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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2024/2011

ATA/344/2012 du 05.06.2012 ( LAVI ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ; AIDE AUX VICTIMES ; VICTIME ; INFRACTION ; AGRESSION ; DOMMAGE ; TORT MORAL ; INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL) ; CAUSALITÉ NATURELLE ; LIEN DE CAUSALITÉ ; CAUSALITÉ ADÉQUATE
Normes : LAVI.46 ; LAVI.48.leta ; RILAVI.1.al1
Résumé : Le comportement pénalement sanctionné de jeunes garçons à l'égard de la recourante, ayant provoqué chez cette dernière deux crises de panique, dont l'une entraînant des lésions en raison d'une chute, suffit pour que la qualité de victime soit reconnue à l'intéressée pour la totalité des faits incriminés. Une éventuelle prédisposition de la victime n'entrave pas le droit de celle-ci à être indemnisée pour lesdits faits. L'indemnité équivaut aux montant des frais médicaux non pris en charge par l'assurance. Octroi d'une indemnité pour tort moral de CHF 1'500.- compte tenu de l'atteinte portée à l'intégrité de la recourante.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2024/2011-LAVI ATA/344/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 juin 2012

2ème section

 

dans la cause

 

Mademoiselle X______, représentée par ses parents, Madame et Monsieur X______
représentés par Me Marco Rossi, avocat

contre

INSTANCE D’INDEMNISATION DE LA LAVI

 



EN FAIT

1. Dès la rentrée scolaire 2008-2009, Mademoiselle X______, née le ______ 1994, a été scolarisée en septième année à l’école B______, sise chemin de C______ à Confignon.

2. Le 5 décembre 2008, elle a eu un malaise à un arrêt de tram. Le service mobile d’urgence et de réanimation (ci-après : SMUR) est alors intervenu, diagnostiquant une attaque de panique avec une brève perte de connaissance. D’après l’intéressée, ces crises avaient commencé à la suite d’un accident qui avait eu lieu plusieurs mois auparavant.

3. Le 9 décembre 2008, la doctoresse Eduna Grandjean a examiné Mlle X______ en rapport avec une suspicion de crise d’épilepsie.

4. Le SMUR a une nouvelle fois pris en charge Mlle X______ le 12 décembre 2008. Lorsqu’il est arrivé à l’école B______, l’intéressée était assise par terre en pleurs. Elle a alors expliqué avoir été poursuivie, menacée de viol et frappée par trois garçons de son école (gifle au visage, coups sur le corps). Elle s’était ensuite réfugiée dans les toilettes où elle avait fait un malaise avec perte de connaissance. Mlle X______ a également rapporté que ces garçons la menaçaient depuis quelques temps, ce dont elle avait déjà parlé à sa famille. Dans ce contexte, le SMUR a fait appel à la police qui s’est rendue sur les lieux.

D’après le diagnostic posé, Mlle X______ avait souffert d’une brève perte de connaissance (syncope), d’une attaque de panique, de plaies et de contusions.

5. L’examen médical, effectué le jour même à l’arrivée de Mlle X______ aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), a mis en évidence un hématome pétéchial d’un centimètre de diamètre au niveau cervical droit, des douleurs à la palpation de la musculature para-lombaire et para-cervicales bilatérale et des côtes, ainsi que des douleurs sans limitation à la mobilisation lombaire et cervicale.

6. Selon certificat médical établi le 18 décembre 2008 par la Dresse Grandjean, les crises de tétanie récentes et répétitives étaient médicalement évocatrices d’un traumatisme psychique. « La suite des événements indiqu[ait] clairement le lien existant entre l’agression et la symptomatologie médicale ».

7. Les 8 et 13 janvier 2009, le docteur Denis Aladjem, pédiatre, a certifié qu’il était nécessaire pour l’équilibre psychologique de Mlle X______ et pour permettre à celle-ci de réintégrer son école, d’éviter tous contacts physique ou verbaux « avec les garçons impliqués dans l’agression ». En cas de crise, elle devait être raccompagnée à son domicile.

8. A partir du 6 février 2009, Mlle X______ a été suivie au centre de consultation pour adolescents Rive Gauche de l’office médico-pédagogique (ci-après : SMP), dont le docteur Serges Djapo Yogwa est le chef de clinique.

9. Par décisions des 22 et 23 avril 2009, le juge des enfants a reconnu coupables :

- Monsieur Y______, de voies de fait (art. 126 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937, CP - RS 311.0) et de menaces (art. 180 CP),

- Messieurs Z______ et A______, de menaces (art. 180 CP),

- Messieurs B______ et C______, d’injures (art. 177 CP).

En résumé, le juge des enfants a retenu les faits suivants : environ trois semaines avant le 12 décembre 2008, M. A______ avait commencé à prononcer des paroles à caractère sexuel à l’encontre Mlle X______, prises au premier degré par cette dernière. Le 12 décembre 2008, MM. Y______, A______, Z______ et D______ avaient embêté Mlle X______, après que le premier lui avait donné une gifle. M. A______ avait prononcé des propos orduriers et menacé Mlle X______ de la violer. Prenant ces menaces au sérieux, elle s’était enfuie. Elle avait été bousculée et poursuivie une première fois, avant d’échapper aux garçons qui l’avaient recherchée et trouvée enfermée dans une cabine des WC filles. Ils lui avaient alors jeté des boules de neige par-dessous la porte. Vu l’absence de réaction de Mlle X______, ils avaient décidé qu’elle boudait. N’imaginant pas qu’elle était inconsciente, ils avaient quitté les lieux sans s’inquiéter. Avant de partir, MM. A______ et/ou D______ avaient essayé de tirer un des pieds de l’intéressée qui dépassait de la porte. En outre, lorsque ces garçons étaient retournés chercher Mlle X______ dans les toilettes, une camarade de celle-ci ayant assisté aux faits n’avait pas osé aller avec eux, de peur qu’ils ne s’en prennent à elle. Les jours suivants, ayant entendu parler des événements, MM. B______ et C______ avaient envoyé des sms injurieux à Mlle X______ en rapport avec les menaces de viol.

10. Par courrier du 27 avril 2009, le juge des enfants a informé le Tribunal de la jeunesse du prononcé des décisions précitées. Il appartenait à ce dernier de prendre toute décision utile concernant M. D______, âgé de plus de quinze ans au moment de faits.

11. Selon certificat médical du 26 juin 2009 du Dr Aladjem, Mlle X______ a présenté à la suite des événements du 12 décembre 2008, des troubles nécessitant des consultations médicales chez les docteurs Alain Juillierat, neurologue, Grandjean et lui-même, ainsi que des interventions du service des urgences de l’hôpital des enfants.

12. Par pli du 25 septembre 2009 de son conseil, Mlle X______ a prié l’avocat de MM. A______, Y______ et B______ de lui indiquer comment ceux-ci entendaient réparer le dommage qu’ils lui avaient causé.

Un courrier au contenu similaire a été adressé aux parents de MM. C______ et Z______.

13. Dans leur réponse du 6 octobre 2009, MM. A______, Y______ et B______ ont rejeté tout lien de causalité entre la pathologie dont souffrait Mlle X______ et les faits du 12 décembre 2008. Cette dernière savait alors qu’ils n’avaient pas l’intention de passer à l’acte.

14. D’après une attestation établie le 25 mai 2010 par la caisse maladie Kolping SA, les frais de maladie de Mlle X______ se sont élevés à CHF 51’814,85 pour la période du 23 septembre 2008 au 25 mai 2010. La caisse les a réglés à hauteur de CHF 38’146,45.

Il ressort du récapitulatif des frais médicaux annexé que les frais d’intervention de l’ambulance, de prise en charge par les HUG des 5 et 12 décembre 2008, ainsi que les frais de médecin consécutifs des 9 et 18 décembre 2008 se sont élevés à un total de CHF 4’813,70 (CHF 678,50 + CHF 349,65 + CHF 606,65 + CHF 29,75 + CHF 871,90 + CHF 606,65 + CHF 205.- + CHF 606.65 + CHF 838.95). La part due par l’assurée était de CHF 1’824,10 (CHF 339,25 + CHF 349,65 + CHF 174,80 + CHF 349,65 + CHF 174,80 + CHF 435,95). Les frais relatifs aux consultations de la Dresse Grandjean se sont montés à CHF 838,95 pour la période du 9 au 18 décembre 2008 et ont été totalement remboursés par l’assurance de Mlle X______. Elle avait déjà été prise en charge par une ambulance en date des 21 septembre et 8 octobre 2008. Des frais d’hôpitaux avaient aussi été facturés en date des 29 avril, 13 juin, 29 septembre, 8, 9 et 13 octobre, ainsi que 3 décembre 2008.

15. Le 10 avril 2010, le Dr Juillierat a certifié que Mlle X______ avait développé des crises de tétanie à la suite des événements du 12 décembre 2008. Elle n’avait jamais présenté de tels épisodes précédemment.

16. Le 15 avril 2010, le Dr Djapo Yogwa a rédigé une attestation à l’attention du conseil de Mlle X______. Les parents de celle-ci avaient mis les symptômes de leur fille en lien avec les faits du 12 décembre 2008. "Il n’y avait pas eu d’agression sexuelle lors de cet incident. Mais un des agresseurs, un certain A______, la harcelait déjà depuis trois mois. Il lui pinçait les fesses, touchait les seins et menaçait de la violer. Il aurait essayé plusieurs fois de la « coincer » dans les toilettes et les escaliers pour l’embrasser sur la bouche. Quelques mois auparavant, une autre fille de cette même école aurait été tabassée par un groupe d’élèves. Mlle X______ aurait eu très peur de représailles au cas où elle révèlerait les harcèlements dont elle était victime. Elle a pour cela gardé le silence sur ces faits jusqu’à son agression de décembre 2008". Il était difficile dans ce cas d’espèce d'établir un lien de causalité direct entre cette situation et les symptômes de Mlle X______. Il n’en demeurait pas moins que cette agression avait participé à la dégradation de son état psychique. Le diagnostic retenu était le suivant : trouble spécifique de la personnalité, sans précision, état de stress post-traumatique et convulsions dissociatives.

17. Le Dr Djapo Yogwa a confirmé au conseil précité le 27 avril 2010 que les symptômes de Mlle X______ étaient secondaires à l’agression que celle-ci avait subie.

18. Le 9 août 2010, Mlle X______ a formé une requête en indemnisation auprès de l’instance d’indemnisation de la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infraction (ci-après : instance LAVI), concluant au versement de la somme de CHF 36’484,50 au titre de remboursement des frais médicaux à sa charge, ainsi que de CHF 70’000.- à titre de réparation du tort moral.

Elle remplissait les conditions de victime au sens de l’art. 2 de la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions du 4 octobre 1991 dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2008 (aLAVI, abrogée par la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions du 23 mars 2007, LAVI - RS 312.5) et, en tant que telle, bénéficiait du droit de solliciter une aide. L’action était déposée en temps utile et devant l’instance compétente, étant donné le lieu et le moment des faits réprimés pénalement. Elle n’avait reçu aucune réparation de son dommage. Le lien de causalité entre l’infraction et son dommage avait été médicalement établi. Vu l’importance et les répercussions des lésions subies ayant impliqué qu’elle quitte l’école, une indemnité pour tort moral se justifiait également.

19. Le lendemain, Madame et Monsieur X______, parents de l’intéressée ont également déposé une demande d’indemnisation auprès de l’instance LAVI tendant au remboursement de CHF 5’582,55 au titre de frais de thérapie et au paiement de CHF 50’000.- à titre de réparation du tort moral.

20. Le 5 octobre 2010, l’instance LAVI a entendu les parents de Mlle X______.

Selon M. X______, les symptômes des crises de sa fille avaient récemment évolué. Les médecins soupçonnaient désormais qu’elle soit épileptique. La première crise avait eu lieu lorsque sa fille avait été menacée à l’école avant son agression. Ayant honte de parler de celle-ci, sa fille avait initialement prétexté un mal de dos, puis une allergie au gluten afin de rentrer déjeuner au domicile familial. Les raisons de ces crises pouvant survenir à tout instant étaient inconnues. Mlle X______ en faisait désormais plusieurs par jour.

Mme X______ a confirmé que sa fille avait toujours des crises. D’après les médecins, cela pouvait durer encore plusieurs années. Sa fille ne pouvait plus faire de sport et se sentait isolée. Comme elle en avait eu une lors de l’examen d’entrée au collège, le directeur l’avait refusée. Mlle X______ avait perdu deux années scolaires. En 2008, Mme X______ était employée par la société E______ S.à r.l. comme directrice pour toute la Suisse. Depuis l’agression de sa fille, sa vie avait été bouleversée car elle était appelée à tout moment pour aller la chercher. Elle avait intenté une procédure prud’homale à l’encontre de son ancien employeur et obtenu gain de cause. Elle-même n’était plus suivie par un psychologue et cherchait un nouveau travail. Pendant son traitement, l'assurance-maladie l’avait prise en charge pendant 720 jours. Son ancien employeur avait toutefois perçu les indemnités maladie à sa place, raison pour laquelle elle avait engagé une procédure pénale à l’encontre de celui-ci. Il lui était arrivé de se retrouver au domicile familial avec deux ambulances, une pour sa fille faisant une crise et une pour son mari se trouvant en état d’hypoglycémie.

Au terme de l’audience, les parents de Mlle X______ ont accepté de délier du secret médical tous les médecins et la psychologue de leur fille.

21. Le 7 décembre 2010, l’instance LAVI a entendu les docteurs Aladjem, Marianne Caflisch et Juillierat en présence des parents de Mlle X______ et de leur mandataire.

a. Le Dr Aladjem suivait Mlle X______ depuis l’automne 2008. Elle était venue le consulter à la suite des événements du 12 décembre 2008. Mlle X______ souffrait d’une hystérie, qu’il décrivait comme une manifestation physique d’un stress d’origine psychologique. Seule la cause psychologique pouvait être traitée, et non pas les symptômes comme la tétanie. Il ne se souvenait pas d’un accident antérieur et avait seulement noté une petite traumatologie normale. Les crises étaient moins fréquentes et Mlle X______ avaient appris à anticiper les situations qui la mettaient dans cet état. Collaborant avec la doctoresse Caflisch qui intervenait d’un point de vue psychanalytique, il assurait une prise en charge comportementaliste. Il avait espéré que Mlle X______ puisse continuer à aller à l’école, ce qui n’avait pas été possible car celle-ci avait l’impression de voir ses agresseurs partout. Il avait fallu du temps afin de lui trouver un nouveau projet, une nouvelle activité. Durant l’adolescence, des pulsions que l’enfant ne connaissait pas et qui pouvaient être source d’angoisses émergeaient. En l’occurrence, l’important était la manière dont Mlle X______ avait perçu les événements du 12 décembre 2008 et non pas ce qui s’était réellement passé. D’après lui, une chute antérieure ne pouvait provoquer les symptômes en question. Ils étaient sans doute apparus à la suite d’une prédisposition, d’antécédents ou d’un terrain favorable. A sa connaissance, lorsque Mlle X______ l’avait consulté pour la première fois, elle ne prenait pas de médicaments. Les crises de sa patiente étaient secondaires à l’agression de celle-ci. Personne ne lui avait parlé de tétanies intervenues avant le 12 décembre 2008. Le cas de Mlle X______ représentait un "tableau clinique connu, décrit et qu’on ne rencontre pas inhabituellement, mais pas dans cette intensité". D’une manière générale, les patients qui connaissaient ce genre de symptômes s’en remettaient plus vite que l’intéressée.

b. Le Dresse Caflisch travaillait à l’hôpital des enfants et s’était occupée de la supervision du suivi du dossier de Mlle X______. La Dresse Caflisch l’avait auscultée deux fois. Mlle X______ était une « fille très vulnérable avec une fragilité personnelle, et une hypersensibilité par rapport à ce qu’il s’est passé ». La patiente avait une expression hystériforme qui faisait partie de sa personnalité préexistante. Il s’agissait d’un stress psychologique majeur. Le seul suivi psychologique régulier dont Mlle X______ avait bénéficié, avait duré environ trois mois en 2009 auprès de la doctoresse Ariane Serex, psychologue. La sensation de danger avait déclenché les crises de tétanie de Mlle X______. Comme elle était en pleine puberté au moment des faits, elle avait vécu la réaction des garçons de façon stressante. Ce type de crise pouvait se produire à tout âge, à partir de 10 ans. La crise constituait la manifestation d’une angoisse liée à quelque chose de réel ou d’irréel. Celles de Mlle X______ étaient apparues dès le 3 décembre 2008 et leur ampleur était anormale. Le traumatisme physique résultant d’une chute au mois de septembre 2008 avait été soigné et ne pouvait expliquer les crises ultérieures. Lors de chacun de ses passages aux urgences, Mlle X______ recevait des médicaments, tels que du magnésium et du calcium, et n’en prenait pas avant le mois de décembre 2008. Le cas de cette patiente n’était pas unique. Elle ne pouvait pas dire si cet événement à l’école pouvait rappeler à Mlle X______ un événement du passé. Il serait difficile à celle-ci d’avoir une scolarité normale, mais elle avait les capacités d’avoir une activité professionnelle.

c. Le Dr Juillierat avait ausculté Mlle X______ pour la première fois le 9 janvier 2009 au domicile familial, à la demande des parents. Puis, il l’avait revue à son cabinet et l’avait adressée à la Dresse Grandjean. Son certificat médical du 20 avril 2010 était fondé sur les informations reçues d’autres personnes, notamment de la Dresse Grandjean. Ce genre d’épisodes était rare, dès lors qu’il n’avait pas une grande expérience dans ce domaine. Une hospitalisation n’était pas nécessaire et il n’y avait pas d’atteinte physique.

22. Le 9 décembre 2010, l’instance LAVI a demandé au SMP la production du dossier de Mlle X______.

23. Le 12 janvier 2011, les époux X______ ont adressé à l’instance LAVI le rapport d’une imagerie par résonance magnétique (ci-après : IRM) cérébrale du 20 septembre 2010 établi par le Docteur Hasan Yilmaz, spécialiste FMH en radiologie, confirmant que leur fille ne souffrait d’aucun traumatisme crânien. Le traumatisme au dos dont celle-ci s’était plainte, n’était qu’« une excuse pour éviter la confrontation avec son agresseur initial », comme l’allergie au gluten prétextée. Mlle X______ avait consulté le Dr Aladjem pendant les six premiers mois après les événements du 12 décembre 2008, puis la Dresse Serex du mois d’avril 2009 à mai 2010. Par la suite, la Dresse Serex ayant cessé ses activités au SMP, le Dr Aladjem avait continué le suivi à partir du mois de juin 2010. En décembre 2009, Mlle X______ avait été hospitalisée pendant un mois aux HUG.

La conclusion du rapport d’IRM précité était la suivante : « IRM cérébrale avec angio-IRM intracrânienne n’objectivant pas d’atteinte parenchymateuse ou vasculaire suspecte. Pas de prise de contraste pathologique. Absence d’anomalie temporo-mésiale ou corticale sur l’ensemble de l’examen ».

24. Par courrier du 2 février 2011, le Dr Djapo Yogwa a informé l’instance LAVI que seule la Dresse Serex avait été déliée du secret médical par les parents de Mlle X______.

25. Sur ce point, ces derniers ont précisé le 10 février 2011 à l’instance LAVI que le Dr Djapo Yogwa n’avait rencontré Mlle X______ qu’à deux reprises, de sorte qu’il ne pouvait apporter de réponse objective. Ils souhaitaient garder privées les séances de thérapie familiale qu’ils avaient eues avec le Docteur Denis Matthey.

26. Le 15 février 2011, l’instance LAVI a écrit au conseil des époux X______ qu’elle n’avait pu avoir accès au dossier médical de leur fille, faute de levée du secret médical. Elle considérait donc l’instruction achevée, un ultime délai pour déposer d’éventuelles observations leur étant accordé.

27. Sous la plume de son conseil, Mlle X______ a répondu le 15 mars 2011 qu’elle persistait dans ses conclusions. Le lien de causalité entre l’origine de son traumatisme et les infractions subies avait été établi. Pour le surplus, elle sollicitait l’audition de la Dresse Serex.

28. En date du 19 avril 2011, l’instance LAVI a entendu la Dresse Serex en présence des parents de Mlle X______ et de leur conseil.

La Dresse Serex, déliée de son secret de fonction, avait suivi Mlle X______ de février 2009 à mai 2010, de façon irrégulière compte tenu des crises de celle-ci et de la maladie de M. X______. Ce suivi avait constitué un soutien pour la patiente, mais ne pouvait être qualifié de travail thérapeutique. Enfant, Mlle X______ avait également été suivie. Elle était devenue fragile quand son père avait appris qu’il était diabétique. Les événements du 12 décembre 2008 avaient certainement contribué à la péjoration de son état psychique. Mlle X______ était la seule patiente qu’elle avait vu faire ce type de crises. Elle ne savait pas si l’intéressée en avait eu d’autres avant l’agression. Plusieurs services étatiques s'étaient mobilisés, ce qui avait amélioré la situation de Mlle X______. Celle-ci avait interrompu sa prise en charge lorsqu'elle-même avait quitté le SMP en 2010. Le contenu des entretiens qu’elle avait eus avec sa patiente ne pouvait être dévoilé. Elle confirmait toutefois que des événements passés avaient amené Mlle X______ à une réaction extrême lors de l’agression subie en 2008. L’origine de ces crises ne pouvait pas être déterminée.

29. Par ordonnance n° 2010/3022 du 27 mai 2011, l’instance LAVI a rejeté la demande d’indemnisation de Mlle X______.

Il n’y avait pas de lien de causalité naturelle et adéquate entre le comportement des garçons condamnés et la réaction de Mlle X______. Il avait notamment été établi par le juge des enfants que les douleurs et ecchymoses constatés le 12 décembre 2008 sur l’intéressée étaient une conséquence de sa chute dans les toilettes et non le fait des garçons, seule une gifle n'ayant pas laissé de trace visible et des bousculades ayant été retenues. L’instance LAVI avait la conviction que la cause des crises de tétanie de Mlle X______ était antérieure au 12 décembre 2008 et que le traumatisme occasionné par ces événements aurait dû être surmonté au plus tard après quelques jours, voire quelques semaines. Au vu du peu de gravité des faits, de la fragilité préexistante de Mlle X______ et de l’apparition de ses crises de tétanie avant le 12 décembre 2008, la relation de causalité naturelle et adéquate entre les faits et l’atteinte alléguée devait être niée.

30. En date du 31 mai 2011, l’instance LAVI a également rejeté la demande en indemnisation des époux X______ (ordonnance n° 2010/3025-26).

31. Par acte du 30 juin 2011, Mlle X______ a recouru contre l’ordonnance la concernant auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant, principalement, à l’annulation de celle-ci et au renvoi du dossier à l’instance LAVI en vue d’une nouvelle décision. Subsidiairement, elle a demandé l’annulation de l’ordonnance attaquée, l’allocation d’une indemnité de CHF 36’484,50, réservant le dommage concernant les frais médicaux postérieurs au dépôt de sa demande d’indemnisation du 9 août 2010, ainsi que l’octroi d’une indemnité de CHF 70’000.- à titre de réparation du tort moral, sous suite de frais et dépens.

L’art. 2 aLAVI avait été violé, l’instance LAVI ayant procédé à une appréciation arbitraire des faits et des preuves. Ses crises de tétanie trouvaient leur origine dans l’agression subie, le comportement délictueux de l’un des agresseurs ayant débuté trois semaines avant cet événement. Par honte, elle n’avait pas fait état plus tôt de l’attitude de M. A______ à son égard. Il existait un lien de causalité naturelle entre l’infraction commise et l’atteinte subie. La gravité particulière des crises ne pouvait exclure un lien de causalité adéquate, son cas n’étant pas unique.

32. Dans ces observations du 21 juillet 2011, l’instance LAVI a conclu au rejet du recours, maintenant intégralement son ordonnance du 27 mai 2011.

33. Par décision du 16 août 2011, M. X______ a été mis au bénéfice de l’assistance juridique avec effet au 27 juin 2011 dans le cadre de la présente procédure, ainsi que dans celle visant le recours qu'il avait interjeté avec son épouse le 30 juin 2011 (cause n° A/2025/2011).

34. Le 14 septembre 2011, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. L’aLAVI a été abrogée à la suite de l’entrée en vigueur de la LAVI (art. 46 LAVI). L’ancien droit reste toutefois applicable aux requêtes déposées pour des faits qui se sont déroulés avant l’entrée en vigueur de la novelle (art. 48 let. a LAVI). L’aLAVI dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2008 est donc applicable au cas d’espèce (ATA/33/2009 du 20 janvier 2009).

3. Entrée en vigueur le 1er janvier 1993, l’aLAVI a été adoptée pour assurer aux victimes une réparation effective et suffisante dans un délai raisonnable (Message du Conseil fédéral concernant l’aLAVI du 25 avril 1990, FF 1990, vol. II pp. 909 ss, not. 923 ss).

L’instance statue sur les demandes d’indemnisation au sens des art. 11 à 17 aLAVI (indemnisation et réparation morale, art. 1 al. 1 RILAVI).

4. Bénéficie des prestations d’aide accordées par l’art. 1 al. 2 aLAVI, toute personne qui a subi, du fait d’une infraction, une atteinte directe à son intégrité corporelle, sexuelle ou psychique (victime), que l’auteur ait été ou non découvert ou que le comportement de celui-ci soit ou non fautif (art. 2 al. 1 aLAVI).

La reconnaissance de la qualité de victime au sens de l’aLAVI dépend de savoir, d’une part, si la personne concernée a subi une atteinte à son intégrité physique, psychique ou sexuelle et, d’autre part, si cette atteinte a été directement causée par une infraction. La qualité de victime de la LAVI ne se confond donc pas avec celle de lésé, dès lors que certaines infractions n’entraînent pas d’atteintes à l’intégrité physique, psychique ou sexuelle (ATF 120 Ia 157, 162 ss).

Comme l’art. 2 al. 1 aLAVI exige expressément que l’atteinte soit directe et, que, par ailleurs, l’aLAVI accorde à la victime divers droits et garanties dans la procédure pénale, il faut en conclure, en vertu de l’interprétation littérale et systématique de la loi, qu’un lien de causalité qualifié doit exister entre l’infraction en cause et le dommage subi par la victime. Toute personne subissant les conséquences de l’infraction n’est donc pas une victime au sens de l’aLAVI. Pour pouvoir se prévaloir de cette qualité, la personne alléguant un dommage doit avoir été, d’un point de vue objectif, directement visée par l’infraction en cause (ATA/174/1997 du 11 mars 1997, et les références citées).

5. En l’espèce, la recourante a été directement visée par les actes de ses agresseurs. Le comportement de ces derniers à son égard a été pénalement sanctionné par le juge des enfants, qui a reconnu cinq des six garçons concernés coupables de voies de fait, de menaces et/ou d’injures, sur la personne de la recourante.

L’agression du 12 décembre 2008 a eu pour effet de provoquer chez l’intéressée une crise de panique avec une perte de connaissance, engendrant une chute. Le SMUR, qui l’a prise en charge le jour-même, a constaté qu’elle souffrait de plaies et de contusions. L’examen médical effectué ensuite par les HUG a confirmé l’existence d’un hématome pétéchial au niveau cervical, ainsi que de douleurs aux niveaux lombaire et cervical. Les médecins traitant de la recourante se sont également accordés à dire que cette crise était consécutive à l’agression.

Par ailleurs, le juge des enfants a aussi retenu que les agissements de l’un des garçons visés avaient commencé environ trois semaines avant l’agression susmentionnée. La recourante les subissait donc déjà lorsqu’elle a eu un malaise le 5 décembre 2008.

Au vu de ce qui précède, la crise de panique générée par le comportement des garçons le 12 décembre 2008, a effectivement provoqué la chute de la recourante et les contusions qui en ont résulté. Quant à celle du 5 décembre 2008, force est de constater qu’elle s’inscrit dans la période durant laquelle l’un d’entre eux l’importunait déjà. L’état de santé préexistant de l’intéressée n’a donc aucune incidence sur sa qualité de victime. Bien qu’elle n’ait pu prendre part en tant que partie à la procédure pénale - non contradictoire -, la recourante dispose de la qualité de victime au sens de l’aLAVI pour la totalité des faits reprochés pénalement, soit pour ceux qui se sont déroulés entre mi-novembre et le 12 décembre 2008.

6. La recourante conclut à l’allocation d’une indemnité de CHF 36’484,50 à titre de remboursement des frais médicaux, ainsi qu’à une indemnité de CHF 70’000.- à titre de réparation du tort moral. Elle demande aussi que le dommage concernant les frais médicaux postérieurs au dépôt de la demande du 9 août 2010 soit réservé.

7. a. Selon l’art. 12 al. 1 aLAVI, la victime a droit à une indemnité pour le dommage qu’elle a subi. En mettant en place le système de dédommagement prévu par l’aLAVI, le législateur n’a cependant pas voulu assurer à la victime une réparation pleine, entière et inconditionnelle de ce dommage. L’indemnisation fondée sur la LAVI a au contraire pour but de combler les lacunes du droit positif, afin d’éviter que la victime supporte seule son dommage lorsque l’auteur de l’infraction est inconnu ou en fuite, lorsqu’il est insolvable, voire incapable de discernement (ATF 125 II 169, consid. 2b, p. 173-174, et les références citées). Le législateur délégué a ainsi fixé une limite de revenu au-delà de laquelle aucune indemnité n’est versée (art. 3 al. 2 de l’ancienne ordonnance sur l’aide aux victimes d’infractions du 18 novembre 1992 - aOAVI) ; tel est le cas si les revenus de la victime, calculés selon les critères posés à l’art. 11 de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30), dépassent le quadruple du montant destiné à la couverture des besoins vitaux fixés par l’art. 10 LPC. Lorsque les revenus de la victime couvrent ses besoins vitaux sans dépasser le montant-plafond, l’indemnité sera partielle, ne couvrant qu’une proportion du dommage (art. 3 al. 3 aOAVI). Ce n’est que si les revenus déterminants ne couvrent pas les besoins vitaux que l’indemnité couvre intégralement le dommage (art. 3 al. 1 aOAVI).

Seul un dommage qui se trouve en relation de causalité adéquate avec l’infraction est de nature à justifier l’octroi d’une indemnité au titre de la LAVI (Arrêt du Tribunal fédéral 1A.252/2000 du 8 décembre 2000, consid. 2b, et les références citées). Le dommage allégué doit ainsi être la conséquence directe de l’acte illicite. Autrement dit, il doit exister un rapport de cause à effet, appelé causalité naturelle, entre l’acte illicite et le préjudice subi par le lésé. Lorsque la relation de causalité naturelle ainsi définie est reconnue, il convient de se demander si le fait générateur de responsabilité a le caractère d’une cause adéquate, à savoir si ce fait était propre, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s’est produit. Il faut néanmoins que l’infraction soit la cause directe du dommage, tel n’étant pas le cas lorsque d’autres circonstances sont à l’origine de celui-ci (C. MIZEL, La qualité de victime LAVI et la mesure actuelle des droits qui en découlent, JT 2003 IV 38, pp. 89-90). La causalité adéquate sera admise même si le comportement de l’auteur n’est pas la cause directe ou unique du résultat (ATF 131 IV 145 consid. 5.2). Peu importe que le résultat soit dû à d’autres causes, notamment à l’état de la victime, à son comportement ou à celui de tiers (P. GRAVEN, L’infraction pénale punissable, 2ème éd., Berne 1995, p. 92). Il n’y aura rupture du lien de causalité adéquate, l’enchaînement des faits perdant alors sa portée juridique, que si une autre cause concomitante, par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou d’un tiers, constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l’on ne pouvait pas s’y attendre. L’imprévisibilité d’un acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte ait une importance telle qu’il s’impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l’événement considéré, reléguant à l’arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l’amener, et notamment le comportement de l’auteur (ATF 122 IV 17 consid. 2c/bb p. 23, et les arrêts cités). Un état de santé déficient ou une prédisposition chez la victime ne constitue pas une circonstance propre à rompre le lien de causalité (ATF 131 IV 145 consid. 5.3).

b. L’indemnité a un caractère subsidiaire (art. 14 LAVI). L’Etat ne doit intervenir que dans la mesure où l’auteur de l’infraction ou les assurances sociales ou privées ne réparent pas effectivement, rapidement et de manière suffisante le dommage subi (FF 1990 II 923-924). Les prestations versées par des tiers doivent être déduites du montant alloué par l’instance LAVI, et ce, même si elles ne sont pas destinées à couvrir le même poste du dommage (ATF 129 II 145 consid. 3.4 p. 154 ss). La victime doit ainsi rendre vraisemblable qu’elle ne peut rien recevoir de tiers ou qu’elle ne peut en recevoir que des montants insuffisants (art. 1 OAVI ; ATF 125 II 169, consid. 2cc, p. 175). En particulier, il doit être tenu compte de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI) versée par l’assureur de la loi fédérale sur l’assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.182/2007 du 28 novembre 2007 ; ATF 125 II 169, consid. 2cc, p. 175). L’IPAI comporte donc, au moins pour partie, un élément de réparation morale, ce qu’une partie de la doctrine et les commentateurs de la LAVI admettent (ATF 125 II 169, p. 176, et les références citées).

c. En l’occurrence, la qualité de victime a été reconnue à la recourante par rapport aux menaces dont elle a été victime depuis la mi-novembre 2008 et à son agression du 12 décembre 2008, de sorte qu’elle a droit à une indemnisation dont l’étendue reste à déterminer. Le fait que cette dernière ait une prédisposition n’entrave pas son droit à être indemnisée pour les atteintes consécutives aux infractions commises à son encontre. Si les lésions dont elle a souffert ne sont pas directement le résultat d’actes de violence commis par les agresseurs, elles découlent des troubles qu’elle a subis pendant cette période et les quelques jours qui ont suivi.

En revanche, il n’est pas établi que les crises et autres troubles ayant eu lieu avant et après les faits pénalement retenus soient en lien de causalité avec ceux-ci. La recourante avait déjà été prise en charge par des ambulances et les HUG, bien avant son agression. Celle-ci ne représente donc pas l’élément constitutif des crises, mais seulement l’élément déclencheur de l’une d’elles.

Dans ces circonstances, seuls les frais médicaux relatifs aux crises et aux interventions des 5 et 12 décembre 2008 doivent être pris en considération. Déduction faite de la part prise en charge par l’assurance de la recourante, ils s’élèvent à CHF 1’824,10 selon les éléments du dossier.

Une indemnité de CHF 1’824,10 devra donc être versée à la recourante par l'intimée à titre de remboursement des frais médicaux, à l’exclusion de tout autre.

8. a. A teneur de l’art. 12 al. 2 aLAVI, une somme peut être versée à la victime à titre de réparation morale, indépendamment de son revenu, lorsqu’elle a subi une atteinte grave et que des circonstances particulières le justifient. La formule prévue par l’art. 12 al. 2 aLAVI pour la réparation morale laisse une marge d’appréciation à l’autorité. La réparation morale n’est pas un droit, à la différence de l’indemnité. Elle peut donc s’ajouter à l’indemnité ou être accordée dans des cas où aucune indemnité n’est versée. Elle ne fait pas partie de l’indemnisation. La limitation en matière de revenu à laquelle cette dernière est soumise ne lui est donc pas applicable. La situation financière de la victime ne sera toutefois pas sans importance. La réparation morale doit permettre d’atténuer certaines rigueurs découlant de l’application des dispositions concernant l’indemnité, en particulier du plafond des ressources. On pourra ainsi tenir compte des cas dans lesquels le dommage matériel n’est pas important, mais dans lesquels le versement d’une somme d’argent, à titre de réparation morale, se justifie, par exemple en cas d’infraction d’ordre sexuel. Le montant alloué à titre de réparation morale n’est pas limité. Toutefois, le maximum fixé par le Conseil fédéral (art. 4 al. 1 aOAVI) pour les indemnités devra aussi servir de ligne directrice pour la somme allouée à titre de réparation morale (Message du Conseil fédéral, FF 1990, Vol. II p. 939 ; RDAF 1999 p. 79).

b. En sus de la jurisprudence rendue en la matière et vu l’art. 12 al. 2 aLAVI, pour l’essentiel analogue à l’art. 49 CO et poursuivant le même but que celui-ci, la chambre administrative se fondera également sur la jurisprudence rendue en matière d’indemnisation du tort moral sur la base de l’art. 49 CO (SJ 2003 II p. 27). Cette référence au droit civil se justifie d’autant plus qu’elle a été expressément prévue par le Conseil fédéral (Message précité, page 939/940).

c. L’ampleur de la réparation dépend avant tout de la gravité de l’atteinte - ou plus exactement de la gravité de la souffrance ayant résulté de cette atteinte, car celle-ci, quoique grave, peut n’avoir que des répercussions psychiques modestes, suivant les circonstances - et de la possibilité d’adoucir la douleur morale de manière sensible, par le versement d’une somme d’argent (SJ 2003 II précitée p. 3 ; ATF 115 II 158 consid. 2, et les références citées ; H. DESCHENAUX / P. H. STEINAUER, Personnes physiques et tutelle, 2ème éd. p. 161 n° 624). Sa détermination relève du pouvoir d’appréciation du juge (ATF 117 II 60 ; 116 II 299, consid. 5a).

d. En raison de sa nature, elle échappe à toute fixation selon des critères mathématiques (ATF 118 II 410-413 ; 117 II 60 consid. 4a, et les références citées ; 116 II 736 consid. 4g). L’indemnité pour tort moral est destinée à réparer un dommage qui, par sa nature même, ne peut que difficilement être réduit à une somme d’argent. C’est pourquoi, son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites. Néanmoins, l’indemnité allouée doit être équitable. Le juge en fixera donc le montant proportionnellement à la gravité de l’atteinte et évitera que la somme accordée n’apparaisse dérisoire à la victime. S’il s’inspire de certains précédents, il veillera à les adapter aux circonstances actuelles (ATF 118 II 410 ss ; 89 II 25-26).

e. La chambre de céans, quant à elle, a jugé qu’une indemnité de CHF 1’000.- était conforme à la loi, s’agissant du cas d’un médecin qui, suite à une agression – qu’il avait, par des propos injurieux, partiellement provoquée, présentait un hématome à l’œil droit, une fracture temporale droite et une contusion intra-axiale en regard du pallidum gauche et également temporale gauche en relation avec des lésions dues au contrecoup, et était désorienté dans le temps et l’espace (ATA/20/2003 du 14 janvier 2003).

Une indemnité pour réparation morale de CHF 5’000.- a été accordée à un père de famille hospitalisé en raison d’un empoisonnement lors d’un brigandage (ATA/397/2010 du 8 juin 2010). Un montant de CHF 6’000.- a également été octroyé dans le cas d’une agression ayant entraîné des lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 CP ; ATA/139/2010 du 2 mars 2010). Des montants plus élevés ont parfois été alloués par les instances d’indemnisation avec l’aval des juridictions de recours pour des infractions plus graves. Ainsi, l’allocation d’un montant de CHF 10’000.- a été reconnue comme adéquate par la chambre de céans dans un cas d’agressions multiples avec lésions corporelles dans un cadre familial (ATA/110/2008 du 11 mars 2008) ou dans celui d’une double agression avec acte de contrainte sexuelle (ATA/11/2009 du 13 janvier 2009).

De même, CHF 15’000.- à CHF 20’000.- ont été alloués à des victimes pour des faits plus graves de viol ou d’agressions sexuelles (Arrêt du Tribunal fédéral 6P.1/2007 du 30 mars 2007, et la jurisprudence citée ; ATA/12/2009 du 13 janvier 2009). Finalement, une épouse a été indemnisée à hauteur de CHF 50’000.- pour le tort moral subi en raison du décès de son mari à la suite d’une agression (ATA/69/2007 du 6 février 2007).

9. En l’espèce, la recourante a subi des atteintes à son intégrité à la suite de des comportements pénalement répréhensibles dont elle a été victime non seulement le 12 décembre 2008, mais également pendant les trois semaines précédentes. Le lien de causalité entre ces événements et son état de santé durant cette période a été établi. Le fait que le juge des enfants ait retenu que les auteurs n'avaient pas l'intention de porter une atteinte durable à la recourante, n'empêche pas que celle-ci ait souffert de la crainte et de la douleur causées par leur comportement.

Au vu des principes sus rappelés, il se justifie d’accorder à la recourante une indemnité pour tort moral de CHF 1’500.-, à charge de l'instance LAVI.

10. Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis.

Aucun émolument ne sera mis à charge de la recourante, la procédure étant gratuite (art. 16 al. 1 aLAVI). Une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée à la recourante, à la charge de l’Etat de Genève (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 juin 2011 par Mademoiselle X______, représentée par ses parents, Madame et Monsieur X______, contre l'ordonnance de l’instance d’indemnisation de la LAVI du 27 mai 2011 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule l’ordonnance de l’instance d’indemnisation LAVI du 27 mai 2011 ;

octroie à Mademoiselle X______, une somme de CHF 1’824,10 à titre de remboursement des frais médicaux, à la charge de l'instance d'indemnisation de la LAVI ;

octroie à Mademoiselle X______, une somme de CHF 1’500.- à titre d’indemnité pour tort moral, à la charge de l'instance d'indemnisation de la LAVI ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à la recourante, à la charge de l’Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marco Rossi, avocat de Mademoiselle X______, représentée par ses parents, Madame et Monsieur X______, ainsi qu’à l’instance d’indemnisation de la LAVI.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Derpich

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :