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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/169/2011

ATA/289/2011 du 10.05.2011 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/169/2011-FORMA ATA/289/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 mai 2011

2ème section

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur W______

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA CULTURE ET DU SPORT

 



EN FAIT

1. Madame et Monsieur W______, domiciliés au Grand-Saconnex, sont les parents de J______ W______ né le 15 septembre 2007.

2. Au mois de décembre 2009, la direction générale de l’enseignement primaire (ci-après : DGEP) du département de l’instruction publique, de la culture et du sport (ci-après : le département) a écrit à l’ensemble des parents concernés pour les informer de la mise en œuvre de l’accord intercantonal sur l’harmonisation de la scolarité obligatoire (HarmoS - C 1 06) (ci-après : HarmoS). L’art. 5 al. 1 de ce dernier prévoyait que « l’élève est scolarisé dès l’âge de 4 ans révolus, le jour de référence étant le 31 juillet ». La mesure serait introduite progressivement et, à la rentrée 2011, les enfants nés le 31 août 2007 ou avant pourront entrer en 1ère enfantine.

3. Au mois de novembre 2010, le département a, à nouveau, écrit aux parents concernés, notamment aux époux W______. Leur fils J______, né après le 31 août 2007, serait scolarisé à la rentrée 2012. Aucune dérogation n’était possible.

4. Le 18 décembre 2010, les époux W______ ont sollicité de la DGEP une dérogation pour leur fils afin que celui-ci puisse commencer l’école lors de la rentrée 2011. Leur fils était entièrement pris en charge par ses grands-parents paternels, lesquels ayant tous deux atteints l’âge de la retraite avaient décidé de quitter la Suisse en 2011 pour s’établir à l’étranger. Toutes les recherches qu’ils avaient entreprises en vue de trouver une place dans une crèche s’étaient avérées infructueuses. Une telle solution, si elle avait été possible, aurait été difficilement envisageable pour des raisons financières, leur troisième enfant devant naître courant mai 2011 et devant vraisemblablement être, lui, placé dans une crèche. J______ était particulièrement éveillé, en raison des contacts qu’il avait avec sa grande sœur, née le 23 septembre 2003, ainsi que l’attestait un certificat médical de la Doctoresse Claire Leresche-Vuille, spécialiste FMH en pédiatrie, selon laquelle J______ montrait un bon développement psychomoteur et était apte à commencer sa scolarité en août 2011.

5. Le 21 décembre 2010, la DGEP a rejeté cette requête et confirmé que J______ serait admis en 1ère enfantine à la rentrée 2012. Toutes les familles concernées par les nouvelles dispositions d’HarmoS avaient été informées en 2009 déjà et elles avaient ainsi disposé d’un délai nécessaire pour leur permettre de s’organiser en conséquence.

6. Par pli recommandé du 20 janvier 2011, les époux W______ ont recouru contre cette décision, qu’ils avaient reçue le 23 décembre 2010, auprès de la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Ils alléguaient un excès ou un abus du pouvoir d’appréciation de l’autorité qui avait exclu d’emblée la possibilité d’une dérogation, et cela contrairement à l’art. 4 al. 2 de la convention scolaire romande du 21 juin 2007 entrée en vigueur le 1er août 2009 (CSR-C 1 07), à teneur duquel « la fixation du jour de référence n’exclut pas les cas de dérogations individuelles qui demeurent de la compétence des cantons ». L’al. 1 de cette même disposition prévoyant que « l’élève est scolarisé dès l’âge de 4 ans révolus. Le jour déterminant est le 31 juillet ».

Les recourants se référaient au certificat médical précité, aux difficultés qu’ils avaient déjà fait valoir quant au fait de trouver une place dans une crèche et, en tout état, aux problèmes financiers qui en résulteraient pour eux si leurs démarches n’aboutissaient pas et enfin au départ, en octobre 2011, des grands-parents paternels de J______. Ils concluaient à l’annulation de la décision attaquée. La DGEP devait se voir ordonner de scolariser J______ pour la rentrée 2011. A ce recours était annexé un certificat médical établi le 3 décembre 2010 par un gynécologue-obstétricien certifiant que Mme W______ présentait tous les signes d’une grossesse dont le terme était prévu pour le 22 mai 2011.

7. Le 25 février 2011, le département a conclu au rejet du recours. Selon l’art. 3 al. 1 du règlement relatif aux dispenses d’âge du 12 juin 1974 (RDAge - C 1 10.18), tel qu’il avait été modifié en son art. 3 dès le 19 novembre 2009, une dispense d’âge simple était accordée spontanément à la rentrée 2010 pour les enfants nés jusqu’au 30 septembre 2006 et à la rentrée 2011 pour ceux nés jusqu’au 31 août 2007. En revanche et dès la rentrée 2012, tous les enfants âgés de 4 ans révolus au 31 juillet devaient être scolarisés en 1ère classe enfantine (art. 3 al. 2 RDAge). Les art. 4 à 6 réglaient les dispenses d’âge d’une année pouvant être accordées à des enfants en âge de fréquenter la 2ème enfantine et le refus de dispense à teneur de l’art. 7 al. 1 RDAge était susceptible de recours auprès de la chambre administrative pour autant qu’il y ait eu violation d’une prescription légale ou réglementaire au sens de l’art. 7 al. 2 RDAge.

8. Cette réponse a été transmise aux recourants avec la mention qu’ils pouvaient déposer d’éventuelles observations d’ici le 2 mai 2011.

Le 28 avril 2011, les époux W______ ont écrit au juge délégué en reprenant leur argumentation.

9. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 al. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. HarmoS a pour but d’harmoniser la scolarité obligatoire au sein des cantons concordataires en accordant les objectifs de l’enseignement et les structures scolaires, d’une part, et, d’autre part, en développant et en assurant la qualité et la perméabilité du système scolaire au moyen d’instruments de pilotage communs (art. 1 HarmoS). Il prévoit notamment que l’élève est scolarisé dès l’âge de 4 ans révolus, le jour de référence étant le 31 juillet (art. 5 al. 1 HarmoS). Les cantons s’engagent à respecter les caractéristiques structurelles de la scolarité obligatoire telles que définies au chapitre III, dont l’art. 5 fait partie, dans un délai maximal de six ans après l’entrée en vigueur de l’accord. Selon l’art. 15 HarmoS, l’assemblée plénière de la conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (ci-après : CDIP) décide de la date d’abrogation de l’art. 2 du concordat intercantonal sur la coordination scolaire du 29 octobre 1970 (CICS - C 1 05), qui prévoit notamment que l’âge d’entrée à l’école est fixé à 6 ans révolus au 30 juin, les cantons pouvant avancer ou retarder cette date dans une limite de quatre mois. Au 31 juillet 2010, l’art. 2 CICS n’avait pas été abrogé (Recueil des bases légales de la CDIP consultable sur le site : http://www.cdip.ch/dyn/11703.php).

Dans son communiqué de presse du 13 mai 2009 annonçant l’entrée en vigueur d’HarmoS au 1er août 2009, la CDIP a relevé que « le jour de référence pour l’entrée à l’école obligatoire ne pourra plus varier comme aujourd’hui au sein d’une fourchette de huit mois. Pour les cantons concordataires, l’âge de l’enfant au 31 juillet déterminera son entrée à l’école enfantine (il devra avoir fêté son 4ème anniversaire avant cette date). Les parents conserveront la possibilité, moyennant une demande, de faire avancer ou repousser l’entrée à l’école de leur enfant ». Cette dernière précision a été répétée dans la feuille d’information sur l’école enfantine obligatoire publiée le 17 juin 2010 par la CDIP, disponible en ligne sur le site : http://www.cdip.ch/dyn/15414.php.

3. En même temps qu’HarmoS, est entrée en vigueur la CSR, dont le but est notamment d’instituer et de renforcer l’espace romand de formation, en application d’HarmoS (art. 1 al. 1 CSR). Elle comporte des domaines dans lesquels la coopération entre les cantons est obligatoire et fait l’objet d’une réglementation contraignante, et d’autres dans lesquels la collaboration n’est pas obligatoire et fait l’objet de recommandations (art. 2 CSR). Le début de la scolarisation entre dans la première catégorie (art. 3 al. 1 let. a CSR). La convention prévoit que l’élève est scolarisé dès l’âge de 4 ans révolus, le jour déterminant étant le 31 juillet (art. 4 al. 1 CSR). La fixation du jour de référence n’exclut pas les cas de dérogations individuelles qui demeurent de la compétence des cantons (art. 4 al. 2 CSR).

4. Selon l’art. 11 al. 1 de la loi sur l’instruction publique du 6 novembre 1940 (LIP - C 1 10), la scolarité obligatoire comprend neuf années scolaires complètes. Les enfants âgés de 6 ans révolus y sont astreints dès le début de l’année scolaire ; ils achèvent leur scolarité obligatoire à la fin de l’année scolaire au cours de laquelle ils ont atteint l’âge de 15 ans révolus. L’école enfantine, quant à elle, comprend des classes facultatives destinées aux enfants de 4 et 5 ans (art. 24 LIP). Elle est intégrée dans l’enseignement primaire (art. 21 let. a LIP).

Un règlement détermine les conditions d’octroi des dispenses d’âge pour l’admission à l’école (art. 11 al. 1 LIP).

Sur la base de cette délégation, le Conseil d’Etat a édicté le RDAge dont l’art. 1 prévoit :

« L’âge d’entrée à l’école obligatoire est fixé à 6 ans révolus au 30 juin. Par voie de conséquence, les enfants qui atteignent :

a) l’âge de 6 ans révolus au 30 juin sont astreints à la scolarité obligatoire et doivent entrer en 1ère année primaire dès le début de l’année scolaire ;

b) l’âge de 5 ans révolus au 30 juin peuvent être admis dans la 2ème classe facultative de la division enfantine ;

c) l’âge de 4 ans révolus au 30 juin peuvent être admis dans la 1ère classe facultative de la division enfantine ».

En dérogation à la disposition précitée, des dispenses d’âge peuvent être accordées aux élèves de l’enseignement public (art. 2 RDAge). L’art. 3 RDAge, intitulé « dispenses simples - modalités transitoires » prévoit qu’au moment de l’inscription à l’école, et sauf demande contraire des parents, une dispense d’âge simple est accordée spontanément à la rentrée 2010, pour les élèves entrant en 1ère classe enfantine nés jusqu’au 30 septembre 2006 et, à la rentrée 2011, pour les élèves entrant en 1ère classe enfantine nés jusqu’au 31 août 2007 (art. 3 al. 1 let. a et b RDAge). Cette disposition vise à atténuer l’impact du passage du système actuel instauré par le CICS, permettant d’avancer ou de reculer de quatre mois la date de référence au système HarmoS, qui instaure une date de référence contraignante (Exposé des motifs à l’appui du projet de loi autorisant le Conseil d’Etat à adhérer à HarmoS - PL 10350 - p. 11, consultable sur le site http://www.ge.ch/grandconseil/moteurPdf.asp?typeObj=PL&numObj=10350). L’alinéa 2 de cette disposition précise que, dès la rentrée 2012, tous les enfants âgés de 4 ans révolus au 31 juillet doivent être scolarisés en 1ère classe enfantine.

Contrairement à la dispense d’une année ou plus prévue à l’art. 4 RDAge, qui peut être accordée à un enfant en âge de fréquenter la 2ème enfantine jugé apte, du point de vue psychopédagogique et médical, à suivre sans difficulté une classe de 1ère primaire, à l’issue d’une procédure initiée par une demande écrite et motivée des parents, la dispense d’âge simple présente un caractère automatique. Son but, mentionné dans l’ancienne teneur de l’art. 3 RDAge - qui prévoyait qu’elle était octroyée aux enfants nés jusqu’au 31 octobre - est de permettre aux enfants concernés de fréquenter le même degré que leurs camarades nés avant le 1er juillet.

Le règlement ne prévoit pas d’autres cas de dispense d’âge que ceux susmentionnés. En particulier, il ne permet plus d’octroyer des dispenses d’âge simples pour des enfants nés après le 30 septembre 2006 pour la rentrée 2010, respectivement après le 31 août 2007, pour la rentrée 2011 et il ne contient pas de clause réservant la possibilité de dérogations dans des situations exceptionnelles.

5. Toutefois, dans sa lettre circulaire de décembre 2009 adressée à tous les parents concernés par la mise en œuvre d’HarmoS pour les enfants devant être admis en 1ère enfantine, après avoir précisé qu’en vue de garantir la cohérence des décisions sur le plan intercantonal il n’entendait pas accorder de dérogations, le département a invité les familles pouvant être confrontées à des difficultés de force majeure par l’entrée en vigueur de la nouvelle teneur de l’art. 3 RDAge à s’adresser à lui pour qu’il examine leur situation. Force est ainsi de constater que le département, certes avec une intention louable, a d’entrée de cause laissé penser que des dérogations seraient possibles. Il a cependant indiqué qu’à partir de la rentrée 2013 la dispense d’âge simple sera totalement supprimée et la nouvelle date de référence pour l’entrée à l’école primaire publique sera le 31 juillet, à 4 ans. Cette prise de position repose sur l’art. 4 al. 1 CSR et est compatible avec l’art. 11 al. 1 LIP. A rigueur de texte, elle ne souffre aucune dérogation pour les enfants nés après le 31 août 2007 (art. 3 al. 2 RDAge). Dès lors, il n’y a pas lieu d’examiner si les recourants peuvent être mis au bénéfice d’une pratique illégale que l’autorité aurait adoptée dans des cas similaires (ATA/172/2011 du 15 mars 2011 et les réf. citées).

Quant au certificat médical de la Dresse Leresche-Vuille, il ne peut être pris en considération puisque J______ ne se trouve pas dans un des cas prévus par l’art. 4 RDAge et que l’art. 3 al. 2 dudit règlement intitulé « dispenses simples - modalités transitoires » qui avait pour but de permettre une mise en œuvre progressive de ces nouvelles dispositions ne permettra plus de dispenses spontanées sans être pour autant contraire aux dispositions légales et concordataires rappelées ci-dessus.

6. a. En l’espèce, les recourants savaient depuis décembre 2009 que J______ ne bénéficierait pas d’une dispense d’âge. Il leur appartenait dès cette date de prendre toutes dispositions utiles pour permettre la garde de cet enfant pendant une année supplémentaire, à l’instar de l’ensemble des parents d’enfants nés après le 31 août 2007, la loi devant s’appliquer pour tous (dans ce sens ATA/276/2011 du 3 mai 2011 ; ATA/275/2011 du 3 mai 2011 ; ATA/241/2011 du 12 avril 2011 ; ATA/172/2011 du 15 mars 2011).

b. Le fait que les grands-parents paternels de J______ quitteraient définitivement la Suisse en octobre 2011 n’est nullement documenté et rien ne permet de le retenir comme établi.

c. Il apparaît en outre que même si les recourants avaient pu disposer d’une place de crèche pour J______, cette solution de garde se serait avérée trop onéreuse pour eux compte tenu de leur situation familiale. Les recourants ne soutiennent pas par ailleurs que Mme W______, qui devrait accoucher du troisième enfant du couple en mai 2011, recommencerait à travailler à la rentrée scolaire 2011.

7. Le département n’a ainsi pas procédé à une constatation inexacte des faits pertinents ni n’a mésusé de son pouvoir d’appréciation, de sorte que le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de Madame et Monsieur W______, pris conjointement et solidairement.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 janvier 2011 par Madame et Monsieur W______ contre la décision du département de l'instruction publique, de la culture et du sport du 21 décembre 2010 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Madame et Monsieur W______, pris conjointement et solidairement ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame et Monsieur W______ ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la culture et du sport.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente siégeant :

 

 

L. Bovy

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :