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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3372/2009

ATA/271/2011 du 03.05.2011 sur DCCR/1461/2010 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 09.06.2011, rendu le 06.12.2011, REJETE, 2C_492/2011
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3372/2009-PE ATA/271/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 mai 2011

2ème section

dans la cause

 

Monsieur S______

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 28 septembre 2010 (DCCR/1461/2010)


EN FAIT

1. Monsieur S______, né le ______ 1963, ressortissant du Kosovo et de la France, est arrivé en Suisse le 21 mai 1989. Il a bénéficié d’une autorisation saisonnière jusqu’au 30 novembre 1991, délivrée par le canton de Berne. Le 2 avril 1991, il a été victime d’un accident du travail. Il a été licencié en septembre 1991.

2. Le 28 juillet 1989, il avait épousé au Kosovo Madame M______, avec laquelle il a eu trois garçons : F______ né le ______ 1991, I______ né le ______ 1992 et A______ né le ______1994.

3. Le 1er juillet 1993, M. S______ a déposé à l’office cantonal de la population (ci-après : OCP) une demande d’autorisation de séjour à Genève au motif qu’il avait vécu dans cette ville depuis novembre 1991, sans s’annoncer aux autorités compétentes.

4. Le 20 octobre 1993, l’OCP a refusé de donner une suite favorable à la demande de l’intéressé. Il lui a imparti un délai au 20 novembre 1993 pour quitter le territoire genevois.

5. Le 15 mai 1995, l’office fédéral des étrangers, devenu l’office fédéral des migrations (ci-après : ODM) a étendu les effets de la décision cantonale à l’ensemble du territoire de la Confédération.

6. Le 25 mai 1995, le Tribunal de Vitina au Kosovo a prononcé le divorce des époux S______, Mme S______ étant restée au Kosovo avec leurs trois enfants.

7. Le 6 octobre 1995, M. S______ a déposé une demande d’asile en Suisse.

8. Le 21 novembre 1995, il a épousé à Genève Madame G______, ressortissante suisse, mère d’une enfant née en 1989. De ce fait, il a retiré sa demande d’asile.

9. Le 4 janvier 1996, M. S______ a formé auprès de l’OCP une demande d’autorisation de séjour dans le cadre du regroupement familial.

10. L’OCP lui a délivré ladite autorisation de séjour le 19 juillet 1996. M. S______ devait cependant faire preuve d’un comportement irréprochable sous peine de s’exposer à des mesures administratives de la part des autorités de police des étrangers.

11. Le 21 novembre 2000, M. S______ a été mis au bénéfice d’une autorisation d’établissement.

12. Le 5 septembre 2001, M. S______ a divorcé à Genève de Mme G______.

13. Le 5 novembre 2001, les autorités françaises ont délivré à M. S______ un passeport français, après qu’il ait obtenu la nationalité de ce pays, à une date qui n’est pas connue.

14. Le 1er février 2002, M. S______ a épousé à nouveau au Kosovo son ex-femme, Mme M______, qu’il a fait venir à Genève le 18 mai 2002 avec ses trois enfants, dans le cadre d’un regroupement familial.

15. Le 2 mars 2007, M. S______ a été condamné par la Cour d’assises du canton de Genève à huit ans de réclusion pour contrainte sexuelle, viol et actes d’ordre sexuel avec une enfant. Il avait commis ces actes sur la personne de la fille de son ex-épouse. Les faits s’étaient déroulés de 1994 à 2005, ayant débuté lorsque sa belle-fille était âgée de cinq ans.

16. Le 14 septembre 2007, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi du condamné.

17. Le 14 novembre 2008, l’OCP a fait part à M. S______ de son intention de révoquer l’autorisation d’établissement qui lui avait été délivrée.

18. M. S______ s’est opposé au prononcé d’une telle mesure, considérant que la peine précitée n’était pas si importante pour que soient réunies les conditions autorisant la révocation de son autorisation d’établissement.

19. Le 13 août 2009, l’OCP a révoqué l’autorisation de séjour de M. S______ et lui a ordonné de quitter la Suisse, dès qu’il aurait satisfait aux autorités pénitentiaires. Les faits pour lesquels il avait été condamné étaient graves, ce qu’il méconnaissait. Un risque de récidive n’était pas exclu. La protection de l’ordre et de la sécurité publics suisses justifiait l’éloignement de Suisse de M. S______. S’il retournait vivre au Kosovo, il pourrait maintenir des liens étroits avec son épouse et ses enfants, comme il l’avait fait auparavant, pendant plus de dix ans lorsque ceux-ci vivaient au Kosovo et lui-même en Suisse. Son intégration sociale n’était pas exceptionnelle. L’intérêt public à l’éloignement de l’intéressé prévalait sur l’intérêt privé de celui-ci à demeurer en Suisse. Il ne pouvait prétendre à la garantie conférée par l’art. 8 al. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), dès lors que la restriction portée à ses droits était nécessaire à la défense de l’ordre et à la prévention d’infractions pénales. Aucun élément du dossier ne permettrait de conclure que l’exécution du renvoi serait impossible, illicite ou ne pourrait être raisonnablement exigée au sens de l’art. 83 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20). Etant de nationalité française, il pouvait également se rendre dans ce pays et y trouver un emploi.

20. Le 18 septembre 2009, M. S______ a interjeté recours auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission), devenue depuis le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). Il vivait en Suisse depuis seize ans avec toute sa famille et ses trois enfants poursuivaient soit des études, soit une formation professionnelle. Il était parfaitement intégré en Suisse, où vivaient également une de ses sœurs et un frère. Il était improbable qu’il puisse s’installer en France, dès lors que son passeport français était échu et n’avait pas été renouvelé. En outre, il ignorait quelles étaient les possibilités de logement et de travail en France. Il avait quitté son pays d’origine vingt ans auparavant, et ne pouvait envisager de retourner y vivre. La Cour d’assises avait retenu à tort qu’il n’avait pas pris conscience des actes qui lui avaient été reprochés et qu’il avait toujours nié une grande partie de ceux-ci. Il avait immédiatement reconnu les faits. Il avait été mis au régime de travail externe depuis le 15 septembre 2009, travaillant depuis lors à 50 %, compte tenu de ses problèmes médicaux.

La décision querellée violait d’une part les art. 62 et 63 LEtr et, d’autre part, l’art. 5 § 1 Annexe I de l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, la Communauté européenne et ses Etats membres sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681). Elle était en outre disproportionnée.

21. Le 1er décembre 2009, le département des institutions, devenu depuis lors le département de la sécurité, de la police et de l’environnement (ci-après : DSPE) a conclu au rejet du recours. Le passage à un régime de semi-liberté n’avait pas apporté de nouvelle preuve de la non dangerosité du recourant. Les autorités de police des étrangers étaient, selon la jurisprudence, libres de tirer leurs propres conclusions concernant le caractère dangereux pour l’ordre public d’un étranger condamné. En l’occurrence, la nature du bien juridique auquel celui-ci avait porté atteinte, soit l’intégrité sexuelle d’une enfant, et la gravité objective et subjective des faits avaient pour conséquence qu’un risque de récidive subsistait, justifiant une révocation de son autorisation d’établissement sans contrevenir à l’art. 5 Annexe I ALCP. La décision n’était pas disproportionnée. Il représentait une menace grave pour la sécurité et l’ordre public suisses, justifiant son éloignement de Suisse, malgré la présence de sa famille, les liens familiaux en Suisse pouvaient être maintenus, soit par des visites au Kosovo, soit en France, son épouse pouvant également le rejoindre dans ce pays si elle le désirait.

22. Par décision du 28 septembre 2010, notifiée le 12 octobre 2010, la commission a rejeté le recours. Les conditions de l’art. 63 al. 2 LEtr et de l’art. 5 § 1 Annexe I ALCP étaient réalisées. M. S______ avait été condamné pour des crimes graves révélant sa dangerosité pour la collectivité. L’autorité devait procéder à une pesée des intérêts. Même s’il résidait en Suisse depuis longtemps et qu’il y avait des liens familiaux, il ne s’y était pas particulièrement bien intégré. Il avait pendant plusieurs années ainsi gravement et de manière répétée violé l’ordre public suisse. La mesure était compatible avec l’art. 8 al. 2 CEDH.

Cette décision lui a été envoyée le 12 octobre 2010.

23. Par acte posté le 11 novembre 2010, M. S______ a recouru contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif, devenu depuis le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à l’annulation de la décision de l’OCP du 13 août 2010 (sic), et à l’octroi d’un permis de séjour pour regroupement familial. Il avait reçu communication de ladite décision le 13 août 2010. Il reprenait son argumentation relative à la violation des art. 5 al. 1 Annexe I ALCP et 63 LEtr, ainsi qu’à celle de la violation du principe de proportionnalité, et à l’établissement d’une autorisation de séjour qui pourrait être révoquée selon l’art. 63 LEtr si l’étranger attentait de manière très grave à la sécurité et l’ordre publics en Suisse ou à l’étranger. Il ne représentait plus aucune menace contre l’ordre public suisse, dès lors que son comportement avait été exemplaire depuis son arrestation, qu’il avait maintenu des liens sociaux et familiaux avec sa famille et ses amis, qu’il avait purgé sa peine et payé des montants correspondant aux frais de justice et aux allocations dues aux victimes. L’’autorité de placement lui avait accordé l’autorisation d’effectuer un travail à l’extérieur, car elle avait estimé qu’il ne représentait pas un danger pour l’ordre public. Sa femme habitait en Suisse avec leurs enfants et un renvoi contreviendrait à l’art. 8 CEDH.

24. Le 16 novembre 2010, la commission a transmis son dossier, sans formuler d’observations.

25. Le 13 décembre 2010, l’OCP a conclu au rejet du recours, en reprenant que la mesure prise était conforme à l’art. 63 al. 2 LEtr, dès lors que la peine à laquelle le recourant avait été condamné constituait un motif de révocation. Selon la jurisprudence, il existait un intérêt public prépondérant à expulser un étranger qui avait commis des actes de violence ou d’ordre sexuel d’une certaine gravité, même lorsque celui-ci vivait en Suisse depuis de nombreuses années, voire qu’il y était né. Le fait qu’une seule condamnation pénale ait été prononcée importait peu. La décision était également conforme à l’art. 5 al. 1 Annexe I ALCP dans la mesure où le comportement de l’intéressé relevé par la Cour d’assises dans son arrêt du 2 mars 2007 - il avait commis des faits graves pendant dix ans et, lorsqu’il avait été arrêté, n’avait pas collaboré à l’instruction ou minimisé la portée des faits qu’il admettait sans exprimer de regrets véritables - contenait les germes d’un risque de récidive.

26. Le 20 décembre 2010, la chambre de céans a avisé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Depuis le 1er janvier 2011, suite à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l’ensemble des compétences jusqu’alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative de la Cour de justice, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 131 et 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer. 

Interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10, dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2010).

2. Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, celle-ci ne connaît pas de l’opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers, du 16 juin 1988 - LaLEtr - RS F 2 10, a contrario).

3. La procédure de révocation de l’autorisation d’établissement du recourant ayant été initiée le 14 novembre 2008, elle est régie par les dispositions de la LEtr et par sa règlementation d’exécution. En outre, vu sa nationalité française, elle est soumise aux dispositions de l’ALCP et de ses annexes.

4. Les autorisations qui sont accordées en matière de police des étrangers sont révocables d’une manière générale aux conditions de l’art. 62 LEtr lorsque :

- l’étranger ou son représentant légal a fait de fausses déclarations ou a dissimulé des faits essentiels durant la procédure d’autorisation (art. 62 let. a LEtr) ;

- il a été condamné à une peine privative de liberté de longue durée ou a fait l’objet d’une mesure d’internement au sens de l’art. 64 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) ou d’une mesure thérapeutique institutionnelle pour jeunes adultes au sens de l’art. 61 CP (art. 62 let. b LEtr) ;

- il a attenté de manière grave ou répétée à la sécurité et l’ordre publics en Suisse ou à l’étranger, les met en danger ou représente une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse (art. 62 let. c LEtr) ;

- il ne respecte pas les conditions dans lesquelles la décision est fixée dans l’autorisation de police des étrangers (art. 62 let. d LEtr) ;

- lui-même ou une personne dont il a la charge dépend de l’aide sociale (art. 62 let. e LEtr).

5. La révocation d’une autorisation d’établissement est soumise à des conditions plus restrictives énoncées à l’art. 63 al. 1 LEtr.

L’autorisation d’établissement peut ainsi être remise en question si :

les conditions visées à l’art. 62 let. a ou b LEtr sont remplies ;

l’étranger attente de manière très grave à la sécurité et l’ordre publics en Suisse ou à l’étranger, les met en danger ou représente une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse (art. 63 al. 1 let. b LEtr) ;

lui-même ou une personne dont il a la charge dépend durablement et dans une large mesure de l’aide sociale (art. 63 al. 1 let. c LEtr).

6. En vertu de l’art. 63 al. 2 LEtr, lorsque l’étranger a séjourné en Suisse légalement et sans interruption depuis plus de quinze ans les conditions de révocation de son autorisation d’établissement sont soumises à des conditions encore plus restrictives : cette dernière ne peut être révoquée que pour des motifs tirés de l’art. 62 let. b ou 63 al. 1 let. b LEtr, dispositions dont les teneurs ont été rappelées ci-dessus.

7. Selon les travaux préparatoires de la LEtr, un permis d’établissement peut être révoqué lorsque son titulaire a violé de manière répétée, grave et sans scrupule la sécurité et l’ordre publics par des comportements relevant du droit pénal et montre ainsi qu’il n’a ni la volonté ni la capacité de respecter à l’avenir le droit. Dans un tel cas, il existe un intérêt public majeur à éloigner et à tenir éloigné celui-ci de Suisse (Message concernant la loi sur les étrangers, Feuille fédérale 2002, p. 3565).

8. Constitue une peine privative de liberté de longue durée une peine dépassant un an d’emprisonnement (ATF 135 II 377 consid. 4.2 pp. 380 ss), indépendamment du fait qu’elle ait été prononcée avec un sursis, complet ou partiel, ou sans sursis (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_723/2010 du 14 février 2011, consid. 4.1, et 2C_515/2009 du 27 janvier 2010, consid. 2.1).

9. A teneur de l’art. 5 al. 1 de l’Annexe I ALCP, le droit de séjour d’un ressortissant d’un pays de la Communauté européenne ne peut être limité que par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé définies par la directive 64/221/CEE et la jurisprudence pertinente y relative de la Cour de justice des Communautés européennes, rendue avant la signature de l’ALCP (art. 5 al. 2 Annexe I ALCP en relation avec l’art. 16 ALCP ; ATF 130 II 1 consid. 3.6 ; ATF 130 II p. 113 consid. 5.2 p. 119 et les références citées).

Selon l’art. 3 § 1 de la directive précitée, les mesures d’ordre ou de sécurité publique doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu qui en fait l’objet. En outre, d’après l’art. 3 § 2 de cette directive, la seule existence de condamnations pénales ne peut pas motiver automatiquement de telles mesures.

De jurisprudence constante, le Tribunal fédéral a repris ces critères, précisant que la menace de l’ordre public doit être actuelle et que le risque concret doit être apprécié en fonction de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, soit en particulier de la nature et de l’importance du bien juridique menacé, ainsi que de la gravité de l’atteinte potentielle qui pourrait y être portée (ATF 130 II p. 126 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_664/2009 du 25 février 2010, consid. 4.1 ; et les autres arrêts cités, dont l’Arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes Bouchereau du 27 octobre 1977, C-30/77, REC. 1977, p. 1999, ch. 33 à 35).

10. Selon l’art. 8 al. 1 CEDH, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. Une atteinte à ce principe est possible dans les conditions visées à l’art 8 al. 2 CEDH. Une ingérence de l’Etat n’est ainsi possible que si elle est prévue par la loi et, entre autres, si elle constitue une mesure nécessaire à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales.

11. Une décision de révocation d’une autorisation d’établissement doit en tout état respecter le principe de la proportionnalité garanti par l’art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). Une pesée des intérêts doit être effectuée (ATF 135 II 337 consid. 4.3 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_14/2010 du 15 juin 2010, consid. 6.1, et la jurisprudence citée). Dans ce cadre, doit être prise en considération la gravité de la faute commise, le degré d’intégration de l’étranger, respectivement la durée de son séjour en Suisse et le préjudice que le recourant et sa famille auraient à subir en raison de la mesure.

12. A la suite de son mariage avec Mme G______, M. S______ réside légalement en Suisse depuis plus de quinze ans. La révocation de son permis d’établissement est donc soumise aux conditions des art. 63 al. 2 LEtr et 5 al. 1 Annexe I ALCP, vu sa nationalité française.

Il a été reconnu coupable et condamné à huit ans de réclusion pour des infractions à l’intégrité sexuelle (viol au sens de l’art. 190 CP, contrainte sexuelle au sens de l’art. 189 CP et actes d’ordre sexuel avec un enfant au sens de l’art. 187 CP, commis entre 1994 - époque à laquelle sa victime avait 5 ans - et 2005, actes « commis avec une fréquence irrégulière et un degré de gravité allant crescendo, les attouchements se commuant en actes sexuels depuis 2000 » (soit lorsque sa victime était âgée de 10 ans). Par la commission de ces infractions, constitutives de crimes au sens de l’art. 10 al. 2 CP et qui se sont répétées pendant plusieurs années, dont la gravité est allée en croissant, le recourant a très gravement attenté à la sécurité et à l’ordre publics en Suisse. Les conditions de l’art. 63 al. 2 LEtr sont donc réalisées.

13. De même, la menace de l’ordre public subsiste, compte tenu de l’ensemble des circonstances. M. S______ a agi sur une très longue période et n’a mis fin à ses agissements qu’en raison de l’intervention de la justice. Durant l’instruction, ainsi que l’a relevé la Cour d’assises, il a contesté ou minimisé les faits. Alors même qu’il purgeait sa peine, il n’a eu de cesse de continuer à nier ceux-ci, ainsi que l’ont relevé les personnes chargées de la préparation de sa mise en liberté conditionnelle. Dans ces circonstances, le recourant présente une menace actuelle à l’ordre public et un risque concret de récidive, compte tenu de sa personnalité.

14. Toute mesure administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst. En l’occurrence, la mesure prise à l’encontre du recourant est lourde de conséquences puisqu’elle l’oblige à quitter la Suisse, où il réside avec sa famille. Toutefois, la nécessité d’ordonner son éloignement dépend beaucoup du risque de récidive, qui l’emporte sur l’intérêt privé de celui-ci à rester en Suisse. C’est d’autant plus vrai que, bénéficiant des nationalités française et kosovare, il a la possibilité de s’installer hors de Suisse sans nécessairement devoir retourner au Kosovo.

15. Le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de M. S______, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 novembre 2010 par Monsieur S______ contre la décision du 28 septembre 2010 de la commission cantonale de recours en matière administrative ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur S______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu’il ne lui est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur S______, à l’office cantonal de la population, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’à l’office fédéral des migrations.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste:

 

 

C. Derpich

 

la présidente siégeant :

 

 

L. Bovy

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.