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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1521/2012

ATA/394/2012 du 19.06.2012 ( FORMA ) , REJETE

Descripteurs : ; FORMATION(EN GÉNÉRAL) ; ÉCOLE OBLIGATOIRE ; ÂGE ; LIMITE D'ÂGE ; EXCEPTION(DÉROGATION)
Normes : Harmos.5 ; CSR.1 ; LIP.11.al1 ; RDAge.2 ; RDAge.3 ; RDA.ge.4
Résumé : Demande de dérogation de parents souhaitant inscrire leur enfant en première année de l'école enfantine avant l'âge réglementaire. Confirmation de la jurisprudence selon laquelle de telles dérogations ne peuvent plus être accordées pour les enfants nés postérieurement au 31 août 2007.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1521/2012-FORMA ATA/394/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 juin 2012

en section

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______

contre

DÉPARTEMENT DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA CULTURE ET DU SPORT



EN FAIT

1. Madame A______ et Monsieur B______ (ci-après : les époux B______), domiciliés à Y______, sont les parents de G______, né le 12 août 2008.

2. En décembre 2009, le directeur ad interim de l’enseignement primaire du département de l’instruction publique, de la culture et du sport (ci-après : DIP) a adressé une lettre circulaire à tous les parents concernés relativement à la « mise en œuvre du Concordat HarmoS - Age d’admission en 1ère classe enfantine » (ci-après : HarmoS).

Ledit concordat était entré en vigueur le 1er août 2009 et visait notamment à harmoniser au niveau suisse la durée des degrés d’enseignement et leurs principaux objectifs. Il avait également un impact sur l’âge d’entrée en première classe enfantine dès la rentrée 2010. Le DIP avait prévu une période de transition pour l’entrée en vigueur de l’art. 5 al. 1 dudit concordat, selon lequel « l’élève est scolarisé dès l’âge de 4 ans révolus, le jour de référence étant le 31 juillet ».

Aussi, à la rentrée 2010, une dispense d’âge simple pour les élèves entrant en première année était accordée pour ceux nés avant le 30 septembre 2006. A la rentrée 2011, l’obligation scolaire à 4 ans entrait en vigueur au 31 août concernant les enfants nés avant le 31 août 2007. Dès la rentrée 2012, la date de référence était fixée au 31 juillet pour tous les élèves nés jusqu’au 31 juillet 2008. De plus, dès la rentrée 2013/2014, la dispense d’âge simple serait totalement supprimée et la nouvelle date de référence pour l’entrée à l’école primaire publique fixée à 4 ans au 31 juillet. Les institutions de la petite enfance avaient été informées de ces mesures depuis plusieurs mois et le magazine « Les clefs de l’école » du mois d’avril 2009 avait diffusé cette information auprès des parents.

Afin de garantir la cohérence des décisions sur le plan intercantonal, le DIP n’entendait pas accorder de dérogation à des « difficultés de force majeure ». Une demande pouvait être adressée au service de la scolarité, qui examinerait la situation.

3. En novembre 2010, le directeur ad interim de l’enseignement primaire du DIP a écrit une nouvelle fois à tous les parents concernés pour rappeler la teneur du courrier précédent et la fixation au 31 juillet comme date de référence de l’âge d’entrée à l’école. Ainsi, seront scolarisés lors de la rentrée 2011 les enfants nés entre le 1er octobre 2006 et le 31 août 2007, sans dérogation possible. Il était ensuite indiqué, en caractères gras : « en conséquence, votre enfant, né-e après le 31 août 2007, sera scolarisé-e à la rentrée 2012 ».

4. Le 20 mars 2012, les époux B______, représentés par M. B______, ont envoyé au directeur ad interim de l’enseignement primaire une demande de dérogation pour G______ afin qu’il puisse commencer l’école à la rentrée 2012. Un événement soudain les avait affectés en décembre 2011. Mme A______ s’était retrouvée paraplégique suite à une intervention chirurgicale pour une hernie discale. Elle était soignée depuis plus de deux mois dans le Centre suisse pour paraplégie de Nottwill et ce, pour une période indéterminée. La famille essayait de préparer le futur, notamment lorsque Mme A______ rentrerait. La solution la plus adaptée, tant pour eux que pour leur fils, serait qu’il soit scolarisé à l’école X______, qui se trouvait être la plus proche de leur domicile. Sa mère aurait ainsi la possibilité pratique de l’amener et d’aller le chercher, ce qui serait impossible si l’enfant se rendait une année de plus à la crèche. G______ était un enfant éveillé, qui suivrait sans problème sa scolarité.

5. Par pli recommandé du 23 avril 2012, la directrice générale de l’enseignement primaire a refusé la dérogation sollicitée, confirmant que G______ serait scolarisé à la rentrée 2013. Aucune dérogation ne pouvait être accordée malgré les motifs exposés. Les dispositions légales ne le permettaient pas.

6. Par acte posté le 18 mai 2012, les époux B______, représentés par M. B______, ont recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), en reprenant leur argumentation, et en concluant à l’annulation de la décision attaquée et à l’octroi de la dérogation sollicitée. Vu son état de santé, Mme A______ ne pourrait plus amener son fils à la crèche. Il serait vraiment opportun qu’il puisse commencer dès septembre à l’école H______, qui était proche de leur domicile.

7. Le 21 mai 2012, le DIP a conclu au rejet du recours. Sa décision était conforme tant aux dispositions législatives en vigueur qu’à une jurisprudence constante de la chambre administrative, qui, dans plusieurs arrêts récents, avait rejeté les recours interjetés à l’encontre des décisions de refus de dérogations.

8. Le 5 juin 2012, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 131 et 132 al. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. HarmoS a pour but d’harmoniser la scolarité obligatoire au sein des cantons concordataires en accordant les objectifs de l’enseignement et les structures scolaires d’une part, et d’autre part, en développant et en assurant la qualité et la perméabilité du système scolaire au moyen d’instruments de pilotage communs (art. 1 HarmoS). Il prévoit notamment que l’élève est scolarisé dès l’âge de 4 ans révolus, le jour de référence étant le 31 juillet (art. 5 al. 1 HarmoS). Les cantons s’engagent à respecter les caractéristiques structurelles de la scolarité obligatoire telles que définies au chap. III, dont l’art. 5 fait partie, dans un délai maximal de 6 ans après l’entrée en vigueur de l’accord. Selon l’art. 15 HarmoS, l’assemblée plénière de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (ci-après : CDIP) décide de la date d’abrogation de l’art. 2 du concordat intercantonal sur la coordination scolaire du 29 octobre 1970 (CICS - C 1 05), qui prévoit notamment que l’âge d’entrée à l’école est fixé à 6 ans révolus au 30 juin, les cantons pouvant avancer ou retarder cette date dans une limite de quatre mois. Au 13 avril 2011, l’art. 2 CICS n’avait pas été abrogé (Recueil des bases légales de la CDIP consultable sur le site : http://www.cdip.ch/dyn/11703.php).

Dans son communiqué de presse du 13 mai 2009 annonçant l’entrée en vigueur d’HarmoS au 1er août 2009, la CDIP a relevé « que le jour de référence pour l’entrée à l’école obligatoire ne pourra plus varier comme aujourd’hui au sein d’une fourchette de huit mois. Pour les cantons concordataires, l’âge de l’enfant au 31 juillet déterminera son entrée à l’école enfantine (il devra avoir fêté son 4ème anniversaire avant cette date). Les parents conserveront la possibilité, moyennant une demande, de faire avancer ou repousser l’entrée à l’école de leur enfant ». Cette dernière précision a été répétée dans la feuille d’information sur l’école enfantine obligatoire publiée le 17 juin 2010 par la CDIP, disponible en ligne sur le site http://www.cdip.ch/dyn/15414.php.

3. En même temps qu’HarmoS, est entrée en vigueur la convention scolaire romande du 21 juin 2007 (CSR - C 1 07), dont le but est notamment d’instituer et de renforcer l’espace romand de formation, en application d’HarmoS (art. 1 al. 1 CSR). Elle comporte des domaines dans lesquels la coopération entre les cantons est obligatoire et fait l’objet d’une réglementation contraignante, et d’autres dans lesquels la collaboration n’est pas obligatoire et fait l’objet de recommandations (art. 2 CSR). Le début de la scolarisation entre dans la première catégorie (art. 3 al. 1 let. a CSR). La convention prévoit que l’élève est scolarisé dès l’âge de 4 ans révolus, le jour déterminant étant le 31 juillet (art. 4 al. 1 CSR). La fixation du jour de référence n’exclut pas les cas de dérogations individuelles, qui demeurent de la compétence des cantons (art. 4 al. 2 CSR).

4. Selon l’art. 11 al. 1 de la loi sur l’instruction publique du 6 novembre 1940 (LIP - C 1 10), la scolarité obligatoire comprend neuf années scolaires complètes. Les enfants âgés de 6 ans révolus y sont astreints dès le début de l’année scolaire ; ils achèvent leur scolarité obligatoire à la fin de l’année scolaire au cours de laquelle ils ont atteint l’âge de 15 ans révolus. L’école enfantine, quant à elle, comprend des classes facultatives destinées aux enfants de 4 et 5 ans (art. 24 LIP). Elle est intégrée dans l’enseignement primaire (art. 21 let. a LIP).

Un règlement détermine les conditions d’octroi des dispenses d’âge pour l’admission à l’école (art. 11 al. 1 LIP).

Sur la base de cette délégation, le Conseil d’Etat a édicté le règlement relatif aux dispenses d’âge du 12 juin 1974 (RDAge - C 1 10.18), dont l’art. 1 prévoit :

« L’âge d’entrée à l’école obligatoire est fixé à 6 ans révolus au 30 juin. Par voie de conséquence, les enfants qui atteignent :

a) l’âge de 6 ans révolus au 30 juin sont astreints à la scolarité obligatoire et doivent entrer en 1ère année primaire dès le début de l’année scolaire ;

b) l’âge de 5 ans révolus au 30 juin peuvent être admis dans la 2ème classe facultative de la division enfantine ;

c) l’âge de 4 ans révolus au 30 juin peuvent être admis dans la 1ère classe facultative de la division enfantine ».

En dérogation à la disposition précitée, des dispenses d’âge peuvent être accordées aux élèves de l’enseignement public (art. 2 RDAge). L’art. 3 RDAge, intitulé « dispenses simples - modalités transitoires », prévoit qu’au moment de l’inscription à l’école, et sauf demande contraire des parents, une dispense d’âge simple est accordée spontanément à la rentrée 2010 pour les élèves entrant en 1ère classe enfantine nés jusqu’au 30 septembre 2006 et, à la rentrée 2011, pour les élèves entrant en 1ère classe enfantine nés jusqu’au 31 août 2007 (art. 3 al. 1 let. a et b RDAge). Cette disposition vise à atténuer l’impact du passage du système actuel instauré par le CICS, permettant d’avancer ou de reculer de quatre mois la date de référence, au système HarmoS qui instaure une date de référence contraignante (Exposé des motifs à l’appui du projet de loi autorisant le Conseil d’Etat à adhérer à HarmoS - PL 10350 - p. 11, consultable sur le site http://www.ge.ch/grandconseil/moteurPdf.asp?typeObj=PL&numObj=10350) et l’alinéa 2 de cette disposition précise que, dès la rentrée 2012, tous les enfants âgés de 4 ans révolus au 31 juillet doivent être scolarisés en 1ère classe enfantine.

Contrairement à la dispense d’une année ou plus prévue à l’art. 4 RDAge, qui peut être accordée à un enfant en âge de fréquenter la 2ème enfantine jugé apte, du point de vue psychopédagogique et médical, à suivre sans difficulté une classe de 1ère primaire à l’issue d’une procédure initiée par une demande écrite et motivée des parents, la dispense d’âge simple présente un caractère automatique. Son but, mentionné dans l’ancienne teneur de l’art. 3 RDAge - qui prévoyait qu’elle était octroyée aux enfants nés jusqu’au 31 octobre - était de permettre aux enfants concernés de fréquenter le même degré que leurs camarades nés avant le 1er juillet.

Le règlement ne prévoit pas d’autres cas de dispense d’âge que ceux susmentionnés. En particulier, il ne permet plus d’octroyer des dispenses d’âge simples pour des enfants nés après le 30 septembre 2006 pour la rentrée 2010, respectivement après le 31 août 2007 pour la rentrée 2011 et après le 31 juillet 2008 pour la rentrée 2012. A partir de la rentrée 2013-2014, la dispense d’âge simple sera totalement supprimée et la nouvelle date de référence pour l’entrée à l’école primaire publique sera le 31 juillet. Il ne contient pas de clause réservant la possibilité de dérogations dans des situations exceptionnelles.

5. Dans sa lettre circulaire de décembre 2009 adressée à tous les parents concernés par la mise en œuvre d’HarmoS pour les enfants devant être admis en 1ère enfantine, le DIP, après avoir précisé qu’en vue de garantir la cohérence des décisions sur le plan intercantonal il n’entendait pas accorder de dérogations, a invité les familles pouvant être confrontées à des difficultés de force majeure par l’entrée en vigueur de la nouvelle teneur de l’art. 3 RDAge, à s’adresser à lui pour qu’il examine leur situation. Force est ainsi de constater que, par-là, il a pu laisser penser que des dérogations seraient possibles. Le DIP a cependant précisé par la suite, sans être contredit, qu’aucune dérogation ne serait accordée pour les rentrées 2011-2012 et que pour les rentrées ultérieures la dispense d’âge simple sera totalement supprimée. En l’espèce, les recourants n’ont pas reçu la lettre précitée du DIP de novembre 2010, dont ils ne sauraient dès lors se prévaloir.

G______ est donc soumis à ce régime puisqu’il fêtera son 4ème anniversaire le 12 août 2012.

6. Dans une jurisprudence bien établie, la chambre de céans a régulièrement refusé toute dérogation, en dernier lieu pour les enfants nés après le 31 août 2007 (ATA/485/2011 du 26 juillet 2011 ; ATA/312/2011 du 17 mai 2011, et les références citées).

7. Un projet de loi a été déposé le 24 octobre 2011 afin de proposer que les enfants ayant 4 ans révolus entre la date de référence du 31 juillet et celle fixée pour la rentrée scolaire puissent être admis à l’école (PL 10884). Cependant, cette proposition de modification législative n’a pas encore été adoptée, de sorte qu’en l’état, il n’y a pas lieu de s’écarter des jurisprudences précitées, malgré les difficultés d’organisation alléguées par les recourants. La situation qu’ils vivent à la suite des atteintes à la santé dont souffre Mme A______ est, sans conteste, très douloureuse, mais, sous l’angle de la situation de l’enfant, celle-ci ne réclame pas un traitement de sa scolarisation différent de celui d’un enfant dont les parents seraient empêchés de le conduire à la crèche pour d’autres raisons, notamment professionnelles ou familiales.

8. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 400.-sera mis à la charge des recourants. Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 mai 2011 par Madame A______ et Monsieur B______ contre la décision du département de l’instruction publique, de la culture et du sport du 23 avril 2012 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame A______ et Monsieur B______, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 400.- ;

dit qu’il ne leur est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ et Monsieur B______, ainsi qu’au département de l’instruction publique, de la culture et du sport.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Vuataz Staquet

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :