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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1993/2004

ATA/398/2005 du 31.05.2005 ( HG ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : CERTIFICAT DE TRAVAIL; DUREE DU TRAVAIL; COMPORTEMENT
Normes : LPAC.31A; RPAC.39
Résumé : Refus de modifier le certificat de travail dans le sens demandé par l'employé. Ce document doit refléter l'ensemble de la relation de travail, il doit porter sur la nature, la durée et la qualité de l'activité exercée, ainsi que sur le comportement du travailleur. Les circonstances ayant motivé la résiliation des rapports de travail n'ont pas à figurer dans le certificat, sauf s'il s'agit de faits importants qui ne peuvent être passés sous silence, sous peine d'établir un certificat trompeur pour un employeur potentiel. Si le certificat de travail ne reflète pas la réalité ou est incomplet, la demande de rectification peut être considérée comme fondée. Recours partiellement admis.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1993/2004-HG ATA/398/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 31mai 2005

dans la cause

 

Monsieur D.__________
représenté par Me Serge Fasel, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL


 


1. Monsieur D.__________ a exercé la fonction de directeur des ressources humaines auprès de l’Hospice général (ci-après : l’Hospice) du 1er mai 1994 au 31 décembre 2003.

2. Par jugement du 5 août 2004 (ATA/612/2004), le Tribunal administratif a confirmé le licenciement de M. D.__________ et a condamné l’Hospice à établir un certificat de travail pour l’intéressé.

3. Le 25 août 2004, M. D.__________ a reçu un certificat de travail établi le 23 août 2004 et signé par le président du conseil d’administration et le directeur général ad intérim de l’Hospice, dont la teneur est la suivante :

« Nous soussignés, attestons que Monsieur D.__________, né le __________ 1953, domicilié __________, __________, France, a été employé au sein de notre Institution du 1er mai 1994 au 31 décembre 2003, en tant que directeur chargé du département des ressources humaines.

Membre du comité directeur, Monsieur D.__________ participait à l’élaboration des politiques institutionnelles, et collaborait étroitement avec les instances internes (conseil d’administration et son bureau, commission des finances) et externes (office du personnel de l’Etat, département de l’action sociale et de la santé et autres administrations dans le cadre de son dicastère). De par sa fonction centralisée, il avait la responsabilité de faire appliquer transversalement les normes légales fédérales, cantonales statutaires ainsi que les procédures internes à l’Etat de Genève et à l’institution pour toutes les questions liées aux ressources humaines et au personnel.

A ce titre, Monsieur D.__________ avait pour responsabilité :

d’établir les budgets annuels de l’Hospice général en matière de dotation en personnel et de répondre devant les instances concernées du respect de ceux-ci ;

de diriger les activités de sa fonction ;

de fixer les objectifs, les orientations des services rattachés, composés des services du personnel et de la formation, mais également du service des enquêtes et de la fondation de la crèche/jardin d’enfants « La Cigogne » à la maison de Vessy : il encadrait ainsi environ 40 collaborateurs et collaboratrices ;

de mettre en place les tableaux de bord permettant le pilotage des activités ;

d’engager les cadres, de déterminer les plans de formation des cadres et du personnel.

En matière de politique des ressources humaines institutionnelle, Monsieur D.__________ assumait des responsabilités nombreuses et variées dont les principales concernaient :

l’application et le respect du cadre légal, de la politique cantonale du personnel de la fonction publique ;

la mise en œuvre d’une politique de formation, en collaboration avec les partenaires internes et en réseau avec les institutions dépendant du département de l’action sociale et de la santé ;

la bonne exécution des tâches liées aux services des enquêtes en conformité avec les lois fédérales et cantonales ;

le conseil en matière de recrutement, notamment l’engagement des cadres ;

le traitement des situations complexes liées aux contrats de travail ;

les relations avec la commission du personnel, les syndicats et occasionnellement avec le collège des cadres ;

le respect des budgets de fonctionnement de sa direction et des services en dépendant ainsi que le contrôle et le respect de ceux-ci ;

une bonne communication transversale en matière de politique des ressources humaines.

Pendant cette période, outre ses fonctions de directeur des ressources humaines, Monsieur D.__________ a accepté trois intérim, soit :

l’intérim du directeur des finances pour la gestion du personnel et les affaires courantes, du 27 juillet 1998 au 15 mai 1999 ;

la gestion des ressources humaines de l’établissement médico-social (EMS) « la maison de Vessy », du 14 septembre 1998 au __________ 2001 ;

l’intérim du directeur du service d’informatique sociale (SIS) du 26 juin au 30 septembre 2000.

Tout au long de son mandat, Monsieur D.__________ a fait preuve d’engagement pour l’institution, ses compétences en matière de gestion administrative et sa connaissance de la fonction publique en générale et des établissements publics ont été appréciées, son aptitude à résoudre des problèmes opérationnels particulièrement délicats reconnue.

Monsieur D.__________ nous quitte le 31 décembre 2003, libre de tout engagement hormis ceux liés au secret de fonction.

Nous lui formulons tous nos vœux de succès pour la suite de sa carrière professionnelle.

Ce certificat est délivré pour servir et valoir ce que de droit ».

4. Le 2 septembre 2004, M. D.__________ s’est opposé au contenu du certificat de travail, qui ne correspondait pas au projet qu’il avait envoyé au conseil de l’Hospice le 26 janvier de la même année. Ledit projet reprenait les propos tenus lors de divers entretiens d’appréciation. Le certificat de travail litigieux ne précisait pas qu’il lui était arrivé de remplacer les directeurs généraux de 1996 à 2001.

M. D.__________ a reproché à l’Hospice de ne pas s’être engagé à donner des renseignements sur la qualité de son travail aux employeurs qui en feraient la demande et d’avoir refusé de retenir le 31 décembre 2003 comme date de sortie de la caisse de retraite CIA.

5. Par courrier du 13 septembre 2004, l’Hospice a confirmé la teneur du certificat de travail du 23 août 2004. Seules les indications contenues dans ledit certificat seraient transmises aux futurs employeurs. Enfin, la date de sortie de la caisse de retraite CIA avait été rectifiée au 31 décembre 2003.

6. Le 24 septembre 2004, M. D.__________ a saisi le Tribunal administratif d’un recours.

a. Au cours de ses neuf ans de service, trois entretiens d’appréciation avaient eu lieu. Lors de celui du 2 mars 1995, son supérieur hiérarchique de l’époque, Monsieur P.__________, avait indiqué qu’il remplissait complètement les exigences du poste et s’adaptait parfaitement en raison de son expérience. Enfin, son supérieur relevait sa connaissance approfondie de la gestion du personnel et ses bonnes relations avec les instances de l’Hospice.

Lorsqu’il avait été nommé fonctionnaire, en février 1996, le directeur général lui avait fait part de la profonde satisfaction du personnel pour son travail et pour l’esprit dans lequel il l’accomplissait. Son doyen appréciait sa compétence, sa disponibilité et la part qu’il prenait dans la direction de l’Hospice.

Il ressortait du rapport d’entretien du 29 juillet 1997 que la qualité professionnelle, les compétences et l’adaptabilité de M. D.__________ contribuaient à une meilleure rigueur dans la gestion du personnel. Il donnait à l’extérieur une bonne image de l’Hospice, était apprécié pour son humanisme, sa capacité d’écoute, de conciliation, sa disponibilité, sa présence lors des absences du directeur et pour sa bonne participation au sein du comité directeur. Son savoir-faire et son savoir-être avaient été appréciés positivement.

Lors de l’entretien du 7 juillet 2000, ses connaissances de la fonction publique en général avaient été qualifiées d’atouts précieux. Ses qualités de négociateur avaient permis de faire appel à lui comme intermédiaire dans certaines situations difficiles. Engagement, rigueur, loyauté, pugnacité, constance étaient des qualités le caractérisant. En tant que bon professionnel, il témoignait d’un engagement important et constant dans sa fonction.

b. Le recourant exposait par ailleurs qu’il avait assumé diverses suppléances. Il avait été qualifié de « véritable pompier » et avait exécuté ses intérims à la plus grande satisfaction du conseil d’administration et de la direction générale.

Du 5 juin 1996 au 30 septembre 2001 il avait assumé la fonction de remplaçant du directeur général. A ce titre, il avait dû prendre des décisions pour l’institution et représenter son directeur auprès du président et de la commission administrative. L’exercice de cette responsabilité lui avait valu l’attribution du code 7 dès le 1er avril 1996 et d’une indemnité pour remplacement dans une fonction supérieure.

c. Enfin, le recourant faisait valoir qu’en vertu de l’article 39 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01), à la fin des rapports de service, le membre du personnel recevait un certificat de sa hiérarchie portant sur la nature et la durée du travail ainsi que sur la qualité de son comportement. Par ailleurs, les principes dégagés du droit privé en matière de certificat de travail étaient applicables mutatis mutandis.

Le certificat de travail avait pour but de favoriser l’avenir économique du travailleur et ses recherches en emploi. L’activité déployée et les fonctions occupées dans l’entreprise devaient être décrites précisément.

d. M. D.__________ conclut à ce que le tribunal ordonne à l’Hospice de compléter le certificat de travail comme suit :

« Par ailleurs, Monsieur D.__________ a été désigné par le conseil d’administration pour remplacer les directeurs généraux successifs en leur absence durant la période du 1er avril 1996 au 30 septembre 2001.

Ces charges supplémentaires ont été exécutées avec compétence et à la satisfaction du conseil d’administration et de la direction générale.

Tout au long de son activité au sein de l’Hospice général, Monsieur D.__________ a fait preuve d’un engagement remarquable. Ses qualités professionnelles, ses connaissances de la fonction publique en général et des établissements publics ont été reconnus comme des atouts précieux pour l’institution. Monsieur D.__________ est un bon négociateur, un travailleur rigoureux, loyal et constant. De plus, il faut souligner son côté humain, sa capacité d’écoute, son calme, son honnêteté, sa capacité d’adaptation, sa disponibilité. Ses relations à tous niveaux ont toujours été empreintes de savoir-être et il a su régler des situations particulièrement délicates à l’entière satisfaction des parties ».

Le recourant conclut enfin à l’allocation d’une indemnité pour les frais exposés.

7. Le 29 octobre 2004, l’Hospice a fait part de ses observations au recours de M. D.__________ et conclu à son rejet. Le recourant méconnaissait le fait qu’il avait été licencié et que le Tribunal administratif avait confirmé ce licenciement.

Pour établir le certificat querellé, l’Hospice s’était fondé expressément sur les constatations de fait contenues dans la décision du tribunal. Ainsi, il avait décrit de façon très précise les tâches confiées au recourant et procédé à une évaluation positive de ses prestations, sans insister sur les aspect négatifs. Si l’Hospice s’était abstenu de critiquer l’intéressé, il n’était nullement tenu de le louer sans réserve.

Il fallait tenir compte du fait que l’employeur - et le Tribunal administratif après lui - avaient qualifié les prestations du recourant d’objectivement insuffisantes. Il n’avait pas su résorber des lourdeurs administratives persistantes – comme l’enregistrement des mutations, qui requérait un nombre invraisemblable de signatures - ni établir des plans de carrière ou anticiper les besoins en personnel ou encore élaborer une véritable politique des ressources humaines.

Le remplacement du directeur général avait été décidé par ce dernier et accepté par le conseil d’administration le 7 janvier 1998. M. D.__________ avait remplacé les directeurs généraux pendants leurs congés payés et leur déplacements. Il s’agissait de suppléances peu nombreuses et de courte durée. A ces occasions, le recourant n’avait pas assumé les prérogatives d’un directeur général : il s’était contenté de réceptionner et de faire suivre, aux services compétents, le courrier qui leur était destiné. Cette fonction ne lui avait pas conféré un rôle hiérarchique vis-à-vis des autres directeurs ni de nouvelles responsabilités.

L’engagement de M. D.__________ ne pouvait pas être qualifié de remarquable : en s’opposant à une réorganisation nécessaire - qui lui aurait pourtant permis de conserver ses droits acquis – il avait démontré clairement qu’il cultivait davantage son intérêt personnel plutôt que celui de l’institution.

La gestion administrative de M. D.__________ avait été critiquée à juste titre. Sa connaissance de la fonction publique, à un certain niveau, avait certes été fort utile, mais elle ne constituait pas un atout précieux, d’autant plus que, sur certains points, elle était insuffisante (gestions des mutations, des plans de carrière, élaboration d’une politique des ressources humaines adaptée aux besoins actuels, notamment). Son opposition à une mutation parfaitement légale, ainsi que la demande d’indemnités démesurées montraient ses limites, sa méconnaissance du fonctionnement et de l’esprit du service public.

Les difficultés entre le recourant et les représentants du personnel interdisaient de le qualifier de bon négociateur. Il n’avait pas non plus fait preuve de diligence dans la réforme des entretiens de départ et dans l’établissement d’une carte de légitimation. Dans ces conditions on ne saurait parler de constance et de rigueur.

L’honnêteté de M. D.__________ n’avait pas été contestée. Toutefois, un certificat qui insisterait sur cette qualité reléguerait au second plan les capacités professionnelles du travailleur et pourrait laisser croire qu’elle aurait été l’objet du litige. Si, d’une manière générale, le recourant s’était montré loyal, son manque d’empressement à donner suite aux demandes du directeur général et du conseil d’administration n’en faisait pas un modèle de serviabilité et d’efficacité.

L’Hospice n’était pas prêt à reconnaître que M. D.__________ s’était montré loyal vis-à-vis de l’institution ou qu’il avait su loyalement prendre en compte les intérêts publics qu’elle défendait, car cela ne correspondait pas à la réalité. A contrario, il renoncerait également à dire, car cela n’était pas indispensable, que non seulement M. D.__________ avait refusé le changement d’organisation que son employeur était pourtant en droit de lui imposer, mais que, tirant parti de ce refus dont il aurait dû savoir qu’il était manifestement injustifié, il avait réclamé à l’hospice d’importantes indemnités, que le Tribunal administratif ne lui avait au demeurant pas allouées.

La capacité d’adaptation et d’écoute de M. D.__________ était également contestée. Comme le Tribunal administratif l’avait relevé, M. D.__________, plutôt que d’apporter des solutions suite aux reproches qui lui avaient été faits, n’avait pas voulu accepter une vision différenciée de ses fonctions ; il avait passé son temps à se défendre contre les critiques, sans entrer en matière et avait formulé des prétentions déraisonnables.

Les employeurs potentiels de M. D.__________ ne devaient pas être faussement amenés à croire que l’intéressé était un être adaptable et ouvert, alors qu’il était rigide, ce qui nuisait à la qualité de ses prestations.

L’expression « savoir-être » était trop vague pour figurer dans un certificat. Dire que l’intéressé avait l’aptitude nécessaire à résoudre des problèmes opérationnels particulièrement délicats était une appréciation fort positive, vu les circonstances. L’intéressé n’était pas un médiateur, mais exerçait des fonctions hiérarchiques ; son comportement, lors de la création du Fonds de solidarité, n’avait pas donné satisfaction aux représentants des salariés. En outre, le terme « une entière satisfaction des parties » était trop général pour figurer dans un certificat de travail.

L’Hospice était prêt à relever, dans le certificat de travail, que M. D.__________ était humain et honnête, qu’il avait accompli des suppléances du directeur général pendant les vacances et les déplacements de ce dernier, sans toutefois disposer de ses prérogatives hiérarchiques.

8. Dans sa réplique du 3 décembre 2004, le recourant a persisté dans ses conclusions. L’employeur ne pouvait pas introduire une appréciation négative sur l’activité déployée par le travailleur. En rédigeant le certificat de travail, l’employeur pouvait engager sa responsabilité envers les employeurs potentiels futurs (ATF 101 II 69), mais cette jurisprudence n’était pas applicable en l’espèce, car l’honnêteté du recourant vis-à-vis de l’institution n’avait jamais été remise en cause. Dans ces circonstances, le risque que l’Hospice engageât sa responsabilité en émettant un certificat favorable était inexistant.

Durant la période de mai 1994 à juin 2002, aucune sanction disciplinaire n’avait été prise à l’encontre de l’intéressé. S’il n’avait pas été performant, l’hospice n’aurait pas maintenu les rapports de services durant plus de huit ans. Dans sa réponse, l’employeur s’était d’ailleurs focalisé sur les derniers mois durant lesquels les relations entre les parties avaient été tendues, en raison de l’enquête administrative ordonnée.

L’Hospice avait minimisé la durée des remplacements. Les directeurs généraux étaient absents durant six semaines (vacances annuelles), deux ou trois semaines par année pour les divers déplacements ou encore entre Noël et Nouvel an, ce qui représentait au minimum deux mois par an, soit plus des 15% du temps annuel de travail du recourant. Il avait dû se tenir au courant de toutes les affaires de l’institution pour être capable, à tout instant, de suppléer une absence prévisible ou impromptue du directeur général.

Le recourant a indiqué qu’il serait d’accord que figure dans son certificat de travail :

« Pour la période du 1er avril 1996 au 30 septembre 2001, Monsieur D.__________ a été désigné par le conseil d’administration pour remplacer les directeurs généraux successifs, durant leurs vacances et leurs absences en raison de leurs déplacements, sans responsabilité hiérarchique mais avec la mission de prendre toutes les décisions par rapport à l’institution et de représenter la direction auprès du président du département (DASS), et du conseil d’administration.

Cette charge supplémentaire a été exécutée, à l’instar de toutes les suppléances exécutées par Monsieur D.__________, avec compétence et à la satisfaction du conseil d’administration et de la direction générale ».

Cette proposition était complète et conforme à la réalité, dans la mesure où elle reprenait au mot près le texte du courrier de M. P.__________ du 5 juin 1996.

Au mois de septembre 1998, sa charge de travail allait jusqu’au 3,4 postes. Il était probablement la seule personne de l’Hospice à laquelle autant de suppléances avaient été confiées dans des domaines aussi variés que les finances, l’informatique ou même la direction générale. Dire que son engagement n’avait pas été remarquable était contraire à la vérité. Ces intérims avaient aussi démontré la capacité du recourant à s’adapter à un nouvel environnement et à régler rapidement les problèmes. Ce n’était qu’au moment où l’Hospice avait voulu se séparer de lui que ces insuffisances avaient soudain pris forme. Elles étaient le résultat des nombreuses sollicitations auxquelles il avait été soumis.

La loyauté du recourant avait été soulignée à de nombreuses reprises durant ses neuf ans de service, de sorte que la proposition de l’Hospice n’était pas acceptable, car elle dénaturait la qualité de son travail.

Pour une personne qui, dans le cadre des ressources humaines, était nécessairement amenée à jouer le rôle de médiateur, le fait d’être calme était une grande qualité et devait figurer dans son certificat de salaire.

M. D.__________ avait accumulé huit cents heures supplémentaires par an, pendant plus de huit ans. Il n’avait jamais hésité à rester tard le soir ou à revenir durant les week-ends. Ceci était une preuve de sa très grande disponibilité.

Dans la mesure où une appréciation du savoir-faire et du savoir-être d’un travailleur pouvait figurer dans un entretien d’appréciation, il n’y avait aucune raison de refuser de l’indiquer également dans le cadre d’un certificat de travail.

M. D.__________ avait un lien hiérarchique avec les collaborateurs des ressources humaines, mais il jouait aussi un rôle de médiateur dans les rapports entre les collaborateurs de l’Hospice et leur hiérarchie, ainsi qu’entre l’Hospice et les partenaires sociaux. Il avait mené des enquêtes administratives et négocié des sorties particulièrement complexes de collaborateurs. La capacité d’un directeur des ressources humaines à régler des situations délicates à l’entière satisfaction des parties était une qualité essentielle, qui devait figurer dans son certificat de travail.

9. Dans la duplique du 12 janvier 2005, l’Hospice a maintenu sa position.

L’employeur avait le droit de consigner dans un certificat des appréciations négatives sur l’activité du travailleur ; celui-ci ne pouvait exiger que soit repris le texte d’un précédent certificat intermédiaire, même si les circonstances n’avaient pas changé fondamentalement depuis lors (Arrêt du Tribunal fédéral 4C.129/2003, du 5 septembre 2003).

Le suppléant du directeur général était désigné par le bureau de la commission administrative ; aujourd’hui cette commission avait été remplacée par le conseil d’administration et le bureau par le conseil de direction. M. D.__________ avait donc été nommé suppléant par le conseil de direction.

Le suppléant représentait le directeur en son absence. Il prenait les décisions par rapport à l’institution, mais il n’avait aucune responsabilité hiérarchique et ne donnait pas non plus d’ordres à l’interne, ce qui était l’essentiel de la fonction. Le recourant n’avait jamais représenté l’Hospice vis-à-vis du département de l’action sociale et de la santé ; il avait été l’interlocuteur de la commission administrative.

L’Hospice ne considérait pas que les qualités professionnelles de M. D.__________ fussent un atout précieux pour l’institution. Le certificat ne devait certes pas se fonder de façon déséquilibrée sur les événements survenus à la fin des rapports de travail, mais il devait en tenir compte.

La rigueur du travailleur confinait souvent à la rigidité. Le recourant avait certes une bonne capacité d’écoute de ses subordonnés, mais envers ses collègues et supérieurs, elle était insuffisante. La notion de savoir-être était trop vague pour figurer dans un certificat de travail.

L’hospice acceptait de consigner dans le certificat de travail que :

« Monsieur D.__________ a exercé des suppléances du directeur général, pendant les vacances et les déplacements de ce dernier, sans exercer les prérogatives hiérarchiques du directeur général. Son engagement a été important. C’est un travailleur constant, humain, honnête et, il a négocié de façon satisfaisante des situations difficiles.

Monsieur D.__________ a très bien su exercer les intérims qu’il a acceptés. Ses subordonnés ont apprécié sa capacité d’écoute ; sa hiérarchie aurait souhaité une plus grande adaptation aux exigences renouvelées de la fonction. Il était calme, disponible, poli et a su régler des situations délicates à l’entière satisfaction des parties »

EN DROIT

1. Depuis le 1er janvier 2000, le Tribunal administratif est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ - E 2 05).

2. Cependant, à teneur de l’article 56B alinéa 4 lettre a LOJ, le recours auprès du Tribunal administratif n’est recevable que dans la mesure où une disposition légale, réglementaire ou statutaire spéciale le prévoit contre les décisions concernant le statut et les rapports de service des fonctionnaires et autres membres du personnel de l’Etat.

3. a. Selon l’article 31A de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC – B 5 05), tout membre du personnel peut recourir au Tribunal administratif contre les décisions relatives à un certificat de travail le concernant.

Par décision au sens de l’article 31A LPAC, il faut entendre les décisions formelles rejetant une demande de modification de certificat de travail formée par l’employé auprès de l’autorité qui l’a employé.

b. En effet, en tant que tel le certificat de travail constitue un acte matériel et non une décision administrative au sens de l’article 4 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), car il ne crée pas, ni ne modifie, n’annule ou ne constate des droits ou des obligations. Il est néanmoins apparu nécessaire au législateur que cet acte matériel puisse être attaqué en raison des conséquences que son contenu peut avoir sur la carrière professionnelle de l’employé. Dans le système instauré par le législateur, il apparaît toutefois cohérent et conforme au principe de l’économie de procédure de n’ouvrir la voie du recours qu’après que l’autorité a pu se déterminer sur la modification souhaitée par l’employé. Il résulte de ces considérations que la communication du certificat de travail n’est pas soumise aux exigences formelles de la procédure administrative, applicable aux décisions (indication des voie et délai de recours notamment). En revanche, la détermination de l’autorité rejetant la demande de modification formée par l’employé doit respecter les exigences de forme et de procédure imposées par la loi : respect du droit d’être entendu, notification, etc. (ATA/222/2005 du 19 avril 2005).

c. En vertu de l’article 63 alinéa 1 LPA, le délai pour recourir est de trente jours dès la notification de la décision.

En l’espèce, la décision formelle de refus de modifier le certificat de travail dans le sens voulu par le recourant a été prononcée par l’hospice le 13 septembre 2004. La demande, qui doit être considérée comme un recours s’agissant du certificat de travail, a été déposée le 24 septembre 2004. Le délai a ainsi été respecté.

Le recours fondé sur l’article 31A LPAC est en conséquence recevable.

4. a. L’article 39 RLPAC prescrit qu’à la fin des rapports de service, le membre du personnel reçoit de sa hiérarchie un certificat de travail portant sur la nature et la durée du travail, ainsi que sur la qualité de son travail et son comportement. A la demande expresse du membre du personnel, le certificat ne porte que sur la nature et la durée du travail. Le certificat de travail doit donc être complet et conforme à la réalité. Sa teneur doit être objectivement exacte.

b. Le choix de la formulation appartient en principe à l’employeur (sous réserve d’une décision de justice) ; en doctrine on admet que le travailleur ne peut en particulier exiger que soit repris le texte d’un précédent certificat intermédiaire, même si les circonstances n’ont pas changé fondamentalement depuis lors (Arrêt du Tribunal fédéral 4C. 129/2003 du 5 septembre 2003 et les références citées).

c. Le certificat de travail doit refléter l’ensemble de la relation de travail. Il a pour but de favoriser l’avenir économique du travailleur. Les circonstances ayant motivé la résiliation des rapports de travail n’ont pas à figurer dans le certificat de travail, sauf s’il s’agit de faits importants qui ne peuvent être passés sous silence, sous peine d’établir un certificat trompeur pour un employeur potentiel. C’est en effet dans la lettre de congé ou dans la réponse à la demande de motivation du congé que les motifs de la résiliation doivent être indiqués (C. BRUNNER, J-M. BÜHLER, J-B. WAEBER, C. BRUCHEZ, Commentaire du contrat de travail, troisième édition, Lausanne 2004, p. 182 n. 3).

Le travailleur qui estime que le certificat de travail qui lui a été décerné ne reflète pas la réalité ou est incomplet peut demander à l’employeur de le modifier en proposant lui-même une version de remplacement. Si l’employeur refuse, le travailleur a le droit de s’adresser au tribunal pour en demander la rectification. Dans le cadre de l’action en justice, il appartient au travailleur de prouver que le contenu du certificat n’est pas conforme à la réalité. L’employeur devra collaborer à l’instruction de la cause, en motivant les faits qui fondent son appréciation négative. S’il refuse de le faire ou ne parvient pas à justifier sa position, le juge pourra considérer que la demande de rectification est fondée (C. BRUNNER, J.-M. BÜHLER, J-B. WAEBER, C. BRUCHEZ, op. cit., p. 183 n. 5).

5. En l’espèce, M. D.__________ demande que son certificat de travail soit complété sur plusieurs points.

a. S’agissant des remplacements des directeurs généraux, l’instruction de la cause a démontré que le bureau de la commission administrative, devenu depuis le conseil de direction, a désigné M. D.__________ comme remplaçant du directeur général. Il n’avait pas de responsabilité hiérarchique, mais avait pour mission de prendre toutes décisions par rapport à l’institution et de représenter la direction auprès du président et de la commission administrative. Pour cette responsabilité supplémentaire le code 7 ad personam lui a été attribué dès le 1er avril 1996, ainsi qu’une indemnité pour remplacement dans une fonction supérieure.

A ce stade, il s’agit d’examiner la description précise et détaillée de l’activité exercée et des fonctions occupées par le travailleur. Dans le souci de respecter la structure rédactionnelle du certificat, il y a lieu de procéder à une évaluation de ladite responsabilité supplémentaire lors de l’appréciation de l’activité exercée par le recourant.

Afin que le certificat de travail transcrive fidèlement la nature des activités du recourant, sa rédaction doit être faite dans les termes suivants :

« Pour la période du 1er avril 1996 au 30 septembre 2001, Monsieur D.__________ a été désigné par le conseil de direction pour remplacer les directeurs généraux successifs, durant leurs vacances et leurs absences en raison de leurs déplacements, sans responsabilité hiérarchique mais avec la mission de prendre toutes les décisions par rapport à l’institution et de représenter la direction auprès du président du département de l’action sociale et de la santé et du conseil d’administration »

b. S’agissant de l’appréciation de l’activité déployée par M. D.__________, l’Hospice n’a jamais établi un certificat de travail intermédiaire. Il ressort du dossier que l’activité exercée par le recourant a été qualifiée à plusieurs reprises de remarquable ou encore d’atout précieux. Ce nonobstant, vu la fonction exercée par le recourant, il faut prendre en considération les circonstances dans lesquelles les rapports de travail ont pris fin. L’insuffisance objective des prestations de M. D.__________ dans la gestion des mutations, des plans de carrière, de l’élaboration d’une politique des ressources humaines adaptée aux besoins de l’institution, ayant été établie, l’appréciation de son activité ne peut pas être totalement élogieuse.

Lors du licenciement, il a été reproché à M. D.__________ de ne pas avoir eu une attitude constructive. Au lieu d’explorer les solutions qui pouvaient être trouvées avec sa hiérarchie et d’accepter la vision différenciée qu’on pouvait avoir de sa fonction, il a passé son temps à se défendre contre les critiques avant de formuler des prétentions déraisonnables et en complète contradiction avec les objectifs sociaux défendus par l’institution. De ce fait, M. D.__________ n’a pas été loyal envers l’Hospice.

Une rédaction dans les termes suivants apparaît objectivement exacte et conforme à la réalité :

« Tout au long de son mandat, Monsieur D.__________ a fait preuve d’un engagement important. Sa fonction de remplaçant des directeurs généraux a été exécutée avec compétence et à la satisfaction du conseil d’administration et de la direction générale. Ses compétences en matière de gestion administrative et sa connaissance de la fonction publique en général et des établissements publics ont été appréciées. Monsieur D.__________ est un travailleur constant, humain, il a négocié de façon satisfaisante des situations difficiles. De plus, il faut souligner son calme, son honnêteté, sa disponibilité et sa politesse. Ses subordonnés ont apprécié sa capacité d’écoute ; sa hiérarchie aurait souhaité une plus grande adaptation aux exigences renouvelées de la fonction. Il a su régler des situations délicates à l’entière satisfaction des parties ».

c. Ainsi, le certificat de travail établi par l’Hospice doit être modifié et complété dans les termes suivants :

« Nous soussignés, attestons que Monsieur D.__________, né le __________ 1953, domicilié __________, __________, France, a été employé au sein de notre institution du 1er mai 1994 au 31 décembre 2003, en tant que directeur chargé du département des ressources humaines.

Membre du comité directeur, Monsieur D.__________ participait à l’élaboration des politiques institutionnelles, et collaborait étroitement avec les instances internes (conseil d’administration et son bureau, commission des finances) et externes (office du personnel de l’Etat, département de l’action sociale et de la santé et autres administrations dans le cadre de son dicastère). De par sa fonction centralisée, il avait la responsabilité de faire appliquer transversalement les normes légales fédérales, cantonales statutaires ainsi que les procédures internes à l’Etat de Genève et à l’institution pour toutes les questions liées aux ressources humaines et au personnel.

A ce titre, Monsieur D.__________ avait pour responsabilité :

d’établir les budgets annuels de l’Hospice général en matière de dotation en personnel et de répondre devant les instances concernées du respect de ceux-ci ;

de diriger les activités de sa fonction ;

de fixer les objectifs, les orientations des services rattachés, composés des services du personnel et de la formation, mais également du service des enquêtes et de la fondation de la crèche/jardin d’enfants « La Cigogne » à la maison de Vessy : il encadrait ainsi environ 40 collaborateurs et collaboratrices ;

de mettre en place les tableaux de bord permettant le pilotage des activités ;

d’engager les cadres, de déterminer les plans de formation des cadres et du personnel.

En matière de politique des ressources humaines institutionnelle, Monsieur D.__________ assumait des responsabilités nombreuses et variées dont les principales concernaient :

l’application et le respect du cadre légal, de la politique cantonale du personnel de la fonction publique ;

la mise en œuvre d’une politique de formation, en collaboration avec les partenaires internes et en réseau avec les institutions dépendant du département de l’action sociale et de la santé ;

la bonne exécution des tâches liées aux services des enquêtes en conformité avec les lois fédérales et cantonales ;

le conseil en matière de recrutement, notamment l’engagement des cadres ;

le traitement des situations complexes liées aux contrats de travail ;

les relations avec la commission du personnel, les syndicats et occasionnellement avec le collège des cadres ;

le respect des budgets de fonctionnement de sa direction et des services en dépendant ainsi que le contrôle et le respect de ceux-ci ;

une bonne communication transversale en matière de politique des ressources humaines.

Pendant cette période, outre ses fonctions de directeur des ressources humaines, Monsieur D.__________ a accepté trois intérim, soit :

l’intérim du directeur des finances pour la gestion du personnel et les affaires courantes, du 27 juillet 1998 au 15 mai 1999 ;

la gestion des ressources humaines de l’établissement médico-social (EMS) « la maison de Vessy », du 14 septembre 1998 au __________ 2001 ;

l’intérim du directeur du service d’informatique sociale (SIS) du 26 juin 2000 au 30 septembre 2000.

Pour la période du 1er avril 1996 au 30 septembre 2001, Monsieur D.__________ a été désigné par le conseil de direction pour remplacer les directeurs généraux successifs, durant leurs vacances et leurs absences en raison de leurs déplacements, sans responsabilité hiérarchique mais avec la mission de prendre toutes les décisions par rapport à l’institution et de représenter la direction auprès du président du département de l’action sociale et de la santé et du conseil d’administration. 

Tout au long de son mandat, Monsieur D.__________ a fait preuve d’un engagement important. Sa fonction de remplaçant des directeurs généraux a été exécutée avec compétence et à la satisfaction du conseil d’administration et de la direction générale. Ses compétences en matière de gestion administrative et sa connaissance de la fonction publique en général et des établissements publics ont été appréciées. Monsieur D.__________ est un travailleur constant, humain, il a négocié de façon satisfaisante des situations difficiles. De plus, il faut souligner son calme, son honnêteté, sa disponibilité, sa politesse. Ses subordonnés ont apprécié sa capacité d’écoute ; sa hiérarchie aurait souhaité une plus grande adaptation aux exigences renouvelées de la fonction. Il a su régler des situations délicates à l’entière satisfaction des parties.

Monsieur D.__________ nous quitte le 31 décembre 2003, libre de tout engagement hormis ceux liés au secret de fonction.

Nous lui formulons tous nos vœux de succès pour la suite de sa carrière professionnelle.

Ce certificat est délivré pour servir et valoir ce que de droit ».

6. Compte tenu de ce qui précède, le recours est très partiellement admis.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 LPA). Une indemnité, en CHF 500.- également, sera allouée au recourant, qui y conclut.

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 septembre 2004 par Monsieur D.__________ contre la décision de l'Hospice général du 13 septembre 2004 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

condamne l’Hospice général à compléter le certificat de travail émis à l’intention de M. D.__________ selon les termes établis au considérant 5c en droit du présent arrêt ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge du recourant ;

alloue au recourant une indemnité de procédure en CHF 500.-, à la charge de l’Etat de Genève ;

communique le présent arrêt à Me Serge Fasel, avocat du recourant ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :