembre 2011, l’OBA a informé Mme A______, à son domicile, qu’un transfert au sein de l’office n’était pas possible en l’état. À sa reprise de travail, elle reprendrait son poste actuel.

6) Le 1er décembre 2011, le département a transmis à Mme A______ un certificat de travail intermédiaire, à la demande de cette dernière.

7) Le 14 décembre 2011, Mme A______ a indiqué au département qu’elle était prête à préparer son retour au travail, lequel n’était pas possible dans son ancien poste, pour des raisons médicales. Elle émettait, au surplus, des remarques concernant le contenu du certificat de travail intermédiaire.

8) Le 15 décembre 2011, le département a proposé à Mme A______ de la rencontrer le 19 janvier 2012 et lui a transmis un nouveau projet de certificat de travail intermédiaire.

9) Le 14 février 2012, le département a remis à l’intéressée un nouveau certificat de travail intermédiaire.

10) Le 2 mai 2012, l’intéressée a repris le travail. Elle a effectué un stage à la direction générale du département, pour une durée de trois mois, selon des modalités définies dans une convention contresignée par des représentants du département, par le médecin du travail de l’office du personnel de l’Etat ainsi que par l’intéressée.

11) Le 1er août 2012, Mme A______ a repris son travail au sein de l’OBA et un nouveau cahier des charges a été établi.

12) Dès le 1er septembre 2012, Mme A______ a intégré le service « C______ » de l’OBA.

13) Le 2 avril 2013, l’intéressée a participé à un entretien d’évaluation et de développement du personnel.

Mme A______ a indiqué que sa nouvelle affectation ne correspondait pas du tout à son profil, à ses compétences et demandait à être transférée dans une autre entité de l’Etat.

14) Le 8 mai 2013, une réunion a eu lieu entre Mme A______, ses supérieurs hiérarchiques et la direction des ressources humaines. Mme A______ était assistée d’un conseil. Elle se sentait mal à l’aise au sein de l’OBA, dévalorisée et estimait que ses compétences n’étaient pas utilisées à leur juste valeur. Elle désirait trouver un autre poste en dehors du département.

15) Le 18 décembre 2013, Mme A______ a été convoquée pour un entretien de service concernant ses manquements aux devoirs du personnel, notamment l’insuffisance de ses prestations, son inaptitude à remplir les exigences du poste et ses difficultés relationnelles avec sa hiérarchie. Cet entretien était fixé au 27 janvier 2014.

16) Au terme de l’entretien précité, l’employeur lui a indiqué envisager de résilier les rapports de service pour motifs fondés, après avoir mené une procédure de reclassement.

17) Le 27 février 2014, Mme A______ s’est déterminée quant au contenu de l’entretien de service, contestant intégralement les reproches qui lui étaient faits.

18) Par décision incidente du 26 mars 2014, le département a décidé l’ouverture d’une procédure de reclassement.

19) Le 28 mars 2014, Mme A______ a demandé à être déplacée dans un autre service, en urgence.

20) Le 1er avril 2014, le département a indiqué que, afin de garantir la bonne marche du service, il libérait Mme A______ de son obligation de travailler.

21) Le 14 avril 2014, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision incidente ouvrant la procédure de reclassement, sollicitant préalablement la restitution de l’effet suspensif. La décision était arbitraire et se fondait sur des motifs erronés et intégralement contestés. L’annulation de cette décision permettait d’aboutir à une décision finale évitant une procédure probatoire longue et coûteuse.

22) Le 30 avril 2014, soit dans le délai qui lui avait été fixé pour se déterminer tant sur la question de l’effet suspensif qu’au fond, le département a conclu au rejet du recours, dans la mesure où il était recevable.

L’ouverture de la procédure de reclassement ne créait pas un préjudice irréparable. Même contestée, l’insuffisance des prestations était établie. La décision, motivée, avait été prononcée dans le respect du droit d’être entendu.

23) Cette écriture ayant été transmise à la recourante pour qu’elle puisse exercer son droit d’être entendue, l’intéressée a transmis, le 20 juin 2014, un complément au recours, reprenant et développant son argumentation antérieure.

24) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. a. La chambre administrative est l’autorité compétente pour connaître des recours contre les décisions prises par le département en application des dispositions de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) ou en application de la loi sur l’instruction publique du 6 novembre 1940 (LIP - C 1 10) et de sa réglementation d’exécution (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

b. La décision d’ouverture d’une procédure de reclassement constitue une décision incidente au sens de l’art. 57 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), s’inscrivant dans le cadre de la procédure de licenciement d’un fonctionnaire instaurée par l’art. 21 LPAC (ATA/323/2014 ainsi que les arrêts cités). Le recours contre une décision incidente doit être interjeté dans un délai de 10 jours (art. 62 al. 1 let. b LPA).

Le recours est recevable sous ces deux angles.

2. En vertu de l’art. 57 let. c LPA, une décision incidente est susceptible d’un recours, si elle peut causer un préjudice irréparable ou si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

Cette disposition légale a la même teneur que l’art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, un préjudice est irréparable au sens de cette disposition lorsqu’il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l’économie de la procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a). Le simple fait d’avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/305/2009 du 23 juin 2009 consid. 2b et 5b et les références citées). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n’est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 IV 139 précité consid. 4 ; 131 I 57 consid. 1 ; 129 III 107 consid. 1.2.1 ; 127 I 92 consid. 1c ; 126 I 97 consid. 1b).

La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l’art 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/98/2014 du 18 février 2014 consid. 3 ; ATA/715/2013 du 29 octobre 2013 consid. 3 ; ATA/65/2012 du 31 janvier 2012 ; ATA/365/2010 du 1er octobre 2010 consid. 3b).

3. Le préjudice irréparable suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée, comme un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l’économie de la procédure (ATF 135 II 30 ; 134 II 137 ; 127 II 132 consid. 2a p. 126 ; 126 V 244 consid. 2c p. 247 ss ; 125 II 613 consid. 2a p. 619 ss ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 287 n. 837 ; Pierre MOOR/ Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 714 n. 2.6.3.2 ; Bernard CORBOZ, Le recours immédiat contre une décision incidente, SJ 1991, p. 628).

4. L’art. 21 al. 3 LPAC impose à l’État en tant qu’employeur de procéder à une tentative de reclassement d’un fonctionnaire avant de lui notifier la décision de le licencier pour motif fondé. Si la décision d’ouvrir une procédure de reclassement constitue un signal, qu’après l’entretien de service au sens de l’art. 44 RPAC au cours duquel le fonctionnaire visé a pu exercer son droit d’être entendu, la procédure de licenciement est susceptible d’aller de l’avant, une telle décision ne lui cause aucun dommage irréparable, dès lors que l’objectif d’une telle procédure, dans l’hypothèse où le reclassement aboutirait, est d’éviter ou d’atténuer les effets de la décision de licencier envisagée (ATA/98/2014 précité consid. 10 ; ATA/825/2013 du 17 décembre 2013 consid. 8 ; ATA/293/2013 du 7 mai 2013 consid. 10).

En l’espèce, la recourante soutient que la procédure de reclassement lui crée un préjudice irréparable du fait qu’elle ait été initiée à tort. Ce faisant, elle critique la procédure de licenciement en elle-même, initiée par le département à la suite de l’entretien de service. Or, comme l’a retenu la chambre de céans, ce n’est pas à ce stade qu’il est possible de contester une telle décision puisqu’elle n’est pas encore intervenue (ATA/825/2013 précité consid. 9).

5. La deuxième condition de l’art. 57 let. c LPA n’est pas non plus réalisée, qui autoriserait d’aborder le fond du recours. En effet, l’admission de celui-ci ne pourrait aucunement clore le contentieux qui, s’il persiste parce qu’aucune mesure de reclassement n’a pu être trouvée, devra au contraire faire l’objet d’une procédure probatoire, vu la contestation des motifs de licenciement. La simple annulation de la procédure de reclassement ne priverait pas l’employeur de prononcer une décision de licenciement.

6. Le recours sera déclaré irrecevable sans qu’il y ait à ordonner les mesures d’instruction sollicitées ou à entrer en matière sur les griefs relatifs au fond du litige.

7. La recourante, qui succombe, verra mis à sa charge un émolument de CHF 750.- (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 14 avril 2014 par Madame A______ contre la décision du département des finances du 26 mars 2014 ;

met à sa charge un émolument de CHF 750.- ;

dit qu’il ne lui est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

 

 

 

communique le présent arrêt à Me Agrippino Renda, avocat de la recourante ainsi qu'au département des finances.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Dumartheray et Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :