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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3487/2007

ATA/419/2010 du 22.06.2010 sur DCCR/1206/2009 ( ICC ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : IMPÔT; DROIT FISCAL; CALCUL DE L'IMPÔT; DÉDUCTION DU REVENU(DROIT FISCAL); FRANCE; DOMICILE À L'ÉTRANGER; LIEU DE TRAVAIL; IMPÔT À LA SOURCE; ACTIVITÉ LUCRATIVE; GENÈVE(CANTON)
Normes : aLIPP-V.2 ; LISP.4
Résumé : Il appartient à l'administration fiscale cantonale de déterminer si, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral (2C.319/2009), le recourant, domicilié en France et travaillant en Suisse, qui prétend déduire la totalité de ses cotisations au 2ème pilier, peut être considéré comme un quasi-résident (soit comme une personne domiciliée en France et réalisant en Suisse la quasi-totalité de ses revenus) et, dès lors, déduire lesdites cotisations dans la même mesure qu'un résident en Suisse.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3487/2007-ICC ATA/419/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 22 juin 2010

 

dans la cause

 

Monsieur G______
représenté par SFG société fiduciaire et de gérance S.A., mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 23 novembre 2009 (DCCR/1206/2009)


EN FAIT

1. Selon attestation-quittance datée du 27 janvier 2006, Monsieur G______, domicilié en France, a reçu de son employeur, E______ AG, pour la période d'assujettissement du 1er janvier au 31 décembre 2005, une rémunération brute de CHF 522'172.60 qui a fait l'objet d'une retenue d'impôt à la source s'élevant à CHF 174'666.70. Le taux d'imposition appliqué était de 33,45 % selon le barème B.

2. En date du 6 février 2006, le contribuable a déposé une réclamation auprès de l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC), sollicitant la déduction de ses cotisations au 3ème pilier A s'élevant à CHF 6'192.- et de trois charges de famille pour ses trois fils majeurs étudiants, nés respectivement les 18 octobre 1980, 16 mars 1982 et 5 juin 1985.

3. Par requête complémentaire du 20 mai 2006, M. G______ a en outre demandé la déduction de CHF 44'434.- correspondant à la différence entre les cotisations au 2ème pilier effectivement payées, soit CHF 49'368.-, et le minimum légal desdites cotisations qui est pris en compte dans l'établissement du barème de l'impôt à la source, soit CHF 4'934.-

4. En date du 26 mars 2007, l'AFC a procédé à une rectification d'imposition à la source 2005 (ci-après : IS 2005) sur la base d'un revenu imposable de CHF 167'435.85 en tenant compte de deux charges de famille et de la déduction des cotisations du contribuable au 3ème pilier A.

5. Le 12 avril 2007, M. G______ a demandé à l'AFC de bien vouloir statuer formellement sur la question de la déduction de ses cotisations au 2ème pilier.

6. Par décision du 16 août 2007, l'AFC a maintenu l'IS 2005 rectifiée du contribuable, au motif qu'elle avait été opérée selon le barème "marié" avec deux enfants, en tenant compte de la déduction des cotisations au 3ème pilier A. La cotisation effective au 2ème pilier, prise en compte de manière forfaitaire dans le cadre du barème de l'impôt à la source, ne pouvait pas être déduite entièrement. Par ailleurs, un enfant n'était considéré comme charge de famille que jusqu'à l'âge de 25 ans révolus et pour autant qu'il soit étudiant. Or, son fils aîné avait atteint l'âge de 25 ans au 31 décembre 2005.

7. Le 14 septembre 2007, le contribuable a recouru auprès de la commission cantonale de recours en matière d'impôts, remplacée le 1er janvier 2009 par la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission) contre la décision précitée, concluant à son annulation et à la déduction intégrale de ses cotisations au 2ème pilier. Son taux de contribution LPP de 12 % dépassait largement la déduction forfaitaire incluse dans les barèmes d'impôt à la source. Cela constituait une injustice flagrante par rapport aux contribuables imposés au rôle ordinaire, parce que la déductibilité totale des cotisations à la LPP n’était pas admise et qu'au moment de la retraite il percevrait une rente pleinement imposée ou un capital qui serait, soit imposé comme tel, soit dont les produits de placement seraient imposés.

8. Le 4 avril 2008, l'AFC a conclu au rejet du recours. Selon l'art. 4 al. 1 de la loi sur l’imposition à la source des personnes physiques et morales du 23 septembre 1994 (LISP - D 3 20), le barème de l'IS tenait compte des frais professionnels, des primes et cotisations d'assurance sous forme de forfait. Dès lors, les cotisations au 2ème pilier ne sauraient faire l'objet d'une déduction supplémentaire, puisqu'elles étaient déjà prises en compte de manière forfaitaire.

9. Par décision du 23 novembre 2009, la commission a rejeté le recours et confirmé la décision de l'AFC du 16 août 2007.

Les personnes imposées à la source ne devaient en principe pas être moins bien ni mieux traitées que si elles étaient taxées dans le cadre de la procédure ordinaire. Toutefois, le principe de la "praticabilité" s'imposait dans le cadre d'aménagement de l'IS, car on ne pouvait exiger du débiteur de la prestation imposable que l'application de règles simples. Ainsi, l'exigence de la "praticabilité" requérait une certaine schématisation des barèmes de cet impôt. Par conséquent, les frais professionnels et les primes d'assurances, qui étaient en principe à charge de tous les salariés, devaient être pris en considération forfaitairement, même si leurs montants pouvaient varier de manière importante de cas en cas.

10. Par acte du 23 décembre 2009, M. G______ a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision susmentionnée, concluant à son annulation et à la modification de son IS 2005 pour que soit prise en compte la déduction intégrale de ses cotisations au 2ème pilier. Ces dernières ne devaient pas être prises en compte forfaitairement dans le barème de l'IS car ce type de cotisations pouvait varier de manière importante selon les contribuables.

11. Le 21 janvier 2010, l'AFC s'est opposée au recours, pour les motifs retenus par la commission.

12. Le 26 janvier 2010, statuant sur un recours interjeté contre un arrêt du Tribunal administratif du 24 mars 2009 (ATA/152/2009), le Tribunal fédéral a jugé qu'une personne domiciliée en France, pouvant se prévaloir de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - 0.142.112.681) et réalisant en Suisse la quasi-totalité de ses revenus, se trouvait objectivement dans la même situation, en ce qui concernait l'impôt sur le revenu, qu'un travailleur résident de Suisse qui exerçait la même activité lucrative. Il devait dès lors pouvoir faire valoir toutes les déductions accordées aux travailleurs résidents de Suisse (Arrêt du Tribunal fédéral 2C.319/2009).

13. Le 26 mars 2010, le juge délégué a invité l'AFC à fournir des observations complémentaires, compte tenu de l'arrêt du Tribunal fédéral susmentionné.

14. Le 28 mai 2010, l'AFC a indiqué qu'il fallait désormais déterminer si le contribuable et son épouse réalisaient 90% de leurs revenus en Suisse. Il leur appartenait donc de produire l'ensemble des éléments permettant de leur reconnaître la qualité de quasi-résidents. Pour pouvoir se prononcer en toute connaissance de cause, l'AFC devait pouvoir disposer de plusieurs éléments et justificatifs, soit une déclaration fiscale genevoise 2005 dûment remplie, une copie de la déclaration fiscale française, une copie de l'avis de taxation français 2005 et, si les intéressés sont propriétaires d'un bien immobilier en France, copie de leur taxe d'habitation ainsi qu'un document attestant de la valeur vénale de ce bien. L'AFC souhaitait que le Tribunal administratif invite les époux G______ à transmettre les éléments précités. L'AFC sollicitait un nouveau délai pour pouvoir produire ses observations et conclusions sur la base des informations complémentaires ainsi fournies.

15. Les observations de l'AFC ont été transmises à M. G______ le 17 juin 2010 et la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. L'objet du litige est la pleine déductibilité du revenu touché en Suisse des cotisations au 2ème pilier versées par le recourant, domicilié en France et imposé à la source.

3. Le système de l'impôt à la source est ancré aux art. 83 et suivants de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) pour l'impôt fédéral direct et aux art. 32 et suivants de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14 ; en relation avec l'art. 36 al. 1er let. a LHID), 1 et suivants LISP et 1 et suivants du règlement d’application de la loi sur l’imposition à la source des personnes physiques et morales du 12 décembre 1994 (RISP - D 3 20.01). Il a pour fonction de se substituer aux impôts fédéral, cantonal et communal perçus selon la procédure ordinaire (art. 32 al. 1er LHID, 17 LISP). Le barème des retenues est établi d'après les taux de l'impôt sur le revenu des personnes physiques (art. 85 LIFD, 33 al. 1er LHID et 3 al. 1er LISP). Selon l'art. 86 LIFD, le barème tient compte des frais professionnels (art. 26) et des primes et cotisations d'assurances (art. 33 al. 1er let. d [AVS, AI, prévoyance professionnelle], f [chômage et accident obligatoire] et g [vie, maladie et accident] LIFD) sous forme de forfait, ainsi que des charges de famille du contribuable. La déduction des cotisations périodiques versées en vue de l'acquisition des droits aux prestations dans le cadre de la prévoyance professionnelle sont ainsi comprises dans le forfait (art. 86 al. 1er LIFD, 33 al. 3 LHID et 4 al. 1er LISP). Sur demande du contribuable (art. 23 LISP), l’administration fiscale cantonale admet, comme déduction supplémentaire au forfait, les versements à une institution de prévoyance professionnelle pour le rachat d’années d’assurance et la finance d’entrée, ainsi qu’à une institution reconnue de prévoyance individuelle liée, au sens et dans les limites admises par le droit fédéral et cantonale en matière de prévoyance (3ème pilier A), les pensions alimentaires et les contributions d’entretien ainsi que les frais de garde au sens et dans les limites admises par la législation cantonale (art. 4 RISP).

4. Depuis l'arrêt du Tribunal fédéral 2C.319/2009, ce système ne peut toutefois plus être appliqué tel quel aux contribuables auxquels le statut de quasi -résident doit être reconnu, soit les personnes domiciliées en France réalisant en Suisse la quasi-totalité de leurs revenus. Un contribuable frontalier travaillant à Genève doit ainsi pouvoir faire valoir toutes les déductions accordées aux travailleurs qui résident dans le canton.

5. Le 1er janvier 2010 est entrée en vigueur la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), qui a remplacé notamment la loi sur l’imposition des personnes physiques - Objet de l’impôt - Assujettissement à l’impôt du 22 septembre 2000 (aLIPP- I - D 3 11), la loi sur l’imposition des personnes physiques - Impôt sur le revenu (revenu imposable) du 22 septembre 2000 (aLIPP-IV - D 3 14) et la loi sur l’imposition des personnes physiques - Détermination du revenu net - Calcul de l’impôt et rabais d’impôt - Compensation des effets de la progression à froid du 22 septembre 2000 (aLIPP-V - D 3 16).

Les impôts relatifs aux périodes fiscales antérieures demeurent toutefois régis par les dispositions de l'ancien droit, même après l'entrée en vigueur de la novelle (art. 72 al. 1 LIPP).

6. S'agissant du régime de déduction des cotisations au 2ème pilier, l'art. 2 let. b et c aLIPP-V prévoit que les versements du contribuable en vue d'acquérir des droits dans une institution de prévoyance professionnelle, au sens et dans les limites du droit fédéral sont déduits du revenu.

Ce régime est différent de celui instauré par l'art. 4 LISP, qui retient une déduction forfaitaire de ces cotisations.

Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral susmentionnée, il y dès lors lieu de déterminer si le recourant, qui prétend déduire la totalité de ses cotisations au 2ème pilier, peut être considéré comme un quasi-résident et, dès lors, déduire lesdites cotisations dans la même mesure qu'un résident.

7. Contrairement à ce que suggère l'AFC, cette détermination ne peut intervenir dans le cadre de l'instruction du recours pendant, sur la base d'éléments nouveaux que le contribuable devrait fournir à ce stade. Cela implique en effet de reprendre l'examen de son statut et de sa situation fiscaux ab initio, en respectant les droits qui lui sont accordés par la législation applicable en la matière, en particulier la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (art. 7 LPFisc - D 3 17) et la LPA, au nombre desquels figure le droit à un double degré de juridiction.

8. Au vu de ce qui précède, le recours sera admis partiellement. La décision de la commission sera annulée, de même que les décisions antérieures de l'AFC des 26 mars et 16 août 2007. La cause sera renvoyée à cette dernière pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de l'AFC (art. 87 LPA et 11 al. 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Une indemnité de CHF 1'000.- sera allouée au recourant, à la charge de l'Etat de Genève.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 décembre 2009 par Monsieur G______ contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 23 novembre 2009 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 23 novembre 2009 et les décisions antérieures, soit la décision de l’administration fiscale cantonale du 26 mars 2007 rectifiant l'impôt sur le revenu perçu à la source en 2005 et la décision de l’administration fiscale du 16 août 2007 maintenant cette dernière ;

renvoie la cause à l’administration fiscale cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants ;

met à la charge de l’administration fiscale cantonale un émolument de CHF 500.- ;

alloue une indemnité de CHF 1'000.- à Monsieur G______, à la charge de l'Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à SFG société fiduciaire et de gérance S.A., mandataire du recourant, à la commission cantonale de recours en matière administrative ainsi qu'à l'administration fiscale cantonale.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy, Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

F. Glauser

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :