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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/608/2013

ATA/442/2013 du 30.07.2013 ( PRISON ) , REJETE

Descripteurs : ; ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE ; DÉTENTION(INCARCÉRATION) ; MESURE DISCIPLINAIRE ; DROIT FONDAMENTAL ; ATTEINTE À UN DROIT CONSTITUTIONNEL ; LIBERTÉ PERSONNELLE ; RESPECT DE LA VIE PRIVÉE ; INTERDICTION DE L'ARBITRAIRE ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : Cst.10.al2 ; Cst.13.al1 ; Cst.36 ; Cst.9 ; Cst.5.al3 ; RRIP.12.al1 ; RRIP.45 ; RRIP.47 ; ROPP.2.al1.letb
Résumé : Conformité aux droits fondamentaux d'une décision visant à limiter le nombre d'effets personnels admis en cellule.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/608/2013-PRISON ATA/442/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 juillet 2013

2ème section

 

dans la cause

 

Madame L______
représentée par Me Yaël Hayat, avocate

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON

 



EN FAIT

1) Madame L______ est détenue à la prison de Champ-Dollon (ci-après : la prison) depuis le ______ 2007 en tant que prévenue dans le cadre de la procédure P/16340/2007.

Après avoir été reconnue coupable, en qualité de coauteur, des infractions d’assassinat, d’interruption de grossesse punissable et d’atteinte à la paix des morts et condamnée à la prison à vie en première instance et en appel, elle a recouru au Tribunal fédéral contre la sanction prononcée, qui a renvoyé la procédure à l’autorité cantonale. Par arrêt AARP/25/2013 du 17 janvier 2013, la chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice a condamné l’intéressée à une peine privative de liberté de vingt ans, confirmée par le Tribunal fédéral dans un arrêt 6B_259/2013 rendu le 11 juin 2013.

2) Lors de la fouille de la cellule de Mme L______ intervenue le 16 juillet 2012, un téléphone portable, dissimulé dans un ventilateur, a été découvert. Ayant admis en être la propriétaire, Mme L______ a fait l’objet d’une sanction sous la forme d’un placement en cellule forte d’une durée de cinq jours et a été privée de travail, avec la possibilité de se réinscrire, mesures prises en application de l’art. 47 du règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04). Elle n’a pas contesté cette sanction.

3) Le 3 août 2012, une boulette de haschisch a été découverte, dissimulée sur Mme L______. Celle-ci a fait l’objet d’une sanction, sous la forme d’un placement en cellule forte pendant un jour, en application de l’art. 47 RRIP, qu’elle n’a pas contestée.

4) Suite à une nouvelle fouille de la cellule de Mme L______ intervenue le 19 novembre 2012, un téléphone portable, dissimulé à l’intérieur d’une chaîne « Hifi », a été découvert. Mme L______ ayant admis qu’il lui appartenait, elle a fait l’objet d’une sanction, sous la forme d’un placement en cellule forte pendant cinq jours et d’une privation de travail avec possibilité de se réinscrire, en application de l’art. 47 RRIP. Elle n’a pas contesté cette sanction.

5) Le 11 décembre 2012, sous la plume de son conseil, Mme L______ a écrit à la direction de la prison. Lors de l’exécution de sa dernière sanction, sa cellule avait été entièrement vidée de ses affaires, dont une grande partie placée dans un dépôt. Un refus lui avait été opposé lorsqu’elle avait voulu en reprendre possession. Ayant purgé les sanctions qui lui avaient été infligées, elle ne devait pas être punie une nouvelle fois, par des voies détournées. Elle devait être jugée en appel au mois de janvier 2013, de sorte qu’il n’était pas opportun de la priver de ses affaires à un moment où elle nécessitait toutes ses facultés physiques et psychologiques.

6) Par courrier du lendemain, le directeur de la prison lui a répondu. L’accumulation d’effets personnels dans une cellule constituait un risque objectif en matière de sécurité lors d’un sinistre. Le volume des affaires dont chaque détenu pouvait disposer était limité au nécessaire et le solde était déposé dans un vestiaire, accessible sur demande, en application de l’art. 45 let. f RRIP. Mme  L______ ayant été sanctionnée à trois reprises depuis le mois de juillet 2012, elle était invitée à se conformer aux dispositions réglementaires applicables, afin qu’elle ne s’expose pas aux conséquences disciplinaires subséquentes.

7) Le 24 décembre 2012, Mme L______ a requis du directeur une décision « par voie de notification ». Bien qu’elle eût exécuté les peines prononcées à son encontre suite à des manquements ponctuels au règlement de la prison, ces sanctions perduraient, puisqu’elle se voyait privée de la possibilité de disposer de ses affaires, qui constituaient des « objets remis » au sens de l’art. 45 let. e RRIP. Cette mesure était d’autant moins justifiée qu’elle n’était pas atteinte du « syndrome de Diogène » et qu’aucun de ses effets n’était susceptible d’entraîner un risque sécuritaire lors d’un sinistre.

8) Le 2 janvier 2013, le directeur de la prison a précisé les termes de son précédent courrier. Mme L______ avait accès à l’ensemble de ses effets personnels, aux conditions mentionnées. Seule une partie de ceux-ci pouvait toutefois être conservée en cellule, dès lors que la possession d’affaires en quantité pouvait présenter un risque supplémentaire en cas de sinistre et qu’elle partageait sa cellule avec une autre détenue, qui ne pouvait pas non plus y conserver l’intégralité de ses effets.

9) Par courrier du 7 janvier 2013 adressé au directeur de la prison, Mme  L______ a sollicité la notification d’une décision formelle. Le fait de confisquer temporairement ses effets constituait une sanction au caractère vexatoire et « quérulent », visant à la fragiliser à la veille de son procès en appel.

10) Le 14 janvier 2013, le directeur de la prison a écrit à Mme L______. Une partie de ses effets personnels ayant été entreposée dans son vestiaire, auquel elle pouvait solliciter l’accès, il ne s’agissait pas d’une mesure de confiscation. Elle pouvait également disposer dans sa cellule d’un nécessaire de toilette et de vêtements chauds. Il a annexé à ce courrier la « décision constatatoire sollicitée » datée du même jour et immédiatement exécutoire nonobstant recours, comportant l’indication des voie et délai de recours.

Aux termes de cet acte, se fondant sur les art. 2 al. 1 let. b du règlement sur l'organisation et le personnel de la prison du 30 septembre 1985 (ROPP -RS F 1 50.01) et 45 let. e RRIP, le directeur de la prison a autorisé Mme  L______ à détenir dans sa cellule : 6 pantalons ou jeans, 2 jupes, 3 leggins, 7 t-shirts, 3 jaquettes, 6 pulls, 3 ceintures, 2 lots de joggings (veste et pantalon), 2 vestes, 3 pyjamas/chemises de nuit, 1 robe de chambre, 6 paires de chaussures, 2 bonnets, 2 écharpes, 15 slips, 7 soutien-gorge, 15 paires de chaussettes, 5 crèmes visage/mains/pieds/corps, 2 déodorants, 2 shampoings ou produits pour la douche, 3 soins ou après-shampoings, le contenu d’une trousse de maquillage, 5 flacons de vernis à ongles, 20 CD, 10 livres et le contenu d’un petit carton destiné aux soins de coiffure. Le reste de ses effets personnels était entreposé au vestiaire de la prison, auquel elle pouvait accéder.

Cette décision était motivée par le fait que le volume des affaires personnelles possédées par Mme L______ dans sa cellule de 12 m2, qu’elle partageait avec une autre détenue, était évalué à 1 m3, pour un poids d’environ 375 kg. En raison de la surpopulation carcérale, il n’était pas exclu qu’une troisième détenue occupe cette même cellule, chaque pensionnaire devant disposer du même espace de rangement. Ses antécédents disciplinaires, en particulier la possession à deux reprises d’un téléphone portable, pouvaient conduire à des inspections supplémentaires de sa cellule (art. 46 RRIP), lesquelles étaient compliquées du fait de la possession d’un grand nombre d’effets personnels. En cas de sinistre, le volume des affaires se trouvant dans une cellule déterminait la charge thermique et, partant, la rapidité du développement d’un incendie et l’intensité du foyer. Il pouvait ainsi en résulter une menace, dans une proportion supérieure, pour l’intégrité physique des occupants de la cellule, ce qui engageait la responsabilité de la prison.

11) Par acte du 18 février 2013, expédié le jour-même, Mme L______ a recouru à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, reçue le 17 janvier 2013. Elle a conclu à son annulation et à l’octroi d’une équitable indemnité de procédure.

Le fait de limiter l’accès à ses effets personnels était constitutif d’une violation de la liberté personnelle et de la protection de la vie privée, qui ne remplissait pas les conditions de l’art. 36 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). En particulier, la décision litigieuse ne reposait sur aucune base légale, les art. 2 al. 1 let. b ROPP et 45 let. e RRIP n’étant pas suffisants à cette fin. Ces dispositions ne prévoyaient pas expressément que le directeur de la prison pouvait limiter l’accès des détenus à leurs effets personnels, d’autant moins lorsque ceux-ci leur avaient précédemment été remis avec l’accord de la direction. La décision n’était pas non plus justifiée par un intérêt public ou privé prépondérant. L’invocation du placement d’une troisième détenue dans la cellule n’était qu’une hypothèse, non réalisée au moment de la prise de la décision, sa codétenue ne s’étant jamais plainte du volume de ses affaires et disposant de son propre espace de rangement. De plus, les dernières fouilles effectuées avaient permis de découvrir deux téléphones portables, malgré la présence de tous ses effets personnels, qui n’étaient d’ailleurs pas raisonnablement susceptibles d’entraîner un risque objectif en matière de sécurité lors d’un sinistre.

La décision querellée était également arbitraire. Elle reposait sur des critères abstraits et insoutenables et s’inscrivait, de manière « oblique », dans le prolongement des sanctions prononcées à son encontre en 2012, qu’elle avait exécutées sans s’y opposer. Au surplus, ladite décision violait le principe de la bonne foi, dans la mesure où elle consacrait un comportement contradictoire de la part de la direction de la prison, qui l’avait, d’une part, autorisée, dès 2007, à détenir un certain nombre d’effets personnels dans sa cellule et, d’autre part, voulait lui en limiter l’accès, sans que ses conditions de détention ne se soient modifiées depuis lors.

12) Dans sa réponse du 22 mars 2013, la direction de la prison a conclu au rejet du recours, avec suite de frais.

La décision entreprise n’était constitutive d’aucune violation des droits fondamentaux de Mme L______. Elle avait été prise en application de l’art. 2 al. 1 let. b ROPP, selon lequel le directeur prenait les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l’établissement, la tâche de déterminer quels objets étaient laissés à disposition des détenus lui incombant (art. 41 et 45 let. e et f RRIP) ; les objets qui ne pouvaient être laissés en cellule étaient, quant à eux, déposés au greffe de la prison (art. 12 al. 1 RRIP). La limitation du nombre des objets en cellule avait pour objectif de préserver la sécurité et l’ordre au sein de l’établissement, le volume des affaires de Mme L______ était conséquent. En cas d’incendie, l’augmentation de la charge thermique en cellule, due à la présence de nombreux effets personnels, engendrait une diminution de la sécurité pour les occupants et pouvait favoriser le départ involontaire d’un feu et dégager une quantité importante de fumée, compliquant l’arrivée des secours. En offrant une meilleure visibilité, la mesure permettait une détection plus rapide des objets prohibés, les fouilles effectuées dans la cellule de Mme L______ ayant révélé à deux reprises la présence de téléphones portables. Aucun détenu n’avait d’ailleurs accès à l’intégralité de ses affaires en cellule, qui demeurait possible sur demande. L’appréciation de la quantité d’objets admis se faisait non seulement au moment de l’incarcération, mais tout au long de la détention. Il n’était ainsi pas impossible que les effets personnels de Mme  L______ soient le résultat d’une accumulation, au fil des ans, d’objets apportés par des visites ou envoyés par colis, dès lors qu’elle était détenue depuis 2007. La fouille d’une cellule pouvait ainsi être l’occasion pour le personnel de la prison de s’apercevoir d’une telle accumulation. Dans l’évaluation de la situation, la taille et le taux d’occupation de la cellule devaient être pris en considération, Mme L______ occupant, avec une autre détenue, une cellule de 12 m; il n’était pas non plus exclu qu’une troisième personne les y rejoigne au vu du surpeuplement croissant de la prison. Le but de cette mesure n’était ainsi pas de remplacer une sanction disciplinaire, mais permettait de circonscrire tout risque sérieux et objectif pour la sécurité et l’ordre de l’établissement.

La décision contestée ne visait pas tous les effets personnels de Mme  L______, mais une partie de ceux-ci, à laquelle elle avait accès sur demande et en tout temps, de sorte que la décision attaquée n’était pas arbitraire ni contraire au principe de la bonne foi, puisqu’aucune assurance n’avait été donnée à Mme L______ quant aux conditions de sa détention, le taux d’occupation des cellules et l’accumulation d’objets au sein de celle-ci étant des données variables.

13) Le 15 avril 2013, Mme L______ a répliqué, persistant dans ses précédentes conclusions.

Les dispositions mentionnées dans le mémoire de réponse de la prison, nouvellement invoquées, n’étaient pas suffisantes pour justifier une violation de ses droits fondamentaux, dès lors qu’aucune de celles-ci n’autorisait le directeur à limiter l’accès des détenus à des affaires qui leur avaient été remises, après contrôle et autorisation de la direction. Tout laissait à penser que la décision litigieuse avait été rendue à titre de sanction déguisée, suite à la découverte d’objets non autorisés dans sa cellule.

14) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 LPA - E 5 10).

2) Selon l’art. 10 al. 2 Cst., tout être humain a droit à la liberté personnelle, notamment à l’intégrité physique et psychique et à la liberté de mouvement. Cette garantie comprend toutes les libertés élémentaires dont l’exercice est nécessaire à l’épanouissement de la personne humaine (ATF 134 I 214 consid. 5.1 p. 216 ; 133 I 110 consid. 5.2 p. 119). Sa portée ne peut être définie de manière générale, mais doit être déterminée de cas en cas, en tenant compte des buts de la liberté, de l’intensité de l’atteinte qui y est portée ainsi que de la personnalité de ses destinataires (ATF 134 I 214 consid. 5.1 p. 216 ; 133 I 110 consid. 5.2.2 p. 120).

Aux termes de l’art. 13 al. 1 Cst., toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile, de sa correspondance et des relations qu’elle établit par la poste et les télécommunications. D’une manière générale, cette garantie protège l’identité, la réputation, les relations sociales et les comportements intimes de chaque personne physique (A. AUER / G. MALINVERNI / M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, volume II : les droits fondamentaux, 2ème éd., Berne 2006, n. 384 p. 186).

3. Une restriction de ces libertés est admissible si elle repose sur une base légale, si elle est justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui et si elle respecte le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 1 à 3 Cst. ; ATF 134 I 214 consid. 5.4 p. 217 ; 133 I 27 consid. 3.1 p. 28 ss ; 106 Ia 277).

a. Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, mais il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 135 V 2 consid. 1.3 p. 4 ; 135 II 356 consid. 4.2.1 p. 362 ; 134 II 124 consid. 4.1 p. 133 ; 134 I 263 consid. 3.1 p. 265 ss ; ATA/755/2012 du 6 novembre 2012 ; ATA/446/2012 du 30 juillet 2012 ; ATA/344/2008 du 24 juin 2008).

b. Le principe de la bonne foi entre administration et administré, concrétisé par les art. 5 al. 3 et 9 Cst., exige que l’une et l’autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 129 I 161 consid. 4 p. 170 ; 129 II 361 consid. 7.1 p. 381 ; Arrêt du Tribunal fédéral 9C.115/2007 du 22 janvier 2008 consid. 4.2).

c. Selon l’art. 1 al. 3 de la loi sur l’organisation et le personnel de la prison du 21 juin 1984 (LOPP - F 1 50), le Conseil d’Etat fixe, par règlement, le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées. Sur cette base, il a édicté le RRIP, qui prévoit d’une manière générale que les détenus doivent observer les dispositions de ce règlement, les instructions du directeur de l’office pénitentiaire, les ordres du directeur et des fonctionnaires de la prison (art. 42 RRIP). Les dispositions réglementaires sur lesquelles est fondée la décision querellée reposaient ainsi sur une base légale formelle.

Il leur est ainsi interdit de détenir d’autres objets que ceux qui leur sont remis (art. 45 let. e RRIP), d’introduire ou de faire introduire dans l’établissement d’autres objets que ceux autorisés par le directeur (art. 45 let. f RRIP) et, d’une façon générale, de troubler l’ordre et la tranquillité de l’établissement (art. 45 let. h RRIP). En tout temps, la direction peut ordonner des fouilles corporelles et une inspection des locaux (art. 46 RRIP).

En cas d’infraction au RRIP, un détenu peut faire l’objet des sanctions suivantes, ordonnées par le directeur de la prison (art. 47 al. 3 RRIP) : suppression de visite pour quinze jours au plus (let. a) ; suppression des promenades collectives (let. b) ; suppression d’achat pour quinze jours au plus (let. c) ; suppression de l’usage des moyens audiovisuels pour quinze jours au plus (let. d) ; privation de travail (let. e) ; placement en cellule forte pour quinze jours au plus (let. f). Le placement en cellule forte pour dix jours au plus est de la compétence du directeur de l’office (art. 47 al. 4 RRIP). Il n’y a pas d’autres sanctions prévues.

d. Selon l’art. 2 al. 1 let. b ROPP, le directeur est chargé de l’administration et de la direction de la prison et, à ce titre, prend les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l’établissement.

e. Les détenus sont responsables du bon entretien de leur cellule et de l’équipement mis à leur disposition (art. 15 al. 2 RRIP) et peuvent acheter ou recevoir sous contrôle les produits et objets autorisés par la direction (art. 41 RRIP). Les espèces, valeurs, papiers et autre objets qui ne peuvent être laissés au détenu sont déposés au greffe de l’établissement, qui en assure la garde (art. 12 al. 1 RRIP).

f. En l’espèce, à deux reprises, entre les mois de juillet et novembre 2012, la cellule de la recourante a été fouillée et des téléphones portables, dissimulés dans ses affaires, ont été découverts. La recourante a été sanctionnée pour ces faits, les 16 juillet 2012 et 19 novembre 2012, par des séjours en cellule forte et une interdiction temporaire de travailler, mesures qu’elle n’a pas contestées et qu’elle a exécutées. A son retour en cellule en fin d’année 2012, la recourante a découvert qu’une partie de ses affaires avait été déplacée. Le directeur de la prison l’a informée qu’elle ne pouvait détenir qu’un nombre limité d’effets personnels en cellule, le solde étant placé dans un dépôt, auquel elle avait accès à sa demande, mesure qu’il a formalisée en lui notifiant une décision en date du 14 janvier 2013.

g. Si la recourante n’a certes pas en permanence à sa disposition la totalité de ses affaires qui représentent un volume conséquent, il n’en demeure pas moins qu’elle peut y accéder en tout temps, à condition qu’elle en fasse la demande. La mesure contestée n’est ainsi pas constitutive d’une ingérence aux libertés qu’elle invoque, la recourante ne démontrant pas non plus que tel serait le cas.

C’est également en vain qu’elle allègue, à tour de rôle, l’absence de base légale permettant au directeur de la prison de prononcer cette mesure et le fait que ses affaires seraient des objets « remis », qui ne sauraient être ôtés de sa cellule. Elle perd ainsi de vue qu’en qualité de détenue, elle est soumise à un rapport de droit spécial avec l’Etat, le directeur de la prison étant d’ailleurs habilité, au sens de l’art. 2 al. 1 let. b ROPP, à prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l’établissement, d’autant plus au vu de la surpopulation carcérale au sein ce celui-ci. Si la recourante s’est effectivement vu accorder l’autorisation de détenir un certain nombre d’effets en prison, elle n’a toutefois aucun droit de disposer de l’intégralité de ses affaires en cellule, d’autant que la décision de l’autorité intimée n’a pas eu pour effet de les lui ôter, puisqu’elle continue d’y avoir accès.

Selon l’estimation faite par la prison, qu’elle n’a pas contestée dans ses écritures, la recourante possédait des effets personnels pour un volume d’environ 1 m3 et un poids de 375 kg. L’autorité intimée était donc fondé à considérer qu’une telle quantité d’affaires pouvait présenter un risque supplémentaire en cas de sinistre, tant pour les autres détenus et l’établissement que pour les secours. La cellule de la recourante étant d’une dimension de 12 m2, celle-ci doit également compter avec la présence d’une autre pensionnaire, qui dispose aussi de ses propres effets personnels. Au regard du nombre élevé de détenus au sein de l’établissement, qui dépasse notoirement la capacité d’accueil de celui-ci, la décision litigieuse se justifie également pour des raisons d’organisation et de rationalisation du travail des surveillants, qui doivent procéder à la fouille des cellules. Que les précédentes fouilles, effectuées alors que l’intégralité des affaires de la recourante s’y trouvait, aient tout de même permis de révéler la présence d’objets non autorisés n’y change rien, si ce n’est qu’une fouille prend davantage de temps dans de telles conditions. De plus, la limitation des objets à disposition de la recourante en cellule constitue une mesure adéquate et nécessaire, et ne saurait être assimilée à une sanction, puisqu’elle ne figure pas dans le catalogue exhaustif de l’art. 47 RRIP. Aucun élément du dossier ne permet d’ailleurs d’affirmer qu’il s’agirait d’une « sanction déguisée », comme le prétend la recourante.

Ainsi, la mesure contestée s’avère conforme aux conditions de restriction à celles-ci, au sens de l’art. 36 Cst.

h. La décision litigieuse n’est pas davantage arbitraire ou contraire au principe de la bonne foi.

En effet, la limitation des effets personnels de la recourante dans sa cellule n’est pas insoutenable, ni dans sa motivation, ni dans son résultat. Au contraire, elle est dictée par des motifs organisationnels, afin de garantir le bon fonctionnement de l’établissement et sa sécurité, la recourante ayant accès à l’ensemble de ses affaires qui sont entreposées dans un vestiaire, à condition qu’elle en fasse la demande, ce qu’elle ne conteste d’ailleurs pas. Pour le même motif, la décision n’est pas non plus contradictoire et, partant, contraire au principe de la bonne foi, puisque les objets qui ont initialement été autorisés en cellule lui demeurent accessibles aux conditions précitées. Qu’elle ait pu disposer de la totalité de ses affaires jusqu’au prononcé de la décision litigieuse ne conduit pas à une autre conclusion, dans la mesure où il ressort du dossier que le volume de ses affaires personnelles n’a pu être déterminé que suite aux fouilles de sa cellule, intervenues entre les mois de juillet et novembre 2012, ce volume ayant crû au fil des mois. L’autorité intimée n’a ainsi pas adopté une attitude contradictoire.

4. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté

5. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue de la procédure, aucune indemnité ne sera allouée à la recourante (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 février 2013 par Madame L______ contre la décision de la prison de Champ-Dollon du 14 janvier 2013 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yaël Hayat, avocate de la recourante, ainsi qu’à la prison de Champ-Dollon.

 

Siégeants : Mme Hurni, présidente, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :