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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1179/2016

ATA/399/2016 du 10.05.2016 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1179/2016-FPUBL ATA/399/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 mai 2016

 

dans la cause

 

Madame A______

contre


DÉPARTEMENT DE L'ENVIRONNEMENT, DES TRANSPORTS ET DE L'AGRICULTURE



EN FAIT

1. Madame A______, née le ______ 1978, a été engagée dès le 1er octobre 2008 en qualité d’économiste au « Projet management office » du centre des technologies de l’information, au sein du département des constructions et des technologies de l’information. Dès le 20 septembre 2010, elle a été affectée à l’unité administrative et budgétaire du service des ressources humaines et gestion (ci-après : SRHG) du département de l’intérieur et de la mobilité, devenu depuis lors le département de l’environnement, des transports et de l’agriculture (ci-après : DETA). Elle a le statut de fonctionnaire.

2. Par courrier du 17 décembre 2015 remis en mains propres le même jour à sa destinataire, Mme A______ a été convoquée par le secrétaire général du DETA à un entretien de service fixé au 19 janvier 2016.

L’objectif de l’entretien était de l’entendre au sujet de son inaptitude à remplir les exigences de son poste s’agissant notamment de son comportement et de sa communication inadéquats, depuis son entrée en fonction dans l’administration cantonale, avec ses collègues, sa hiérarchie et les tiers. Si les faits étaient avérés, ils constituaient un manquement aux devoirs du personnel et étaient susceptibles de conduire à la résiliation des rapports de service.

3. L’entretien de service s’est déroulé à la date fixée. Mme A______ était assistée d’un avocat. Le compte rendu de cet entretien fait état, en substance, de difficultés relationnelles entre Mme A______ et ses collègues de tous niveaux hiérarchiques ou des tiers, remontant à son arrivée au sein de l’administration, et qui se sont manifestées oralement comme par écrit. L’employeur estimait que le rapport de confiance était rompu et envisageait de résilier les rapports de service pour motif fondé. Si tel s’avérait être le cas, il serait tenu préalablement de rechercher si un autre poste au sein de l’administration cantonale correspondant aux capacités de Mme A______ était disponible.

4. Le 17 février 2016, agissant en personne, Mme A______ s’est déterminée sur le compte rendu susmentionné, contestant les éléments qui lui étaient reprochés et estimant être victime d’acharnement et de rétorsion suite à la demande d’investigation qu’elle avait faite auprès du groupe de confiance le 19 septembre 2015 concernant sa supérieure hiérarchique.

5. Le 29 février 2016, le groupe de confiance a classé la demande d’ouverture d’investigation, les faits allégués ne pouvant pas constituer une atteinte à la personnalité de Mme A______. Cette dernière a contesté ce classement auprès de l’autorité compétente.

6. Le 6 avril 2016, par décision déclarée exécutoire nonobstant recours, le conseiller d’État en charge du DETA a ouvert une procédure de reclassement de Mme A______. Il avait pris en compte ses remarques et observations écrites, lesquelles n’étaient pas de nature à remettre en cause la détermination de sa hiérarchie. Les éléments relevés par cette dernière étaient établis et étaient constitutifs d’un motif fondé de résiliation des rapports de service. La procédure de reclassement était ouverte pendant deux mois. Durant cette période, le secrétaire général du DETA rechercherait un poste disponible dans l’administration cantonale, correspondant aux capacités de l’intéressée et appuierait ses candidatures au sein de ladite administration. Il y aurait deux points de situation intermédiaire avant un bilan définitif d’ici le 9 juin 2016.

7. Le 18 avril 2016, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision susmentionnée, concluant à son annulation et, préalablement, à la restitution de l’effet suspensif à son recours.

La décision lui créait un préjudice irréparable, soit la perte injuste de sa place de travail à l’issue de la procédure de reclassement. Elle contestait les reproches qui lui étaient adressés, n’ayant fait qu’exercer ses droits.

8. Le 20 avril 2016, le recours a été transmis pour information au DETA.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du
26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. Une décision incidente (art. 4 al. 2 LPA) est une décision prise pendant le cours d’une procédure, qui ne représente qu’une étape vers la décision finale (arrêts du Tribunal fédéral 8C_686/2011 du 2 mai 2012 consid. 4.1 ; 1C_40/2012 du 14 février 2012 consid. 2.3 ; ATA/785/2012 du 20 novembre 2012 consid. 1).

Selon l’art. 57 let. c LPA, sont susceptibles d’un recours les décisions incidentes, si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

Le préjudice irréparable suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée, comme un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l’économie de la procédure (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613
consid. 2a ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 1265).

La disposition légale précitée a la même teneur que l’art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, un préjudice est irréparable au sens de cette disposition lorsqu’il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l’économie de la procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613
consid. 2a). Le simple fait d’avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable
(ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/827/2015 du 11 août 2015 ; ATA/305/2009 du 23 juin 2009 consid. 2b et 5b et les références citées).

b. En vertu de l’art. 21 al. 3 LPAC, l'autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé ; elle motive sa décision ; elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé ; les modalités sont fixées par règlement.

À teneur de l’art. 46A RPAC, lorsque les éléments constitutifs d'un motif fondé de résiliation sont dûment établis lors d'entretiens de service, un reclassement selon l'art. 21 al. 3 LPAC est proposé pour autant qu’un poste soit disponible au sein de l’administration et que l’intéressé au bénéfice d'une nomination dispose des capacités nécessaires pour l’occuper (al. 1) ; en cas de reclassement, un délai n'excédant pas six mois est fixé pour permettre à l'intéressé d'assumer sa nouvelle fonction (al. 5) ; en cas de refus, d’échec ou d'absence du reclassement, une décision motivée de résiliation des rapports de service pour motif fondé intervient (al. 6).

c. La chambre de céans a, de manière constante, déclaré irrecevables des recours contre des décisions incidentes d’ouverture d’une procédure de reclassement, les conditions alternatives du préjudice irréparable et de l’évitement d’une procédure probatoire longue et coûteuse requises par l’art. 57 let. c LPA n’étant pas remplies (ATA/1149/2015 du 27 octobre 2015 ; ATA/923/2014 du 25 novembre 2014 ; ATA/825/2013 du 17 décembre 2013).

En particulier, si la notification d’une décision d’engager une procédure de reclassement constitue indubitablement un signe à l’adresse du fonctionnaire visé qu’après l’entretien de service prévu par l’art. 44 RPAC, au cours duquel celui-ci a pu exercer son droit d’être entendu, la procédure de licenciement va de l’avant et qu’elle est susceptible d’aboutir au prononcé d’un tel licenciement en cas de l’échec de la procédure de reclassement, conformément à l’art. 46A al. 6 RPAC, l’intéressé ne subit aucun dommage irréparable au stade de cette décision d’ouverture ; celle-ci est au contraire destinée, dans l’hypothèse où le reclassement aboutirait, à éviter ou à atténuer les effets de la décision de licencier envisagée (ATA/923/2014 précité consid. 7 ; ATA/825/2013 précité consid. 8
et 9 ; ATA/293/2013 précité consid. 8).

3. En l’espèce, la recourante ne fait valoir aucun préjudice irréparable, se limitant à soutenir que l’issue de la procédure sera la perte de son emploi. Or, comme mentionné précédemment, tel n’est pas l’objet d’une procédure de reclassement. Pour le surplus, son argumentation et les pièces produites concernant le fond du différend avec son employeur ne sont pas pertinentes dans le contexte de la présente procédure.

4. La seconde hypothèse de l'art. 57 let. c LPA, à savoir la venue à chef immédiate d'une décision finale susceptible d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse, n'est pas davantage réalisée.

En effet, l’admission du présent recours ne pourrait aucunement clore le contentieux qui, s’il subsiste parce qu’aucune mesure de reclassement n’a pu être prise et qu’une résiliation des rapports de service est prononcée, pourrait le cas échéant faire l’objet d’une procédure probatoire en cas de contestation des motifs de licenciement (ATA/923/2014 précité consid. 10 ; ATA/825/2013 précité consid. 10 ; ATA/293/2013 précité consid. 10).

Il n’y a ainsi pas de place pour une entrée en matière sur le recours qui serait fondée sur un prétendu intérêt digne de protection du recourant à ce que la décision soit immédiatement annulée, tiré du principe de l’économie de la procédure.

5. Vu ce qui précède, le recours sera déclaré irrecevable, sans autre acte d’instruction (art. 72 LPA).

6. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 800.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 18 avril 2016 par Madame A______ contre la décision du département de l'environnement, des transports et de l'agriculture du 6 avril 2016 ;

met un émolument de CHF 800.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les
art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt (la présente décision) et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______, ainsi qu'au département de l'environnement, des transports et de l'agriculture.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen et M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :