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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2054/2013

ATA/35/2014 du 21.01.2014 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2054/2013-PRISON ATA/35/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 janvier 2014

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON



EN FAIT

1) Monsieur A______, incarcéré à la prison de Champ-Dollon depuis le 30 juin 2011, s'est battu dans la cuisine avec un autre détenu, le 14 juin 2013 à 17h04. Tous deux portaient des traces de sang à la tête et s'accusaient mutuellement d'avoir commis l'agression.

2) Le 15 juin 2013, à 13h55, M. A______ a été entendu par le gardien-chef principal, qui lui a signifié oralement à 14h05 sa punition sous forme de deux jours de cellule forte et de suppression du travail, pour violence physique exercée sur un détenu, sanction qui a été confirmée par décision écrite du directeur de la prison et du gardien-chef adjoint du même jour, avec la précision qu'elle était exécutoire immédiatement nonobstant recours.

3) Par acte expédié le 24 juin 2013 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a formé recours contre cette décision, indiquant notamment ce qui suit :

« (…), depuis plus d'une année de travail dans le secteur est au 2ème étage, je n'ai jamais eu aucun problème avec qui que ce soit et j'ai toujours été respectueux envers les chefs et les gardiens de l'administration pénitentiaire.

(…)

J'ai fait 2 jours de cellule forte pour mon erreur, de plus on m'a supprimé le travail ce que je trouve disproportionné en vue (sic) de mes antécédents et de mon parcours dans cet établissement qui s'est très bien passé.

Je souhaite donc simplement retrouver mon travail et c'est pour ce motif que je fais recours aujourd'hui (le 22 juin 2013) à 11h00 du matin ».

4) Dans sa réponse du 10 juillet 2013, la prison a conclu au rejet du recours « avec suite de frais ».

Selon les allégués et les rapports présentés, le recourant avait fait l'objet d'une punition sous forme de deux jours de cellule forte pour insultes envers le personnel et refus d'obtempérer le 12 juillet 2011, avait refusé de réintégrer sa cellule au terme du repas du soir le 11 janvier 2012, et avait suspendu de sa propre initiative le travail en cuisine qu'il accomplissait depuis le 25 mars 2013, entre le 15 et le 19 mai 2013.

En signant le 14 octobre 2010 sa demande d'obtention d'une place de travail, le recourant avait notamment accepté les dispositions contenues au recto (« Cadre disciplinaire des ateliers »), qui exigeaient des détenus travaillant aux ateliers de « faire preuve à tout moment d'une attitude correcte envers le personnel de la prison ainsi que des autres personnes incarcérées » et prévoyaient que, conformément aux art. 45 et 47 al. 3 let. e du règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - 1 50.04), « les bagarres [seraient] sanctionnées par une suppression immédiate (avec possibilité de se réinscrire) du travail ».

5) Le recourant n'a pas formulé d'observations dans le délai qui lui a été imparti par le juge délégué au 31 juillet 2013, de sorte que la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant ne conteste pas sa mise en cellule forte pendant deux jours, de sorte que seule sera examinée sa privation de travail.

A cet égard, le recourant ne met pas en doute l'existence des faits ayant conduit à sa punition, mais seulement le caractère disproportionné de sa privation de travail.

3) Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l'autorité dispose à l'égard d'une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d'obligations, sont l'objet d'une surveillance spéciale. Il permet de sanctionner des comportements fautifs - la faute étant une condition de la répression - qui lèsent les devoirs caractéristiques de la personne assujettie à cette relation spécifique, lesquels en protègent le fonctionnement normal. Il s'applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d'abord par la nature des obligations qu'il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l'administration et les intéressés. L'administration dispose d'un éventail de sanctions qui vont du blâme, en passant par l'amende, à la suspension du travail. Le choix à opérer dans un cas particulier obéit au principe de la proportionnalité ; il n'est pas gouverné seulement par des motifs tenant aux circonstances subjectives de la violation incriminée ou à la prévention générale, mais aussi par l'intérêt, objectif, de l'administration à restaurer le rapport de confiance que l'indiscipline a ébranlé : en quelque sorte, le maintien des conditions d'intégrité dans le fonctionnement de l'appareil étatique (P. MOOR/ E. POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., 2011, pp. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

4) Conformément à l'art. 42 RRIP, les détenus doivent observer les dispositions dudit règlement, les instructions du directeur général de l'office cantonal de la détention, les ordres du directeur et des fonctionnaires de la prison. En vertu de l'art. 44 RRIP, ils doivent, en toute circonstance, observer une attitude correcte à l’égard du personnel de la prison, des autres personnes incarcérées et des tiers. Selon l'art. 45 let. a et h RRIP, il leur est notamment interdit de faire du bruit et, d’une façon générale, de troubler l’ordre et la tranquillité de l’établissement.

A teneur de l'art. 47 al. 1 RRIP, si un détenu enfreint le règlement, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée. L'art. 47 al. 3 RRIP prévoit le catalogue des sanctions qui peuvent être prises :

« Le directeur est compétent pour prononcer les sanctions suivantes :

a) suppression de visite pour 15 jours au plus ;

b) suppression des promenades collectives ;

c) suppression d'achat pour 15 jours au plus ;

d) suppression de l'usage des moyens audiovisuels pour 15 jours au plus ;

e) privation de travail ;

f) placement en cellule forte pour 5 jours au plus ».

Le cumul des sanctions précitées est possible (art. 47 al. 4).

5) En l'espèce, le recourant ne conteste pas avoir frappé l'autre détenu, lui causant des saignements à la tête, dans le cadre d'une bagarre entre eux.

Sous l’angle disciplinaire en régime carcéral, un tel comportement contrevient aux art. 44 et 45 let. h RRIP, sans que l’autorité ait besoin de déterminer plus précisément le rôle de chacun lorsque des détenus se mettent à échanger des coups lors d’une bagarre (ATA/307/2013 du 14 mai 2013 consid. 6).

6) La mesure de privation de travail, avec possibilité de se réinscrire, est proportionnée, le droit d’exercer une activité au sein de la prison impliquant en contrepartie le respect absolu des règles de discipline (ATA/505/2012 du 31 juillet 2012 consid. 4), en particulier l'absence de participation à une bagarre, ce à quoi le recourant s'était du reste engagé en signant sa demande d'obtention d'une place de travail.

Cette mesure respecte le principe de la proportionnalité dès lors que, dans la situation du recourant, même sans indication de durée, elle n’est pas de durée illimitée, celui-ci conservant le droit de s’inscrire à nouveau, de sorte qu’il aura la possibilité de travailler à nouveau en atelier en fonction des disponibilités et de l’ordre de son inscription (ATA/307/2013 précité consid. 8).

Dans ces conditions, les bons antécédents que le recourant invoque ne lui sont d'aucun secours. Ils ne sont au demeurant pas avérés, au regard notamment des insultes et refus d'obtempérer mentionnés dans deux rapports de 2011 et 2012.

7) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée au recourant, qui n'en requiert pas et a vu ses conclusions rejetées (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 juin 2013 par Monsieur A______ contre la décision de la prison de Champ-Dollon du 15 juin 2013 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, ainsi qu'à la prison de Champ-Dollon.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :