Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1722/2012

ATA/260/2013 du 23.04.2013 ( PROF ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1722/2012-PROF ATA/260/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 avril 2013

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur K______

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ

 



EN FAIT

Monsieur K______, né le ______1978, de nationalité suisse, exerce la profession d'agent de sécurité.

Par arrêté du 15 août 2006, valable jusqu'au 14 août 2010, le département des institutions, devenu entretemps le département de la police, de la sécurité et de l'environnement puis le département de la sécurité (ci-après : le département), a autorisé l'entreprise I______ société de sécurité S.A. (ci-après : I______) à engager M. K______ en tant qu'agent de sécurité. L'intéressé avait alors produit une attestation de non-poursuite et d'absence d'actes de défaut de biens (ci-après : ADB) établie par l'office des poursuites (ci-après : OP) le 2 août 2006.

Le 4 août 2010, I______ a déposé une requête de renouvellement de l'autorisation d'engager M. K______ comme agent de sécurité. Le document émanant de l'OP, joint à la requête, faisait état de quatorze poursuites en cours, pour un montant total de CHF 82'558,80. M. K______ n'avait toutefois aucun ADB établi à son encontre, et n'avait pas fait l'objet d'une faillite dans le canton de Genève.

Par arrêté du 16 août 2010, valable jusqu'au 15 août 2014, le département a autorisé I______ à engager M. K______ en tant qu'agent de sécurité.

Le 7 octobre 2011, le département a effectué un contrôle de solvabilité auprès de l'OP concernant M. K______.

Celui-ci avait quinze poursuites en cours pour un montant total de CHF 81'142,70, et douze ADB avaient été délivrés à son encontre, pour un montant total de CHF 33'842,45.

Le 11 octobre 2011, le département a écrit à M. K______. Au vu des résultats du contrôle précité, il estimait que M. K______ ne remplissait plus la condition de solvabilité prévue par la législation applicable, et envisageait de retirer l'autorisation d'engagement dont il bénéficiait.

Un délai au 30 novembre 2011 lui était accordé pour exercer son droit d'être entendu et, le cas échéant, régulariser sa situation.

Le 1er novembre 2011, Madame D______, assistante sociale au Centre social protestant (ci-après : CSP), a rédigé une attestation indiquant que M. K______ était suivi par le CSP depuis le 13 avril 2010. Il était séparé depuis septembre 2007 et divorcé depuis février 2011 ; cette séparation était à l'origine du processus d'endettement de M. K______. Une saisie sur salaire était en cours et M. K______ vivait actuellement avec le minimum vital au sens du droit des poursuites. Il gérait désormais son budget sérieusement et sans faire de nouvelles dettes.

Le 24 novembre 2011, M. K______ a écrit au département. Il ne contestait pas son insolvabilité, mais sa situation financière difficile, qui trouvait son origine dans la séparation d'avec son ex-épouse, était en cours d'amélioration. Il mettait toute sa volonté pour l'assainir. La précarité ne résoudrait pas ses problèmes d'argent. Il convenait dès lors de ne pas prendre la décision envisagée.

Le 5 décembre 2011, le département, déclarant tenir compte des efforts entrepris, a imparti à M. K______ un délai au 31 janvier 2012 pour racheter ses ADB ou, à défaut, pour présenter des arrangements de remboursement réalistes et à relativement bref délai, soit moins d'une année ; faute de quoi le département n'aurait d'autre choix que de prononcer le retrait de l'autorisation d'engagement dont il bénéficiait.

Le 2 février 2012, M. K______ a informé le département que quelques arrangements avaient été conclus à ce jour, mais que d'autres étaient toujours en attente. L'huissier qui s'occupait de son dossier à l'OP lui avait conseillé de relancer les poursuites par le biais des ADB afin que ces créances soient incluses dans la saisie sur salaire dont il faisait l'objet, mais la procédure n'avait pas encore abouti. Il demandait dès lors un délai supplémentaire pour apporter les preuves nécessaires à cet égard.

Le 17 février 2012, le département a imparti à M. K______ un ultime délai au 30 mars 2012 pour lui préciser, preuves à l'appui, s'il était véritablement en mesure de présenter des arrangements de remboursement réalistes et à relativement bref délai.

Le 16 avril 2012, M. K______ a écrit au département. Avec l'aide de l'huissier en charge de son dossier, il avait pu « établir la relance des ADB actifs », ce qui avait débouché sur des poursuites ayant repris leur cours par le biais d'une saisie sur salaire ; toutefois, les ADB restaient inscrits sur les « listings » de l'OP.

Par décision du 4 mai 2012, le département a retiré l'autorisation d'engagement de M. K______ en tant qu'agent de sécurité.

Les documents qu'il avait envoyés le 16 avril 2012 attestaient de l'existence de quelques engagements. Toutefois, un contrôle effectué le 17 avril auprès de l'OP faisait état de l'existence de dix-sept poursuites pour un montant total de CHF 83'693,35 et de neuf ADB pour un total de CHF 43'884,90. La situation de M. K______ s'était donc encore dégradée entre les mois d'octobre 2011 et d'avril 2012, et il n'était pas en mesure de présenter un plan de remboursement dans un délai raisonnable. La condition de solvabilité prévue par le concordat sur les entreprises de sécurité, du 18 octobre 1996 (CES - I 2 14) n'était donc plus remplie, son état d'insolvabilité étant à la fois général et durable. La décision n'était pas déclarée exécutoire nonobstant recours.

Par acte posté le 4 juin 2012, M. K______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, sans prendre de conclusions formelles.

Certains points évoqués dans la décision attaquée n'étaient pas exacts s'agissant de ses ADB. Le département avait pris en compte les ADB et les poursuites enregistrées sans tenir compte du fait que certaines poursuites et certains ADB concernaient la même dette, mais étaient enregistrés sous des numéros différents. Les montants ne correspondaient donc pas à la réalité des créances, car celles-ci n'étaient pas en augmentation, mais étaient en train de diminuer, bien qu'il ne soit pas possible de les effacer des registres tant qu'elles n'étaient pas acquittées.

Ainsi, quatre poursuites (pour un montant total de CHF 27'419,45) correspondaient chacune à un ADB et ces créances étaient en train d'être soldées par voie de saisie, dans un délai d'une année. Trois ADB, pour un montant total de CHF 2'426,15, faisaient déjà l'objet d'un arrangement et seraient soldés à fin décembre 2012. M. K______ s'engageait à solder encore trois autres ADB sous deux mois, pour un montant total de CHF 4'128,85. Il s'engageait à rétablir sa situation financière dans le courant de l'année 2012, en apportant des justificatifs de paiement.

Le 26 juillet 2012, le département a conclu au rejet du recours.

L'exigence de solvabilité prévue par l'ancienne loi sur la profession d'agent de sécurité privée, du 15 mars 1985, avait été confirmée tant par le Tribunal administratif, dont les compétences ont été reprises par la chambre de céans, que par le Tribunal fédéral. Lors de la révision du CES en 2004, il était apparu nécessaire d'étendre aux agents de sécurité salariés les exigences de solvabilité applicables aux responsables d'agences, car les employés pouvaient également être confrontés dans leurs missions à la présence d'espèces, avec tous les risques que cela comportait.

Malgré les explications fournies par M. K______ dans son acte de recours au sujet des montants figurant à double, les montants dus étaient importants et non susceptibles d'être remboursés à bref délai. Son insolvabilité au sens du CES était ainsi avérée.

La mesure prise, qui constituait une atteinte à la liberté économique de l'intéressé, reposait sur une base légale formelle, répondait à un intérêt public et était conforme au principe de proportionnalité.

Dans sa réplique du 28 septembre 2012, M. K______ a persisté dans les termes de son recours.

Depuis le mois d'avril 2012, il avait réussi à solder cinq poursuites, pour un montant total de CHF 14'318.-, et cinq ADB pour un montant total de CHF 4'859,25.

Le 3 octobre 2012, le juge délégué a accordé aux parties un délai au 2 novembre 2012 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

Le 29 octobre 2012, le département a persisté dans ses conclusions.

Il ressortait clairement du dernier relevé de l'OP du 25 septembre 2012 que l'intéressé faisait encore l'objet de quatre ADB pour un montant total de CHF 39'05,65. Le fait qu'il fasse l'objet d'une saisie sur salaire et réussisse à rembourser certaines dettes ne changeait rien à son état d'insolvabilité, qui pouvait toujours être qualifié de durable au sens de la jurisprudence.

Le 2 novembre 2012, M. K______ a indiqué avoir payé trois mensualités de CHF 300.- chacune dans le cadre d'un arrangement pris avec l'un de ses créanciers. Il a fourni en outre une attestation du CSP du 1er novembre 2012, selon laquelle il avait effectué des efforts considérables pour améliorer sa situation depuis avril 2010, prenant en main son budget et ne faisant pas de nouvelles dettes.

Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Toute activité lucrative privée exercée à titre professionnel, qui vise à l’obtention d’un gain ou d’un revenu, bénéficie de la liberté économique (ATF 128 I 19 consid. 4c.aa ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_335/2012 du 27 septembre 2012 consid. 2.1). La protection de l’art. 27 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) s’étend non seulement aux indépendants, mais encore aux employés salariés lorsqu’ils sont atteints dans leurs droits juridiquement protégés (ATF 112 Ia 318). Les cantons peuvent cependant apporter à cette liberté des restrictions consistant notamment en des mesures de police justifiées par un intérêt public tel que la sauvegarde de la tranquillité, de la sécurité et de la moralité publiques ou encore le fait de prévenir ou d’écarter un danger (ATF 114 Ia 36). Ces mesures de police doivent cependant reposer sur une base légale, être justifiées par un intérêt public prépondérant et, selon le principe de la proportionnalité, se limiter à ce qui est nécessaire à la réalisation des buts d’intérêt public poursuivis (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_335/2012 précité consid. 2.1).

a. Selon l’art. 9 al. 1 let. d CES, l’autorisation d'engager du personnel n'est accordée que si l'agent de sécurité ou le chef de succursale est solvable ou ne fait pas l'objet d'actes de défaut de biens définitifs.

b. Au terme de l’art. 13 al. 1 CES, l’autorité qui a accordé l’autorisation doit la retirer lorsque les conditions prévues aux art. 8, 9 et 10A CES ne sont plus remplies ou lorsque son titulaire contrevient gravement ou à de réitérées reprises aux dispositions du CES ou de la législation cantonale d’application (ATA/576/2012 du 28 août 2012 consid. 3b ; ATA/562/2012 du 21 août 2012 consid. 4 ; ATA/49/2012 du 24 janvier 2012).

L’insolvabilité est une notion de droit fédéral. Le débiteur est insolvable lorsqu’il ne dispose pas de moyens liquides suffisants pour s’acquitter de ses dettes exigibles. Cet état ne doit toutefois pas être passager (ATA/576/2012 précité consid. 4). Il y aura insolvabilité notamment en cas de faillite, concordat ou saisie infructueuse (ATA/677/2009 du 22 décembre 2009 et les références citées).

Selon la jurisprudence constante de la chambre de céans, seul celui dont l’insolvabilité s’est étendue sur certaines périodes sans qu’il ait pu redresser sa situation financière et amortir régulièrement ses dettes doit être considéré comme insolvable (ATA/677/2009 précité ; ATA/444/2005 du 21 juin 2005).

En l’espèce, au moment du prononcé de la décision attaquée, le recourant faisait l’objet de nombreuses poursuites et d’actes de défaut de biens définitifs pour des montants déjà importants. Depuis lors, malgré le remboursement de certaines dettes et l'existence d'une saisie sur son salaire, plusieurs ADB restent en force, pour un montant approchant les CHF 40'000.-. Quelles que soient les raisons qui ont conduit à cette situation, le recourant n’a pas été en mesure depuis 2011 de remédier complètement à cet état de faits, ni d’établir qu’il aurait racheté l'ensemble de ses ADB.

Il est ainsi établi que la situation financière du recourant est obérée et que celui-ci se trouve dans un état d’insolvabilité générale et durable ; de plus, il fait l'objet d'ADB définitifs, ce qui constitue le deuxième cas de figure prévu par l'art. 9 al. 1 let. c CES.

Lorsque les conditions d’octroi d’une autorisation ne sont plus réunies, l’autorité compétente n’a pas d’autre choix que de la retirer en application de l’art. 13 al. 1 CES, étant rappelé que la condition de solvabilité n'a pas pour but le désintéressement des créanciers de l'agent de sécurité, mais l'indépendance de celui-ci dans son travail, qui peut l'amener à garantir la sécurité d'espèces et de valeurs en tout genre.

Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, la chambre de céans considère qu’une telle décision repose sur une base légale formelle, satisfait au principe de proportionnalité - aucune autre mesure ne permettant d’atteindre le résultat escompté - et que l’atteinte à la liberté économique du recourant n’est pas telle qu’elle l’empêcherait d’embrasser toute autre profession qui ne serait pas soumise à une autorisation du même type (ATA/562/2012 précité ; ATA/46/2008 du 5 février 2008 ; ATA/14/2007 du 16 janvier 2007).

Mal fondé, le recours sera rejeté. Vu l’issue du litige un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Il ne lui sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 juin 2012 par Monsieur K______ contre la décision du département de la sécurité du 4 mai 2012 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur K______ un émolument de CHF 500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur K______ ainsi qu'au département de la sécurité.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :