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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3834/2005

ATA/443/2006 du 31.08.2006 ( IEA ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 27.10.2006, rendu le 03.04.2007, REJETE, 5A.34/2006, 5P.455/06
Recours TF déposé le 27.10.2006, rendu le 03.04.2007, REJETE, 5A.34/2006, 5P.455/06
Parties : CHOLLET Jean-Jacques / COMMISSION FONCIERE AGRICOLE, SI DOMAINE DE MERLINGE, MARLAND François, DE SAVOIE Victor-Emmanuel, SOCIETE IMMOBILIERE DU DOMAINE DE MERLINGE
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3834/2005-IEA ATA/443/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

Du 31 août 2006

dans la cause

Monsieur Jean-Jacques CHOLLET
représenté par Me Claude Aberle, avocat

contre

COMMISSION FONCIÈRE AGRICOLE


et

SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DU DOMAINE DE MERLINGE
Monsieur François MARLAND
appelés en cause, représentés par Me Bruno Mégevand, avocat

et

Monsieur Victor Emmanuel de SAVOIE
appelé en cause, représenté par Me Didier Plantin, avocat


1. Monsieur Jean-Jacques Chollet est exploitant agricole du Domaine de Merlinge, commune de Meinier.

A ce titre, il est au bénéfice d’un bail à ferme sur la totalité du domaine.

2. La société immobilière du Domaine de Merlinge S.A. (ci-après : la S.I.) est propriétaire des parcelles sur lesquelles se déroule cette activité.

Les actifs de la S.I. consistent principalement en quatre biens-fonds :

- le parcelle n° 32 de la commune de Gy ;

- la parcelle n° 1002 de la commune de Meinier ;

- la parcelle n° 1457 de la commune de Meinier, d’une superficie de 44'240 m2, sur laquelle se trouve le Château de Merlinge, d’une surface de 494 m2 et un ensemble de huit autres bâtiments qui entourent la demeure ;

- la parcelle n° 1458 de la commune de Meinier, d’une superficie de 263’6398 m2 qui abrite cinq bâtiments dont une ferme de 448 m2.

Ces parcelles se trouvent toutes en zone agricole.

3. Par acte du 11 mai 2004, Monsieur François Marland a acquis de Monsieur Victor-Emmanuel de Savoie la totalité du capital-actions de la S.I. pour le prix global de CHF 13'500'000.-.

4. Le 28 octobre 2004, sous la plume de son avocat, la S.I. a sollicité que la commission foncière agricole (ci-après : la CFA ou la commission) prononce la division des parcelles nos 1457 et 1458, la réunion des sous-parcelles ainsi crées ainsi que le non-assujettissement de la nouvelle parcelle n° 1816 à la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR – RS 211.412.11).

La nouvelle division conduisait à la scission de la parcelle n° 1457 en deux sous-parcelles nos 1457A et 1457B. La première, d’une superficie de 25’226 m2, englobait toute la surface impropre à l’agriculture, alors que la deuxième, d’une surface de 19'014 m2 comprenait la portion de la parcelle initiale dont la vocation agricole devait être maintenue.

La division conduisait également à la scission de la parcelle n° 1458 en deux sous-parcelles nos 1458A et 1458B. La première, d’une superficie de 258'055 m2 conservait sa vocation agricole alors que la deuxième, d’une superficie de 5'584 m2, était impropre à l’agriculture vu qu’elle se situait dans le prolongement de la forêt couvrant la partie nord de la parcelle.

Cela fait, la S.I. sollicitait la réunion des sous-parcelles nos 1457A et 1458B sous la parcelle n° 1816, d’une superficie de 30'810 m2, et celle des sous-parcelles nos 1457B et 1458A sous la parcelle n° 1817, d’une superficie de 277'069 m2.

5. Par décision du 25 janvier 2005, la CFA a déclaré la requête irrecevable au motif qu’elle n’avait pas pu obtenir de renseignements sur la cession intervenue entre la S.I. et M. Marland permettant de contrôler si celle-ci était assujettie ou non à la LDFR.

6. Le 14 avril 2005, la S.I. a saisi la CFA d’une nouvelle requête. Elle sollicitait la constatation que la cession du capital-actions n’avait pas à être autorisée dès lors que ses actifs n’étaient pas essentiellement agricoles. Pour le surplus, elle a repris les conclusions de sa requête précédente.

La S.I. exposait qu’elle souhaitait grever sa propriété d’une hypothèque à concurrence de CHF 2'000'000.-, raison pour laquelle elle sollicitait la redéfinition des parcelles dont elle était propriétaire en créant une parcelle objectivement inappropriée à l’agriculture, ce qui impliquait une division, le solde de celle-ci restant en zone agricole.

A l’appui de sa demande, la S.I. a produit un rapport d’expertise concernant les actifs de sa propriété. Il en ressortait que la valeur totale des actifs de la société était estimée à CHF 13'559’952.- alors que celle des actifs à vocation agricole était estimée à CHF 5'490'952.-. S’agissant du terrain, entièrement situé en zone agricole, les experts avaient utilisé, conformément à une pratique constante, un coefficient théorique de 0,2 par rapport aux surfaces de plancher résidentielles existantes et fixé la valeur du mètre carré à CHF 400.-, pondérant ainsi une valeur théorique d’un terrain à bâtir qui serait de l’ordre de CHF 600.- le mètre carré.

Par conséquent, la S.I. était propriétaire d’actifs agricoles qui ne représentaient que le 40,52 % de la totalité de ses avoirs. Ainsi, la proportion des actifs agricoles étant inférieure à 50 %, les actifs de la S.I. ne consistaient pas principalement en une entreprise ou des immeubles agricoles.

7. Le 6 juin 2005, la CFA a procédé à un transport sur place en présence des parties, à savoir M. Marland et son épouse, l’administrateur de la S.I. et les représentants de la CFA. A cette occasion, celle-ci a constaté que le projet de division réunion présenté par la S.I. ménageait de manière adéquate le vaste domaine agricole qui dépendait de cette propriété et qui restait assujetti à la LDFR.

8. Le 21 juin 2005, la CFA a rendu une décision préjudicielle par laquelle elle constatait que la cession du capital-actions de la S.I. n’était pas soumise à autorisation, les biens de celle-ci n’étant pas composés pour moins de 50 % d’une entreprise agricole.

9. Par ordonnance préparatoire du même jour, la CFA, constatant qu’elle n’était pas compétente pour autoriser la division réunion sollicitée, a transmis le dossier au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : le DAEL ou le département, devenu depuis lors le département des constructions et technologies de l'information ; ci-après : le DCTI) pour décision au sens de l’article 4a LDFR et au service de l’agriculture (ci-après : le service) du département de l’intérieur, de l’agriculture et de l’environnement devenu depuis lors le département du territoire (ci-après : DT), pour qu’il statue sur les demandes de division réunion des parcelles nos 1457 et 1458.

Dite décision n’a pas été notifiée à M. Chollet.

10. Par courrier du 5 juillet 2005 adressé à la CFA, M. Chollet, sous la plume de son avocat, s’est enquis d’une éventuelle procédure concernant la vente du domaine.

Le cas échéant, il souhaitait faire valoir le droit de préemption du fermier que lui conférait l’article 47 LDFR.

11. Le 10 août 2005, le service, sur la base du dossier de mutation parcellaire fourni par la S.I., a autorisé l’opération de division réunion des parcelles nos 1457 et 1458.

12. Le 15 août 2005, le département a constaté que les constructions situées sur la parcelle n° 1457 étaient conformes aux dispositions légales en matière d’aménagement du territoire. Tel était également le cas pour la parcelle n° 1458, à l’exception d’une baraque dont le département avait renoncé à exiger la démolition vu son ancienneté.

13. Le 13 septembre 2005, MM. Marland et Chollet ont été entendus en comparution personnelle par la CFA.

M. Chollet a été informé de la chronologie des événements depuis la cession du capital-actions.

Ce dernier a expliqué que la résiliation de son bail à ferme le mettait dans une situation difficile et qu’il souhaitait faire valoir un droit de préemption sur les terres agricoles.

La CFA a confirmé à M. Chollet qu’une décision préjudicielle avait été rendue le 21 juin 2005 constatant que la cession du capital-actions de la S.I. n’était pas soumise à autorisation. Cette décision lui serait notifiée conformément à l’article 83 alinéa 2 LDFR.

14. Par décision du même jour, reçue en date du 29 septembre 2005 par M. Chollet, la CFA a prononcé le désassujettissement de la parcelle n° 1457A, compte tenu de la décision du service du 10 août 2005. A la décision du 13 septembre étaient annexées la décision préjudicielle et l’ordonnance préparatoire rendues par la CFA le 21 juin 2005.

15. Le 11 octobre 2005, la CFA a rendu une décision rectificative par laquelle elle prononçait le désassujettissement de la parcelle n° 1816, issue de la réunion des sous-parcelles nos 1457A et 1458B.

16. Le 31 octobre 2005, M. Chollet a interjeté recours auprès du Tribunal administratif contre la décision préjudicielle et l’ordonnance préparatoire de la CFA du 21 juin 2005 et la décision de la CFA du 13 septembre 2005. Il a conclu à la constatation de la nullité de la cession intervenue par convention du 11 mai 2004, à l’annulation de la décision préjudicielle et de l’ordonnance préparatoire du 21 juin 2005 et à celle de la décision de la CFA du 13 septembre 2005. Enfin, il demandait l’octroi d’une indemnité de procédure.

La cession du capital-actions était soumise à autorisation au sens de l’article 61 LDFR, aucune exception prévue à l’article 62 LDFR n’étant remplie. De plus, l’article 63 alinéa 1 lettre a LDFR relatif au prix convenu, surfait en tant que motif de refus à l’acquisition des entreprises, n’avait pas été examiné.

Ainsi, conformément à l’article 70 LDFR, la cession était frappée de nullité et ne saurait être guérie par une autorisation postérieure.

S’agissant du partage matériel, l’article 60 alinéa 1 lettre a LDFR ne s’appliquait pas dès lors que, vu la zone agricole, il n’était pas possible de dire qu’une partie de l’immeuble ne relevait pas du champ d’application de la loi. Il s’agissait au mieux d’un immeuble à usage mixte au sens de l’article 2 alinéa 2 lettre d LDFR.

L’expertise, en tant qu’elle retenait des valeurs en zone agricole allant jusqu’à CHF 400.- le m2, était « manifestement partisane ».

17. Par trois décisions du 4 novembre 2005, le tribunal de céans a ordonné, en application de l’article 71 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), l’appel en cause de la S.I., de M. Marland et de M. de Savoie.

18. Par acte posté le 16 novembre 2005, M. Chollet a recouru contre la décision rectificative du 11 octobre 2005 auprès du Tribunal administratif. Il conclut préalablement à la jonction de cette nouvelle procédure – enregistrée sous A/4052/2005 – avec la cause A/3834/2005, s’agissant d’un même complexe de faits. Au fond, il a repris ses conclusions précédentes en ajoutant toutefois une violation de l’article 64 LDFR.

19. Le 2 décembre 2005, la CFA a persisté dans ses conclusions.

Elle n’était pas compétente pour statuer sur le droit de préemption accordé au fermier en vertu de l’article 47 LDFR.

Concernant la cession du capital-actions, celle-ci n’avait pas à être autorisée par la commission. Les chiffres retenus par l’expertise et vérifiés par la commission faisaient état de biens de la société qui n’étaient pas composés pour plus de 50 % d’une entreprise agricole.

Le prix des immeubles agricoles retenu par la cession n’était pas surfait, le prix maximum licite pour des biens agricoles étant de CHF 8.-/m2.

En tant que fermier, M. Chollet n’avait pas la qualité pour recourir contre la décision de désassujettissement.

Quant à l’autorisation de division réunion des parcelles, M. Chollet aurait dû recourir contre la décision du service du 10 août 2005.

Enfin, n’étant pas partie à la procédure, M. Chollet n’avait pas à être convoqué au transport sur place du 6 juin 2005.

20. Le 13 décembre 2005, M. Marland et la S.I ont fait parvenir leurs observations concernant les deux recours. Ils ont conclu préalablement à la jonction des causes et, sur le fond, à la confirmation des décisions attaquées, avec suite de frais et dépens.

La cession du capital-actions de la S.I. du domaine de Merlinge n’était pas soumise à autorisation, la S.I. n’étant pas propriétaire d’actifs essentiellement agricoles.

C’était à juste titre que la CFA avait prononcé le désassujettissement de la parcelle n° 1816. En effet, selon le Tribunal fédéral, il y avait lieu de tenir compte d’un critère subjectif, à savoir l’utilisation effective durant de longues années. Ainsi, l’affectation subjective du Château de Merlinge qui ne saurait être considéré comme agricole, devait l’emporter sur le constat objectif que, d’une façon générale, toute surface de terrain recouverte de terre était propre à la culture.

Enfin, il n’y avait pas lieu de se pencher sur l’application de l’article 64 LDFR, le partage des parcelles et le désassujettissement des surfaces résidentielles ne soulevant aucune question relative aux exceptions au principe de l’exploitation à titre personnel.

21. Le 22 décembre 2005, M. de Savoie a fait part de ses observations au recours.

Il était tout à fait étranger au litige opposant M. Chollet à la S.I.

Ayant toujours entretenu de bons rapports de voisinage avec M. Chollet et apprécié les qualités et le professionnalisme de ce dernier, il n’avait jamais eu l’intention de remettre en cause le principe du bail agricole.

Quant à la possibilité accordée au fermier d’exercer le droit de préemption, il s’en rapportait à la justice, en précisant néanmoins que, compte tenu des relations qu’il entretenait avec M. Chollet, il aurait entrepris toute démarche pour permettre à ce dernier de poursuivre à long terme l’exploitation du domaine.

Enfin, en tant que partie du patrimoine de la commune et du canton, le domaine de Merlinge devait être protégé. A cet égard, M. Chollet avait, depuis de nombreuses années, participé à la sauvegarde de ce patrimoine.

22. Le 4 janvier 2006, le Tribunal administratif a ordonné la jonction des causes A/3834/2005 et A/4052/2005 sous le numéro A/3834/2005.

23. Le 26 janvier 2006, le juge délégué a entendu les parties en audience de comparution personnelle.

M. Chollet a confirmé les termes de son recours. Le bail à ferme dont il était titulaire n’avait pas encore été résilié par la S.I. Ce document était très ancien et avait « besoin de toilettage ». Il portait sur l’entier du domaine agricole appartenant à la S.I. La parcelle n° 1457 avait une haute valeur agricole. Celle-ci avait été créée postérieurement à la signature du bail.

Le remaniement parcellaire ne changerait rien à la valeur agricole, la nouvelle parcelle n° 1816 ayant les mêmes caractéristiques que la parcelle n° 1457.

Le nouveau découpage avait pour effet de soustraire une partie de surface sur laquelle il récoltait du foin. Il s’agissait des clairières de la partie boisée de la parcelle n° 1457A.

Il souhaitait exercer son droit de préemption sur les parcelles agricoles et en avait les moyens. Il n’était cependant pas intéressé à l’acquisition du « Château ».

L’expertise de mars 2005 constituait une base intéressante s’agissant de l’évaluation des terres agricoles. Les terrains agricoles se négociaient à CHF 4,50 le mètre carré.

La CFA a précisé que le prix maximum licite s’élevait à CHF 8.- le mètre carré.

M. Marland a indiqué que la S.I. n’avait aucun projet concernant la partie agricole du domaine. Il était prévu que M. Chollet, à sa retraite, puisse acquérir une partie du terrain pour lui-même. Ses fils auraient pu alors devenir agriculteurs salariés du domaine. Il n’y aurait donc plus de contrat de bail à ferme.

M. Chollet a précisé avoir fait part à M. Marland de son souhait quant à l’acquisition de l’entier des terrains agricoles du domaine de Merlinge. Il lui avait toujours dit qu’il exercerait son droit de préemption.

Le nouveau découpage des parcelles n’était pas sa préoccupation principale. L’évolution du contrat de bail, son éventuelle rediscussion et la possibilité de remettre l’exploitation à son fils l’intéressaient bien plus. Ainsi, les propositions de M. Marland tendant à mettre fin au fermage pour le remplacer par une activité salariée n’étaient pas satisfaisantes.

M. Marland a contesté avoir eu une discussion au sujet du droit de préemption. Il a précisé que la S.I. n’avait pas l’intention de diviser ou de morceler son domaine dans la perspective de le vendre par partie.

M. Chollet a précisé ne pas avoir contesté la décision du service autorisant la division parcellaire, soit la décision du 10 août 2005, faute de lui avoir été notifiée. Il n’en avait pris connaissance que lors de son audition devant la CFA le 13 septembre 2005.

S’agissant de l’expertise de mars 2005, la CFA a précisé que le fait qu’il s’agissait d’une expertise privée n’avait pas pour effet de la rendre irrecevable. La commission avait suffisamment de spécialistes pour pouvoir déterminer si les chiffres articulés dans les expertises correspondaient à la réalité du marché.

Selon M. Chollet, cette expertise avait été demandée pour justifier le prix payé et pour aboutir à la conclusion que la part agricole des terrains était inférieure à la part non agricole.

M. Marland a précisé qu’il ne s’agissait pas de la seule expertise faite à propos de la valeur du Domaine. Toutes les autres aboutissaient à la même conclusion.

Selon M. Chollet, il était pour le moins étonnant qu’environ un seul hectare sur les quarante-huit que comptait le domaine permettait de sortir l’entier de celui-ci de la législation sur le droit foncier rural.

La CFA a indiqué que, lorsqu’il s’agissait de valoriser une parcelle, sa pratique était d’admettre un coefficient de 0,2 et le prix de la zone à bâtir pour le terrain entourant les bâtiments non agricoles situés dans une zone agricole.

M. Chollet a fait valoir que son souci était la sortie de l’entier de domaine agricole du champ d’application du droit foncier rural. 

La S.I. a précisé que le 95 % du domaine demeurait assujetti au droit foncier rural.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

1. Interjetés en temps utile, les deux recours sont recevables de ce point de vue (art. 88 LDFR ; art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 ; LOJ - E 2 05 ; art. 13 de la loi d’application de la loi fédérale sur le droit foncier rural ; LALDFR - M 1 10 ).

2. Le recourant conteste en premier lieu la validité de la cession du capital-actions constatée par la CFA dans son ordonnance préparatoire du 21 juin 2005.

3. Destinataire de la décision litigieuse, M. Chollet a la qualité pour recourir (art. 60 let. a LPA).

4. L’acquisition d’une entreprise ou d’un immeuble agricole est soumise à autorisation (art. 61 al. 1 LDFR). L’alinéa 3 de cette disposition précise que sont des acquisitions, le transfert de propriété, ainsi que tout autre acte juridique équivalant économiquement à un transfert de propriété.

Le législateur a renoncé à une quelconque quantification à l’article 61 alinéa 3 LDFR. Conformément à l’article 4 alinéa 2 LDFR, les dispositions sur les entreprises agricoles s’appliquent toutefois aussi aux participations majoritaires à des personnes morales dont les actifs consistent principalement en une entreprise agricole. Cette quantification peut tout à fait être transposée à l’article 61 alinéa 3 LDFR, et cela aussi bien s’agissant d’une entreprise agricole que d’immeubles agricoles isolés. Il y a donc acte de disposition équivalant économiquement à un transfert de propriété sur une entreprise ou un immeuble agricole et par conséquent soumis à autorisation lorsque l’acquisition porte sur une participation majoritaire, c’est-à-dire tant la majorité du capital que la majorité des droits de vote à une personne morale ou une société de personnes ayant la capacité d’acquérir, dont les actifs principaux consistent en une entreprise agricole ou en immeubles agricoles isolés. La notion d’actifs principaux permet donc de conclure que la part des actifs agricoles doit être plus proche de 100 % que de 50 % (FF 1988 III 915). Une quantification de ce genre paraît raisonnable et a notamment pour conséquence que l’acquisition d’une participation majoritaire ou minoritaire à une entreprise industrielle ou de service qui dispose de certaines réserves de terrain en zone agricole ne provoque pas de procédure d’autorisation (B. STADLER in Le droit foncier rural, Commentaire de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991, Brugg 1998, n. 21 ad art. 61 LDFR).

5. a. La CFA est une autorité administrative autonome de première instance et non pas un organe de préavis et d'instruction d'une autorité administrative; elle doit être considérée comme une autorité administrative au sens des articles 1 alinéa 2 et 5 lettre g LPA (ATA/368/1999 du 15 juin 1999). Les règles de cette loi s'appliquent donc à la prise de décisions par la CFA (art. 1 al. 1 LPA).

L'autorité établit les faits d'office ; elle n'est pas limitée par les allégués et les offres de preuves des parties (art. 19 LPA).

b. La CFA se compose – selon l’article 2 alinéa 1 du règlement d’exécution de la loi d’application de la loi fédérale sur le droit foncier rural (M 1 10.01) - de trois représentants d’AgriGenève, association faîtière de l’agriculture genevoise, d’un représentant de la chambre des notaires, d’un représentant de la chambre genevoise immobilière, d’un représentant du Groupement des propriétaires de biens immobiliers ruraux et d’un représentant du barreau genevois. Formée pour partie de spécialistes, la commission peut ainsi exercer un contrôle plus technique que le Tribunal administratif.

En l’espèce, selon l’expertise remise à la CFA, la valeur des biens détenus par la S.I. est supérieure à CHF 13'500'000.- alors que la valeur vénale des actifs à vocation agricole ne dépasse pas CHF 5'500'000.- de sorte que les biens de la société ne seraient pas composés pour plus de 50 % d’une entreprise agricole. La CFA, en procédant à un transport sur place et à une comparution personnelle, a effectué toutes les mesures d’instruction utiles. Ce faisant, elle a pu vérifier in concreto l’adéquation des chiffres retenus par l’expertise avec la réalité du terrain. L’expertise a donc fait l’objet d’un examen minutieux par la commission qui a relevé la justesse des prix retenus. Pour sa part, le recourant n’allègue aucun élément pertinent qui puisse remettre en cause l’expertise de 2005 de sorte qu’aucune raison objective ne permet de s’en écarter.

Dans ces circonstances, c’est à bon droit que la CFA a constaté que la cession du capital-actions n’était pas soumise à autorisation. La décision entreprise sera par conséquent confirmée.

Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient le recourant, les articles 62 et suivants LDFR n’ont pas à être examinés.

6 Le recourant conteste également l’octroi d’une autorisation exceptionnelle concernant le partage matériel des entreprises agricoles.

7. Il convient d’examiner si le tribunal de céans est bien compétent pour connaître de ce litige, celui-ci examinant d’office sa compétence.

a. Au terme de l’article 64 alinéa 2 LPA, le recours adressé à une autorité incompétente est transmis d’office à la juridiction administrative compétente. L’acte est réputé déposé à la date à laquelle il a été adressé à la première autorité.

b. Selon l'article 7 alinéa 3 LALDFR, le morcellement d’immeubles situés en zone agricole ayant fait l’objet d’un remaniement parcellaire est soumis aux prescriptions de l’article 89 de la loi sur les améliorations foncières (LAM - M 1 05). Cette disposition précise que sous réserve d’une autorisation du département, le morcellement de terrains agricoles remaniés est interdit sans limite dans le temps et quelle que soit la surface des parcelles à créer. La décision du département est susceptible de recours à la commission centrale des améliorations foncières (art. 92 LAM).

En l’espèce, le service a autorisé l’opération de division réunion des parcelles.

Il résulte de ce qui précède que le recours déposé par M. Chollet doit être transmis à la commission centrale des améliorations foncières pour raison de compétence.

Le recours sera donc déclaré irrecevable sur ce point.

8. Au vu de ce qui précède, les décisions de la CFA des 13 septembre 2005 et 11 octobre 2005 seront annulées, la décision du service n’étant pas définitive de sorte que la solution adoptée par l’autorité intimée est prématurée.

9. M. de Savoie obtient gain de cause s’agissant de la décision du 21 juin 2005, seule décision qui le concerne. Aucun émolument ne sera mis à sa charge et n’ayant pas déposé de conclusions dans ce sens, aucune indemnité ne lui sera allouée.

Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la S.I. qui n’obtient que partiellement gain de cause. Une indemnité de procédure, en CHF 1'000.- sera allouée à M. Chollet à charge de la société.

Aucun émolument ne sera mis à la charge de M. Marland, concerné personnellement par la seule décision du 21 juin 2005.

Un émolument de CHF 500.- sera infligé à M. Chollet qui obtient partiellement gain de cause. Une indemnité de procédure, en CHF 500.- sera allouée à sa charge à M. Marland ainsi qu’une indemnité du même montant à la S.I.

Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la CFA dont deux décisions sont annulées. Une indemnité de procédure, en CHF 500.- sera allouée à M. Chollet à charge de l’Etat de Genève.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare irrecevable le recours interjeté le 31 octobre 2005 par Monsieur Jean-Jacques Chollet contre la décision de la commission foncière agricole du 13 septembre 2005 en tant qu’il vise la décision du service de l’agriculture du 10 août 2005 ;

le déclare recevable pour le surplus ;

au fond :

le rejette en tant qu’il vise la décision de constatation du 21 juin 2005 ;

l’admet en tant qu’il porte sur les décisions des 13 septembre et 11 octobre 2005 ;

annule les décisions des 13 septembre et 11 octobre 2005 ;

renvoie le dossier à la commission foncière agricole pour nouvelle décision dès droit jugé par la commission centrale des améliorations foncières;

transmet le recours à la commission centrale des améliorations foncières en tant qu’il porte sur la décision du service de l’agriculture du 10 août 2005 ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.- ;

met à la charge de la société immobilière du Domaine de Merlinge un émolument de CHF 500.- ;

met à la charge de la commission foncière agricole un émolument de CHF 500.- ;

alloue une indemnité au recourant de CHF 1'000.- à charge de la société immobilière du Domaine de Merlinge et de CHF 500.- à charge de l’Etat de Genève ;

alloue une indemnité de CHF 500.- à la société immobilière du Domaine de Merlinge et une indemnité du même montant à Monsieur François Marland, à charge du recourant ;

dit que, conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par-devant le Tribunal fédéral ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14 ; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Claude Aberle, avocat du recourant, à Me Didier Plantin, avocat de Monsieur Victor-Emmanuel de Savoie, à Me Bruno Mégevand, avocat de Monsieur François Marland et de la société immobilière du Domaine de Merlinge, appelés en cause, ainsi qu'à la commission foncière agricole, à l'office fédéral de la justice et à la commission centrale des améliorations foncières.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :