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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/730/2011

ATA/292/2011 du 10.05.2011 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/730/2011-FORMA ATA/292/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 mai 2011

1ère section

 

dans la cause

 

Madame B______

contre

 

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA CULTURE ET DU SPORT

 



EN FAIT

1. Madame B______ et Monsieur D______ sont les parents de C______, née le 14 septembre 2007.

2. Au mois de décembre 2009, la direction générale de l’enseignement primaire du département de l’instruction publique, de la culture et du sport (ci-après : le département) a écrit à l’ensemble des parents concernés pour les informer de la mise en œuvre du concordat intercantonal sur l’harmonisation de la scolarité obligatoire (ci-après : concordat HarmoS). L’art. 5 al. 1 de ce dernier prévoyait que « l’élève est scolarisé dès l’âge de 4 ans révolus, le jour de référence étant le 31 juillet ». La mesure serait introduite progressivement et, à la rentrée 2011, les enfants nés le 31 août 2007 ou avant pourront entrer en première enfantine.

3. Au mois de novembre 2010, le département a, à nouveau, écrit aux parents concernés, notamment à Mme B______. C______, née après le 31 août 2007, serait scolarisée à la rentrée 2012. Aucune dérogation n’était possible.

4. Par courrier adressé au département le 31 janvier 2011, Mme B______ a demandé à ce que la décision concernant sa fille C______ soit revue.

Cette dernière était très avancée, éveillée, curieuse et indépendante. Elle était de grande taille. Les éducatrices du jardin d'enfants qui l'accueillaient avaient recommandé de trouver un autre moyen de garde pour l'année scolaire 2011-2012, présentant plus de stimulations.

Mme B______ était horlogère-conceptrice indépendante et son activité était en plein développement. Elle devait augmenter son temps de travail et être souvent en déplacement. Le jardin d’enfants accueillant les enfants de Chancy, où elle était domiciliée, n'était ouvert que le matin. Un autre moyen de garde était difficile à trouver et impliquait une rupture entre C______ et ses camarades.

Tout serait beaucoup plus simple si la fille de l’intéressée pouvait être intégrée à l'école dès la rentrée 2011.

A ce courrier était joint un rapport médical de la Dresse Anne Lagnaux, pédiatre, dont il ressortait que C______ devrait s'adapter sans problème à l'école au vu de son développement et qu'elle pouvait bénéficier d'une dispense d'âge.

5. Le 10 février 2011, le département a maintenu sa décision. C______ ne pouvait être scolarisée qu’à la rentrée 2012, au vu de sa date de naissance. Les dispositions réglementaires adoptées seraient strictement appliquées à la rentrée 2011 et aucune dérogation ne serait accordée.

6. Le 8 mars 2011, Mme B______ a déposé au greffe de la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) un recours, reprenant et développant son argumentation antérieure.

C______ était extrêmement mature ; elle parlait bien. Ses camarades du jardin d’enfants commenceraient l'école en septembre 2011 et ce groupe d'enfants, dont C______ était une des meneuses, était déjà soudé par une grande amitié.

7. Le 8 avril 2011, le département a conclu au rejet du recours pour les motifs exposés dans la décision initiale.

8. Le 12 avril 2011, le juge délégué a informé les parties que l’instruction apparaissait close. Un délai échéant le 4 mai 2011 leur était toutefois accordé pour formuler d’éventuelles requêtes d’actes d’instruction complémentaire.

9. Par pli non daté, reçu par la chambre administrative le 3 mai 2011, Mme B______ a persisté dans ses conclusions.

Sa situation financière et celle de M. D______ étaient très précaires. Elle s'était retrouvée partiellement au chômage en 2008 et désirait créer une nouvelle marque de montre, projet dans lequel elle avait investi toutes ses économies. M. D______, également horloger, était au chômage et n'avait trouvé qu'un emploi à 40 %. La famille ne disposait pas de budget pour la garde de leur fille et ne pouvait réserver une place dans une crèche sans être sûre d’assurer les frais. Si C______ ne pouvait pas commencer l'école à la rentrée 2011, elle serait forcée de remettre son entreprise soit pour garder sa fille à la maison si le père de cette dernière trouvait un emploi à plein temps, soit pour trouver elle-même un emploi dans le secteur recherche et développement de l'horlogerie, secteur dans lequel il n'y avait pas de place de travail à temps partiel.

10. Ce pli a été transmis au département le 5 avril 2011 et la procédure a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 al. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le concordat HarmoS a pour but d'harmoniser la scolarité obligatoire au sein des cantons concordataires en accordant les objectifs de l'enseignement et les structures scolaires d'une part et, d'autre part, en développant et en assurant la qualité et la perméabilité du système scolaire au moyen d'instruments de pilotage communs (art. 1 concordat HarmoS). Il prévoit notamment que l'élève est scolarisé dès l'âge de 4 ans révolus, le jour de référence étant le 31 juillet (art. 5 al. 1 concordat HarmoS). Les cantons s'engagent à respecter les caractéristiques structurelles de la scolarité obligatoire telles que définies au chapitre III, dont l'art. 5 fait partie, dans un délai maximal de six ans après l'entrée en vigueur de l'accord. Selon l'art. 15 concordat HarmoS, l'assemblée plénière de la CDIP décide de la date d'abrogation de l'art. 2 du concordat intercantonal sur la coordination scolaire du 29 octobre 1970 (CICS - C 1 05), qui prévoit notamment que l'âge d'entrée à l'école est fixé à 6 ans révolus au 30 juin, les cantons pouvant avancer ou retarder cette date dans une limite de quatre mois. Au 5 mai 2011, l'art. 2 CICS n'avait pas été abrogé (Recueil des bases légales de la CDIP consultable sur le site : http://www.cdip.ch/dyn/11703.php).

Dans son communiqué de presse du 13 mai 2009 annonçant l'entrée en vigueur du concordat HarmoS au 1er août 2009, la CDIP a relevé « que le jour de référence pour l'entrée à l'école obligatoire ne pourra plus varier comme aujourd'hui au sein d'une fourchette de huit mois. Pour les cantons concordataires, l'âge de l'enfant au 31 juillet déterminera son entrée à l'école enfantine (il devra avoir fêté son 4ème anniversaire avant cette date). Les parents conserveront la possibilité, moyennant une demande, de faire avancer ou repousser l'entrée à l'école de leur enfant ». Cette dernière précision a été répétée dans la feuille d'information sur l'école enfantine obligatoire publiée le 17 juin 2010 par le CDIP, disponible en ligne sur le site http://www.cdip.ch/dyn/15414.php.

3. En même temps que le concordat HarmoS est entrée en vigueur la convention scolaire romande du 21 juin 2007 (CSR - C 1 07), dont le but est notamment d'instituer et de renforcer l'espace romand de formation, en application du concordat HarmoS (art. 1 al. 1 CSR). Elle comporte des domaines dans lesquels la coopération entre les cantons est obligatoire et fait l'objet d'une réglementation contraignante et d'autres dans lesquels la collaboration n'est pas obligatoire et fait l'objet de recommandations (art. 2 CSR). Le début de la scolarisation entre dans la première catégorie (art. 3 al. 1 let. a CSR). La convention prévoit que l'élève est scolarisé dès l'âge de 4 ans révolus, le jour déterminant étant le 31 juillet (art. 4 al. 1 CSR). La fixation du jour de référence n'exclut pas les cas de dérogations individuelles qui demeurent de la compétence des cantons (art. 4 al. 2 CSR).

4. Selon l'art. 11 al. 1 de la loi sur l'instruction publique du 6 novembre 1940 (LIP - C 1 10), la scolarité obligatoire comprend neuf années scolaires complètes. Les enfants âgés de 6 ans révolus y sont astreints dès le début de l’année scolaire ; ils achèvent leur scolarité obligatoire à la fin de l’année scolaire au cours de laquelle ils ont atteint l’âge de 15 ans révolus. L'école enfantine, quant à elle, comprend des classes facultatives destinées aux enfants de 4 et 5 ans (art. 24 LIP). Elle est intégrée dans l'enseignement primaire (art. 21 let. a LIP).

Un règlement détermine les conditions d’octroi des dispenses d’âge pour l’admission à l’école (art. 11 al. 1 LIP).

Sur la base de cette délégation, le Conseil d'Etat a édicté le règlement relatif aux dispenses d'âge du 12 juin 1974 (RDAge - C 1 10.18), dont l'art. 1 prévoit :

« L'âge d'entrée à l'école obligatoire est fixé à 6 ans révolus au 30 juin. Par voie de conséquence, les enfants qui atteignent :

a) l'âge de 6 ans révolus au 30 juin sont astreints à la scolarité obligatoire et doivent entrer en 1ère année primaire dès le début de l'année scolaire ;

b) l'âge de 5 ans révolus au 30 juin peuvent être admis dans la 2ème classe facultative de la division enfantine ;

c) l'âge de 4 ans révolus au 30 juin peuvent être admis dans la 1ère classe facultative de la division enfantine ».

En dérogation à la disposition précitée, des dispenses d'âge peuvent être accordées aux élèves de l'enseignement public (art. 2 RDAge). L'art. 3 RDAge, intitulé « dispenses simples - modalités transitoires » prévoit qu'au moment de l'inscription à l'école, et sauf demande contraire des parents, une dispense d'âge simple est accordée spontanément à la rentrée 2010 pour les élèves entrant en 1ère classe enfantine nés jusqu'au 30 septembre 2006 et, à la rentrée 2011, pour les élèves entrant en 1ère classe enfantine nés jusqu'au 31 août 2007 (art. 3 al. 1 let. a et b RDAge). Cette disposition vise à atténuer l'impact du passage du système actuel instauré par le CICS, permettant d'avancer ou de reculer de quatre mois la date de référence, au système HarmoS qui instaure une date de référence contraignante (Exposé des motifs à l'appui du projet de loi autorisant le Conseil d'Etat à adhérer à HarmoS - PL 10350 - p. 11, consultable sur le site http://www.ge.ch/grandconseil/moteurPdf.asp?typeObj=PL&numObj=10350). L’alinéa 2 de cette disposition précise que dès la rentrée 2012, tous les enfants âgés de 4 ans révolus au 31 juillet doivent être scolarisés en 1ère classe enfantine.

Contrairement à la dispense d'une année ou plus prévue à l'art. 4 RDAge, qui peut être accordée à un enfant en âge de fréquenter la 2ème enfantine jugé apte, du point de vue psychopédagogique et médical, à suivre sans difficulté une classe de 1ère primaire, à l'issue d'une procédure initiée par une demande écrite et motivée des parents, la dispense d'âge simple présente un caractère automatique. Son but, mentionné dans l'ancienne teneur de l'art. 3 RDAge - qui prévoyait qu'elle était octroyée aux enfants nés jusqu'au 31 octobre - est de permettre aux enfants concernés de fréquenter le même degré que leurs camarades nés avant le 1er juillet.

Le règlement ne prévoit pas d'autres cas de dispense d'âge que ceux susmentionnés. En particulier, il ne permet plus d'octroyer des dispenses d'âge simples pour des enfants nés après le 30 septembre 2006 pour la rentrée 2010, respectivement après le 31 août 2007 pour la rentrée 2011 et il ne contient pas de clause réservant la possibilité de dérogations dans des situations exceptionnelles.

5. Toutefois, dans sa lettre circulaire de décembre 2009 adressée à tous les parents concernés par la mise en œuvre du concordat HarmoS pour les enfants devant être admis en 1ère enfantine, après avoir précisé qu'en vue de garantir la cohérence des décisions sur le plan intercantonal il n'entendait pas accorder de dérogations, le département a invité les familles pouvant être confrontées à des difficultés de force majeure par l'entrée en vigueur de la nouvelle teneur de l'art. 3 RDAge, à s'adresser à lui pour qu'il examine leur situation. Force est ainsi de constater que le département, certes avec une intention louable, a d'entrée de cause laissé penser que des dérogations seraient possibles. Il a cependant indiqué, sans être contredit, qu'aucune dérogation ne serait accordée pour la rentrée 2011. Dès lors, il n'y pas lieu d'examiner si la recourante peut être mis au bénéfice d'une pratique illégale que l'autorité aurait adoptée dans des cas similaires (ATA/172/2011 du 15 mars 2011 et les références citées).

Au demeurant, quand bien même la nouvelle réglementation a des incidences sur l’organisation de la famille, la recourante a disposé du temps nécessaire pour trouver des aménagements, à l’instar de l’ensemble des parents d’enfants nés après le 31 août 2007 (ATA/276/2011 du 3 mai 2011 ; ATA/275/2011 du 3 mai 2011 ; ATA/241/2011 du 12 avril 2011 ; ATA/172/2011 du 15 mars 2011).

6. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Pour tenir compte de la situation financière de Mme B______, aucun émolument ne sera mis à sa charge (art. 87 LPA).

 

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 mars 2011 par Madame B______ contre la décision du département de l'instruction publique, de la culture et du sport du 10 février 2011 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame B______ ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la culture et du sport.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Junod, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction :

 

 

M. Tonossi

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :