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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1620/2004

ATA/26/2005 du 18.01.2005 ( IEA ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1620/2004-IEA ATA/26/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 18 janvier 2005

dans la cause

 

Madame N__________
représentée par Me Robert Assael, avocat

contre

OFFICE VéTéRINAIRE CANTONAL


 


1. Madame N__________ (ci-après : Mme N__________ ou la recourante), domiciliée __________, 1208 Genève, est propriétaire de quatre chiens, de race Lhassa Apso, soit :

« Yatsen », mâle né en 1990

« Girofle », femelle née en 1991

« Aladin », mâle né en 1994

« Nala », femelle née en 1994

Les deux derniers cités ont pour père et mère les deux premiers nommés. Ceux-ci sont aveugles.

2. Le 15 août 2003, l’office vétérinaire cantonal (ci-après : OVC) a adressé à Mme N__________ un sévère avertissement. La chienne « Girofle » avait été trouvée sur la voie publique. Elle était négligée, non vaccinée et n’avait pas de médaille. Mme N__________ était avisée qu’en cas de nouveaux constats de violations de dispositions légales relatives aux chiens, des sanctions plus drastiques seraient prises à son encontre.

3. a. Le 24 mai 2004, un représentant de l’OVC s’est rendu au domicile de Mme N__________. Celle-ci était absente. Les quatre chiens étaient dans le jardin. Leur pelage était très négligé ; l’un d’entre eux présentait une tentative de tonte non terminée.

Le représentant de l’OVC est revenu sur les lieux plus tard dans la même journée. Mme N__________, alors présente, a affirmé être en train de tondre un des chiens. Rentrée de vacances le jour-même, elle n’avait pas pu le faire avant. Elle pratiquait elle-même la tonte, car les salons de toilettage étaient trop onéreux. A cette occasion, le représentant de l’OVC a constaté que les chiens n’avaient pas la médaille 2004. Mme N__________ a été invitée à régulariser la situation.

b. Le 21 juin 2004, le représentant de l’OVC s’est présenté à nouveau au domicile de Mme N__________. L’état sanitaire des quatre chiens n’avait pas changé. Seul un autre canidé avait été tondu succinctement. Les quatre chiens présentaient un amalgame de croûtes et des salissures sur les poils du museau. Le chien « Aladin » avait une démarche désordonnée, due à l’accumulation de bourre entre les membres. La chienne « Nala » portait une collerette, au motif qu’elle faisait une allergie aux aoûtats.

Mme N__________ a déclaré avoir fait le nécessaire pour l’entretien du pelage de ses animaux. « Aladin » mordait lorsqu’on le manipulait, de sorte que la toiletteuse refusait de s’en occuper. Elle n’avait pas eu le temps d’acquérir les médailles.

Le représentant de l’OVC a signifié à Mme N__________ un mandat de séquestre. Celle-ci refusant d’obtempérer, le concours de la gendarmerie de Chêne a été requis. Les quatre chiens ont été saisis et conduits chez une vétérinaire de la place. Ils ont été toilettés dans les jours qui ont suivi.

4. Selon un constat du 21 juin 2004 établi par la Dresse Cuenoud, médecin vétérinaire à Genève, l’état des chiens était le suivant :

« Aladin » : pelage non entretenu, feutré, avec des plaques pendantes sur tout le corps, y compris la queue et les membres ;

« Girofle » : maigre, poils coupés court irréguliers, kératite sèche bilatérale, yeux purulents avec croûtes sèches, œil droit atrophié ;

« Nala » : poils coupés court irréguliers, dermatite chronique sur le flanc gauche, d’un diamètre de quinze centimètres, hyperpigmentée :

« Yatsen » : maigre, poils coupés court irréguliers, présence de nœuds feutrés, œil gauche kératite sèche, œil droit énucléé, asymétrie des testicules.

5. Le 24 juin 2004, Mme R__________, toiletteuse à l’enseigne « P__________ », a eu un entretien téléphonique avec l’OVC.

Il en résulte que, le jour-même, elle avait toiletté « Aladin » et « Nala ». Le pelage de ces deux chiens avaient été gravement négligé. « Aladin » était particulièrement atteint : pattes d’éléphant, masses de poils dures comme du caillou aux pattes (environ deux cents grammes par patte), faites de nœuds souillés d’urine ; masse de poils obstructive au niveau du prépuce, de sorte que l’urine s’écoulait n’importe où, souillant tout ; inflammation et irritation du pénis ; amoncellement de pellicules. Le chien semblait visiblement soulagé après le toilettage. Il pouvait à nouveau marcher normalement et gambadait même. Il s’était bravement laissé toiletter, alors qu’il aurait eu de quoi manifester sa mauvaise humeur. Contrairement à ce que prétendait Mme N__________, ce soin n’avait présenté aucune difficulté.

6. Le 2 juillet 2004, Mme N__________, assistée d’une avocate, a eu un entretien à l’OVC.

En entendant l’OVC évoquer les négligences multiples consignées ci-avant, Mme N__________ a dit prendre conscience des conséquences de sa conduite. Son mari était pharmacien et lui remettait un certain nombre de produits qu’elle administrait à ses chiens en auto-médication, ce qui expliquait les raisons pour lesquelles elle ne consultait pas de spécialistes. Elle avait sans doute commis des erreurs par ignorance, mais pourrait, sur injonction et sous surveillance de l’OVC, les corriger.

L’OVC a considéré que cette proposition était peu convaincante, estimant ne pas avoir à jouer un rôle d’assistant social pour animaux et ne voulant pas se substituer aux responsabilité de la détentrice. Il a informé l’intéressée qu’il envisageait de lui restituer le deux plus jeunes chiens sous strictes conditions. Concernant les deux chiens aveugles, un rendez-vous a été immédiatement pris avec la Dresse Cuenoud pour procéder, avec l’accord de Mme N__________, à leur euthanasie le 12 juillet 2004. Il était convenu par ailleurs que celle-ci irait chercher les chiens à la fourrière et qu’elle réglerait les frais de toilettage et de prise en charge des canidés à un prix inférieur à celui fixé par le règlement.

7. Par décision du 7 juillet 2004, l’OVC a ordonné l’euthanasie des deux chiens aveugles, « Yatsen » et « Girofle » et la restitution à Mme N__________ des chiens « Aladin » et « Nala » contre paiement intégral des frais de fourrière, de vétérinaire et de toilettage. En outre, il a ordonné à Mme N__________ de faire procéder au toilettage des deux canidés aussi souvent que nécessaire pour cette race de chiens, soit plusieurs fois par an, et de se rendre chez un vétérinaire praticien lorsque les animaux étaient blessés ou malades et ce, sans tarder. De plus, interdiction lui a été faite de détenir un chien supplémentaire. Enfin, elle a été avisée qu’en cas de non respect de tout ou partie de sa décision, l’OVC procéderait au séquestre définitif desdits animaux.

Dite décision a été déclarée exécutoire nonobstant recours.

8. Le 3 août 2004, Mme N__________ a saisi le Tribunal administratif d’un recours contre la décision précitée. Préalablement, elle conclut à la restitution de l’effet suspensif au recours et, sur le fond, à l’annulation de la décision querellée, dans la mesure où elle ordonne l’euthanasie de « Yatsen » et « Girofle ». Elle conclut également à ce qu’il lui soit donné acte de ce qu’elle s’engage à procéder au toilettage de ses chiens aussi souvent que nécessaire, à se rendre chez la vétérinaire en cas de blessure ou de maladie de ses animaux, et à ne détenir pas plus de quatre chiens, le tout avec suite de frais et dépens.

Le 8 juillet 2004, elle avait fait examiner « Yatsen » et « Girofle » par le Dr Murisier, médecin vétérinaire spécialiste en ophtalmologie. Celui-ci avait confirmé la cécité des deux animaux, mais avait constaté que leurs yeux n’étaient pas douloureux. Leur état d’entretien était correct et leur comportement normal, compte tenu de leur cécité et de leur âge (attestation du 11 juillet 2004). Quelques jours plus tard, ce praticien avait encore indiqué qu’il n’était pas nécessaire d’euthanasier les deux chiens (attestation du 14 juillet 2004).

Ces derniers avaient également été examinés par la Dresse Gadat, vétérinaire à Annemasse, qui avait confirmé que l’état clinique des chiens ne mettait pas en évidence de souffrances animales justifiant l’euthanasie (attestation du 10 juillet 2004).

Les quatre canidés avaient été hébergés à la pension « C__________ » à Chens-sur-Léman (France) pour un séjour temporaire en juillet 2004. La fondatrice de cette pension, Mme T__________, avait relevé que ces chiens, qui n’étaient pas revenus chez elle depuis près de neuf ans, avaient immédiatement reconnu les lieux et trouvé facilement leurs repères. Elle n’avait constaté aucune frustration, ni aucune souffrance pour les deux plus âgés. Certes, les soins à leur donner étaient importants, mais ils ne semblaient ressentir aucune douleur (attestation de juillet 2004).

9. Invité à se déterminer sur la question de l’effet suspensif, l’OVC a déclaré s’en rapporter à l’appréciation du Tribunal administratif.

10. Par décision présidentielle du 12 août 2004, le Tribunal administratif a admis la demande de restitution de l’effet suspensif, sauf en ce qui concernait l’interdiction faite à Mme N__________ de prendre un chien supplémentaire.

11. Dans sa réponse sur le fond du 28 septembre 2004, l’OVC s’est opposé au recours.

Mme N__________ persistait à nier les graves négligences dont elle s’était rendue coupable. Selon les constats établis par les vétérinaires et la toiletteuse mandatés par l’OVC, Mme N__________ n’était pas en mesure d’assumer les obligations liées à la détention de chiens. Concernant les deux canidés les plus âgés, aucune mesure autre que l’euthanasie n’était envisageable. En effet, lors de leur placement à la fourrière cantonale, il avait été observé qu’ils étaient mis à l’écart par leurs congénères. Face à cette détresse psychologique, l’euthanasie s’imposait, afin d’abréger leurs souffrances.

Les rapports des Drs Murisier et Gadat ainsi que les propos de Mme T__________ n’étaient pas de nature à infirmer les conclusions de l’OVC. S’agissant des allégations du Dr Murisier, l’OVC a relevé que celui-ci n’avait pas été amené à analyser les conditions habituelles de détention des chiens. De plus, les animaux avaient été présentés aux deux vétérinaires après avoir reçu les soins requis par l’OVC et après avoir été toilettés. Quant à Mme T__________, ses appréciations mettaient clairement en évidence la lourdeur des soins à prodiguer à « Yatsen » et à « Girofle ».

L’OVC aurait pu, au vu de l’ensemble de la situation, ordonner le séquestre définitif d’« Aladin » et de « Nala ». Il ne l’avait pas fait, de manière à laisser à la recourante une dernière chance d’améliorer son comportement et de prendre conscience de ses nombreux manquements.

12. Lors de l’audience du 4 novembre 2004, le Tribunal administratif a entendu des témoins, en présence des parties.

a. La Dresse Cuenod a déclaré être la vétérinaire de Mme N__________ depuis 1995. Elle a confirmé le constat établi le 21 juin 2004. Depuis cette date, elle avait revu les quatre chiens le 8 juillet et, en octobre, elle avait réexaminé « Yatsen ». D’après ce qu’elle avait constaté, l’état de « Yatsen » et de « Girofle » n’était pas tel qu’il fallût les euthanasier. Elle ne pouvait pas se prononcer sur le comportement des chiens induit par leur cécité. D’après les déclarations de Mme N__________, les deux chiens étaient joyeux et participaient à la vie familiale. Depuis qu’elle suivait les animaux de la recourante, elle avait pu constater un manque d’entretien engendrant des problèmes pour ceux-ci. Elle a encore précisé que, pour cette race de chiens, le seul brossage ne suffisait pas : ces animaux devaient être toilettés et le poil coupé assez court au début de l’été. Mme N__________ la consultait lorsque l’état des chiens était relativement grave. Il fallait savoir que le mari de la recourante était pharmacien et qu’il traitait lui-même les « bobos » et autres petits accidents. Le traitement prodigué par Mme N__________ pour la dermatite purulente n’était pas adéquat. « Nala » souffrait de dermatite chronique, mais celle-ci n’était pas active en juin 2004. « Yatsen » avait été castré en octobre 2004. Elle avait constaté une tumeur aux testicules, qui était actuellement en examen.

b. Mme R__________ a également été entendue. Lorsque les quatre chiens lui avaient été amenés à la fourrière en juin 2004, elle avait constaté qu’ils étaient « un nœud sur quatre pattes ». Elle avait dû les tondre, car il était impossible de les brosser, et ne les avait plus revus depuis lors.

c. Mme T__________ a déclaré avoir eu pour la première fois les quatre chiens en pension en 1995. Elle ne les avait pas revus jusqu’en juillet 2004. Ils avaient alors immédiatement reconnu les lieux. Elle les avait placés en box privé, en raison de la cécité des deux plus âgés. Ces derniers nécessitaient des soins lourds, qui leur avaient été prodigués. Ils ne semblaient pas souffrir, car ils se laissaient faire sans broncher. Elle n’avait pas constaté que l’un ou l’autre des sujets présentât des traces de dermatite. Leur comportement était normal. Elle avait toutefois constaté qu’il y avait des problèmes entre les deux mâles et elle les avait séparés. Les chiens étaient restés chez elle environ un mois, et elle ne les avait pas revus depuis lors. Pendant la durée de leur séjour, Mme N__________ avait pris plusieurs fois de leurs nouvelles et était venue les voir.

Elle ignorait les raisons pour lesquelles la recourante avait placé ses chiens chez elle en été 2004. Après quelques jours, celle-ci lui avait fait part des problèmes qu’elle rencontrait avec l’OVC. Elle désirait que les chiens restent chez elle tant que l’affaire ne serait pas « suspendue ». A cette occasion, elle lui avait également annoncé qu’il était question d’euthanasier les deux chiens plus âgés. Lorsque les chiens étaient repartis, ils étaient en bonne santé. Un petit film les concernant avait été tourné.

d. Mme N__________ a confirmé qu’elle prodiguait à « Girofle » le traitement quotidien que lui avait prescrit le Dr Murisier. Elle avait également pris un abonnement dans un salon de toilettage pour chiens à Rive, où elle les amenait régulièrement depuis l’été 2004.

e. L’OVC a persisté dans sa décision en raison des conditions environnementales de la détention.

13. Suite à l’audience précitée, la recourante a versé aux débats un DVD ayant pour objet un film effectué au « C__________ » en juillet 2004, de même que des justificatifs des séances de toilettage des 13 octobre et 6 novembre 2004, un rendez-vous pour le 10 décembre 2004 et deux attestations de ses voisins. Il résulte de ces déclarations que les chiens sont normaux, qu’ils ne sont ni maltraités, ni mal soignés et régulièrement tondus deux fois l’an.

14. Le Tribunal administratif a transmis les pièces précitées à l’OVC qui s’est déterminé le 9 décembre 2004.

Le visionnement du film tourné au « C_________ » avait mis en évidence les souffrances des deux chiens âgés. L’instruction de la cause avait, quant à elle, permis d’établir que les quatre animaux avaient toujours pâti d’un manque d’entretien et de soins. L’OVC ne pouvait que se féliciter du fait que la recourante ait apparemment enfin admis la nécessité de procéder régulièrement au toilettage de ses chiens.

Les témoignages des voisins devaient être écartés, car, d’une part, ils ne traitaient pas de la question déterminante en l’espèce, à savoir la situation de stress dont souffraient « Yatsen » et « Girofle » et, d’autre part, ils étaient trop éloignés de la réalité des faits, concernant notamment la tonte des chiens deux fois l’an.

L’OVC a persisté dans ses conclusions.

15. Un juge du Tribunal administratif et une greffière ont visionné le DVD versé à la procédure.

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Les animaux doivent être traités de la manière qui tienne le mieux compte de leurs besoins et toute personne qui s'occupe d'animaux doit, en tant que les circonstances le permettent, veiller à leur bien-être (art. 2 al. 1 et 2 de la loi fédérale sur la protection des animaux - LFPA - RS 455).

3. Celui qui détient un animal ou en assume la garde doit le nourrir et le soigner convenablement et, s'il le faut, lui fournir un gîte (art. 3 al. 1 LFPA). Il est notamment interdit de maltraiter des animaux, de les négliger gravement ou de les surmener inutilement (art. 22 al. 1 LFPA).

4. L'autorité doit intervenir immédiatement lorsqu'il est établi que des animaux sont gravement négligés ou détenus de façon complètement erronée; elle peut les séquestrer préventivement et les loger en un endroit approprié, aux frais du détenteur (art. 25 al. 1 LFPA). Elle peut interdire temporairement ou pour une durée indéterminée la détention et le commerce d'animaux aux personnes qui ont été punies pour avoir enfreint à plusieurs reprises ou gravement les dispositions de la LFPA, ainsi qu'aux personnes qui, pour cause de maladie mentale, de faiblesse d'esprit, d'alcoolisme ou pour d'autres raisons, sont incapables de détenir un animal. Elle peut également faire abattre les animaux détenus de façon inappropriée.

L'office vétérinaire fédéral spécifie que l'interdiction de détenir des animaux peut dépendre de la maladie mentale, de la faiblesse d'esprit, de l'alcoolisme ou d'autres raisons qui rendent incapable une personne de s'occuper d'un animal (art. 24 let. b LFPA), par exemple lorsqu'une personne subit de graves perturbations de la conscience suite à la consommation de drogues (cf. http://www.bvet.admin.ch - consulté le 22 avril 2004 - en passant par: protection des animaux - législation - section 10 mesures administratives et voies de droit).

5. A Genève, l'OVC est chargé de l'exécution de la législation sur la protection des animaux (art. 3 ch. 1 du règlement d'application de la loi fédérale sur la protection des animaux du 14 juillet 1982 - RaLFPA - M 3 50.02).

6. Dans l'exercice de ses compétences, l'OVC doit, comme toute autorité administrative, respecter le principe de la proportionnalité. Ce dernier comporte traditionnellement trois aspects : d'abord, le moyen choisi doit être propre à atteindre le but fixé (règle d'aptitude ; deuxièmement, entre plusieurs moyens adaptés, on doit choisir celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés (règle de nécessité); enfin, l'on doit mettre en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré avec le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (proportionnalité au sens étroit du terme) (ATF 123 I 112 consid. 4e p. 121 et les arrêts cités; ATA/704/2000 du 14 novembre 2000).

7. En l’espèce, il résulte du dossier que la recourante éprouve des difficultés à entretenir ses chiens correctement, tout comme elle répugne à respecter les obligations légales qui sont les siennes en sa qualité de détentrice d’animaux domestiques.

Le Tribunal administratif ne retiendra que les éléments dûment constatés et établis par pièces. En revanche, il écartera des débats les déclarations des voisins. D’une part, ceux-ci se sont exprimés sur des points qui ne sont pas litigieux. En effet, il n’est pas reproché à la recourante d’avoir maltraité physiquement ses animaux. D’autre part, leurs auteurs ne prétendent pas avoir observé les animaux à l’intérieur de l’appartement. Outre que ces déclarations toute générales n’ont guère de pertinence pour trancher le litige soumis au tribunal de céans, elles sont à prendre avec retenue, tant elles sont contredites par les pièces du dossier. Les voisins sont en effet les seuls à avoir vu les animaux tondus régulièrement deux fois l’an !

De la même manière, le visionnement du DVD n’apporte aucun élément pertinent pour la solution du litige. Cela étant, le manque de soins et le mauvais état du pelage constatés par l’autorité intimée et les spécialistes en la matière, en juin 2004, ont eu des répercussions néfastes sur l’état de santé des animaux. La recourante ne prétend pas que les constatations faites seraient inexactes.

Il est vrai que la procédure semble avoir permis à la recourante de prendre conscience de ses défaillances, puisqu’elle a depuis lors consulté un vétérinaire, notamment en octobre 2004 lorsque « Yatsen » a présenté des symptômes de maladie et qu’elle a, par ailleurs, fréquenté régulièrement un salon de toilettage. Il lui en sera donné acte.

8. Concernant l’euthanasie de « Yatsen » et de « Girofle », la nécessité de cette mesure n’est pas établie. Les trois vétérinaires qui ont procédé à l’examen clinique de ces deux animaux durant l’été 2004 estiment que leur état de santé n’est pas tel qu’il faille les euthanasier. L’autorité intimée fonde sa décision davantage sur des considérations psychologiques que sur l’état de santé physique des chiens. A cet égard, le Tribunal administratif observe que les chiens les plus âgés sont les géniteurs des plus jeunes. Ils ont ainsi toujours vécu dans le même environnement et l’habitude de la cohabitation est de nature à contrebalancer l’état de stress dont ils pourraient souffrir en raison de leur handicap.

9. La recourante ne discute pas l’interdiction qui lui a été faite de détenir un animal supplémentaire. Il lui en sera donné acte.

10. Il résulte de ce qui précède que le recours sera partiellement admis, seul l’ordre d’euthanasie des deux chiens « Yatsen » et « Girofle » étant annulé.

11. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 300.- sera mis à la charge de la recourante, de même que les frais de procédure, en CHF 375.- (taxes témoins).

Une indemnité de procédure, en CHF 300.- sera allouée à la recourante, à la charge de l’Etat de Genève.

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 août 2004 par Madame N__________ contre la décision de l'office vétérinaire cantonal du 7 juillet 2004;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision de l’office vétérinaire cantonal du 7 juillet 2004 en tant qu’elle ordonne l’euthanasie des deux chiens aveugles « Yatsen » et « Girofle », âgés de quatorze ans ;

la confirme pour le surplus ;

met un émolument de CHF 300.- à la charge de la recourante, ainsi que les frais de procédure en CHF 375.- ;

alloue une indemnité de procédure en CHF 300.- à la recourante, à la charge de l’Etat de Genève ;

dit que, conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi;

communique le présent arrêt à Me Robert Assael, avocat de la recourante, à l'office vétérinaire cantonal et au Ministère public de la Confédération.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la secrétaire-juriste :

 

 

S. Husler

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :