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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4137/2007

ATA/503/2008 du 30.09.2008 ( FIN ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4137/2007-FIN ATA/503/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 30 septembre 2008

 

dans la cause

 

 

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 

contre

 

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIèRE D'IMPôTS

 

 

et

 

 

R______S.A.


 


EN FAIT

1. Le litige concerne l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) pour les années fiscales 1998 à 2001 dû par la société R______S.A.

2. Cette dernière est inscrite au registre du commerce de Genève depuis 1976. Elle est active dans les domaines du recouvrement de créances, de tenue de comptabilités, de gestion de biens immobiliers et de sociétés, d'agence d'assurances et de toutes activités commerciales analogues.

3. Pour la période concernée, ses administrateurs étaient Madame C______, présidente, et Monsieur M______. Ce dernier exerçait dans les mêmes locaux que la société, à l'adresse _______, une activité indépendante d'agent d'affaires. Monsieur G______ était inscrit au registre du commerce en tant que réviseur de la société et exerçait par ailleurs une activité d'expert-comptable indépendant à l'adresse précitée. En 1985, il avait fait l'objet d'une mesure tutélaire. Par décision de la Chambre des tutelles du 20 juin 1985, M. M______ avait été désigné aux fonctions de tuteur.

4. Pour l'année fiscale 1998, la société a déclaré un bénéfice net imposable de CHF 16'347.- et un capital imposable de CHF 248'097.-. Dans le compte de pertes et profits, annexé à sa déclaration, la contribuable a fait état d'un loyer de CHF 14'532.-.

Le 12 septembre 2000, l'administration fiscale (ci-après : AFC) a notifié à la contribuable un bordereau ICC 1998. Calculé sur le bénéfice imposable déclaré et sur un capital imposable de CHF 248'397.- au taux de CHF 240'223.-, l'impôt était arrêté à CHF 3'441,70.

5. Pour l'année fiscale 1999, la société a déclaré un bénéfice net imposable de CHF 13'380.- et un capital imposable de CHF 261'777.-. Dans le compte de pertes et profits, un loyer de CHF 15'827.- était déclaré.

Le 30 octobre 2000, l'AFC a notifié un bordereau ICC 1999 calculé sur le bénéfice et le capital imposables déclarés, l'impôt étant fixé à CHF 4’179,95.

6. Pour l'année fiscale 2000, la contribuable a déclaré un bénéfice net imposable de CHF 4'375.- et un capital imposable de CHF 266'152.-. Dans le compte de pertes et profits annexé, le loyer s'élevait à CHF 13'321.-.

Le 20 décembre 2001, l'AFC a notifié un bordereau ICC 2000 calculé sur le bénéfice et le capital imposables déclarés, l'impôt avait été arrêté à CHF 2'140,35.

7. Pour l'année fiscale 2001, la société a déclaré un bénéfice net imposable de CHF 4'750.- et un capital imposable de CHF 270'902.-. Le loyer déclaré était de CHF 12'750.-.

Le 5 novembre 2002, l'AFC a notifié un bordereau ICC 2001 calculé sur les montants déclarés, l'impôt correspondant à CHF 2'247,60.

8. Ces quatre taxations n'ont pas été contestées et sont entrées en force.

9. Par lettre du 2 avril 2003, le service du contrôle de l'AFC a informé la contribuable de l'ouverture d'une procédure de contrôle pour les années fiscales 1998 à 2001. Elle a demandé la mise à disposition d'un certain nombre de documents en vue d'un contrôle dans les locaux de la société les 21, 22 et 23 mai 2003.

Des procédures similaires ont été ouvertes à l'encontre de l'administratrice et de l'administrateur de la société.

10. Le 12 juin 2003, Mme C______ a écrit à l'AFC en sa qualité d'administratrice de la société. Elle n'était pas en mesure de répondre aux questions de l'administration fiscale. M. M______, qui s'occupait seul et personnellement de la ventilation de la comptabilité de son entreprise individuelle et de la société, était malade depuis plus de cinq semaines.

11. Le 28 août 2003, M. G______ a informé le service du contrôle qu'il était disposé à répondre aux interrogations de l'AFC vu la prolongation de la maladie de M. M______. Les 22 septembre et 3 novembre 2003, lors d'entretiens avec le service du contrôle, M. G______ a déclaré ne pas pouvoir faire de commentaire au sujet des reprises auxquelles l'AFC entendait procéder.

12. Par courrier du 18 novembre 2003, l'AFC a informé la société que les procédures ouvertes à son encontre étaient terminées. Quatre bordereaux de rappels ICC étaient joints pour un montant global de CHF 13'792,85 et des intérêts de CHF 1'764,80. Un bordereau d'amende, d'un montant de CHF 20'655.- était également annexé. Un avis de modification faisait état des reprises opérées.

Les reprises et l'amende étaient motivées par l'octroi d'une prestation appréciable en argent à un proche de l'actionnaire sous la forme d'un loyer comptabilisé dans les comptes pour un appartement commercial utilisé comme bureau par M. G______. Cette charge n'était pas justifiée par l'usage commercial. L'amende était fixée à une fois et demi le montant de l'impôt soustrait et tenait compte, comme circonstance, aggravante de la très mauvaise collaboration de la contribuable.

13. Le 16 décembre 2003, celle-ci a élevé réclamation contre les quatre bordereaux de rappel d'impôt ainsi que contre l'amende.

Les décisions et les explications fournies par l'AFC ne permettaient pas de comprendre les montants retenus lors du contrôle. Des explications claires et détaillées étaient exigées ainsi qu'un délai permettant de motiver la réclamation.

L'amende était mal fondée dans la mesure où la contribuable n'avait eu aucune volonté d'éluder l'impôt en mettant à la disposition de M. G______ une partie de ses locaux. Elle exigeait également des explications poste par poste des éléments ayant fondé les rappels et l'amende.

14. Le 9 janvier 2004, l'AFC a indiqué à la société que toutes explications utiles et nécessaires avaient été fournies à M. G______ lors des entretiens des 22 septembre et 3 novembre 2003. A titre exceptionnel, un ultime entretien était proposé le vendredi 6 février 2004 afin de fournir à nouveau les explications nécessaires.

15. Le 29 janvier 2004, la contribuable a décliné la proposition de l'AFC dans l'attente du détail des montants retenus pour le calcul de l'impôt. Elle demandait également que l'instruction de la réclamation ne soit pas le fait des auteurs de la décision.

16. Le 11 mars 2004, l'AFC a transmis à nouveau les constatations détaillées par année comptable déjà jointes aux bordereaux.

17. Le 17 mars, la contribuable a justifié par pièces une partie du poste "honoraires administrateurs" qui incluait la rémunération des services rendus à la société par l'étude de M. M______ en sa qualité d'agent d'affaires. Ces montants découlaient du fait que devant les autorités, de poursuites et judiciaires, la société n'était pas considérée comme un mandataire autorisé au sens de la législation genevoise. Elle devait avoir recours à un agent d'affaire autorisé. Les rappels devaient être rectifiés au vu des ces pièces et des compléments qui pouvaient encore être apportés.

18. Les 21 et 22 mars 2004, la contribuable a contesté à nouveau les rappels d'impôt en fournissant des détails chiffrés sur les différentes facturations entre la société et l'étude de M. M______, avec pièces à l'appui.

19. Par courrier du 6 avril 2004, l'AFC a exposé à la contribuable que la seule reprise effectuée concernait le loyer des locaux de M. G______, pour un montant annuel de CHF 12'572.-. Les prestations accordées par M. M______ à la société ne concernaient que le revenu de ce dernier. Ainsi, les éléments communiqués n'étaient pas susceptibles de modifier l'appréciation des faits.

20. Par décision du 29 avril 2004, l'AFC a admis partiellement la réclamation. Elle a maintenu les suppléments contenus dans les bordereaux litigieux et dégrevé partiellement l'amende à une fois le montant de l'impôt soustrait, soit CHF 13'792,85.

L'amende sanctionnait une soustraction d'impôt en raison d'une prestation accordée par la société à un proche des actionnaires. La négligence ou le dol éventuel était retenu pour avoir fait passer dans la comptabilité une charge qui ne pouvait être justifiée par l'usage commercial de même que la collaboration d'un mandataire qualifié qui ne pouvait ignorer la comptabilisation de son propre loyer dans les comptes de la société.

21. Le 3 juin 2004, la contribuable a recouru auprès de la commission cantonale de recours en matière d'impôts (ci-après : la commission) contre la décision sur réclamation reçue le 5 mai 2004, en concluant à son annulation.

Le loyer litigieux concernait des locaux situés au 5e étage de l'immeuble qui abritaient tant la société que l'étude de M. M______ sis en partie également au 2e étage. Lors d'un déménagement du 5e au 2e réalisé début 1997, une partie des locaux du 5e s'étant libérés, M. G______ s'y était installé sur une surface couvrant au maximum le 50% des locaux, pour y exercer son activité d'expert-comptable.

La société avait résilié le bail des locaux du 5e étage au 31 juillet 2001 et ce bail avait été transféré au petit-fils de M. G______, qui était également son collaborateur. Depuis cette date, la société continuait d'occuper sans payer de loyer la même partie des locaux selon un arrangement. La société récupérait depuis cette date ce qu'elle avait consenti de 1997 au 31 juillet 2001.

Cet état de fait était justifié par la situation pécuniaire du pupille de M. M______ qui n'aurait pas pu verser de loyer, vu l'état de ses dettes, la créance étant manifestement irrécouvrable. Il eût été aisé aux contrôleurs de l'AFC de vérifier cela s'ils avaient pris la peine de tenir compte des explications que M. M______ s'était proposé de leur donner.

22. Le 27 mai 2005, l'AFC a répondu au recours.

La procédure suivie avait été conforme aux dispositions légales applicables.

La mise à disposition gratuite de locaux loués par les administrateurs de la société au pupille de l'un d'eux et la comptabilisation du loyer de l'appartement de trois pièces dans les comptes de la recourante avaient fait bénéficier un proche de prestations gratuites. En application de l'article 12 lettre h de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15), ces prestations faisaient partie intégrante du bénéfice de la société et devaient être reprises.

L'activité d'expert-comptable de M. G______ était lucrative et il aurait pu s'acquitter du loyer de son bureau. Seul un coffre et deux étagères appartenaient à la société dans les locaux du 5e étage, selon les déclarations de M. G______ faites aux contrôleurs et consignées dans les procès-verbaux. Cela ne suffisait pas pour justifier que le loyer, voire même 50% de celui-ci, soit pris en charge par la société, comme l'avait fait la contribuable.

Toutefois, une modification des reprises devait être effectuée. Les comptes ne reprenant pas exactement les montants figurant dans le bail, elles devaient être modifiées comme suit : CHF 14'532.- pour 1998; CHF 15'827.- pour 1999; CHF 13'321.- pour 2000; CHF 12'750 pour 2001.

L'amende devait être confirmée à une fois les droits éludés.

23. Le 19 avril 2007, la commission a demandé à l'AFC des renseignements documentés concernant les éléments à l'origine de l'ouverture de la procédure de rappel d'impôts.

24. Le 4 juin 2007, l'AFC a indiqué que conformément à l'article 76 alinéa 1 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17), "l'ouverture d'une procédure pénale pour soustraction d'impôt devait être communiquée par écrit à l'intéressé". La loi ne prévoyait aucune autre condition que la forme écrite. Cet article étant calqué sur l'article 183 alinéa 1 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), il convenait de l'interpréter dans le contexte de l'harmonisation verticale. La circulaire fédérale n° 21 du 7 avril 1995, intitulée "Le droit de rappel d'impôt et le droit pénal fiscal dans la loi sur l'impôt fédéral direct" précisait, au sujet de la notification de l'ouverture de la procédure pénale en cas de soustraction d'impôt consommée ou de tentative de soustraction, que la communication devait informer l'inculpé de manière sommaire sur les actes punissables qui lui étaient reprochés.

La contribuable avait été informée le 2 avril 2003 que "des éléments de bénéfice et de capital semblaient ne pas avoir été déclarés". Il n'y avait dès lors pas d'autres éléments à lui communiquer.

25. Le 24 septembre 2007, la commission a admis le recours de la société et annulé les bordereaux de rappel d'impôt et l'amende.

La commission doutait de l'existence de motifs qui légitimaient l'ouverture de procédures en rappel et en soustraction d'impôt.

La procédure en rappel devait être fondée sur des moyens de preuve et des faits qui étaient jusqu'alors inconnus de l'autorité, ceux-ci ne ressortant pas clairement de la déclaration d'impôt.

La procédure en matière de soustraction fiscale supposait que l'AFC ait le soupçon qu'un contribuable déterminé ait privé l'Etat d'un montant d'impôt. Le fisc devait posséder des indices à la charge du contribuable pour initier la procédure. L'AFC n'avait pas répondu au sujet des éléments qui avaient fondé l'ouverture de la procédure de contrôle. La commission ne voyait pas quel intérêt public important ou intérêt privé prépondérant pouvait justifier les réticences de l'AFC à lui communiquer la source et la nature de ses soupçons. Les procédures étaient injustifiées, les motifs qui les fondaient n'ayant pas pu être établis.

26. Le 1er novembre 2007, l'AFC a recouru au Tribunal administratif contre la décision de la commission notifiée le 3 octobre 2007 en concluant à son annulation et à la confirmation de sa propre décision du 29 avril 2004.

L'AFC reprenait pour l'essentiel les éléments développés devant la commission s'agissant de la régularité de la procédure.

L'autorité fiscale pouvait en principe considérer que la déclaration d'impôt était complète et conforme à la vérité. Elle n'avait pas l'obligation, en l'absence d'indices particuliers, d'effectuer des recoupements avec les données d'autres contribuables ni de se mettre à la recherche de renseignements complémentaires dans le dossier fiscal du contribuable concerné. L'autorité fiscale ne devait se livrer à des investigations complémentaires que si la taxation contenait indiscutablement des inexactitudes flagrantes. Le Tribunal fédéral avait confirmé qu'en l'absence d'indices, l'autorité fiscale n'avait pas l'obligation d'effectuer des investigations particulières lors de la taxation. Le contribuable était présumé se comporter en personne honnête. En revanche, si cette relation de confiance était remise en question, l'autorité fiscale devait pouvoir réagir sans attendre d'avoir une preuve indubitable. Dans le cas des procédures de rappel d'impôt et de soustraction d'impôt, elle n'avait pas besoin d'être absolument certaine d'avoir été trompée, un simple doute suffisait.

Les dispositions légales confirmaient implicitement le droit de l'autorité fiscale de remettre en cause une taxation entrée en force, sur la base d'un simple doute. Tant l'article 75 alinéa 2 que l'article 76 alinéa 2 LPFisc prévoyaient une instruction en cours de procédure. Cette démarche serait inutile si la procédure ne pouvait être initiée que sur la base de preuves. La procédure en soustraction d'impôt n'était pas une véritable procédure pénale mais une procédure administrative prévoyant des sanctions à caractère pénal. En général, un intérêt public ou privé s'opposait à la communication au contribuable de l'élément originaire ayant mis en route la procédure de soustraction.

27. Le 5 décembre 2007, la commission a transmis son dossier en persistant dans les considérants et le dispositif de sa décision.

28. Par réponse succincte du 28 février 2008, M. M______, au nom de la société, a conclu à la confirmation de la décision de la commission.

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 53 de la loi sur la procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; arts. 57 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10, applicables par renvoi de l'art. 53 al. 4 PLFisc).

2. Il convient de déterminer si les conditions justifiant l'ouverture d'une procédure en rappel d'impôt et en soustraction étaient remplies et, partant si l'AFC était en droit d'effectuer des reprises d'impôt pour les années fiscales 1998, 1999, 2000 et 2001. Suivant la réponse apportée à cette question, se posera celle du bien-fondé et de la quotité de l'amende.

3. a. La loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID- RS 642.14) est entrée en vigueur le 1er janvier 1993. Aux termes de son article 72 alinéa 1, elle est devenue obligatoire pour l'ensemble des cantons suisses au 1er janvier 2001. A défaut de dispositions harmonisées ou compatibles, à cette date, la LHID s'applique directement (art. 72 al. 2 LHID).

b. En application de cette loi, est entrée en vigueur le 1er janvier 1995, la loi sur l'imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15) qui règle l'imposition du bénéfice et du capital des personnes morales. Elle abroge de ce fait les dispositions y relatives de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (aLCP - D 3 05). La LIPM ne contient pas de dispositions en matière de rappel d'impôt.

Est également entrée en vigueur le 1er janvier 2002, la LPFisc, dont l'article 86 prévoit que ses règles de procédure s'appliquent dès son entrée en vigueur aux causes encore pendantes.

c. S'agissant du rappel d'impôt, l'article 59 LPFisc qui reprend le texte de l'article 53 LHID, prévoit que lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque-là inconnus du département lui permettent d'établir qu'une taxation n'a pas été effectuée, alors qu'elle aurait dû l'être, ou qu'une taxation entrée en force est incomplète, ou qu'une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou un délit commis contre le département, ce dernier procède au rappel de l'impôt qui n'a pas été perçu, y compris les intérêts.

Tel que défini dans ces lois, le rappel d'impôt est une procédure extraordinaire qui remet en cause une décision entrée en force qui lie à la fois le contribuable et l'administration. Elle constitue le pendant de la révision qui est opérée en faveur du contribuable en présence de faits importants ou de preuves concluantes découvertes après l'entrée en force d'une décision (X. OBERSON, Droit fiscal suisse, Bâle 1998, p. 437 et 3e éd., 2007, p. 486). Sont considérés comme inconnus les faits ou moyens de preuve qui ne ressortaient pas du dossier dont disposait l'autorité fiscale au moment de la taxation. Font partie des moyens de preuve, par exemple, les documents, actes officiels, informations données par les parties, par des tiers, témoignages, expertises et rapports etc. propres à prouver les faits et dont l'administration a eu connaissance subséquemment.

L'ouverture d'une procédure permettant à l'administration de revenir sur une décision entrée en force, sous l'empire de la LHID (art. 53) comme sous celui de la LPFisc (art. 59), présuppose la découverte de faits ou de moyens de preuve nouveaux permettant de mettre en doute l'exactitude de la taxation.

4. Concernant le droit applicable au litige et selon une jurisprudence constante du tribunal de céans, les prétentions découlant du rappel d'impôt, sont régies par le droit en vigueur au cours des périodes fiscales litigieuses (ATA/93/2005 du 1er mars 2005 et les références citées), sous réserve de l'amende pour laquelle s'applique le principe de la lex mitior.

Le présente litige est donc soumis à la LCP dans sa teneur antérieure au 1er janvier 2001 (aLCP), contrairement à ce qu'a retenu la commission, en tant qu'il concerne le rappel d'impôt (art. 333 et 340 aLCP) relatif aux périodes fiscales 1998, 1999 et 2000. S'agissant du rappel d'impôt 2001, la LHID s'applique directement.

5. Le rappel d'impôt sous l'empire de l'aLCP différait dans le sens qu'il pouvait résulter d'une procédure dite de vérification (art. 333 aLCP). Ainsi, les déclarations des cinq dernières années, non comprise l'année courante, pouvaient faire l'objet d'une révision par les contrôleurs ; ceux-ci, après enquête ou citation du contribuable, fixaient les éléments imposables (art. 333 aLCP).

Cette vérification se définit comme une procédure de contrôle simplifiée dont le but est d'accroître l'efficacité du service de contrôle. Les contrôleurs de l'impôt peuvent théoriquement ouvrir la procédure de vérification de manière aléatoire, sans devoir justifier de soupçons sur l'exactitude de la déclaration en cause (ATA/346/2006 du 20 juin 2006 et références citées). Cette procédure se terminant, cas échéant, par un rappel d'impôt et la répression de la soustraction (art. 340 al. 3 et 341 al. 1 aLCP).

6. En l'espèce, l'AFC a envoyé à la contribuable le 18 novembre 2003 quatre bordereaux de rappels d'impôt 1998, 1999, 2000 et 2001 faisant suite à une procédure de rappel ouverte le 2 avril 2003. Dans ses communications, l'AFC n'a pas indiqué d'élément qui aurait motivé l'ouverture de ladite procédure.

L'AFC a ensuite refusé de révéler à la commission la nature et la source de l'élément qui avaient fondé ses soupçons et initié la procédure de rappel. Elle a uniquement indiqué qu'elle avait "constaté que des éléments de bénéfice et capital semblaient ne pas avoir été déclarés". Elle n'a pas non plus communiqué cette indication au tribunal de céans ni n'a invoqué d'intérêt public ou privé important qui pourrait justifier ses réticences. La commission a dès lors estimé que la procédure de rappel était infondée.

Or, l'introduction d'une procédure de rappel d'impôt dans l'aLCP n'était soumise à aucune condition. L'absence de communication de l'élément déclencheur n'a pas pour effet de rendre les rappels d'impôts injustifiés.

S'agissant de celui portant sur l'année 2001, pour lequel la LHID est directement applicable, la condition d'ouverture de la procédure de rappel d'impôt, soit l'existence de faits ou de moyens de preuve nouveaux, est remplie puisque des éléments nouveaux ont été portés à la connaissance de l'AFC par le biais des procédures de vérification portant sur les années antérieures.

Les conditions d'ouverture des procédures de rappel d'impôt doivent donc être considérées comme remplies, sous l'ancien droit pour les années 1998 à 2000 et sous le nouveau pour 2001.

Le recours sera admis et la décision de la commission annulée.

7. Les conditions objectives du rappel d'impôt, soit le fait que les déclarations soient inexactes ou incomplètes et qu'il en soit résulté une taxation insuffisante, n'ont pas été examinées par la commission. Le dossier lui sera donc renvoyé afin qu'elle se détermine sur ces points et sur l'amende.

8. Vu les motifs ayant conduit à l'admission du recours, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er novembre 2007 par l'administration fiscale cantonale contre la décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôts du 24 septembre 2007 ;

 

au fond :

l'admet ;

annule la décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôts du 24 septembre 2007;

renvoie la cause à la commission cantonale de recours en matière d'impôts au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l'administration fiscale cantonale, à la commission cantonale de recours en matière d'impôts, ainsi qu’à R_____S.A.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges, M. Hottelier, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

 

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :