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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3644/2013

ATA/337/2014 du 13.05.2014 ( DIV ) , REJETE

Descripteurs : PROCÉDURE ; TYPE DE RECOURS ; CODE DE PROCÉDURE PÉNALE SUISSE ; LOI SUR LA POLICE ; POLICE
Normes : LPol.22D ; LPol.3.al1 ; RPSS.42 ; RTP.12
Résumé : Demande d'octroi d'une indemnisation suite à intervention de la police. In casu la demande d'indemnisation étant consécutive à une intervention policière faisant suite à la dénonciation d'une infraction sanctionnable pénalement, elle ressort de la procédure pénale. C'est ainsi à juste titre que l'autorité administrative inférieure a déclaré la demande irrecevable. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3644/2013-DIV ATA/337/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 mai 2014

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Pierre Bayenet, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ ET DE L'ÉCONOMIE



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1983 à Genève, ressortissant portugais, réside dans cette ville.

2) Le 10 mai 2012, vers 21h00, le centre d'engagement de coordination et d'alarmes de la police genevoise (ci-après : CECAL) a demandé à des patrouilles d'intervenir à la rue de Zurich. Un individu tirait avec ce qui semblait être un pistolet à plomb. Le CECAL a ensuite signalé que l'individu tentait de pénétrer dans l'appartement du locataire qui avait averti la police. Deux équipes de la brigade anti-criminalité constituées au total de sept agents (ci-après : les policiers) se sont rendues sur place.

Là, à la terrasse d'un café, les policiers se sont vu désigner M. A______ et Monsieur B______ comme étant les personnes à l'origine de l'incident. Les policiers les ont reconnus, s'étant déjà occupés des deux hommes pour des faits similaires le 3 mai 2012. Ils ont voulu procéder à un contrôle d'identité. La présentation par M. A______ et M. B______ de leur pièce d'identité a pris du temps, ces derniers étant sous l'emprise de l'alcool. Ils invectivaient et insultaient les policiers. M. A______ a longuement refusé de présenter ses papiers. A la suite du contrôle, n’ayant pas trouvé de pistolet à plomb, les policiers ont demandé à M. A______ et M. B______ de quitter les lieux et d'aller se coucher.

M. A______ est ensuite revenu à la terrasse du café. Les policiers l'ont alors menotté pour l'emmener au poste de police. M. A______ s'est débattu. M. B______ s'est approché. Les policiers ont repoussé ce dernier. Il s'est alors ensuivi un échange de coups entre les policiers, d'un côté, M. A______ et M. B______, de l'autre. Trois policiers, de même que M. A______ et M. B______, ont été blessés dans l'incident.

Les policiers ont alors emmené M. A______ et M. B______ au poste de police.

3) Le 11 mai 2012, les Hôpitaux universitaires de Genève ont établi un constat médical après examen de M. A______. Il souffrait de tuméfaction au visage, de contusions à l'épaule, au coude et au pied et d'une fracture de la cheville gauche.

4) Le 24 mai 2012, M. A______ a déposé plainte contre la police. En date du 10 mai 2012, cette dernière avait exercé des actes de violence illicite à son encontre et l'avait conduit au poste de police sans que les circonstances le justifient. Il avait subi des lésions corporelles.

5) Le 29 mai 2012, M. A______ a adressé au Conseiller d’Etat en charge du département de la sécurité, devenu depuis lors le département de la sécurité et de l’économie (ci-après : le département), un courrier pour demander l'octroi d'une indemnisation au sens de la loi sur la police du 27 octobre 1957 (LPol - F 1 05). Cette demande impliquait préalablement une décision suite aux actes matériels de la police du 10 mai 2012.

6) Le 31 mai 2012, par ordonnance pénale du Ministère public, M. A______ a été déclaré coupable de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires pour avoir insulté les policiers le 10 mai 2012. M. A______ s'est opposé à cette ordonnance pénale.

7) Par décision du 11 octobre 2013, notifiée le 14 octobre 2013, le Conseiller d'Etat en charge du département a déclaré irrecevable la demande de M. A______, dans la mesure où l'intervention des policiers du 10 mai 2012 (ci-après : l'intervention) était soumise au Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0).

L'intervention pouvait faire l'objet d'une demande de décision écrite adressée au département, sauf si elle était soumise au CPP. Or, l'examen du contrôle d'identité et l'injonction de quitter les lieux relevaient du CPP.

En effet, elle se basait sur le règlement sur la propreté, la salubrité et la sécurité publiques du 17 juin 1955 (RPSS - F 3 15.04) qui interdisait notamment d'employer des armes à air comprimé dans les lieux accessibles au public. Dans ce cadre, les policiers devaient identifier l'auteur avant de le mettre éventuellement en contravention.

8) Le 11 novembre 2013, le Ministère public a classé la procédure pénale dirigée contre les policiers.

M. A______ a recouru contre cette ordonnance de classement.

9) Le 13 novembre 2013, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du département du 11 octobre 2013. L'intervention pouvait faire l'objet d'une demande de décision écrite, et d'une demande d'indemnisation. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée au Conseil d'Etat pour qu'il octroie une indemnité de CHF 5'000.- à M. A______ pour tort moral.

Les policiers étaient intervenus pour un tir avec un pistolet à billes. Un tel comportement ne tombait sous aucune disposition pénale, mais était soumis à la législation administrative cantonale. Le contrôle d'identité était un acte matériel qui pouvait faire l'objet d'une décision du Conseiller d'Etat.

L'interpellation et la conduite au poste de police dépendait également du droit administratif cantonal. Le comportement de M. A______ n'était pas constitutif d'un empêchement d'accomplir un acte officiel qui relevait, lui, du droit pénal.

En outre, les infractions pénales étaient postérieures à l'intervention querellée de la police. Par contre, aucune charge n'avait été retenue contre les faits antérieurs.

Les brutalités de la police alléguées par M. A______ n'entraient pas dans les mesures de contraintes permises par le CPP.

10) Le 13 décembre 2014, le département a conclu au rejet du recours.

L'intervention du 10 mai 2012 se fondait sur des infractions contenues dans le règlement concernant la tranquillité publique du 8 août 1956 (RTP - F 3 10.03) et le RPSS. Elles étaient punies d'amendes pénales. Les contrôles d'identité avaient été faits afin d'éventuellement mettre en contravention M. A______ et M. B______, ce qui entrait dans le cadre de mesures d'enquêtes prévues par le CPP. Aucune arme n'avait été trouvée sur place, ce qui avait conduit à ne pas retenir d’infraction.

M. A______ avait été emmené au poste de police car il s’était opposé aux actes de l’autorité, cette opposition pouvant constituer une infraction pénale.

Les actes du recourant ne devaient pas être distingués artificiellement pour faire perdre le caractère pénal aux mesures prises par les policiers : l'intervention des policiers dépendait uniquement de la compétence du Ministère public.

11) Le 17 janvier 2014, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

Aucune procédure pénale concernant l'utilisation d'une arme à air comprimé n'avait été entreprise contre lui. Les policiers n'avaient pas relevé son identité au premier contact. L'objectif du contrôle d'identité n'était pas d'élucider une infraction, mais de mettre fin aux nuisances provoquées par le recourant.

La conduite au poste n'avait pas eu lieu parce que le recourant avait résisté aux policiers, mais pour mettre fin aux nuisances. Il s'était opposé aux policiers après l'arrestation. L'intervention avait un but de police administrative.

12) Le 17 janvier 2014, la cause a été gardée à juger.

13) Au moment de la rédaction du présent arrêt, les procédures pénales contre, respectivement, M. A______ et les policiers sont toujours pendantes.


 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant estime que l'intervention est soumise à la LPol et non au CPP.

3) Toute intervention de la police, sauf si elle est soumise au CPP, peut faire l'objet d'une demande de décision écrite adressée au département (art. 22D LPol).

4) La police est chargée notamment : de la police judiciaire soumise aux procédures du CPP, de la police administrative et du maintien de l'ordre public (art. 3 al. 1 let. a, b et c LPol).

5) Il est interdit d’employer des armes à feu, à air comprimé et à émission de gaz ainsi que les jouets lançant des projectiles, dans les lieux accessibles au public (art. 31 al. 1 RPSS). En outre, tout excès de bruit de nature à troubler la tranquillité publique est interdit (art. 1 al. 1 RTP).

Des dispositions pénales punissent les infractions à ces règlements
(art. 42 RPSS ; art. 12 RTP ;
AARP/557/2013 du 8 novembre 2013 consid. 6 et 9).

6) Les contraventions pénales de droit cantonal sont régies par la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05) qui renvoie sur le fond à la partie générale du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) (art. 1 al. 1 let. a LPG). Les infractions prévues par la législation genevoise sont poursuivies et jugées conformément au CPP (art. 8 de la loi d’application du code pénal suisse et d’autres lois fédérales en matière pénale du 27 août 2009 LaCP - E 4 10). Les dispositions et contraventions pénales contenues dans des règlements administratifs sont soumises à la procédure pénale (ATA/736/2012 du 30 octobre 2012 consid. 13 ; ATA/196/2012 du 3 avril 2012 consid. 3).

7) En l'espèce, le 10 mai 2012 vers 21h00, des personnes ont appelé la police pour signaler des tirs au pistolet à billes. Deux patrouilles se sont rendues sur place. M. A______ et M. B______ ont été désignés comme les personnes utilisant le pistolet. Ils étaient attablés à une terrasse et n'avaient pas d'armes à billes avec eux. Les policiers ont contrôlé leur identité pour vérifier qu’il s’agissait des mêmes personnes qui avaient été contrôlées pour des faits similaires le 3 mai 2012. Ces vérifications se sont faites dans le cadre de l'intervention liée à l'appel au 117 signalant des tirs au pistolet à billes. Or, de tels tirs sont punissables d'une amende pénale au sens des art. 42 et 31 al. 1 RPSS. Ils le sont également pour trouble à l'ordre public au sens des art. 12 et 1 al. 1 RTP. En outre, la poursuite de ces infractions est soumise au CPP par renvoi de l'art. 8 LaCP. L'intervention policière dans son ensemble découlait du soupçon de commission de ces infractions. Le fait que les infractions susmentionnées n'aient pas été poursuivies par la suite ne change pas la situation au moment de l'intervention. Dès lors, l'application de la procédure pénale l'emporte sur celle de la procédure administrative.

Au vu de ce qui précède, il n'est pas nécessaire de trancher la question de savoir si la violation de l'art. 285 al. CP a commencé avant l'interpellation du recourant.

8) Ainsi, le recours sera rejeté. Bien que le recourant succombe, aucun émolument ne sera mis à sa charge, au vu de sa situation personnelle (art. 87 al. 1 LPA ;). Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA)

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 novembre 2013 par Monsieur A______ contre la décision du département de la sécurité et de l'économie du 11 octobre 2013 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Bayenet, avocat du recourant ainsi qu'au département de la sécurité et de l'économie.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, MM. Dumartheray, Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :