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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3450/2018

ATA/208/2019 du 05.03.2019 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3450/2018-FPUBL ATA/208/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 mars 2019

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Michel Bosshard, avocat

contre

COMMUNE DE B______
représentée par Me Nicolas Wisard, avocat



EN FAIT

1. Monsieur A______ est employé de la commune de B______ (ci-après : la commune) depuis dix-sept ans en qualité de secrétaire général.

2. L’exécutif communal (ci-après : l’exécutif) est composé de Madame C______, maire, de Madame D______ et Monsieur E______, adjoints au maire.

3. Madame F______ a été comptable de la commune depuis une date qui ne ressort pas du dossier, mais antérieure à l’engagement de M. A______.

4. Le 2 mars 2018, la description de fonction de secrétaire général a été mise à jour.

S’agissant des relations hiérarchiques directes, l’intéressé était soumis à l’exécutif. Il avait vingt et un subordonnés, dont la comptable. Le chapitre « relations avec les collaborateurs » indiquait cinq points, dont celui d’assurer la gestion des ressources humaines en conformité avec le statut du personnel.

5. À une date non précisée dans le dossier, M. A______ a communiqué à l’exécutif communal divers éléments suspects portant notamment sur des augmentations de salaire et des rémunérations d’heures supplémentaires de la comptable.

6. Les relations entre Mme F______ et M. A______ se sont dégradées, incitant notamment la maire à leur demander de cesser leurs « échanges de mails venimeux ».

7. Les informations transmises par M. A______ ont entraîné, mi-mars 2018, l’ouverture d’une enquête portant sur d’éventuelles malversations dans la tenue de la comptabilité communale et la gestion du traitement des collaborateurs.

L’enquête a été supervisée par le service de surveillance des communes (ci-après : SSCO), à l’époque au sein du département Présidentiel, lequel a requis qu’elle soit confiée à une fiduciaire externe choisie par ses soins en vue de procéder à un audit des comptes de la commune.

Le SSCO a requis par ailleurs de la maire qu’elle se récuse eu égard au rôle qu’elle pouvait potentiellement avoir joué dans la prise de certaines décisions.

8. Par courrier du 14 juin 2018 à la commune, le SSCO a clôturé le dossier de Mme F______.

La commune s’était conformée aux demandes du SSCO. Le rapport d’audit avait été rendu le 20 avril 2018 et ses constats étaient jugés suffisants. La commune avait agi selon le cadre et les instructions que le SSCO lui avait communiqués. Le dossier était « clos, au regard du SSCO, à satisfaction et sans autres suites ni nécessité de démarches supplémentaires ».

9. Le 14 mai 2018, M. A______ a adressé à Mme C______ et M. E______ un courriel par lequel il revenait sur une discussion datant de quelques jours auparavant sur les questions de comptabilité et le déroulement de l’enquête.

Il relevait dix points, tenant sur une page et demie A4.

Les cinq premiers points se terminaient par respectivement : « première fausse information » ; « deuxième fausse information » ; « troisième fausse information », etc.

Il émettait plusieurs critiques sur le déroulement et les résultats de l’enquête. L’enquête avait été basée sur les informations qu’il avait transmises. Or, il n’avait pas été auditionné. Il sollicitait de pouvoir disposer de plusieurs documents qu’il listait. La commune et ses employés avaient été lésés. La commune avait gaspillé de l’argent en procédant à cette enquête. La Cour des comptes aurait été et serait encore une solution.

Il avait été menacé, à quatre reprises, de licenciement immédiat et à plusieurs reprises du dépôt d’une plainte pénale si le secret de fonction était violé.

Il regrettait d’avoir appris que la comptable reviendrait travailler par le message au personnel et sans avoir, au préalable, été consulté.

10. Il ressort du procès-verbal de la séance de l’exécutif du 15 mai 2018, dans la bouche de M. E______, que « l’enquête disciplinaire diligentée contre Mme F______ » était terminée. La suspension de celle-ci n’avait plus de raison d’être et devrait être levée incessamment. Le rapport avait conclu, notamment, à l’existence d’une faute de la comptable et au prononcé d’une sanction à son encontre. Compte tenu des trente ans de « présence de Mme F______ à la mairie » et l’excellente tenue de la comptabilité, il était recommandé d’infliger un avertissement.

Mme C______ était satisfaite et soulagée de voir que la procédure suivie, « dès le moment où une suspicion dépassant la question des heures supplémentaires était née », était la bonne.

11. Par courriel du 17 mai 2018, de M. A______ à Mme C______, celui-là a indiqué : « Je suis sidéré qu’à ce stade de l’affaire, tu me demandes de retranscrire cela dans un PV. Mes mains ne pourront pas. Honnêtement, n’as-tu vraiment aucune conscience de la gravité de ce qu’elle a fait ? De la volonté qu’elle a eue, pendant toutes ces années, froidement, mensuellement, tel un métronome, de faire tout ce qu’elle a fait ? Es-tu vraiment si insensible à tout ce que cela a coûté à la commune et au personnel ? À la façon dont elle nous a tous trompés et manipulés ? Comment peux-tu dire que tu es satisfaite et soulagée ? Es-tu vraiment fière du résultat de cette enquête ? Ou cherches-tu juste à me narguer et à m’humilier encore plus que je ne l’ai déjà été tous ces derniers mois ? Comment imagines-tu que je me sens ? Pourquoi penses-tu que je n’étais pas en état de venir travailler hier ? Cherches-tu vraiment à me pousser à bout ? Je verrai cela vendredi avec les avocats. Bonne nuit. ______ ».

12. Un entretien a réuni, le 25 mai 2018, M. A______ et les avocats de la commune.

L’ordre du jour de cette rencontre, adressé le 18 mai 2018 à M. A______, avait été modifié par celui-ci le 22 mai 2018. Le point relatif à l’enquête était abordé sous plusieurs angles supplémentaires mettant l’accent sur son déroulement (neutralité et objectivité, accès aux informations des documents, prises de position de l’adjoint au maire, but poursuivi par M. A______, préjudice d’ordre général subi par M. A______ avant et pendant l’enquête, informations transmises au personnel et au Conseil municipal, etc.).

13. Mme F______ a pris sa retraite au printemps 2018, à une date non précisée dans le dossier.

14. Le 1er juin 2018, M. A______ a adressé à Mme C______ un message comprenant notamment le passage suivant : « ça me fait surtout penser à une chose, qui me vient à l’esprit à l’instant en te lisant. Il faut absolument que je puisse rectifier, avant lundi soir, auprès des trois membres de la sous-commission, les saloperies de mensonges qu’E______ a dites au Conseil lundi dernier au sujet du personnel communal et qui ont donné lieu aux questions hallucinantes que G______ a ensuite posées à ce sujet. J’ai effectué les vérifications qui me permettent d’affirmer cela. _____. »

15. Dans un courriel du 3 juin 2018 aux avocats de la commune, M. A______ a détaillé le préjudice subi par lui-même les dernières années, par rapport à la rémunération de la comptable. Conformément à la demande desdits avocats, il pouvait chiffrer le dommage, soit la différence entre le total des sommes encaissées par la comptable et celles versées à lui-même, à savoir CHF 645'266.60. Le courriel, sur plus de deux pages, détaillait différentes problématiques salariales.

D’autres collaborateurs avaient été désavantagés par ces pratiques.

Il avait demandé que certaines informations soient transmises au conseil municipal et au personnel. La maire avait refusé, les informations ayant été lues lors d’une séance du conseil municipal à huis clos et n’étant pas destinées au personnel. « Malgré l’annonce d’une volonté de tirer les enseignements du passé,  les vieux réflexes de dissimulation et d’opacité demeur[ai]ent ».

16. Par courriel du 6 juin 2018, les avocats de la commune ont rappelé qu’au terme de l’entretien du 25 mai 2018, il avait souligné que les thématiques soulevées par l’intéressé devaient être traitées de manière distincte selon qu’il s’agissait de prétentions qui lui étaient propres ou d’enjeux ayant trait à l’ensemble du personnel de la commune. De la même manière, il ne revenait pas à M. A______, en tant que secrétaire général de la commune, de diligenter des investigations qui relevaient du contrôle parlementaire incombant au Conseil municipal. Il apparaissait que M. A______ n’adhérait pas à une approche tournée vers l’avenir, mais qu’il était nécessaire de reprendre la discussion menée le 25 mai 2018, notamment sur les aspects financiers.

17. Une séance a réuni, le 11 juin 2018, Mme C______, M. E______, M. A______ et les deux avocats de la commune. La séance a duré une heure et demie. Le procès-verbal de cinq pages a été amendé par M. A______ pour donner un document de onze pages.

L’intéressé a relevé qu’il n’avait pas agi dans son intérêt personnel, mais pour dénoncer les agissements de la personne censée garantir la meilleure gestion possible des deniers communaux. Il avait bien compris le raisonnement de la commune selon lequel les investigations disciplinaires à l’encontre de la comptable étaient terminées. Elles avaient porté sur les deux ou trois dernières années. Les énormes sommes encaissées par l’intéressée antérieurement, en rémunération des heures supplémentaires, en primes et en treizièmes salaires constituaient une pratique admise. Il avait effectué de nombreuses heures supplémentaires qui n’avaient pas été rémunérées. Son salaire avait été inférieur à ce qu’il aurait dû être. Il maintenait en conséquence les prétentions énoncées dans son courriel du 3 juin 2018. Il était prêt à discuter. Si les justifications qui précédaient ne convenaient pas, il pouvait y ajouter un dédommagement pour tort moral par rapport à tous les préjudices dont il avait fait part lors de l’entretien du 25 mai 2018 et auxquels s’étaient ajoutés le harcèlement et les dénonciations calomnieuses de l’adjoint à son égard. Il demandait surtout de la reconnaissance pour tout ce qu’il avait fait pour la commune ainsi que dans le cadre de cette affaire, œuvrant dans l’intérêt de la commune. Le harcèlement qu’il subissait depuis des semaines devenait intenable.

18. Par courrier du 7 juillet 2018, Mme C______ a informé M. A______ que l’exécutif envisageait de mettre fin à ses rapports de service.

M. A______ maintenait une opposition totale aux décisions prises par les magistrats dans le cadre du dossier ayant trait à l’activité de Mme F______ pour le compte de la commune et ce, malgré les nombreuses explications qui lui avaient été communiquées. Il persistait à formuler de vives critiques sur la gestion de cette affaire alors qu’il lui avait été clairement signifié que ce dossier ne relevait pas de sa responsabilité. Ses prises de position mettaient directement en cause les magistrats communaux et portaient des accusations graves à leur encontre. L’exécutif ne pouvait plus tolérer que des délais péremptoires lui soient impartis pour réparer de prétendues atteintes à son honneur. La tonalité des échanges avait pris une tournure de plus en plus agressive. Son comportement à la fin du mois de juin 2018 n’était pas de nature à renouer les liens de confiance nécessaires à la collaboration entre l’exécutif et son secrétariat général.

19. Dans le délai qui lui a été imparti pour faire ses observations, M. A______ a contesté l’approche de la commune. Il n’existait aucune justification pour une éventuelle résiliation des rapports de service. Au contraire, il était en droit de demander de son employeur un traitement plus respectueux de sa personnalité, de son cahier des charges et du statut du personnel, et de l’échelle des traitements. Même si certains reproches, contestés, étaient retenus, ces derniers ne justifieraient pas un licenciement.

Il avait toujours fait preuve d’une loyauté sans faille envers la commune. Il était le supérieur hiérarchique de la comptable. Il avait été intrigué par l’opacité entourant le travail et la rémunération de celle-ci. Dans un souci exclusif de préservation des intérêts financiers, il s’était livré à une analyse détaillée des activités et des rémunérations perçues par la comptable. À l’issue de son travail, il avait immédiatement communiqué le résultat de ses observations à son supérieur hiérarchique, soit l’exécutif de la commune. Il avait été tenu systématiquement à l’écart de l’enquête et ceci malgré le fait que, selon son cahier des charges et le statut du personnel de la commune, il soit l’autorité de contrôle et de sanction de ladite comptable. Son seul but était de préserver les intérêts de la commune et d’examiner si sa subordonnée avait perçu des montants indus. Il n’avait jamais pensé à être indemnisé. Ce n’était que sous la pression qu’il avait ressentie qu’il avait expliqué, le 11 juin 2018, que les répétées augmentations de salaire de l’ancienne comptable, le calcul du treizième salaire de celle-ci et le salaire total en résultant violaient probablement le principe de l’égalité de traitement, le statut du personnel et l’échelle des traitements de la commune. Le préjudice était surtout pour la commune.

Dans son souci de loyauté, il n’avait jamais parlé de ce dossier avec des tiers. Il était dès lors faux de prétendre qu’il aurait mis en cause les magistrats de l’exécutif. Il avait certes exprimé son opinion, directement aux magistrats en question, sur les décisions à prendre et sur la manière de gérer le dossier. Il n’avait jamais exprimé son opinion à des tiers. Cette discussion entrait parfaitement dans le cadre de la collaboration entre le secrétaire général et l’exécutif.

20. Par décision du 29 août 2018, la commune a prononcé un blâme à l’encontre de M. A______. Il ne se justifiait pas de mettre fin à la collaboration. L’intéressé avait toutefois remis en cause la position de l’exécutif communal de manière réitérée et ce, même après que toutes les informations utiles lui eurent été transmises et alors qu’aucun reproche ne lui était fait. Par ailleurs, ses courriels des 1er et 3 juin 2018 comprenaient des propos mettant en cause directement les magistrats communaux en des termes inacceptables.

21. Par acte du 2 octobre 2018, M. A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à l’annulation de la sanction prononcée à son encontre « sous suite de dépens ».

La commune avait apprécié de façon arbitraire les faits. Le seul reproche qui pouvait lui être fait était de vouloir à tout prix privilégier les intérêts de la commune, même contre l’intérêt du maire et de ses adjoints. On ne pouvait lui reprocher de ne pas vouloir se taire, en d’autres termes de privilégier l’intérêt de la commune contre celui des membres de l’exécutif. Il avait scrupuleusement respecté l’art. 11 du statut du personnel (ci-après : le statut) relatif au devoir de respecter les intérêts de la commune.

De même, il avait scrupuleusement respecté l’art. 12 al. 1 du statut relatif aux relations dignes et respectueuses. Il faisait partie de ses devoirs de préserver les intérêts de la commune, même s’il devait pour cela s’opposer à l’exécutif élu. Bien qu’il soit composé d’élus et non d’employés, l’exécutif était astreint au même devoir de respect et de dignité envers les employés communaux, dont le secrétaire général. Il faisait partie des devoirs de l’exécutif de ne pas le traiter de manière vexatoire, par exemple en le menaçant de licenciement. S’il était exact que son verbe avait pu, parfois, manquer de diplomatie, il n’en demeurait pas moins que les reproches formulés à l’encontre de certains membres de l’exécutif étaient intégralement démontrables. Il n’avait par ailleurs jamais porté ces reproches sur la place publique. C’était l’exécutif lui-même qui « par ces piques incessantes, le manque d’informations, les menaces de représailles (licenciement) et la pratique de la cachotterie sur le dossier de la comptable l’[avaient] poussé à [sa] réaction, parfois vive. [Son] franc-parler ne saurait dès lors lui être reproché et justifier une sanction ».

22. La commune a conclu au rejet du recours.

23. Dans sa réplique, le recourant a conclu à ce que soit versé à la procédure un procès-verbal de la commission des travaux du Conseil municipal du 8 octobre 2018. M. E______ avait communiqué vingt-six informations non avérées à la commission, dans le seul but de le discréditer. Il expliquait l’évolution de la situation et détaillait d’autres épisodes récents.

Pour le surplus, il a persisté dans ses conclusions. Sa position visant à ne pas permettre que l’ « affaire de la comptable [soit] enterrée » et à dénoncer l’attitude de certains magistrats faisaient partie de ses devoirs.

24. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le recourant a sollicité la production du procès-verbal de la séance de la commission des travaux du 8 octobre 2018.

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 137 IV 33 consid. 9.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_265/2016 du 23 mai 2016 consid. 5.1 et les arrêts cités), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_58/2018 du 29 juin 2018 consid. 3.1 et les arrêts cités). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_487/2017 du 5 juillet 2018 consid. 2.1. ; ATA/799/2018 du 7 août 2018). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_24/2017 du 13 décembre 2017 consid.  2.2).

Postérieure au prononcé de la décision querellée et sans pertinence dans le cadre du présent litige tel que défini ci-après, l’apport de la pièce sollicitée ne sera pas ordonné.

3. Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de blâme infligée par le conseil administratif de la commune au recourant, secrétaire général de ladite commune, pour avoir violé les art. 11 et 12 al. 1 statut.

4. a. Le recourant est soumis au statut du personnel de la commune dans sa version du 29 mai 2009.

b. Les employés sont tenus de respecter les intérêts de la commune et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 11 statut).

Les employés doivent, par leur attitude, entretenir des relations dignes et respectueuses avec les autorités communales, leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés ainsi qu’avec le public. De plus, ils doivent justifier et renforcer la considération et la confiance mises en eux par les autorités communales (art. 12 al. 1 statut). Les employés doivent s’abstenir de contester voire d’attaquer par voie de presse, de tracts, de moyens électroniques ou de toute autre manière la gestion de l’administration municipale (art. 12 al. 2 statut).

c. L’employé qui enfreint ses devoirs de service, soit intentionnellement soit par négligence, est passible d’une sanction disciplinaire (art. 62 al. 1 statut).

Les sanctions disciplinaires sont :

a) prononcées par le secrétaire général :

- l’avertissement

- le blâme

b) prononcée par le maire

- la mise à pied jusqu’à une semaine avec suppression du traitement

c) prononcées par le maire, après consultation de ses adjoints :

- la mise à pied jusqu’à trois mois avec suppression de traitement

- la mise au temporaire, l’intéressé perdant sa qualité d’employé nommé et étant soumis à une nouvelle période probatoire d’une année au plus (art. 64 al. 1 statut) :

Les sanctions peuvent être cumulées (art. 64 al. 2 statut).

d. L’avertissement, le blâme ou la mise à pied jusqu’à une semaine avec suppression du traitement sont prononcés par lettre motivée après que l’employé intéressé a été entendu par le secrétaire général (pour l’avertissement ou le blâme) ou par le maire (pour la mise à pied) pour les faits qui lui sont reprochés (art. 65 al. 1 statut).

e. Le recours au Tribunal administratif [recte : la chambre administrative] est ouvert contre les décisions relatives aux certificats de travail, aux sanctions disciplinaires, à la résiliation des rapports de service, aux mises à la retraite anticipée et l’application de la loi fédérale sur l’égalité loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (LEg - RS 151.1 ; art. 72
al. 1 statut). Le recours au Tribunal administratif [recte : chambre administrative] doit être interjeté dans le délai de trente jours à dater de la réception de la décision attaquée.

f. Pour tous les cas non expressément prévus par le statut, les dispositions générales du code des obligations s’appliquent par analogie (art. 74 statut).

5. Le recourant conteste avoir commis une faute, notamment de ne pas avoir respecté les intérêts communaux (art. 11 statut) ou avoir adopté une attitude générale incompatible avec ses obligations (art. 12 al. 1 statut).

En l’espèce, la commune ne conteste pas que le recourant est à son service depuis dix-sept ans. Elle indique que, jusqu’en 2018, il n’y a pas eu de situation aboutissant à une dégradation des relations interpersonnelles telles que celle qui s’est produite depuis janvier 2018. Elle relève aussi l’adéquation globale des prestations du recourant avec ses attentes, sous deux réserves non pertinentes en l’espèce.

Il n’est pas contesté non plus que la comptable a pris sa retraite au printemps 2018 et que les relations entre le recourant et ladite personne ont été houleuses à tout le moins au début de l’année 2018. Les parties diffèrent sur les causes de cette tension, le recourant relevant pour sa part que seule la comptable en était responsable et regrettant l’absence d’intervention de la maire, chargée de veiller à la protection de sa personnalité.

Il n’est pas nécessaire d’établir les causes de ce conflit. Il ressort du dossier que la comptable a fait l’objet d’une sanction disciplinaire à l’issue de l’enquête diligentée à son encontre. Certes, le recourant reproche à l’autorité intimée d’avoir été tenu à l’écart de ces investigations. Il critique ainsi l’absence de tout renseignement, transmission de documents, transmission des résultats de l’enquête, ainsi que le fait que, malgré les promesses qui lui avaient été faites, il n’a pas été auditionné par les enquêteurs. Il critique de même le fait d’avoir été à quatre reprises menacé de licenciement à la seule évocation d’une dénonciation à la Cour des comptes. À nouveau, il n’est pas nécessaire d’établir dans quelle mesure l’enquête a été diligentée avec soin.

En effet, il ressort du dossier que, jusqu’en mars 2018, la fonction de comptable n’était pas soumise au secrétaire général, ce que celui-ci admet explicitement dans son recours, en indiquant être devenu, le 2 mars 2018, le supérieur hiérarchique de la comptable. Ainsi, c’est à bon droit que l’enquête qui portait sur des faits antérieurs à mars 2018 a été menée par l’exécutif communal. Le fait que l’intéressé ait été en conflit avec la comptable concernée était aussi un motif d’éviter de l’impliquer dans le dossier. Le recourant était en droit d’émettre, auprès des membres de l’exécutif des critiques sur les résultats de l’enquête, voire sa bien facture, indépendamment du bien-fondé de celles-ci. Toutefois, les termes de « saloperies de mensonges que [l’adjoint au maire] a dites », employés par le recourant à l’égard d’un supérieur hiérarchique ne reflètent pas des relations empreintes de respect et de dignité tel que l’impose le statut. Ils ont de surcroît été adressés à une tierce personne et non au supérieur concerné. Outre que des propos irrespectueux ont été émis le 1er juin 2018 par courriel, de nouveaux propos ont été tenus le 3 juin 2018 mettant en cause l’intégrité des trois magistrats, par les termes « les vieux réflexes de dissimulation et d’opacité demeurent». Il ne s’agit en conséquence pas d’un égarement isolé explicable par des circonstances ponctuelles. Enfin, aucune excuse n’est jamais parvenue aux membres de l’exécutif concerné. Dans ces conditions, le recourant a violé son obligation d’adopter une attitude générale digne et respectueuse avec les autorités communales et ses supérieurs au sens de l’art. 12 statut.

Les parties divergent sur la question de savoir pour quel motif le recourant a chiffré des prétentions salariales auprès de la commune. Celui-là indique y avoir été poussé par l’autorité intimée, alors que celle-ci précise que cette revendication est survenue lors de la séance du 25 mai 2018, sur modification unilatérale de l’ordre du jour par le recourant qui a alors fait valoir des prétentions. Ce point souffrira de rester indécis dès lors qu’en tous les cas, si le recourant devait avoir des prétentions financières, elles devraient, à teneur de la jurisprudence constante en la matière, préalablement à la saisine de la chambre administrative, faire l’objet d’une décision de la commune.

Par ailleurs, il ressort du dossier que, dans toutes ses écritures, le recourant est largement revenu sur ce qu’il considère être un traitement lacunaire, par la commune, de la problématique soulevée dans le cadre de l’enquête sur la comptable. Quel que soit le bien-fondé de ses doutes, dès lors qu’au moment des faits, soit avant le 2 mars 2018, celle-ci ne lui était pas subordonnée, que l’exécutif a pris une sanction disciplinaire à l’encontre de l’employée, que le contrat de travail de celle-ci a pris fin, c’était de façon légitime, conformément au cahier des charges du recourant, que la commune lui a, à plusieurs reprises, demandé de « tourner la page » afin de se consacrer à l’avenir. Les longs développements du recourant, par courriels ou par les modifications apportées au procès-verbal de la réunion du 25 mai 2018 démontrent que ce souhait de la commune n’a pas été mis en œuvre par le recourant. L’aide-mémoire produit par le recourant recensant les quelque soixante points, critiques ou questions à propos de l’enquête à l’encontre de la comptable témoignent de cette impossibilité de dépasser ce conflit. Le recourant indique à ce propos avoir lu, lors de ladite réunion, à l’attention des participants, la liste des préjudices, d’ordre moral, qu’il considérait avoir subis avant et pendant l’enquête. Sans remettre en cause la volonté initiale du recourant de vouloir veiller aux intérêts de la commune et à une utilisation conforme au statut du personnel, notamment des deniers communaux, son attitude à l’encontre de son autorité hiérarchique, après la fin de l’enquête et les décisions de l’exécutif y relatives, a mis à mal les rapports de confiance et la collaboration dans le respect des intérêts de la commune en s’abstenant de tout ce qui pourrait lui porter préjudice. Même à suivre le recourant quant à sa volonté, dans l’intérêt de la commune, de ne pas « enterrer » l’affaire malgré les résultats de l’enquête, la façon de procéder du recourant ainsi que les propos tenus à l’égard des magistrats et leur diffusion constituent des violations de
l’art. 11 statut.

Le grief du recourant sera dès lors écarté.

6. Le recourant soutient en outre que l’autorité intimée aurait dû renoncer à lui infliger un blâme. Il se plaint ainsi implicitement de la violation du principe de la proportionnalité.

a. En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Le pouvoir d’examen de la chambre de céans se limite à l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/1255/2015 du 24 novembre 2015 ; ATA/748/2014 du 23 septembre 2014). Alors même que l'autorité resterait dans le cadre de ses pouvoirs, quelques principes juridiques les restreignent, dont la violation constitue un abus de pouvoir : l'autorité doit exercer sa liberté conformément au droit. Elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d'inégalité de traitement et appliquer le principe de proportionnalité (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd., 2012, p. 743 ss). L’autorité doit tenir compte de toutes les circonstances du cas concret, notamment de la situation, de la place occupée et de la responsabilité de l’agent (ATA/680/2010 du 5 octobre 2010 ; ATA/252/2009 du 19 mai 2009).

L’autorité commet un abus de son pouvoir d’appréciation, tout en respectant les conditions et les limites légales, si elle ne se fonde pas sur des motifs sérieux et objectifs, se laisse guider par des éléments non pertinents ou étrangers au but des règles ou viole des principes généraux tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATA/189/2018 du 27 février 2018 ; ATA/38/2018 du 16 janvier 2018 et les références citées).

b. L’autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_500/2012 du 22 novembre 2012 consid. 3.3). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés. À cet égard, l'autorité doit tenir compte en premier lieu d'éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l'intéressé (ATF 108 Ia 230 consid. 2b ; 106 Ia 100 consid. 13c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_448/2014 du 5 novembre 2014 consid. 4.3 ; 2C_500/2012 du 22 novembre 2012 consid. 3.3 ; ATA/101/2010 du 16 février 2010).

Traditionnellement, le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst, se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé – de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c).

c. En l’espèce, les violations commises par le recourant sont graves. Elles s’étendent dans la durée. Elles n’ont pas cessé malgré les explications données, à plusieurs reprises par ses supérieurs hiérarchiques. Le licenciement, initialement envisagé, a finalement été abandonné au profit d’une sanction qui tienne équitablement compte de la longue durée des relations de travail et de la qualité des prestations fournies tout au long de cette période. En conséquence, en se limitant à un blâme, la commune a prononcé une sanction disciplinaire tout à la fois apte à atteindre le but poursuivi, à savoir le respect du statut en vigueur entre les parties, nécessaire pour que le recourant envisage la gravité de la situation et proportionnée au sens étroit, un avertissement semblant léger au vu de la gravité de la faute.

La sanction prononcée étant conforme au droit, le grief du recourant doit être écarté.

Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.

7. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 octobre 2018 par Monsieur A______ contre la décision de la commune de B______ du 29 août 2018 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1’000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel Bosshard, avocat du recourant, ainsi qu'à Me Nicolas Wisard, avocat de commune de B______.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mmes Krauskopf et Junod, M. Verniory, juges.


 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :