Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/952/2008

ATA/352/2008 du 24.06.2008 ( DCTI ) , REJETE

Descripteurs : ; REMISE EN L'ÉTAT ; LOYER ABUSIF ; AMENDE ; RÉCIDIVE(INFRACTION) ; FAUTE GRAVE
Normes : LCI.129.lete ; LCI.137.al3 ; LCI.137.al1
Résumé : La mesure visant la restitution du trop-perçu des loyers doit être considérée comme une forme de remise en état. Partant, elle peut être assortie d'une amende. Compte tenu de l'attitude du recourant, lequel a par le passé déjà fait l'objet de treize amendes, la faute doit être considérée comme grave et justifiant le prononcé d'une amende de CHF 20'000.- à son encontre.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/952/2008-DCTI ATA/352/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 24 juin 2008

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Gérard Brutsch, avocat

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

et

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION


 


EN FAIT

1. Monsieur A______ est propriétaire de la parcelle n° ______, feuille ______ du cadastre de Genève/Petit-Saconnex, à l’adresse, ______, rue Y______. Sur ce terrain s’élève un immeuble d’habitation.

2. Le 20 janvier 2000, M. A______ a déposé en mains du département de l’aménagement, de l’équipement et du logement, devenu depuis lors le département des constructions et des technologies de l’information (ci-après : le département) une demande d’autorisation de construire portant sur l’aménagement des combles, la remise en état de l’enveloppe de l’immeuble ainsi que l’assainissement des installations techniques (DD 96524).

3. Lors d’un contrôle du 2 février 2001, le département a constaté que des travaux étaient en cours dans l’immeuble précité, sans autorisation.

Le 6 février 2001, le département a notifié à M. A______ un ordre d’arrêt de chantier.

Le 13 novembre 2003, le département a encore constaté que dans le même immeuble, des travaux avaient été exécutés dans le hall d’entrée et dans la cage d’escalier et que dix logements de quatre pièces avaient été rénovés et transformés sans autorisation et en dépit de l’ordre d’arrêt de chantier.

4. Mis devant le fait accompli, le département a délivré, le 16 janvier 2004, l’autorisation de construire sollicitée (DD 96524). Par courrier du même jour, il a renoncé à prendre une mesure visant au rétablissement des appartements dans leur état initial, dont il a estimé qu’elle serait disproportionnée.

Aux termes des conditions 7 et 8 de l’autorisation susmentionnée, trois des appartements existants (12 pièces au total), dont le loyer par pièce et par année avant travaux était déjà supérieur à CHF 3'225.-, devaient être loués CHF 45'840.- au total par an après travaux (CHF 3’820.- par pièce et par année). Pour les autres logements, le loyer par pièce et par année était de CHF 3'225.-. Le département a ordonné à M. A______, en sa qualité de propriétaire de l’immeuble, de respecter les termes de l’autorisation de construire dans un délai de trente jours et de procéder à une rectification des baux dans le sens des loyers maximaux autorisés. L’éventuel trop-perçu devait être restitué aux locataires concernés. Tous les baux et documents utiles devaient être remis au département dans le même délai ainsi que les justificatifs du remboursement.

Vu la gravité tant objective que subjective des infractions et de la récidive, une amende administrative de CHF 15'000.- lui a été infligée.

5. La décision du 16 janvier 2004 a été contestée par M. A______. Par arrêt du 23 mai 2006, le Tribunal administratif a confirmé l’autorisation, hormis l’amende administrative qui a été annulée au motif que le prononcé d’une peine complémentaire était impossible, compte tenu de la période pénale considérée (2001-2003) (ATA/281/2006 du 23 mai 2006).

6. Le 27 novembre 2006, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours de droit public interjeté par M. A______ contre l’arrêt précité (1P.399/2006).

7. Par courrier du 15 mars 2007, le département, se référant à l’autorisation du 16 janvier 2004 confirmée en dernier lieu par le Tribunal fédéral, a invité M. A______ à lui fournir un état locatif complet et détaillé de l’immeuble se rapportant à la période du début (1er janvier 2001) et de fin de contrôle (1er janvier 2006), en confirmant que les travaux avaient bien été achevés dans le courant de l’année 2000. M. A______ devait également faire parvenir au département copie des nouveaux baux corrigés ainsi que copie des justificatifs de remboursements intervenus en faveur des locataires.

Un délai de trente jours lui était imparti pour ce faire.

8. Le 25 septembre 2007, le département, constatant que M. A______ n’avait pas donné suite au courrier précité, a infligé à ce dernier une amende administrative de CHF 20'000.- pour ne pas avoir respecté un ordre en force du département. Le montant de l’amende tenait compte de la gravité tant objective que subjective de l’infraction commise, ainsi que de la récidive.

Face au refus manifeste de M. A______ de se soumettre à une décision en force du département, ce dernier a fait usage de l’article 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

9. M. A______ a saisi la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : la commission) d’un recours contre la décision précitée par acte du 25 octobre 2007.

10. Statuant le 23 janvier 2008, la commission a rejeté le recours.

M. A______ s’opposait volontairement à l’ordre du département afin d’éviter d’être lié par les conditions de l’autorisation de construire en force, quand bien même il était établi que les logements avaient été loués à d’autres conditions. L’amende était donc fondée.

Le montant de CHF 20'000.- ne pouvait être que confirmé, l’infraction reprochée à M. A______ étant grave aussi bien objectivement que subjectivement. M. A______ avait été condamné à une amende de CHF 60'000.- en 2005 pour des faits concernant le même immeuble (ATA/281/2006) qui faisait par ailleurs l’objet de procédures jugées par la même commission desquelles il ressortait qu’il refusait d’exécuter un ordre du département qui lui avait été infligé sous la menace de l’article 292 CP. Cet ordre avait également pour objet de fixer des loyers dans d’autres immeubles au loyer autorisé par le département. Il y avait donc récidive. L’amende querellée concernait des faits postérieurs à ceux qui avaient déjà donné lieu aux amendes dont il était question dans l’arrêt du Tribunal administratif du 23 mai 2006. Il n’y avait donc pas de concours.

La menace de se conformer à la décision du 16 janvier 2004 était conforme à l’article 56 lettre d de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

Enfin, la commission a infligé à M. A______ une amende de CHF 2'000.- pour emploi abusif de procédure en application de l’article 88 LPA.

11. M. A______ a saisi le Tribunal administratif d’un recours contre la décision précitée le 19 mars 2008.

Il n’avait pas réalisé tous les travaux objet de l’autorisation de construire DD 96524 car il avait un autre projet en vue.

L’amende du 25 septembre 2007 violait l’article 137 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Il n’était pas possible de lui infliger une nouvelle amende en exécution d’une décision antérieure, elle-même confirmée par la justice, notamment le Tribunal administratif. L’amende qui lui avait été infligée le 16 janvier 2004 avait été annulée par le Tribunal administratif, le maximum prévu par l’article 137 LCI étant atteint, mais cela n’autorisait pas le département à infliger une amende « de substitution ». En outre, le mode d’exécution d’une décision qui impliquait déjà une sanction n’était pas celui qui consistait à infliger une nouvelle amende. Restait l’usage de l’article 292 CP, auquel le département avait recouru. L’amende du 25 septembre 2007 était dépourvue de base légale. Il conclut à l’annulation de la décision querellée et, en conséquence, à l’annulation de la décision du 25 septembre 2007 du département en tant qu’elle a pour objet l’amende de CHF 20'000.- avec suite de frais et dépens.

12. Dans sa réponse du 29 avril 2008, le département s’est opposé au recours.

La décision du 25 septembre 2007 infligeait une amende à M. A______ en tant qu’il n’avait pas exécuté la décision du 16 janvier 2004. A aucun moment le département n’avait sanctionné le non-paiement d’une amende annulée par le Tribunal administratif. M. A______ n’avait pas exécuté la décision du 16 janvier 2004 de sorte que l’amende était justifiée dans son principe. Son montant devait être confirmé, la faute du recourant étant très grave sur le plan objectif et celui-ci manifestant un mépris total vis-à-vis des décisions de l’autorité. En tout état, il n’y avait pas de cumul d’amende, le Tribunal administratif ayant annulé l’amende de CHF 15'000.- du 16 janvier 2004 et l’amende aujourd’hui litigieuse concernant un complexe de faits différents.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. LPA).

2. Le litige ne porte que sur l’amende de CHF 20'000.- infligée par le département dans sa décision du 25 septembre 2007 et confirmée par la commission dans sa décision du 23 janvier 2008.

3. L’amende querellée sanctionne le non-respect par le recourant des conditions dont était assortie la décision du 16 janvier 2004, définitive et exécutoire, alors que l’amende infligée le 16 janvier 2004 avait pour fondement le fait pour le recourant d’avoir entrepris des travaux sans autorisation.

Les deux amendes administratives ont donc deux causes distinctes, de sorte que la question du cumul invoquée par le recourant est hors propos.

4. Selon le recourant, le département ne peut pas assortir une décision d’exécution d’une amende administrative, mais seulement utiliser la voie de l’article 292 CP.

Le Tribunal administratif a plusieurs fois jugé qu’une mesure visant la restitution du trop-perçu des loyers est une forme de remise en état, au sens de l’article 129 lettre e LCI (ATA/567/2005 du 16 août 2005 et les références citées). Or, un ordre en force du département peut être assorti d’une amende au sens de l’article 137 alinéa 1 lettre c LCI, ce que la jurisprudence a également confirmé (ATA/494/2006 du 19 septembre 2006).

Tel est le cas en l’espèce, où l’ordre du département, concrétisé dans l’autorisation de construire du 16 janvier 2004, est en force. Celui-ci n’ayant pas été exécuté, c’est à bon escient que le département a prononcé une amende administrative à l’encontre du recourant.

Le grief soulevé est ainsi infondé.

5. A teneur de l'article 137 alinéa 1 lettre c LCI, est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 60 000.- tout contrevenant aux ordres donnés par le département dans les limites de la présente loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci. Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction, la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité et les cas de récidive constituant notamment des circonstances aggravantes (art. 137 al. 3 LCI).

En l'espèce, le recourant s'obstine à ne pas vouloir respecter les conditions 7 et 8 de l’autorisation du 16 janvier 2004. Il cherche tous les moyens pour éviter de devoir respecter les conditions des autorisations de construire qu’il sollicite en « saucissonnant » les travaux. En l’occurrence, il explique qu’il n’a pas réalisé tous les travaux objet de l’autorisation de construire du 16 janvier 2004 car il avait un autre projet en vue. Ce faisant, le recourant se soustrait volontairement aux obligations que lui impose l’autorisation du 16 janvier 2004.

Dans un arrêt du 8 avril 2008, le Tribunal administratif a relevé que depuis 1998, le recourant avait fait l’objet de très nombreuses amendes administratives (ATA/164/2008). A ce jour, ce sont treize amendes qui ont été confirmées, totalement ou partiellement, par le tribunal de céans. Le peu de cas que fait le recourant des décisions judiciaires est notoire. Son attitude est constitutive de faute grave, ce qui justifie le montant de CHF 20'000.-, qui respecte par ailleurs, le principe de la proportionnalité. Au demeurant, le recourant n’invoque pas de difficultés financières telles qu’elles rendraient le paiement de cette amende difficile.

6. Mal fondé, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 1’500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 LPA), qui succombe.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 mars 2008 par Monsieur A______ contre la décision du 23 janvier 2008 de la commission cantonale de recours en matière de constructions ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1’500.- ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gérard Brutsch, avocat du recourant, à la commission cantonale de recours en matière de constructions ainsi qu’au département des constructions et des technologies de l'information.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mmes Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :