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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4595/2009

ATA/304/2012 du 15.05.2012 sur DCCR/103/2011 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 28.06.2012, rendu le 15.08.2012, REJETE, 2C_621/2012
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4595/2009-PE ATA/304/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 mai 2012

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______ N______
représenté par Me Romain Jordan, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 janvier 2011 (DCCR/103/2011)


EN FAIT

1. Monsieur A______ N______, né le ______ 1980, également connu sous les alias de M______, U______ et P______, est ressortissant de Gambie.

2. En date du 23 septembre 2002, il a déposé une demande d’asile en Suisse, sous la fausse identité de M______, né le ______ 1979, ressortissant du Libéria. Il a été attribué au canton de Genève.

3. Par décision du 10 décembre 2002 - confirmée le 4 avril 2006 par la Commission suisse de recours en matière d’asile - l’Office fédéral des réfugiés, devenu l’office fédéral des migrations (ci-après : ODM), a rejeté sa demande d’asile et a prononcé son renvoi de Suisse.

4. Par décision du 8 septembre 2005, le Tribunal de l’arrondissement de Zurich a condamné M. A______ N______, sous son nom de M______, à vingt-deux mois d’emprisonnement ferme pour infraction qualifiée à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121).

5. Par décision du 4 septembre 2006, l’ODM a prononcé une interdiction d’entrée en Suisse à son encontre, sous le nom de M______, valable jusqu’au 3 décembre 2011.

6. En date du 14 décembre 2007, M. A______ N______ a épousé à Genève Madame V______ L______, ressortissante suisse, née le ______ 1971 et mère de deux enfants issus de précédentes relations.

7. Le 5 mars 2008, M. A______ N______ a été mis au bénéfice d’une autorisation de séjour au titre de regroupement familial.

8. L’office cantonal de la population (ci-après : OCP) a soumis le dossier de M. A______ N______ à l’ODM, afin qu’il annule l’interdiction d’entrée précitée, suite au mariage de l’intéressé avec une ressortissante suisse.

9. En date du 25 avril 2008, M. A______ N______ a été interpellé par la police genevoise pour infraction à la LStup. Il a été écroué à la prison de Champ-Dollon. A cette occasion, un lien a été établi entre sa véritable identité et tous ses alias.

10. Par ordonnance du 28 avril 2008, le juge d’instruction a reconnu M. A______ N______ coupable d’infraction à la LStup et l’a notamment condamné à une peine privative de liberté de quatre mois.

11. Le 21 juillet 2008, un juge d’instruction de la Côte a effectué une « recherche de lieu de séjour » concernant M. A______ N______ suite à une infraction à la loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers du 26 mars 1931 (LSEE - aRS 142.20) et à la LStup.

12. En date du 12 septembre 2008, E______ S.A. a déposé une demande d’autorisation de travail en faveur de M. A______ N______ qu’elle souhaitait engager, pour une durée indéterminée, en qualité de plongeur. Le salaire horaire brut était de CHF 20,52 pour une durée hebdomadaire de travail de 42,5 heures.

13. Par courrier du 13 novembre 2008, l’ODM a invité l’OCP à révoquer l’autorisation de séjour de M. A______ N______. L’ODM a considéré qu’en application de la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, l’intérêt public à l’éloignement de l’intéressé l’emportait sur son intérêt privé à séjourner en Suisse auprès de son épouse, compte tenu de ses condamnations. L’examen du prononcé d’une nouvelle interdiction d’entrée en Suisse à l’encontre de M. A______ N______ devrait être effectué.

14. Par courrier du 3 février 2009, l’OCP a informé M. A______ N______ de son intention de ne pas renouveler son autorisation de séjour et lui a imparti un délai pour faire valoir ses observations. L’OCP pouvait révoquer une autorisation de séjour lorsque l’étranger avait fait de fausses déclarations ou dissimulé des faits essentiels durant la procédure d’autorisation. Or, lors de sa demande d’autorisation de séjour suite à son mariage, M. A______ N______ avait dissimulé le fait qu’il était connu sous diverses identités et que sous l’une d’elles, il faisait l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse.

15. Par courrier du 25 février 2009, M. A______ N______ a admis avoir utilisé les noms de B______ N_______ et de M______, afin d’avoir une opportunité de vivre et de travailler en Suisse. Il a contesté l’utilisation des deux autres alias. Il ignorait faire l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse. Cette décision ne lui avait pas été notifiée le 12 mars 2007 (sic), date à laquelle il vivait d’ailleurs à Lyon, chez des amis. A l’époque de son interpellation le 25 avril 2008, il se trouvait sans emploi, malgré d’incessantes recherches, et devait assumer l’entretien de sa famille. Il était alors désespéré et avait cédé à la facilité. Il regrettait son comportement. Son épouse était actuellement enceinte de six mois et il ne pouvait envisager de vivre loin de sa famille et de son enfant à naître. Il était suivi par un assistant social et faisait son possible pour devenir un citoyen modèle.

M. A______ N______ a également produit des lettres de soutien rédigées, par son épouse et deux amies, un document du service de probation et d’insertion attestant qu’il était suivi, depuis le 24 juillet 2008, dans le cadre d’une assistance de probation durant une année et une attestation du 18 février 2009 établie par E______ S.A. qui l’avait embauché du 9 septembre au 12 décembre 2008.

16. Le 16 mars 2009, Mme V______ L______ a donné naissance à S______ N______.

17. Le 25 septembre 2009, la police a procédé à une visite domiciliaire du couple. A cette occasion, elle a saisi 461,5 grammes bruts de cocaïne dans le logement, 2 grammes de marijuana, CHF 800.-, US$ 100.-, plusieurs téléphones portables ainsi que des appareils électroniques. M. A______ N______ a contesté se livrer à un trafic de cocaïne. Le 26 septembre 2009, il a été placé en détention avant jugement.

18. Par décision du 13 novembre 2009, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’OCP a refusé de renouveler l’autorisation de séjour de l’intéressé et lui a imparti un délai au 20 janvier 2010 pour quitter la Suisse, pour autant qu’il ait satisfait aux exigences des autorités judiciaires et pénitentiaires. L’OCP a considéré en substance que les condamnations pénales précitées dépassaient la limite de deux ans prévue par la jurisprudence. La dernière interpellation pour infraction à la LStup démontrait qu’il présentait un danger pour l’ordre public suisse auquel il n’était pas désireux ou pas capable de se conformer. Il avait tu des faits importants, soit le dépôt de sa demande d’asile sous une fausse identité, sa condamnation par les autorités zurichoises et l’interdiction d’entrée prononcée à son encontre. Il avait conservé des attaches en Gambie alors qu’il n’était en Suisse que depuis six ans, dont une année dans la clandestinité. Son intégration professionnelle n’était pas particulièrement réussie et l’intérêt public à son éloignement devait prévaloir sur son intérêt privé à rester en Suisse malgré la présence dans ce pays de son épouse et de leur enfant.

19. Le 18 décembre 2009, M. A______ N______ a recouru contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission) devenue depuis le 1er janvier 2011, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

Il a allégué la violation de son droit d’être entendu. L’OCP avait retenu à son encontre sa dernière interpellation sans l’avoir préalablement auditionné. De plus, la décision attaquée violait les art. 63 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) car il avait des liens étroits avec la Suisse, pays dans lequel il s’était marié avec une ressortissante suisse et dont il avait eu un fils. Son centre d’intérêts se trouvait désormais à Genève.

Par ailleurs, il n’avait jamais été condamné à une peine privative de liberté de deux ans. Le fait qu’il ait caché à l’OCP le dépôt de sa demande d’asile en 2002 n’était guère déterminant. L’OCP faisait preuve de mauvaise foi en tirant parti de cet argument alors qu’il en avait connaissance depuis plus d’une année et demie. Seul un avertissement aurait dû lui être adressé et non une décision de renvoi en Guinée (sic), ce pays étant en proie à des troubles sociaux.

Aucune instruction n’avait été entreprise sur les difficultés liées à son retour dans son pays d’origine.

20. Par jugement du 1er février 2010, le Tribunal de police a reconnu M. A______ N______ coupable d’infractions à la LStup et l’a condamné à une peine privative de liberté de vingt mois.

21. Le 16 février 2010, l’OCP a conclu au rejet du recours. M. A______ N______ avait été condamné à plusieurs reprises pour trafic de stupéfiants, soit à une peine de vingt-deux mois d’emprisonnement ferme en septembre 2005 et quatre mois d’emprisonnement ferme en avril 2008. Malgré l’obtention d’une autorisation de séjour et la présence de sa famille à Genève, il avait poursuivi une activité délictueuse. Les emplois ou les stages qu’il avait effectués chez Serbeco en février 2009 puis à la Fondation des F______ ne l’avaient pas davantage empêché de commettre des délits. Son épouse, au courant de son passé au moment de leur mariage, avait pris le risque de vivre avec lui à l’étranger, ne pouvant exclure qu’il soit contraint de quitter la Suisse. Enfin, l’art. 8 § 2 CEDH protégeant la vie privée et familiale n’était pas absolu et souffrait une ingérence des autorités lorsque celle-ci était nécessaire, comme en l’espèce, à la défense de l’ordre et à la prévention d’infractions pénales.

22. Le 15 avril 2010, M. A______ N______ a contesté que son épouse ait été au courant du trafic auquel il s’était livré.

23. Le jugement susmentionné a été confirmé par arrêt de la section pénale de la Cour de justice le 3 mai 2010 et il n’a pas été déféré au Tribunal fédéral.

24. Le TAPI a procédé à l’audition des parties le 25 janvier 2011, ainsi qu’à celle de Mme V______ L______.

a. M. A______ N______ était sorti de prison en novembre 2010 et il était depuis père au foyer. Son épouse était au chômage et suivait des cours de comptabilité, payés par cette assurance. Leur fils, S______ N______, allait à la crèche tous les après-midi. Les deux enfants de son épouse, âgés de 16 ans et de 8 ans, ne voyaient pas leur père respectif mais lui-même se considérait un peu comme le père de ces deux enfants. Il avait changé ses fréquentations depuis sa dernière condamnation et n’avait jamais consommé de drogue.

M. A______ N______ a encore produit un certificat de travail établi par la Fondation des F______ où il avait travaillé comme stagiaire du 13 février au 24 septembre 2009, un contrat de mission temporaire selon lequel il avait travaillé le 4 septembre 2008 comme manutentionnaire et une attestation de l’Université ouvrière de Genève, confirmant qu’il était inscrit du 5 octobre 2009 au 28 avril 2010 pour des cours élémentaires de français.

b. Mme V______ L______ a déclaré qu’elle suivait des cours de comptabilité tous les matins et que son mari s’occupait des enfants. Elle était au chômage depuis bientôt deux ans. En 2010, elle avait été malade. Lorsque M. A______ N______ était en prison, elle s’occupait elle-même des enfants et s’était retrouvée seule du jour au lendemain. Elle avait décidé de pardonner à son époux et de poursuivre la vie commune. Elle connaissait le passé pénal de son mari lorsqu’elle l’avait épousé.

25. Par jugement du 25 janvier 2011, le TAPI a rejeté le recours. L’intérêt public au renvoi de M. A______ N______ primait l’intérêt privé de ce dernier à demeurer en Suisse. Le risque de récidive ne pouvait être exclu. Le recourant remplissait les conditions des art. 62 let. b et 63 al. 1 let. a LEtr, ayant été condamné à une peine privative de liberté de quarante-six mois au total. Pour ces mêmes raisons, il ne pouvait se prévaloir de l’art. 8 CEDH, la protection découlant de cette disposition n’étant pas absolue. Enfin, il n’était pas allégué que l’exécution du renvoi du recourant en Gambie ne serait pas possible au regard de l’art. 83 LEtr.

26. Le 7 mars 2011, M. A______ N______ a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant, sur mesures provisionnelles, à ce qu’il soit autorisé à rester en Suisse jusqu’à droit jugé sur le recours. Par ailleurs, il sollicitait une audition personnelle ainsi que l’ouverture d’enquêtes. La décision de l’OCP devait être annulée et le dossier renvoyé à cet office pour qu’il prolonge son permis de séjour.

27. Le TAPI a produit son dossier le 9 mars 2011.

28. Invité à se déterminer sur la demande de mesures provisionnelles, l’OCP a conclu, le 14 mars 2011, au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif.

29. Par décision du 28 mars 2011, le président siégeant de la chambre administrative a rejeté la demande de mesures provisionnelles et, en tant que de besoin, celle tendant à la restitution de l’effet suspensif, pour les raisons déjà exposées par l’OCP.

30. Le 29 mars 2011, l’OCP s’est déterminé sur le fond du litige. Il a conclu au rejet du recours. Le risque de récidive était important et il ne pouvait pas considérer que M. A______ N______ disposait de liens solides avec la Suisse, si ce n’était les liens familiaux avec son épouse et leur enfant commun, mais le recourant ne pouvait prétendre être intégré au vu de son parcours professionnel chaotique. Même si l’autorisation de séjour n’était pas renouvelée, il n’en résulterait pas une rupture complète des contacts avec sa famille en Suisse car la relation pourrait être maintenue par des visites réciproques. Mme V______ L______ avait admis qu’elle était au courant du passé pénal de son mari au moment où elle l’avait épousé. Par ailleurs, elle ne pouvait ignorer le trafic qui se déroulait dans l’appartement familial. Elle avait donc pris le risque de devoir vivre sa vie de couple à l’étranger. Enfin, pour des raisons déjà indiquées, l’art. 8 CEDH n’offrait pas une protection absolue dans un tel cas à celui qui s’en prévalait et les difficultés auxquelles son épouse, son enfant, voire ses beaux-enfants pourraient être confrontés en allant en Gambie ne pouvaient primer l’intérêt public à éloigner M. A______ N______ de Suisse compte tenu du danger que celui-ci représentait.

31. Le 20 mai 2011, le juge délégué a entendu les parties, ainsi que Mme V______ L______. M. A______ N______ a déclaré que depuis le jugement du TAPI du 25 janvier 2011, sa situation ne s’était pas modifiée. Cela faisait onze ou douze ans qu’il n’était pas retourné en Gambie, où vivaient encore ses parents. S’il y retournait, il n’encourrait aucun risque à titre personnel, mais la situation du pays n’était pas stable. Ses trois frères vivaient en Occident. M. A______ N______ a produit une attestation établie le 17 mai 2011 par l’office médico-pédagogique de la consultation des Pâquis concernant l’un des deux enfants de son épouse, Z______, né le _______ 2002. De ce document, établi par une psychologue, il apparaissait que la première consultation de Mme V______ L______ remontait au 15 février 2010, l’enfant étant triste de ne pas voir son beau-père, alors incarcéré. La relation « avec sa maman et son beau-père semble [semblait] bonne » et l’enfant ne semblait pas avoir de problèmes scolaires, même s’il était par moment déconcentré « surtout pendant l’absence de son beau-père ». Il souhaitait que celui-ci sorte le plus vite de prison. Les consultations thérapeutiques ont été proposées à la maman « afin que Z______ puisse avoir un espace et pouvoir élaborer cette séparation momentanée ainsi que ses affects de tristesse ». Z______ n’a jamais manqué un rendez-vous de février à novembre 2010. Lors du dernier entretien, son beau-père était présent. Depuis qu’il était à nouveau à la maison, l’enfant semblait plus tranquille et rassuré.

Mme V______ L______ a exposé qu’elle avait bon espoir d’obtenir d’ici fin mai 2011 un travail dans l’informatique. Ses deux aînés étaient l’un de père africain, et l’autre de père jamaïcain, mais ils avaient toujours vécu en Suisse. L’un, âgé de 17 ans, effectuait un apprentissage de dessinateur en bâtiment et Z______ était en 3ème primaire. Quant au cadet, S______ N______, il fréquentait tous les après-midi la crèche depuis septembre 2010. Elle-même n’avait aucune famille en Gambie. Sa propre mère vivait à Genève et le couple n’avait jamais envisagé de partir vivre à l’étranger. Quant à S______ N______, il était suivi médicalement à Genève, car depuis sa naissance, il avait un pied tourné vers l’extérieur et devait également porter des lunettes.

Le représentant de l’OCP a contesté avoir violé le droit d’être entendu du recourant. Lorsque l’OCP avait pris sa décision le 13 novembre 2009, il avait donné l’occasion à M. A______ N______ de se déterminer, ce que celui-ci avait fait le 25 février 2009. La décision du 13 novembre 2009 retenait des faits postérieurs à la détermination en question du 25 février 2009, en particulier l’interpellation de M. A______ N______ le 25 septembre 2009 par la police. Cette interpellation n’avait fait que renforcer la détermination de l’OCP et n’avait pas été prise en compte, les condamnations antérieures suffisant à fonder le refus de la demande de renouvellement. Les faits du 25 septembre 2009 avaient été pris en considération par le TAPI, car ils fondaient le risque de récidive. Si l’autorité administrative avait violé le droit d’être entendu, ladite violation aurait en tout état été réparée devant le TAPI.

32. Le délai au 30 juin 2011 accordé au recourant pour se déterminer sur cette écriture a été prolongé dans l’attente de l’arrêt du Tribunal fédéral.

33. Le 23 août 2011, le Tribunal fédéral a rejeté, dans la mesure où il était recevable, le recours de droit public interjeté par M. A______ N______ contre la décision précitée du 28 mars 2011 rejetant la demande de mesures provisionnelles respectivement d’effet suspensif (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_347/2011 du 23 août 2011). Ce faisant, le Tribunal fédéral a considéré que la requête de mesures provisionnelles tendant à autoriser le recourant à demeurer en Suisse jusqu’au prononcé de l’arrêt du Tribunal fédéral était sans objet.

34. Le 31 août 2011, M. A______ N______, par le biais de son conseil, a déposé des observations complémentaires en persistant dans ses conclusions. Il a produit un certificat médical daté du 25 mai 2011, établi par le chef de clinique d’ophtalmologie pédiatrique des Hôpitaux universitaires de Genève attestant que S______ N______ était suivi en ophtalmologie depuis le 18 avril 2011 pour un strabisme accommodatif amblyopique de l’œil droit. Lors de l’audience de comparution personnelle du 20 mai 2011, les époux N______ avait également fait état du fait que leur fils souffrait de problèmes médicaux à savoir qu’il avait un pied tourné vers l’extérieur. Ce problème-ci n’est cependant pas documenté. Les soins que requéraient S______ N______ ne pourraient lui être prodigués en Gambie.

Pour le surplus, M. A______ N______ alléguait à nouveau une violation de son droit d’être entendu, l’OCP ayant, lors de l’audience en question, admis que les faits postérieurs au 25 février 2009, date de sa décision, avaient été pris en considération pour fonder le risque de récidive alors qu’il n’avait jamais été entendu à ce sujet par l’OCP. Une telle violation ne pouvait être réparée devant les juridictions de recours qui ne pouvaient revoir l’opportunité de la décision attaquée. En conséquence, la décision de l’OCP, aussi bien que le jugement du TAPI, devaient être annulés et la cause renvoyée à l’OCP pour que celui-ci rende une nouvelle décision respectant ses droits procéduraux.

35. Le 13 septembre 2011, le conseil de M. A______ N______ a produit une attestation datée du 11 septembre 2011 rédigée par l’épouse de celui-ci aux termes de laquelle elle faisait part de son désespoir à l’idée que son mari doive quitter la Suisse le 30 septembre 2011. Elle était consciente des erreurs qu’il avait commises, mais ne pourrait jamais revivre une histoire d’amour comme celle qu’elle connaissait. Pendant toutes ces années, ses enfants avaient tout de suite eu une complicité avec son mari, qui avait su s’intégrer et être apprécié par sa famille et ses amis. Son mari était l’homme de sa vie et depuis son retour à la maison en novembre 2010, ils essayaient de vivre normalement. Elle ne pouvait envisager de voir cet équilibre rompu pas plu qu’elle ne pouvait envisager de vivre seule avec trois enfants en sachant que l’homme de sa vie était ailleurs. Elle demandait que son mari ne soit pas expulsé et que sa famille puisse continuer à vivre heureuse et ensemble.

36. Ce document a été transmis pour information à l’OCP et la cause gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, celle-ci ne connaît pas de l’opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario ; ATA/271/2011 du 3 mai 2011, confirmé par Arrêt du Tribunal fédéral 2C_492/2011 du 6 décembre 2011).

3. Les autorisations qui sont accordées en matière de police des étrangers sont révocables d’une manière générale aux conditions de l’art. 62 LEtr lorsque :

- l’étranger ou son représentant légal a fait de fausses déclarations ou a dissimulé des faits essentiels durant la procédure d’autorisation (art. 62 let. a LEtr) ;

- il a été condamné à une peine privative de liberté de longue durée ou a fait l’objet d’une mesure d’internement au sens de l’art. 64 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) ou d’une mesure thérapeutique institutionnelle pour jeunes adultes au sens de l’art. 61 CP (art. 62 let. b LEtr) ;

- il a attenté de manière grave ou répétée à la sécurité et l’ordre publics en Suisse ou à l’étranger, les met en danger ou représente une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse (art. 62 let. c LEtr) ;

- il ne respecte pas les conditions dans lesquelles la décision est fixée dans l’autorisation de police des étrangers (art. 62 let. d LEtr) ;

- lui-même ou une personne dont il a la charge dépend de l’aide sociale (art. 62 let. e LEtr).

4. Constitue une peine privative de liberté de longue durée une peine dépassant un an d’emprisonnement (ATF 135 II 377 consid. 4.2 pp. 380 ss), indépendamment du fait qu’elle ait été prononcée avec un sursis, complet ou partiel, ou sans sursis (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_723/2010 du 14 février 2011, consid. 4.1, et 2C_515/2009 du 27 janvier 2010, consid. 2.1).

Or, l’intéressé a fait l’objet d’une condamnation pénale de longue durée au regard de l’art. 62 let. b LEtr, même si aucune des condamnations subies n’était supérieure à deux ans, la durée totale des peines privatives de liberté représentant néanmoins quarante-six mois.

5. Selon l’art. 8 al. 1 CEDH, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. Une atteinte à ce principe est possible dans les conditions visées à l’art 8 al. 2 CEDH. Une ingérence de l’Etat n’est ainsi possible que si elle est prévue par la loi et, entre autres, si elle constitue une mesure nécessaire à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales.

Le recourant se prévaut de l’art. 8 CEDH. Néanmoins, et comme indiqué ci-dessus, la protection accordée par cette disposition n’est pas absolue. Si M. A______ N______ a bien eu un enfant avec son épouse le 16 mars 2009 et qu’il joue le rôle de père pour les deux enfants de cette dernière, nés chacun de pères différents, il n’en demeure pas moins que la gravité des fautes commises par le recourant, au mépris de l’ordre public suisse, pour des faits graves commis même postérieurement à la naissance de son enfant, permet de considérer que l’intérêt public doit primer l’intérêt privé des époux N______ à poursuivre leur vie de famille en Suisse, le recourant n’ayant pas démontré, bien au contraire, qu’il s’était particulièrement bien intégré en Suisse, même s’il a effectué des stages et occupé des emplois temporaires dans des fondations diverses.

Enfin, rien n’empêche Mme V______ L______ de partir à l’étranger avec son mari et leur enfant commun, voire avec les deux aînés.

6. Une décision de révocation d’une autorisation de séjour doit en tout état respecter le principe de la proportionnalité garanti par l’art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). Une pesée des intérêts doit être effectuée, en prenant en considération la gravité de la faute commise par l’intéressé, le degré de son intégration en Suisse, respectivement la durée de son séjour, ainsi que le préjudice que lui-même et sa famille auraient à subir si la décision de révocation ou de non-renouvellement de l’autorisation était confirmée.

7. En l’espèce, depuis son mariage le 14 décembre 2007 avec Madame V______ L______, ressortissante suisse, M. A______ N______ bénéficie d’une autorisation de séjour depuis le 5 mars 2008, ses séjours antérieurs en Suisse n’étant pas légaux, puisque sa demande d’asile, présentée sous une fausse identité, avait été rejetée le 10 décembre 2002 déjà.

Par ailleurs, il est établi par les pièces du dossier que M. A______ N______ avait dissimulé des faits essentiels tels que ses alias, ses condamnations pénales et l’interdiction d’entrée prononcée à son encontre sous une autre identité, contrevenant ainsi à l’art. 62 LEtr, les derniers faits survenus le 25 septembre 2009 étant de nature à fonder un risque de récidive, comme l’a jugé le TAPI, étant précisé que l’éventuelle violation du droit d’être entendu qu’avait commise l’OCP a été réparée devant cette juridiction.

8. Enfin, au regard de l’art. 83 LEtr, il n’apparaît pas que le renvoi de M. A______ N______ serait impossible, illicite ou ne pouvant être raisonnablement exigé, un retour en Gambie n’étant dès lors pas exclu. Les problèmes de santé allégués pour S______ N______, suivi à Genève en raison d’un strabisme et du fait qu’il a un pied tourné vers l’extérieur, ne sont pas établis par pièces, de sorte que ce grief sera écarté.

Quant aux difficultés relatées le 17 mai 2011 par la psychologue de Z______, elles n’ont plus nécessité de consultation auprès du service médico-pédagogique depuis novembre 2010, soit depuis que le recourant est sorti de prison.

Ces troubles ayant cessé, ils ne peuvent être invoqués pour justifier l’impossibilité d’un renvoi, ce dernier n’empêchant pas les membres de cette famille recomposée de vivre ensemble, cas échéant à l’étranger.

9. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Il ne sera pas perçu d’émolument, le recourant étant au bénéfice de l’assistance juridique. Vu l’issue du litige, il ne lui sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 mars 2011 par Monsieur A______ N______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 janvier 2011 ;

 

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité ;

dit que, les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat du recourant, à l’office cantonal de la population, à l'office fédéral des migrations ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Derpich

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.