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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1564/2007

ATA/446/2007 du 04.09.2007 ( FIN ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1564/2007-FIN ATA/446/2007

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 4 septembre 2007

dans la cause

 

 

M. L______

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE D'IMPÔTS

et

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE


 


1. M. L______, né en 1964, originaire de la République démocratique du Congo (ci-après  : RDC), est domicilié à Genève.

2. Par lettre signature datée du 4 novembre 2003, l'administration fiscale cantonale (ci-après  : AFC) a signifié à ce contribuable que le 29 octobre 2003, il n'avait toujours pas renvoyé sa déclaration fiscale pour les impôts communaux et cantonaux (ci-après : ICC) et l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2002. Un délai de 10 jours lui était imparti pour remplir son obligation, faute de quoi il serait taxé d'office et se verrait infliger une amende.

Ce courrier n'a pas été retiré par son destinataire et il a été renvoyé à l'expéditeur.

3. Le 15 décembre 2003, l'AFC a notifié par pli simple à l'intéressé un bordereau de taxation d'office pour l’ICC 2002, exigible au 16 janvier 2004, au montant de CHF 2'354,65 calculé sur un revenu imposable de CHF 25'000.- et comprenant une amende pour taxation d'office de CHF 100.-.

4. Le 10 juin 2005, M. L______ a adressé à l'AFC sa déclaration fiscale 2002, mentionnant un revenu brut de CHF 11'313,75 réalisé en sa qualité de chauffeur de taxi, dont il avait déduit ses primes d'assurances en CHF 4'680.- et des frais à hauteur de CHF 1'485,85 liés à son activité dépendante.

A cette déclaration étaient joints  :

- un certificat médical établi le 6 juin 2005 par le Dr Schiffer du département de médecine interne des Hôpitaux Universitaires Genevois (ci-après : HUG), selon lequel le contribuable était en arrêt de travail du 31 août 2002 au 1er janvier 2003 ;

- une photocopie de son passeport comportant trois tampons  :

l'un avec la mention F/GE suivi de la date du 20 novembre 2002 ;

l'autre pour l'entrée en RDC le 24 novembre 2002 ;

le troisième, la mention sortie de la RDC le 24 suivi d'un chiffre illisible puis 04.

5. L'AFC a considéré l'envoi de la déclaration comme constituant une réclamation.

Par décision du 14 juillet 2005, elle l'a rejetée en maintenant la taxation d'office, celle-ci étant conforme à l'article 37 alinéa 1 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17).

De plus, la réclamation était tardive au regard de l'article 39 LPFisc ; quant à la quotité de la taxation et à celle de l'amende, elles avaient été déterminées en application de l'article 68 LPFisc.

6. Par acte posté le 5 août 2005, M. L______ a recouru contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours en matière d’impôts (ci-après  : CCRMI).

Il exposait avoir travaillé en janvier 2002. Il était parti en vacances en RDC en février 2002. Il en était revenu en avril. Il avait travaillé de mi-avril jusqu'à fin août 2002. Sa maladie s'était déclarée et il n'avait pas pu continuer son activité professionnelle, comme l'attestait le certificat médical précité. Il recevait des prestations de l'Hospice général. Sa santé était précaire. Il priait la CCRMI de ne pas empirer davantage sa situation.

Le recourant a produit divers certificats médicaux  :

- le premier du Dr Schiffer, daté du 9 mai 2005, attestant que l'intéressé était en traitement depuis 2001 et qu'en raison d'une maladie, sa capacité de travail était nulle dès le 19 janvier 2005 ;

- le deuxième du Dr Garin, du même département, daté du 22 mars 2005, attestant que M. L______ avait été hospitalisé aux HUG du 27 avril 2004 au 19 janvier 2005 inclus ;

- le troisième établi le 16 janvier 2004 par la Clinique d'asthmatologie à Kinshasa, attestant que le patient avait consulté pour la première fois le 12 avril 2003, souffrant d'asthme bronchique, et qu'il avait été suivi en avril, juillet, août 2003. En octobre, il avait été hospitalisé en crise spastique mais avait pu sortir le 27 octobre 2003. Le contrôle général effectué le 27 décembre 2003 avait permis de constater une bonne évolution thérapeutique ;

- le quatrième établi le 16 mars 2003 à Kinshasa par le Dr Nzeza de la policlinique de Kalembe selon lequel l'intéressé était en traitement en janvier 2003. Il était sorti de l'hôpital le 14 janvier 2003 et était revenu pour un contrôle le 11 mars 2003. A cette occasion, une évolution favorable avait été constatée ;

 

- le dernier rédigé le 14 janvier 2003 par le Dr Nkoko du même établissement, certifiant que M. L______ avait été hospitalisé du 4 au 13 janvier 2003 et que pendant cette période, son état de santé ne lui permettait pas d'exercer ses activités habituelles. Depuis cette dernière date toutefois, il pouvait reprendre les activités en question.

7. Le 6 février 2006 (sic), l'AFC a conclu au rejet du recours en raison de la tardiveté de la réclamation.

Le bordereau avait été notifié au contribuable le 15 décembre 2003. L'intéressé disposait d'un délai de 30 jours, soit jusqu'au 14 janvier 2004 pour déposer une réclamation. En renvoyant sa déclaration le 10 juin 2005, il avait agi hors délai. Il n'invoquait aucun motif valable tendant à justifier son retard.

8. Par décision du 19 mars 2007, la CCRMI a rejeté le recours, la réclamation étant tardive.

Le contribuable n'avait fourni aucun certificat médical pour la période topique comprise entre le 15 décembre 2003 et le 31 janvier 2004.

En outre, un émolument de CHF 250.- était mis à la charge du recourant.

9. Par acte posté le 17 avril 2007, M. L______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif, en reprenant exactement le texte de son recours devant la CCRMI.

Il a joint de nouvelles pièces  :

- une attestation du département de médecine interne selon laquelle l'intéressé a été hospitalisé aux HUG durant tout le mois de septembre 2005 ;

- des factures pour des soins reçus à Kinshasa ou pour des médicaments prescrits dans ce pays en décembre 2002 ainsi qu'en janvier et mars 2003 ;

- un avis pour un rendez-vous le 2 novembre 2006 aux HUG ;

- un avis pour un rendez-vous le 26 avril 2007 au Centre d’action sociale et de la santé, (ci-après  : CASS) des Eaux-Vives.

10. Le 15 mai 2007, l'AFC a conclu au rejet du recours, le contribuable n'apportant aucun élément nouveau. Elle a produit son dossier.

11. Le 4 juin 2007, le juge délégué a écrit par pli recommandé au recourant. Selon les certificats médicaux qu'il avait produits, il avait subi un contrôle à Kinshasa le 27 décembre 2003 puis il avait été hospitalisé à Genève du 27 avril 2004 au 19 janvier 2005. Dès cette date, sa capacité de travail était nulle et devait être réévaluée, selon le certificat établi par le Dr Schiffer le 9 mai 2005.

Le recourant était invité à indiquer quelle avait été son activité entre le 15 décembre 2003 et le 31 janvier 2004, voire jusqu'au 26 avril 2004.

12. L'intéressé a répondu le 8 juin 2007 qu'entre le 15 décembre 2003 et le 31 janvier 2004, il se trouvait à Kinshasa. Il était resté en Afrique jusqu'au 24 avril 2004, les médecins ayant considéré que son état de santé ne lui permettait pas de voyager avant. Il n'avait pas pu travailler et avait vécu de ses économies.

Il a joint un certificat de salaire pour l'année civile 2002 rempli le 15 février 2003 par son employeur, les T______ à Vernier, selon lequel le revenu professionnel imposable qu'il avait réalisé s'élevait à CHF 13'477.-. Il a produit également un document attestant que pour le mois de mai 2007, il avait reçu CHF 987,60 de l'Hospice général.

13. Invitée à se déterminer sur ces pièces, l'AFC a répondu le 26 juin 2007 que le recourant avait travaillé en janvier 2002. Il était ensuite parti en vacances au Congo de février au 15 avril 2002. De retour à Genève, il avait travaillé comme chauffeur de taxi du 15 avril au 31 août 2002. Dès cette dernière date et jusqu'à fin décembre 2002, il avait été en incapacité de travail pour cause de maladie. Il était parti en Afrique le 15 décembre 2002.

Il était resté en Afrique durant toute l'année 2003.

Un rappel recommandé lui impartissant de renvoyer sa déclaration fiscale 2002 lui avait été adressé le 4 novembre 2003, mais ce pli avait été retourné à l'expéditeur avec la mention "non réclamé".

La taxation d'office avait été notifiée au recourant le 1er décembre 2003 (recte : le 15 décembre 2003).

Jusqu'au 24 avril 2004, M. L______ était resté en Afrique. A son retour à Genève, il avait été hospitalisé du 27 avril 2004 jusqu'au 19 janvier 2005.

Le 10 juin 2005, il avait renvoyé sa déclaration fiscale 2002. L'AFC avait considéré celle-ci comme valant réclamation.

M. L______ avait agi en dehors du délai de 30 jours prévu par l'article 39 alinéa 1 LPFisc.

Une réclamation tardive était certes possible à teneur de l'article 41 alinéa 3 LPFisc, mais elle devait être faite - en cas de maladie ou d'absence du pays - dans les 30 jours après la fin de l'empêchement.

Selon la jurisprudence, le recourant aurait dû, avant de partir en Afrique en décembre 2002, prendre toutes les mesures nécessaires pour faire suivre son courrier et sauvegarder ses droits en donnant par exemple une procuration à un représentant. Il devait s'attendre en effet à recevoir sa déclaration fiscale 2002 et à devoir la remplir dans les premiers mois de l'année 2003. Faute d'avoir pris de telles dispositions, le recourant ne pouvait se prévaloir de l'article 41 alinéa 3 LPFisc.

Enfin, et même si l'on voulait considérer l'absence du pays comme un cas d'empêchement et l'hospitalisation comme un motif sérieux, la réclamation - faite le 10 juin 2005 - était de toute façon tardive, puisqu'elle avait été déposée au-delà du délai de 30 jours dès la fin de l'hospitalisation, soit au-delà du 18 février 2005.

Le bordereau contesté était devenu définitif et exécutoire.

Le recours ne pouvait qu'être rejeté.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le département procède à une taxation d'office sur la base d'une appréciation consciencieuse si, malgré sommation, le contribuable n'a pas satisfait à ses obligations de procédure ou si les éléments imposables ne peuvent être déterminés avec toute la précision voulue faute de données suffisantes. Elle se fonde notamment sur tous les indices concluants dont elle a connaissance (art. 37 al. 1 LPFisc).

De plus, la sommation est notifiée au contribuable sous forme d'un rappel recommandé avec fixation d'un délai de 10 jours et à ses frais (art. 37 al. 2 LPFisc).

3. Une réclamation peut être faite dans les 30 jours dès la notification de la taxation (art. 39 al. 1 LPFisc). En cas de taxation d'office, la réclamation ne peut porter que sur le fait que ladite taxation est manifestement inexacte (art. 39 al. 2 LPFisc).

4. Au-delà du délai de 30 jours précité, une réclamation tardive n'est recevable que si le contribuable établit que, par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d'absence du pays ou pour d'autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter sa réclamation en temps utile et qu'il l'a déposée dans les 30 jours après la fin de l'empêchement (art. 41 al. 3 LPFisc).

5. Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d'être prolongés (art. 16 al. l 1ère phrase LPA), restitués ou suspendus, si ce n'est par le législateur lui-même (SJ 1989 p. 418). Ainsi, celui qui n'agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (SJ 2000 I 22, consid. 2 pp 23 et 24 et références citées).

Les cas de force majeure restent réservés (art. 16 al. l 2ème phrase LPA). Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de l'extérieur de façon irrésistible (ATA/322/2007 du 19 juin 2007).

6. a. Un envoi est réputé notifié à la date à laquelle son destinataire le reçoit effectivement. Lorsque ce dernier ne peut pas être atteint et qu’une invitation à retirer l’envoi est déposée dans sa boîte aux lettres ou dans sa case postale, la date du retrait de l’envoi est déterminante. Toutefois, si l’envoi n’est pas retiré dans le délai de garde de 7 jours, il est réputé avoir été communiqué le dernier jour de ce délai (ATF 123 III 493 ; 119 II 149 consid. 2 ; 119 V 94 consid. 4b/aa et les références).

b. Depuis l’ATF 85 IV 115, la règle de la fiction de la notification à l’échéance du délai de garde a été constamment confirmée par le Tribunal Fédéral (ATF 123 III 492 ; 119 V 94 consid. 4b ; 117 V 132 consid. 4a et les références citées).

7. Celui qui, pendant la durée d’une procédure s’absente du lieu qu’il a communiqué aux autorités comme étant son adresse, sans veiller à faire suivre son courrier ou annoncer aux autorités une nouvelle adresse ou encore désigner un représentant, au moins pour la durée de son absence, est réputé pouvoir être atteint à l’adresse connue jusque-là par les autorités. Ce qui est déterminant à cet égard, est de savoir si l’intéressé devait s’attendre avec une certaine vraisemblance à la notification d’un acte officiel durant son absence (ATF 119 V 89 consid. 4a aa, p. 94 ; 117 V 132 consid. 4a et réf. cit. ; Arrêt du Tribunal fédéral 2P.296/2001 du 20 mars 2002 ;), le lien d’instance obligeant les parties à se comporter selon le principe de la bonne foi, notamment en veillant à ce que les décisions puissent leur être communiquées (ATF 115 Ia 15 consid. 3a et réf. cit. ; voir aussi ATF 116 Ia 92 consid. 2a).

8. Au vu des principes rappelés ci-dessus, la sommation adressée à M. L______ par pli recommandé du 4 novembre 2003 est réputée lui avoir été notifiée à l'expiration du délai de garde, soit le 11 novembre 2003.

9. M. L______ devait s'attendre à recevoir une taxation d'office. Celle-ci a été envoyée sous pli simple par l'AFC, de sorte que l'intimée ne peut établir la date de réception par le recourant.

10. La seule question à trancher est celle de savoir si le contribuable pouvait déposer une réclamation tardive au sens de l'article 41 alinéa 3 LPFisc et, dans cette hypothèse, si le dépôt de la déclaration fiscale 2002 le 10 juin 2005, considéré par l'AFC comme valant réclamation, respecte le délai institué par cette disposition.

Il faut admettre que les problèmes de santé du recourant et son absence - la prolongation de son séjour en Afrique ayant été rendue nécessaire par l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de voyager pour ce motif - étaient constitutifs d'un empêchement ou d'un motif sérieux l'ayant empêché de déposer une réclamation en temps utile.

Toutefois, il devait le faire dans les 30 jours dès la fin dudit empêchement. Or, la dernière hospitalisation s'était certes terminée le 19 janvier 2005 mais, selon le certificat médical du Dr Schiffer du 9 mai 2005, la capacité de travail du recourant était nulle pour cause de maladie entre ces deux dates et même au-delà, puisque la capacité de travail devait être réévaluée ensuite. Il n'est cependant pas établi que l'état de santé du recourant était tel que l'intéressé n'était pas en mesure de donner des instructions ou de désigner un mandataire susceptible de le représenter.

Pourtant, M. L______ devait, en application de l'article 41 alinéa 3 LPFisc, élever réclamation dans les trente jours dès le 19 janvier 2005, soit au plus tard le 18 février 2005 à minuit. Le dépôt de la déclaration (valant réclamation) le 10 juin 2005 est ainsi tardif.

11. En conséquence, le recours sera rejeté.

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 avril 2007 par M. L______ contre la décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôts du 19 mars 2007 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.- ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à M. L______, à la commission cantonale de recours en matière d'impôts ainsi qu’à l'administration fiscale cantonale.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mmes Hurni et Junod, juges, et M. Bellanger, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :