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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4047/2008

ATA/368/2009 du 28.07.2009 ( DCTI ) , REJETE

Descripteurs : ; ZONE AGRICOLE ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI ; PROPORTIONNALITÉ ; PERMIS DE CONSTRUIRE ; CONFORMITÉ À LA ZONE
Normes : LPA.10A; LCI.129; LCI.130; RCI.1; LAT.16; LAT.16A; LAT.22.al1 et 2; LAT.24d; OAT.42a; Cst.9
Parties : GODENZI Sophie / DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION
Résumé : L'édification d'une yourte en zone agricole n'est pas conforme à la zone . De plus, son implantation hors de la zone à bâtir n'est manifestement pas imposée par sa destination. Celle-ci n'est dès lors pas autorisable tant à la lumière de la règle générale de l'art. 22 LAT que par voie dérogatoire au sens des art. 24a à d LAT.
En fait
En droit

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4047/2008-DCTI ATA/368/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 28 juillet 2009

2ème section

dans la cause

 

 

 

 

 

 

 

Madame Sophie GODENZI-BRUN

 

 

 

contre

 

 

 

 

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION

 

 

 

 



EN FAIT

1. Le 8 avril 2004, Madame Sophie Godenzi-Brun, physiothérapeute, a acheté la parcelle n° 10'198, feuille 4 de la commune de Confignon (ci-après : la commune), sise 145, chemin de Verjus. Ledit terrain, d'une surface de 1'638 m2, est situé en zone agricole.

Les bâtiments suivants y étaient érigés : une habitation, cadastrée sous le n° 901, d'une surface de 37 m2, où vit la famille Godenzi composée de deux adultes et trois enfants en bas âge ; un garage n° 1056, mesurant 50 m2 et une véranda n° 1150 d'une surface de 14 m2.

2. Le 28 février 2008, le département des constructions et des technologies de l'information (ci-après : DCTI) a reçu une dénonciation anonyme émanant d'un propriétaire voisin. Plusieurs familles venaient s'installer dans les zones agricoles et ignoraient complètement les règles relatives aux constructions et aux habitations dans lesdites zones. En particulier, celle habitant à l'adresse précitée avait érigé des constructions sans autorisation.

3. En date du 3 mars 2008, un inspecteur de la police du DCTI s'est rendu à l'adresse susmentionnée, où il a constaté l'installation et la construction de plusieurs structures effectuées sans autorisation. En effet, un appentis était en construction contre la façade ouest du bâtiment n° 1056, un couvert non cadastré était érigé en limite sud est, un cabanon était installé en limite sud ouest du bien-fonds, une yourte avait été montée dans l'angle sud et le bâtiment en bois n° 901, érigé au centre de la parcelle, avait été agrandi depuis qu'il avait été cadastré.

4. Par courrier du 21 mai 2008, la police des constructions du DCTI a informé la propriétaire des constatations précitées et lui a ordonné de cesser immédiatement les travaux en cours, conformément à l'art. 129 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). La propriétaire était invitée à faire part de ses observations, en précisant notamment l'année de construction des divers éléments.

5. Le 30 mai 2008, Mme Godenzi-Brun a envoyé ses observations au DCTI. L'appentis était en réalité une tonnelle érigée en novembre 2007. Il s'agissait d'une structure légère en bois, démontable, qui remplaçait avantageusement un store et qui permettait d'abriter tant du soleil que de la pluie.

Le couvert avait été construit durant l'été 2005 et le cabanon au printemps 2006. Ces derniers servaient à stocker du bois et des pellets, ainsi que des vélos et des outils de jardin. Elle ignorait qu'une autorisation de construire était nécessaire pour ce type de structure.

Les toitures et les façades du bâtiment n° 901 avaient été isolées en automne 2005. Cette construction permettait de loger l'ensemble de la famille.

Concernant la yourte, une demande avait été effectuée auprès de la police des constructions. Cette dernière avait indiqué verbalement qu'aucune atteinte (ancrage dur) ne devait détériorer le sol. La yourte en question était posée sur des solives en bois et n'avait occasionné aucune "dénaturation" du sol.

6. A la requête du DCTI, le 26 août 2008, Mme Godenzi-Brun a indiqué qu'elle ne connaissait pas l'année de construction du chalet n° 901, mais qu'il figurait déjà sur un tableau de mutation datant de 1977. Ledit chalet était habité de longue date, car un locataire y logeait avant qu'elle-même n'acquière la propriété.

7. Par pli recommandé daté du 10 octobre 2008, l'office des autorisations de construire a ordonné à la propriétaire, conformément aux art. 129 et ss LCI, de déposer, dans un délai de 30 jours, une requête en autorisation de construire portant sur les travaux déjà effectués dans le bâtiment n° 901 et d'évacuer, dans le même délai, la yourte et le cabanon. Ce genre d'installation n'était pas conforme aux normes qui régissaient la zone agricole et dès lors, pas admissible (art. 16 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 - LAT - RS 700, art. 20 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30 et art. 1 et ss LCI).

Le chalet, construit avant 1977, bénéficiait de la péremption trentenaire et, de ce fait, n'avait pas être enlevé.

L'ordre de déposer une requête pouvait faire l'objet d'un recours auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions, devenue depuis le 1er janvier 2009 la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission), dans un délai de 30 jours dès sa notification. Quant à la demande d'évacuation, elle pouvait également faire l'objet d'un recours mais auprès du Tribunal administratif dans le même délai.

8. Par courrier non daté, réceptionné par le DCTI le 11 novembre 2008, la propriétaire a adressé une demande d'autorisation de construire en procédure accélérée, concernant les travaux d'isolation du bâtiment n° 901.

Le cabanon avait été évacué, conformément à la décision du 10 octobre 2008.

Toutefois, un recours contre l'ordre de démonter la yourte allait être interjeté. Celle-ci servait de rangement, était démontable en une journée et n'avait aucune emprise fixe au sol.

9. Par acte posté le 10 novembre 2008, Mme Godenzi-Brun a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision du DCTI du 10 octobre 2008 en ce qu'elle concernait l'évacuation de la yourte.

Au cours de l'été 2004, les époux Godenzi avaient demandé des informations à la police des constructions s'agissant de l'implantation d'une yourte sur leur parcelle. Il leur avait été répondu verbalement qu'il y avait un vide juridique, en ce sens que celle-là ne répondait pas à la définition de construction en tant que telle. En effet, elle était montable et démontable en une journée.

La parcelle n'avait jamais été une surface agricole productive. De plus, le plan d'aménagement (ci-après : PA) 2011 de la commune envisageait des facilités pour désassujettir les parcelles agricoles. Selon le plan directeur cantonal (Plaine de l'Aire, périmètre d'aménagement coordonné de Bernex est) (ci-après : PDCa), une partie des terres agricoles était destinée à être urbanisée. Même le plan directeur communal datant de 2006, validé par la commune et le Conseil d'Etat, prévoyait une zone de jardins vergers en zone urbanisée qui comprenait leur parcelle n° 10'198.

Comme la yourte était une tente dont la durée de vie était réduite, les époux Godenzi s'engageaient à la démonter en 2011 au plus tard, en fonction du PA et du PDCa.

Conformément aux art. 24c, 24d LAT et 42 de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire du 28 juin 2000 (RS 700.1 - OAT), ils allaient déposer une demande d'agrandissement conforme aux zones agricoles.

Selon le Tribunal fédéral, la définition de construction provisoire comprenait les structures, dont l'existence était limitée dans le temps de manière certaine et ne dépendait pas de circonstances imprévisibles. Comme elle s'engageait à démonter la yourte en 2011, cette dernière correspondait à la définition de construction provisoire.

Enfin, l'ordre de démonter la yourte litigieuse violait également la garantie du respect du domicile consacré par l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

10. Le 15 décembre 2008, le DCTI a conclu au rejet du recours.

La parcelle n° 10'198 se trouvait en zone agricole, la recourante n'exerçait pas le métier d'agricultrice et la yourte n'était pas destinée à une activité agricole ou horticole au sens des art. 41 OAT et 20 al. 1 LaLAT. En outre, la yourte n'étant pas imposée par sa destination en zone agricole, elle ne saurait être admise à titre dérogatoire en application de l'art. 24 LAT.

D'après les dispositions régissant les zones agricoles et la jurisprudence du Tribunal fédéral (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_184/2007 du 19 novembre 2007), lorsqu'une yourte était montée sans autorisation de construire et n'était de surcroît pas autorisable dans la zone, l'ordre de démolition respectait le principe de la proportionnalité. De ce fait, la mesure prononcée par le DCTI était fondée dans son principe, car elle respectait l'ensemble des principes du droit administratif, notamment, celui de la proportionnalité et celui de la bonne foi.

S'agissant de la violation de la garantie au respect du domicile, la propriétaire avait indiqué au DCTI que la yourte servait de lieu de rangement et qu'elle habitait avec sa famille dans le bâtiment n° 901 situé au centre de la parcelle. Personne n'habitait dans la yourte à l'année. Ainsi, "ce grief relevait purement de la convenance personnelle".

11. Le 5 février 2008, le juge délégué a effectué un transport sur place en présence des parties.

A cette occasion, il a constaté que la yourte était totalement aménagée et comportait un lit double, un poêle, deux commodes, une table basse, un fauteuil, un bureau et une penderie.

Les époux Godenzi ont expliqué qu'ils ne pouvaient loger dans la yourte qu'en période estivale. Ainsi, ils habitaient avec leur trois enfants dans le cabanon n° 901 pendant la saison hivernale.

Pour le surplus, ils ont confirmé que la yourte était démontable sans frais particuliers.

12. Le 8 mars 2009, Madame Godenzi-Brun a répliqué.

Elle a joint à son courrier copie du projet de loi modifiant les zones sur les territoires des communes de Plan-les-Ouates et de Confignon. Selon ce projet, son bien-fonds se trouvait en zone de développement 3. Il perdrait ainsi sa dénomination et vocation agricole pour être dévolu à des constructions. Monsieur Thierry Durand, conseiller administratif de la commune de Plan-les-Ouates, dont elle sollicitait l'audition, lui avait assuré que les travaux devraient débuter dans un délai de cinq ans, soit courant 2014.

Conformément à l'art. 42a OAT, l'augmentation de la surface d'habitation grâce à la yourte litigieuse devait être autorisée.

Ses intérêts privés au maintien de la yourte sur sa parcelle ne contrecarraient pas les intérêts publics.

De plus, l'ordre de démonter celle-ci ne respectait pas le principe de la proportionnalité.

13. Le 31 mars 2009, le DCTI a dupliqué et persisté dans sa décision.

Le projet de modification de zones était certes soumis à l'enquête publique, mais une yourte n'était en tout état pas compatible avec les normes de la 3ème zone.

14. Par courrier du 6 avril 2009, le tribunal de céans a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La recourante a sollicité l'audition d'un conseiller administratif de la commune de Plan-les-Ouates.

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 132 II 485 consid. 3.2 p. 494; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; 127 III 576 consid. 2c p. 578 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C.573/2007 du 23 janvier 2008 consid. 2.3). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; 130 I 425 consid. 2.1 p. 428 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C.402/2008 du 27 juin 2008 consid. 3.2 ; 2P.205/2006 du 19 décembre 2006 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/432/2008 du 27 août 2008 consid. 2b). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 133 II 235 consid 5.2 p. 248 ; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 ; 126 I 97 consid. 2b p. 103).

En l'espèce, l'audition du conseiller administratif n'est pas nécessaire au vu des pièces versées aux débats.

3. Aux termes de l'art. 10A LPA, toute personne peut porter à la connaissance des autorités des faits susceptibles d’entraîner l’ouverture d’une procédure administrative. Toutefois, l’autorité ne donne aucune suite aux dénonciations anonymes.

En l'espèce, le DCTI a cependant effectué un constat, suite à une dénonciation anonyme. Il ne peut lui être reproché de veiller au respect de la loi.

4. L'art. 1 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01) définit comme constructions ou installations toutes choses immobilières ou mobilières édifiées au-dessus ou au-dessous du sol, ainsi que toutes leurs parties intégrantes et accessoires.

Ainsi, une yourte constitue une construction ou une installation même si elle est posée sur le sol (ATA /237/2007 du 15 mai 2007).

5. a. Les zones agricoles servent à garantir la base d'approvisionnement du pays à long terme, à sauvegarder le paysage et les espaces de délassement et à assurer l'équilibre écologique (art. 16 LAT).

b. Selon l'art. 22 al. 1 LAT, aucune construction ou installation ne peut être créé ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente. Une autorisation est délivrée si d'une part, la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone et d'autre part, si le terrain est équipé (art. 22 al. 2 let. a et b LAT).

c. Sont conformes à l'affectation de la zone agricole les constructions et installations qui sont nécessaires à l'exploitation agricole ou à l'horticulture productrice, ainsi que les constructions et installations qui servent au développement interne d'une exploitation agricole ou d'une exploitation pratiquant l'horticulture productrice (art. 16a al. 1 et 2 LAT).

En l'espèce, la recourante est physiothérapeute et son époux ne prétend pas être agriculteur. La yourte n'est pas nécessaire à une exploitation agricole et ne sert pas au développement interne d'une telle exploitation. Elle n'est donc pas conforme à l'affectation de la zone et ne remplit pas la première condition requise pour être autorisée, selon l'art. 22 al. 2 let. a LAT.

6. Les art. 24a et ss LAT prévoient des exceptions pour les constructions hors des zones à bâtir, notamment les habitations sans rapport avec l'agriculture (art. 24d LAT précisé par l'art. 42a OAT).

Pour appliquer les art. 24a et ss LAT, les conditions de l'art. 24 LAT doivent être remplies : premièrement l'implantation d'une constructions ou d'une installations hors de la zone à bâtir doit être imposée par sa destination et deuxièmement, aucun intérêt public prédominant ne doit s'y opposer.

L'implantation d'une yourte hors de la zone à bâtir n'est manifestement pas imposée par sa destination. C'est pourquoi, l'édification de la yourte litigieuse sur une parcelle sise en zone agricole n'est pas autorisable tant à la lumière de la règle générale de l'art. 22 LAT que par voie dérogatoire au sens des art. 24a à d LAT. Par conséquent, l'art. 42 a OAT qui complète l'art. 24d LAT n'est pas applicable au cas d'espèce.

7. Nul ne peut, sur tout le territoire du canton, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou en partie une construction ou une installation (art. 1 al. 1 let. a LCI).

Par l'application des art. 129 let. e et 130 LCI, le DCTI peur ordonner la remise en l'état lorsqu'une construction ou une installation n'est pas conforme aux prescriptions de cette loi.

En l'espèce, la yourte a été installée illicitement, sans autorisation de construire. De ce fait, l'ordre du DCTI de la démonter respecte le principe de la légalité.

8. Toutefois, pour être valable, l'ordre de mise en conformité, qui comporte celui de démanteler les installations existantes, doit en outre respecter les conditions suivantes, en application des principes de la proportionnalité et de la bonne foi (RDAF du 8 février 1994 et références citées ; ATA 237/2007 du 15 mai 2007) :

a. l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur ;

b. les installations en cause ne doivent pas avoir été autorisables en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation ;

c. un délai de plus de trente ans ne doit pas s'être écoulé depuis l'exécution des travaux litigieux ;

d. l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé de l'intéressée au maintien des installations litigieuses, désireuse de disposer de plus d'espace pour loger sa famille ;

e. le rétablissement de l'état antérieur ne doit pas porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété des recourants ;

f. l'autorité ne doit pas avoir créé chez l'administré concerné, notamment par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement, des expectatives dans des conditions telles qu'elle serait liée par le principe de la bonne foi.

En l'espèce, l'ordre de démanteler la yourte a été adressé à la propriétaire de cette dernière, donc à l'encontre de la perturbatrice. Comme mentionné ci-dessus, l'édification de la yourte en zone agricole n'est pas autorisable. Celle-ci ayant été montée en 2004, ne peut bénéficier de la prescription trentenaire. Selon le Tribunal fédéral, l'ordre de démolir une construction édifiée sans permis et pour laquelle une autorisation ne pouvait être accordée n'est en soi pas contraire au principe de la proportionnalité (Arrêt du Tribunal fédéral 1C _167/2007 du 7 décembre 2007, consid. 6.1). D'après les constatations effectuées lors du transport sur place par le juge délégué, les époux Godenzi et leurs enfants vivent dans le bâtiment n° 901 et les parents ne logent pas dans la yourte lors de la période hivernale en raison des pertes de chaleurs. Ils ne l'occupent, à des fins d'habitation, qu'en saison estivale.

9. Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 637 ; 129 I 161 consid. 4.1 p. 170 ; 128 II 112 consid. 10b/aa p. 125 ; 126 II 377 consid. 3a p. 387 et les arrêts cités). Selon la jurisprudence, les assurances ou les renseignements erronés donnés par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d’abord , on doit être en présence d’une promesse concrète effectuée à l’égard d’une personne déterminée. Il faut également que l’autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n’ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement fourni, qu’elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu’elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n’ait pas subi de changement depuis le moment où la promesse a été faite (ATF131 II 627 consid. 6.1 p. 637 ; 129 I 161 consid. 4.1 p. 170 ; 122 II 113 consid. 3b/cc p. 123 et les références citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P.373/2006 du 18 octobre 2006 consid. 2 ; G. MULLER/U. HÄFELIN/ F. UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, Zürich 2006, 5ème éd., p. 130ss ; A. AUER/ G. MALINVERNI/ M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Berne 2006, Vol. 2, 2ème éd., p. 546, n. 1165ss ; P. MOOR, Droit administratif, Berne 1994, Vol. 1, 2ème éd., p. 430, n. 5.3.2.1).

Les renseignements fournis à la recourante l'ont été verbalement. Cette dernière ne peut donc pas prouver la réalité et la teneur des propos qui lui auraient été tenus par un représentant de l'intimé.

A supposer que les renseignements donnés par la police des constructions à la recourante constituaient une assurance selon laquelle aucune autorisation de construire n'était nécessaire pour ce type d'installation et que la recourante n'ait pas pu être en mesure de se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement fourni, il n'en demeure pas moins que celle-ci n'a pas pris des dispositions qu'elle ne pourrait modifier sans subir de préjudice, car la yourte est démontable sans frais particuliers, comme la recourante l'a déclaré, et celle-ci dispose d'un logement dans le bâtiment n° 901. De plus, l'ensemble des lois régissant la zone agricole n'a pas subi de changement depuis le moment où la promesse aurait été faite.

En revanche, la situation juridique de l'implantation d'une yourte en zone agricole a été tranchée par le Tribunal fédéral (1C_184/2007 du 19 novembre 2007). Une telle installation en zone agricole n'étant pas autorisable, elle doit être démontée. Ainsi, l'ordre de démolition respecte le principe de la proportionnalité.

10. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits ou libertés d'autrui (art. 8 ch.1 et 2 CEDH).

En l'espèce, la recourante n'occupe la yourte litigieuse à des fins d'habitation qu'en saison estivale. Ce grief relève donc de la pure convenance personnelle. La recourante est à même d'habiter dans le bâtiment n° 901 durant toute l'année et l'enlèvement de la yourte ne la privera pas d'un toit. Ce grief sera donc écarté.

11. Le fait que la parcelle de la recourante soit soumise à l'enquête publique, en vue d'un éventuel déclassement en 2011, n'est pas pertinent. La situation juridique ne peut être examinée au regard de normes qui ne sont pas encore en vigueur.

12. Partant, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe et aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 novembre 2008 par Madame Sophie Godenzi-Brun contre la décision du département des constructions et des technologies de l'information du 10 octobre 2008 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame Sophie Godenzi-Brun, au département des constructions et des technologies de l'information ainsi qu'à l'office fédéral du développement territorial.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni et M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :