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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3998/2005

ATA/45/2007 du 06.02.2007 ( EPM ) , REJETE

Descripteurs : COMPOSITION DE L'AUTORITÉ; RÉCUSATION; LICENCIEMENT ADMINISTRATIF; FONCTIONNAIRE; MESURE DISCIPLINAIRE
Normes : LPA.15.al2.letd ; LPAC ; Cst.29
Résumé : Garantie d'impartialité d'une autorité administrative. La méconnaissance par plusieurs membres de l'autorité, d'une partie des dispositions légales applicables à la fonction publique et à l'institution en cause ne suffit pas à fonder à elles seules une prévention de partialité.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3998/2005-EPM ATA/45/2007

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 6 février 2007

dans la cause

 

Madame G______
représentée par Me Christian Bruchez, avocat

contre

MAISON X______
représentée par Me François Bellanger, avocat


 


EN FAIT

1. Madame G______, née en 1956, a été engagée en qualité d’aide hospitalière à la Maison X______ (ci-après : l’institution ou l’établissement) dès le 1er janvier 1989. L’institution dépendait alors de l’Hospice général. Le statut du personnel était celui de la fonction publique du canton de Genève. A l’issue d’une période probatoire de trois ans, l’intéressée a ainsi été nommée fonctionnaire, avec effet au 1er janvier 1992.

2. Le 1er juillet 2001, la Maison X______ est devenue un établissement public autonome, et dès lors, le nouvel employeur de Mme G______. Les rapports de travail demeuraient soumis au statut de la fonction publique.

3. Par courrier du 6 septembre 2004, signé par Monsieur S______, « directeur administratif et ressources humaines » et Madame M______, directrice des soins, la Maison X______ a licencié Mme G______, notamment pour rupture de confiance, manquement grave et répété aux directives de service, attitude non empreinte de compréhension et de tact avec le public, et absence de reprise à 100 % du travail malgré une pleine capacité de travail attestée par expertise. Compte tenu du délai de congé de trois mois pour la fin d’un mois, les rapports de travail devaient prendre fin le 31 décembre 2004, l’intéressée étant dispensée de venir travailler durant cette période.

4. Le 14 septembre 2004, par l’entremise de son conseil, Mme G______ a contesté son licenciement auprès de l’établissement. Les motifs n’étaient pas justifiés et les dispositions procédurales prévues par la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), applicables en l’espèce, n’avaient pas été respectées. La décision n’était donc pas valable.

5. Par pli du 28 septembre 2004, sous la signature de son président, Monsieur P______, le conseil d’administration de la Maison X______ (ci-après : le conseil d’administration) a informé Mme G______ qu’il avait décidé de retirer le licenciement prononcé le 6 septembre 2004. Toutefois, les éléments qui lui avaient été soumis étant susceptibles de fonder une résiliation des rapports de travail pour motifs objectivement fondés au sens des articles 21 et 22 LPAC, il ordonnait l’ouverture d’une enquête administrative et suspendait provisoirement, dès le 6 septembre 2004, l’intéressée. Son traitement était maintenu. Cette décision était exécutoire nonobstant recours.

6. Après avoir procédé à diverses auditions, l’enquêteur a rendu son rapport le 4 janvier 2005. Celui-ci a été transmis à Mme G______ pour observations.

7. Le 8 février 2005, l’intéressée a communiqué ses observations à la Maison X______. Elle demandait à titre préalable la récusation des membres du bureau du conseil d’administration (ci-après : le bureau) lors de la décision qui devait intervenir sur son sort. Il ressortait en effet des déclarations de M. S______ devant l’enquêteur que, s’agissant du courrier du 6 septembre 2004, la proposition de licencier Mme G______ avait été soumise au bureau qui l’avait approuvée. En autorisant ce licenciement sans enquête administrative préalable et en violation évidente de la loi, ils avaient fait montre d’une absence d’impartialité et d’indépendance incompatible avec ce que l’on était en droit d’attendre de membres d’une autorité administrative.

En tant que de besoin, la demande de récusation visait tout autre membre du conseil d’administration qui aurait donné son aval au licenciement prononcé le 6 septembre 2004 en violation de la LPAC.

8. Par décision du 1er mars 2005, déclarée exécutoire nonobstant recours, sous la signature de son président et du directeur administratif et ressources humaines, le conseil d’administration a rejeté la demande de récusation formée par Mme G______, refusé la demande d’audition qu’elle avait formulée dans ses observations, prononcé le licenciement de l’intéressée, conformément aux articles 21 et 22 LPAC, moyennant un délai de congé de trois mois pour la fin d’un mois et libéré Mme G______ de son obligation de travailler durant le délai de congé.

9. Par acte du 2 mai 2005, Mme G______ a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision précitée, concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif au recours et principalement à l’annulation de son licenciement pour violation des règles sur la récusation. Subsidiairement, elle concluait à la constatation du caractère illicite du licenciement et à l’octroi d’une indemnité en cas de refus de réintégration.

10. Par décision du 23 mai 2005, le président du Tribunal administratif a admis la demande de restitution de l’effet suspensif au recours, celui-ci ne paraissant pas, prima facie, dénué de toute chance de succès et, le licenciement n’ayant pas été prononcé avec effet immédiat, le déclarer exécutoire nonobstant recours contrevenait au principe général selon lequel le recours a effet suspensif.

11. Par arrêt du 6 septembre 2005 (ATA/600/2005), le Tribunal administratif a annulé la décision prise le 1er mars 2005 par le conseil d’administration et lui a renvoyé la cause pour nouvelle décision sur la demande de récusation d’une part, sur le fond d’autre part.

La Maison X______ étant un établissement public autonome, les décisions qu’elle prenait émanaient d’une autorité administrative au sens des articles 1 et 5 LPA. Les membres de son conseil d’administration devaient ainsi respecter les règles sur la récusation prévues à l’article 15 alinéa 2 LPA. Ledit conseil aurait dû statuer sur la demande de récusation du 8 février 2005 par une décision séparée, prise hors la présence des personnes mises en cause, soit in casu M. P______ et Mesdames E______, H______ et T______.

12. En date du 25 octobre 2005, après avoir entendu, à sa demande, Mme G______, le conseil d’administration a pris trois décisions, dont les dispositifs ont été communiqués à l’intéressée le 31 suivant : la première rejetait la demande de récusation de M. P______ et de Mmes E______, H______ et T______ ; la deuxième renonçait à récuser Monsieur Z______ représentant du personnel au sein du conseil d’administration et qui avait assisté Mme G______ lors de la notification de son premier licenciement ; la troisième prononçait le licenciement de Mme G______, conformément aux articles 21 et 22 LPAC, moyennant un délai de congé de trois mois pour la fin d’un mois, et la libérait de son obligation de travailler durant le délai de congé. Dite décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

Les deux premières décisions étaient signées par Madame B______ en qualité de présidente ad intérim du conseil d’administration et Monsieur R______, membre dudit conseil. La troisième portait la signature de M. P______, président du conseil d’administration et de Mme E______, membre de ce conseil.

Dans le courrier accompagnant la transmission de ces trois décisions, il était précisé que leurs considérants respectifs seraient prochainement communiqués.

13. Par acte du 10 novembre 2005, Mme G______ a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision sur demande de récusation du 25 octobre 2005. Elle conclut préalablement à l’octroi d’un délai pour s’exprimer sur la motivation de la décision querellée dès que celle-ci serait connue, et, principalement, à son annulation.

En l’état, l’absence de motivation de la décision la rendait annulable. La LPA ne prévoyait pas expressément la possibilité pour une autorité administrative de rendre une décision dont la motivation serait communiquée ultérieurement. Si le Tribunal administratif devait admettre cette manière de procéder, l’intéressée devait alors pouvoir s’exprimer de manière complémentaire sur les considérants une fois ceux-ci connus.

Au fond, elle reprenait son argumentation antérieure à l’appui de la demande de récusation de M. P______ et de Mmes E______, H______ et T______.

Parallèlement, l’intéressée a également contesté son licenciement auprès du Tribunal administratif. Cette procédure est suspendue jusqu’à droit jugé dans la présente cause.

14. La motivation de la décision querellée datée du 21 novembre 2005, a été communiquée à Mme G______ le 24 novembre 2005, sous forme de décision motivée complète.

Le conseil d’administration avait examiné la demande de récusation des membres de son bureau hors la présence de ceux-ci. Ledit bureau devait traiter les affaires courantes de l’établissement et était en contact régulier sinon permanent avec la direction, s’agissant de la gestion journalière de l’institution. Il pouvait être appelé à intervenir avant ou après la prise d’une décision par la direction. Il lui appartenait ensuite d’informer le reste du conseil d’administration pour faciliter les éventuelles prises de décision. L’organisation de la Maison X______, prévue par la loi, excluait que les membres du conseil d’administration et, a fortiori, du bureau, ne connaissent pas préalablement les affaires qui leur étaient soumises avant de trancher. Dans le cas de la décision du 6 septembre 2005 (recte : 2004), celle-ci avait été prise sans que le bureau ait été consulté auparavant, contrairement à ce qu’avait déclaré M. S______ lors de son audition par l’enquêteur. Le Conseil d’administration dans son ensemble avait été informé de ladite décision le 7 septembre 2005 (recte : 2004). Cela étant, eu égard à l’organisation de l’établissement, même si le bureau s’était prononcé sur le licenciement du 6 septembre 2004 avant que le cas n’ait été soumis au conseil d’administration, la situation ne serait pas différente des autres cas dans lesquels le bureau avait adopté une position de principe sur un objet avant la séance du conseil d’administration. Si les membres du bureau devaient se récuser dans de tels cas, cela irait à l’encontre de l’organisation de l’institution voulue par le législateur.

15. Le 20 décembre 2005, dans le délai fixé par le Tribunal administratif, Mme G______ a complété ses écritures de recours.

Elle ne demandait pas la récusation des membres du bureau du conseil d’administration parce qu’ils avaient eu connaissance de son affaire avant de trancher, ce qui paraissait effectivement normal, mais parce que ces personnes avaient cautionné un licenciement prononcé en violation des exigences procédurales prévues par la LPAC. Les membres du conseil d’administration avaient ainsi décidé de violer la loi ou accepté qu’elle soit violée dans le but d’éviter le respect de ces exigences légales et de tenter de priver l’intéressée de ses droits. Les membres du bureau s’étaient mis dans une situation de nature à donner l’apparence de prévention pour la suite de la procédure de licenciement.

Quant aux circonstances dans lesquelles la décision de licenciement du 6 septembre 2004 avait été prise, les déclarations de M. S______ comme les écritures produites par la Maison X______ devant le Tribunal administratif dans le cadre de la procédure ayant abouti à l’arrêt du 6 septembre 2005, étaient en contradiction avec l’argumentation à l’appui de la décision querellée, selon laquelle le bureau n’aurait pas donné son aval préalable au licenciement précité.

16. La Maison X______ s’est déterminée le 22 mars 2006. Le recours devait être rejeté. Le bureau n’avait pas été impliqué dans la prise de décision du 6 septembre 2004. La déclaration de M. S______ à cet égard avait été mal comprise. Cette décision avait été prise par la direction et le conseil d’administration dans son ensemble en avait été informé le lendemain. C’était par erreur et absence de vérification que la Maison X______ avait communiqué une information différente au Tribunal administratif, à la base de l’ATA/600/2005. Depuis lors, elle avait vérifié tous les événements ayant conduit au premier licenciement de Mme G______.

Le grief selon lequel les membres du bureau et le conseil d’administration avaient cautionné une violation de la loi commise par la direction de la Maison X______ n’était pas recevable dans le cadre du recours contre la décision du 25 octobre 2005. En statuant d’abord sur la demande de récusation, puis, dans une autre décision, sur le licenciement lui-même, le Conseil d’administration avait respecté les instructions données par l’ATA/600/2005.

Pour le surplus, la Maison X______ reprenait l’argumentation développée dans la décision querellée au sujet de son organisation.

17. Le 1er septembre 2006, le juge rapporteur a procédé à l’audition de Monsieur D______, directeur général de la Maison X______ sur le fonctionnement du conseil d’administration et de son bureau, ainsi que de la direction.

Trois directions correspondant aux trois secteurs d’activité d’un EMS, à savoir l’hôtellerie, les soins et l’administration, avaient été mises en place, lui-même assumant la direction générale. Il y avait une séance de direction hebdomadaire, réunissant les directeurs des secteurs et des séances informelles quasi-quotidiennes. Le conseil d’administration se réunissait en séance plénière environ une dizaine de fois par an et avait mis en place quatre commissions, qui tenaient séance également une dizaine de fois par an. Les séances du conseil d’administration faisaient l’objet d’une convocation avec ordre du jour. Les documents utiles étaient soit transmis aux membres soit consultables en début de séance.

Quant au bureau, les séances étaient beaucoup plus informelles. Il n’y avait pas de convocations mais un planning. Il n’existait pas d’ordre du jour précis, celui-ci évoluant en fonction de la situation. Lui-même rencontrait les membres du bureau tous les quinze jours. En dehors des séances, il avait des contacts assez fréquents avec ses membres, si le problème allait au-delà de sa compétence ou relevait d’un domaine particulier comme par exemple les finances ou la gestion du personnel sous l’aspect LPAC, cas dans lesquels il s’adressait à la présidente de la commission des finances de l’établissement, Mme E______.

18. Le 29 septembre 2006, une nouvelle audience de comparution personnelle des parties et d’enquêtes s’est tenue, au cours de laquelle ont été entendus Mmes E______, H______ et T______, ainsi que MM. P______, D______ et S______. Elle portait sur le licenciement du 6 septembre 2004.

a. Mme E______ a indiqué être membre du conseil d’administration et du bureau depuis leur constitution le 1er juillet 2001. Concernant son activité professionnelle, elle travaillait à l’Etat de Genève depuis 1965 et était actuellement fonctionnaire au secrétariat général du département du territoire, s’occupant de l’administration des ressources humaines, cela depuis 2001.

S’agissant du licenciement de Mme G______ intervenu le 6 septembre 2004, le conseil d’administration n’en avait eu connaissance que lors de la séance du 7 septembre 2004. Comme c’était une séance extraordinaire, consacrée au projet institutionnel de la Maison X______, une adjonction à l’ordre du jour avait été proposée au début de celle-ci par M. P______ à la demande de M. D______, pour évoquer les problèmes rencontrés avec cette collaboratrice. L’adjonction acceptée, M. D______ avait alors exposé le cas de l’intéressée ou, en tout cas, informé le conseil de la décision de licenciement prise par la direction et des motifs de celle-ci.

Mme E______ a encore précisé avoir été très surprise de l’annonce du licenciement intervenu et déjà communiqué à Mme G______. Elle avait exprimé son regret de ne pas avoir pu prendre connaissance du dossier avant la décision. Sur le moment, elle n’avait pas eu de réaction par rapport à un éventuel problème de procédure. Lorsque le bureau avait appris l’informalité de cette décision, il en avait discuté et il était apparu évident de proposer au conseil d’administration d’annuler le licenciement et d’entamer la procédure normale.

Enfin, elle a déclaré qu’il n’y avait pas eu de séance du bureau le 6 septembre 2004.

b. M. P______ était membre du conseil d’administration avec fonction de président et du bureau depuis l’origine. Professionnellement, il était président d’une régie. Il avait effectivement approuvé la suggestion de M. D______, faite le jour-même, de modifier l’ordre du jour de la séance du conseil d’administration du 7 septembre 2004 pour évoquer le licenciement de Mme G______. La modification avait été proposée et acceptée en début de séance. C’était sauf erreur la première fois qu’ils étaient confrontés à une affaire de ce type. Les membres du bureau avaient été informés de problèmes rencontrés avec Mme G______ en juin 2004.

Au moment où il avait eu connaissance de la décision de licenciement, il n’avait eu aucun doute par rapport à la procédure suivie. Cela correspondait à ce à quoi à quoi il était habitué dans le secteur privé. C’est un courrier du conseil de Mme G______ qui avait relevé que la procédure prévue par la loi n’avait pas été suivie. L’établissement avait alors fait en sorte de la respecter. Il ne se souvenait pas s’il s’était soucié d’un éventuel aval de l’avocat aux conseils duquel l’institution recourait à l’époque, mais il avait depuis lors appris que ce praticien avait été consulté préalablement à la décision du 6 septembre 2004. Le bureau n’avait pas tenu de séance à cette dernière date.

c. Mme H______ avait siégé au conseil d’administration et au bureau dès leur création jusqu’au printemps 2006. Elle n’exerçait pas d’activité lucrative. Elle confirmait ce qu’avaient déclaré Mme E______ et M. P______. Il y avait eu deux séances du bureau durant l’été 2004. Le cas de Mme G______ n’y avait pas été évoqué. Elle n’avait pas eu connaissance du projet de licenciement de celle-ci avant la séance du conseil d’administration du 7 septembre 2004. M. D______ y avait présenté une sorte de rapport sur le cas de cette collaboratrice dont il avait pris la décision de licenciement d’un commun accord avec M. S______ et Mme M______.

Lorsqu’elle avait été informée de ce licenciement, elle n’avait pas de textes légaux sous les yeux et n’était pas allée en consulter. Elle confirmait qu’il n’y avait pas eu de séance du bureau le 6 septembre 2004.

d. Mme T______ faisait partie du conseil d’administration depuis le 1er juillet 2001 et du bureau depuis fin mars 2002. Elle était à la retraite, après avoir été durant quarante ans au service du département l’instruction publique, d’abord comme institutrice, puis comme formatrice.

Elle confirmait ce qu’avaient dit ses trois collègues. Elle n’avait pas été informée de la décision de la direction générale avant la séance du conseil d’administration du 7 septembre 2004. Lorsqu’elle avait appris le licenciement de Mme G______, elle n’avait pas connaissance des détails de la loi et du règlement. Ils étaient un « jeune » conseil d’administration, avec peu de pratique en la matière et par ailleurs, tant le directeur que le responsable des ressources humaines étaient eux-mêmes nouveaux. Enfin, il n’y avait pas eu de séance du bureau le 6 septembre 2004.

e. M. D______ a indiqué que la décision de licencier Mme G______ avait été prise à la fin de l’été 2004 par M. S______, Mme M______ et lui-même. Il avait parlé du projet de licenciement avec l’avocat d’alors de l’établissement, évoquant avec lui essentiellement les motifs. De son côté, M. S______ avait aussi eu des contacts avec cet avocat pour les aspects formels du licenciement.

Il avait évoqué les problèmes rencontrés avec Mme G______ avec le bureau du conseil d’administration, vraisemblablement en juin 2004. Il avait précisé que l’institution pourrait être amenée à se séparer de cette collaboratrice. C’était un point parmi les huit à dix qui occupaient les séances du bureau.

Le bureau n’avait pas été informé immédiatement de la décision de licenciement mais seulement le lendemain, qui était par ailleurs jour de séance du conseil d’administration. Il avait informé le président du conseil qu’il y avait, de son point de vue, deux points importants, dont le licenciement de Mme G______, à évoquer en plus de ceux à l’ordre du jour de cette séance. Il n’avait pas eu de contact avec les autres membres du bureau avant la séance du conseil d’administration. Il n’y avait pas eu de séance du bureau ce jour-là. Le président avait accepté de modifier l’ordre du jour et, une fois informé de la décision prise par la direction au sujet de Mme G______, le conseil d’administration avait soutenu la direction.

M. D______ a encore déclaré qu’en septembre 2004, il avait eu une mauvaise compréhension de la procédure applicable. Sur le moment même, lors de la séance de notification de sa décision, Mme G______ lui avait dit qu’il n’avait pas le droit de la licencier comme cela et il lui avait répondu qu’il allait faire valider cela le lendemain par le conseil d’administration, ce qui, de son point de vue, était la procédure correcte. Il n’avait eu jusqu’alors aucun doute quant à la compétence de la direction générale, de procéder à un éventuel licenciement.

S’agissant de ce qu’il avait pu dire à M. S______, il ne se souvenait pas de quelle manière il s’était exprimé pour que celui-ci comprenne que le bureau du conseil d’administration avait donné son aval au licenciement de Mme G______. Il avait certainement dû lui dire qu’il en avait parlé au bureau et que c’était en ordre, en faisant allusion à ce moment-là à la situation de l’intéressée et non à la procédure de licenciement.

f. M. S______ a déclaré que la décision de licencier Mme G______ avait été prise par le comité de direction composé de M. D______, Mme M______, lui-même et le troisième directeur de secteur. Sans avoir la chronologie en tête, M. D______ avait dit à un moment donné qu’« il fallait y aller ». Il avait alors fait préparer un projet de lettre qu’il avait fait contrôler par téléphone par l’avocat d’alors de l’établissement. Ils n’avaient parlé que de la lettre et le praticien avait dit que c’était en ordre.

Quant aux aspects formels, il ne s’était pas posé de questions, se fondant sur l’expérience du secteur privé d’où il était venu deux ans auparavant. Le cas de Mme G______ était à son souvenir le seul licenciement prononcé à l’encontre d’un membre du personnel de la maison X______. M. D______ ne lui avait pas dit qu’il avait préalablement consulté ou informé le bureau ou le conseil d’administration. Il lui avait simplement dit qu’il fallait y aller.

Lorsqu’il avait décrit à l’enquêteur la procédure selon laquelle le projet de licenciement avait été soumis au bureau du conseil d’administration par M. D______ et que ledit bureau avait donné son aval, il pensait alors que les choses avaient été faites de cette manière. M. D______ ne lui avait jamais dit que le bureau avait donné son aval et lorsqu’il avait dit lors de l’enquête administrative que « M. D______ nous en avait informé » il faisait allusion au fait qu’il avait dit d’aller de l’avant.

19. Dans ses observations après enquêtes, Mme G______ a persisté dans ses conclusions, comme dans sa motivation.

Le changement dans les déclarations de M. S______ n’apparaissait pas crédible. Celles qu’il avait faites à l’enquêteur ne l’avaient pas été au passage mais en réponse à des questions précises posées pour elle-même. Par ailleurs, les premières déclarations sont d’une manière générale les plus crédibles. En outre, M. S______ avait connaissance de la présente procédure et des motifs qu’elle-même invoquait à l’appui de la demande de récusation des membres du bureau.

Il ressortait également de la procédure que Mme E______, au vu de ses fonctions, ne pouvait qu’avoir une connaissance très précise de la LPAC, notamment en matière de licenciement. Dans la mesure où M. D______ avait déclaré qu’il consultait fréquemment le bureau et en particulier Mme E______, il n’était pas crédible qu’il n’ait pas consulté ledit bureau ou à tout le moins Mme E______, au sujet du licenciement en cause. En tout état, celle-ci aurait dû intervenir lors de la séance du conseil d’administration du 7 septembre 2004 pour faire retirer une décision qui violait la loi. En n’intervenant pas, elle avait donc cautionné cette violation.

20. Dans ses observations après enquêtes, la Maison X______ a persisté elle aussi dans ses conclusions, les enquêtes démontrant que les faits sur lesquels Mme G______ basait sa demande de récusation étaient inexacts.

21. Le 5 décembre 2006, le Tribunal administratif a informé les parties que l’affaire était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La question de savoir si et à quelles conditions une autorité administrative peut rendre une décision en deux temps, en notifiant d’abord son seul dispositif puis les considérants, peut demeurer ouverte dès lors que le procédé n’a entraîné in casu aucun préjudice pour la recourante : sitôt la motivation de la décision querellée connue, l’intéressée a eu en effet l’occasion de compléter son recours.

3. Selon l’article 15 alinéa 2 lettre d LPA, les membres des autorités administratives appelés à rendre ou à préparer une décision doivent se récuser s’il existe des circonstances de nature à faire suspecter leur impartialité.

Découlant de l’article 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), la garantie d’impartialité d’une autorité administrative ne se confond pas avec la garantie d’impartialité d’un tribunal (art. 30 Cst) dans la mesure où la première n’impose pas l’indépendance et l’impartialité comme maxime d’organisation d’autorités gouvernementales, administratives ou de gestion. Celles-ci assument en effet des tâches impliquant le cumul de fonctions diverses, qui ne pourraient pas être séparées sans atteinte à l’efficacité de la gestion et à la légitimité démocratique et politique des décisions correspondantes (ATF 125 I 209 consid. 8a p. 218 ; P. MOOR, Droit administratif, Berne, 1991, vol. II, 2.2.5.2).

4. C’est ainsi à juste titre que la recourante ne soutient pas que les membres du bureau - organe émanant du conseil d’administration et chargé de traiter les affaires courantes de l’établissement (art. 6 al. 2 let. b et 8 al. 1 et 2 de la loi concernant « la Maison X______ » du 11 mai 2001 - PA 715.00 - ci-après : la loi) - auraient fait preuve de partialité ou de manque d’indépendance du seul fait qu’ils auraient pu avoir connaissance de son affaire avant qu’une décision ne soit prise à son encontre.

5. Elle leur reproche d’avoir manqué à leur obligation d’impartialité en donnant leur aval au premier licenciement prononcé contre elle en violation des exigences procédurales de la LPAC et ainsi d’avoir tenté de la priver de ses droits.

Cette allégation est fondée sur la déclaration du directeur administratif et ressources humaines au cours de l’enquête administrative, selon laquelle « le bureau avait donné son aval » à la proposition de décision. Toutefois, entendu par le juge rapporteur, le précité a indiqué qu’il avait à l’époque décrit ce qu’il avait cru être alors la procédure suivie et il ressort des autres auditions qu’aucune réunion du bureau, ou consultation informelle de l’un ou l’autre de ses membres, n’était intervenue sur l’objet du premier licenciement de l’intéressée. Le directeur a fait part de cette décision au conseil d’administration 24 heures après qu’elle avait été signée et portée à la connaissance de la recourante, sans que cela suscite de réaction de cet organe quant à la procédure suivie. Force est de constater à cet égard que les déclarations concordantes des membres du bureau, du conseil d’administration et de la direction, tant devant l’enquêteur que devant le tribunal de céans, ont mis en évidence, à la période considérée, une singulière méconnaissance d’une partie des dispositions légales applicables à la fonction publique et à l’institution, malgré les critères de compétence et d’expérience en fonction desquels ils ont été désignés (art. 5 de la loi), respectivement engagés. Ces négligences ne suffisent cependant pas à fonder à elles seules une prévention de partialité, d’autant moins que le conseil d’administration a retiré le premier licenciement sitôt son attention attirée sur les vices l’entachant, a ensuite suivi la procédure prévue par la LPAC et a refusé de récuser celui de ses membres qui avait assisté la recourante lors de la notification dudit licenciement, sans au demeurant que la recourante ne conteste cette dernière décision.

Par ailleurs, la recourante n’apporte pas d’autres éléments à l’appui de son allégation selon laquelle les membres du bureau mis en cause auraient délibérément violé la loi pour la priver de ses droits. Son grief sera dès lors écarté.

6. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 800.- sera mis à la charge de la recourante. Une indemnité de CHF 1'000.- sera allouée à l’intimée, à la charge de la recourante (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 novembre 2005 par Madame G______ contre la décision de la Maison X______ du 25 octobre 2005 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 800.- ;

alloue à la Maison X______ une indemnité de CHF 1'000.- à la charge de la recourante ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Bruchez, avocat de la recourante ainsi qu'à Me François Bellanger, avocat de la Maison X______.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :