Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1639/2007

ATA/204/2007 du 27.04.2007 ( CM ) , REFUSE

Parties : GIRARDET ET HULLIGER Jean-François et Jean-Philippe, HULLIGER Jean-Philippe / COMMUNE DE MEYRIN, CONSEIL D'ETAT
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1639/2007-CM ATA/204/2007

DÉCISION

DU

PRÉSIDENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 27 avril 2007

sur mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

Messieurs Jean-François GIRARDET et Jean-Philippe HULLIGER
représentés par Me Vincent Spira, avocat

contre

COMMUNE DE MEYRIN

représentée par Me François Bellanger, avocat

et

CONSEIL D’ÉTAT


Vu le recours déposé le 24 avril 2007 par Messieurs Jean-François Girardet et Jean-Philippe Hulliger (ci-après : les recourants ou les consorts) tendant notamment - au fond – au report de la date et à la suspension des élections au conseil administratif de la commune de Meyrin (ci-après : la commune) et - sur requête de mesures provisionnelles également - au report de la date et à la suspension desdites élections ;

vu la réponse de la commune de Meyrin du 27 avril 2007 ;

vu la réponse du Conseil d’Etat du 27 avril 2007 ;

considérant :

que les recourants résident sur le territoire de la commune de Meyrin et siègent au conseil municipal de celle-ci depuis 1991, respectivement 1995 ;

qu’ils ont été réélus lors des élections municipales du 25 mars 2007 ;

que le conseil administratif de la commune est composé de trois personnes, soit le maire, Monsieur Jean-Claude Ducrot ainsi que Madame Monique Boget et Monsieur Roland Sansonnens, conseillers administratifs ;

qu’entre le 17 et le 20 avril 2007, les consorts ont fait distribuer un « avis aux habitants de Meyrin-Cointrin », imprimé recto-verso sur une feuille A4, appelant à voter pour eux-mêmes et critiquant divers aspects de la gestion du conseil administratif sortant ;

que dans la nuit du 19 au 20 avril 2007, un document à en-tête tricolore (noire, vert et rouge) de la commune de Meyrin et portant le titre encadré « information officielle à la population meyrinoise » a été distribué sur le territoire de la commune, soit notamment selon les recourants le village de Cointrin et les quartiers avoisinant les établissements scolaires où les recourants exercent leur activité professionnelle ;

que ledit document porte en outre les mentions suivantes :

Le Conseil administratif :

 

Jean-Claude DUCROT

Maire

 

Roland SANSONNENS Monique BOGET

Conseiller administratif Conseillère administrative

 

Qu’il est assorti enfin d’une citation des « Rêveries d’un promeneur solitaire » ;

que le corps du texte contient la référence à une plainte pénale déposée par le « conseil administratif » de la commune ;

que le 20 avril toujours, les consorts ont fait distribuer un communiqué de presse accompagné de leur tract, intitulé « pamphlet » ;

qu’ils ont en outre déposé au Parquet de Monsieur le Procureur général une plainte pénale contre Mme Monique Boget ainsi que MM. Jean-Claude Ducrot et Roland Sansonnens ;

qu’entendu le 27 avril 2007, le maire de la commune de Meyrin a déclaré que le document diffusé par celle-ci dans la nuit du 19 au 20 avril 2007 avait bien l’apparence habituelle des communications officielles de la commune et avait été voulu comme tel  ;

que le représentant du Conseil d’Etat a exposé le processus de traitement des votes anticipés, exposant que ceux-ci étaient décomptés quotidiennement, un solde pouvant être parfois reporté au lendemain  ;

que les recourants ont confirmé avoir déposé une plainte pénale le 27 avril 2007  ;

que les intimés avaient mandaté un avocat pour déposer également une plainte pénale sans que celle-ci ne l’ait encore été  ;

que les recourants ont plaidé par le biais de leur conseil, exposant avoir été élus au Conseil municipal avec un bon score en 2003 et avoir été réélu en 2007  ;

que la commune avait mésusé de ses prérogatives de puissance publique en se prêtant à une communication officielle  ;

qu’il eût appartenu aux membres du Conseil administratif de répondre en tant que candidats à l’élection  ;

que la commune a également plaidé par le biais de son conseil, considérant que le tract des recourants justifiaient une réponse, l’autorité ainsi mise en cause entendant s’exprimer d’une seule voix  ;

que cette réponse ayant été à disposition des électeurs de la commune de Meyrin le 20 avril 2007, les recourants avaient eu encore tout loisir d’y répondre  ;

que les conclusions des recourants devaient être rejetés se confondant avec celles prises au fond  ;

que le Conseil d’Etat s’est également exprimé, considérant qu’un contrôle a posteriori de l’opération électorale suffisant pour garantir les droits des recourants  ;

que le conseil des recourants a pu s’exprimer, dans un second tour, sur la question de la recevabilité des conclusions prises par ses mandants  ;

qu’il y avait lieu de les comprendre comme des conclusions en annulation du scrutin  ;

que seule une partie de celles-ci est identique avec celle prise à titre préalable  ;

qu’en droit, le Tribunal administratif est compétent pour connaître des violations alléguées de la procédure des opérations électorales au sens de l’article 180 alinéa 2 de la loi sur l’exercice de droit politique du 15 octobre 1982 (LEDP - A 5 05) ;

qu’à teneur de l’article 83 alinéa premier LEDP, les communes ne sont pas autorisées à faire de la propagande électorale ;

que selon la jurisprudence du Tribunal fédéral portant sur des élections, l’intervention d’autorités publiques est en principe exclue ;

que les autorités publiques peuvent toutefois intervenir s’il s’agit de rectifier des informations manifestement fausses ;

que même dans un tel cas exceptionnel, elles doivent s’abstenir de toute propagande électorale ou de critiques à l’égard d’un candidat (ATF 117 Ia 452 consid. 3c p. 457) ;

que s’agissant de l’effet d’une propagande proscrite, le Tribunal fédéral se contente d’une influence possible sur le scrutin litigieux pour annuler celui-ci (ATF 113 Ia consid. 4b p. 303) ;

que s’agissant de l’application par analogie des principes jurisprudentiels gouvernant la tenue de votations, les autorités communales doivent se conformer à la plus grande retenue lorsqu’il s’agit de prendre position dans le combat électoral sur leurs propres projets (ATF 114 Ia 427 consid. 4e p. 433) ;

que l’intervention d’une église officielle à l’occasion des élections au Conseil d’Etat du canton concerné est également critiquable (ATF 118 Ia 259 consid. 4f p. 269 et les arrêts cités)  ;

que dans cette dernière espèce, le Tribunal fédéral a apprécié également la question de la chronologie, les partis politiques opposés au candidat ainsi loué ayant disposé d’un temps suffisant pour réagir (eodem loco consid. 4e p. 269-270) ;

que selon la jurisprudence du tribunal de céans, la participation d’une autorité communale à une campagne précédant le vote sur un référendum ou une initiative n’est pas fondamentalement interdite ;

qu’elle doit prendre toutefois la forme d’un texte publié dans une brochure présentant les arguments des différentes parties (ATA/83/2002 du 5 février 2002 et ATA/448/1998 du 13 octobre 1998 ainsi que les références citées) ;

qu’il y a lieu de tenir compte également du temps à disposition des candidats critiqués pour réagir (ATA Parti radical de Genthod du 15 avril 1991)  ;

que le droit réglementaire cantonal contient une disposition (art. 8d al. 2 du règlement d’application de la loi sur l’exercice des droits politiques du 12 décembre 1994 [REDP - A 5 05.01]) autorisant un exécutif cantonal à faire parvenir aux électeurs des informations supplémentaires et notamment des avis rectificatifs en cas de changement significatif des circonstances de droit ou de fait durant la campagne ou lorsque la liberté de votre risque d’être faussée par une information erronée ou tendancieuse provenant de tiers ;

que selon le Conseil d’Etat, l’avis litigieux de la commune de Meyrin doit être compris comme des informations au sens de la disposition précitée ;

qu’à la lecture toutefois dudit document, force est de constater qu’il ne contient aucune information, si ce n’est celle - erronée à ce jour - portant sur le dépôt d’une plainte pénale par le Conseil administratif auprès de Monsieur le Procureur général, mais des jugements de valeur quant au pamphlet des recourants ;

qu’on ne saurait donc faire application de l’article 8d al. 2 REDP ;

que l’espèce citée par la commune intimée (ATF 121 I 252 consid. 2 p. 255-256) concerne des votations et non une opération électorale ;

qu’à teneur de cet arrêt, l’autorité publique doit se borner à une information objective et s’abstenir de toute assertion fallacieuse, attentant au droit de vote en s’écartant de ses devoirs de retenue et d’objectivité ou en intervenant en violation de prescription destinée à garantir la liberté des électeurs ou encore en influençant l’opinion par d’autres procédés condamnables ;

que s’agissant de la procédure ayant trait aux décisions avant dire droit, les parties s’accordent à considérer l’article 21 alinéa 1er de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) comme le siège de la matière ;

que l’autorité compétente peut ordonner d’office ou sur requête des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (ATA/10/2007 du 12 janvier 2007 et les décisions citées) ;

que ces mesures sont ordonnées par le président, s’agissant d’une autorité collégiale ou d’une juridiction administrative (art. 21 al. 2 LPA)  ;

que les recourants concluent tant au titre de requête de mesures provisionnelles que sur le fond à la suspension des élections au Conseil administratif de la commune de Meyrin et au report de celles-ci jusqu’à droit jugé, voire jusqu’à accord entre les recourants et le Conseil administratif de ladite commune  ;

que les conclusions préalables des recourants se confondent ainsi manifestement avec celles prises au fond ;

que si « la suspension », voire le report de l’opération électorale étaient ordonnées, de telles mesures provisionnelles reviendraient à donner satisfaction aux recourants avant dire droit ;

qu’elles doivent dès lors être en règle générale prohibées pour ce seul motif (cf. a contrario ATA/611/2006 du 21 novembre 2006 et les décisions citées) ;

que les mesures provisionnelles peuvent également servir à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATA/606/2006 du 14 novembre 2006) ;

qu’en l’espèce, l’intérêt public à sauvegarder est celui visant à la tenue d’élections sans intervention prohibée des autorités publiques ;

que l’intérêt privé des recourants à pouvoir se porter candidats pour l’opération électorale litigieuse sans être victime d’une propagande indue doit être également être pris en considération ;

que le document incriminé, tel que rédigé par le Conseil administratif de la commune est de nature à détourner les électeurs des candidats recourant ;

que ce texte paraît être propre à influencer le sort de l’élection ;

que la mesure de cette influence probable ne saurait être mesurée à ce jour ;

que la commune de Meyrin et le Conseil d’Etat font valoir l’intérêt public à la poursuite de l’administration de la collectivité visée par des autorités élues ;

que selon le Conseil d’Etat, le contrôle judiciaire pourrait utilement s’exercer après la tenue des élections du 29 avril 2007 ;

qu’outre la confusion déjà mentionnée entre les deux premiers chefs de conclusions des recourants, parfaitement identiques, la question du cadre des débats est ouverte ;

que celui-ci est fixé par les conclusions des parties ;

que l’objet même du recours, passé la date du scrutin, pourrait paraître difficile à discerner ;

que les intéressés n’ont pas conclu à l’annulation proprement dite de l’opération électorale ;

que la réponse définitive à la question du cadre des débats pourra être résolue après instruction au fond ;

que d’un point de vue procédural, les chances de succès du recours ne semblent pas d’emblée prépondérantes  ;

vu l'article 5 du règlement du Tribunal administratif du 5 février 2007 ;

PAR CES MOTIFS

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

rejette la requête de mesures provisionnelles  ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF-RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Vincent Spira, avocat des recourants, à Me François Bellanger, avocat de la commune de Meyrin ainsi qu’au Conseil d’Etat.

 

 

Le président du Tribunal administratif :

 

 

 

F. Paychère

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :