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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4368/2018

ATA/2/2019 du 03.01.2019 sur JTAPI/1240/2018 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4368/2018-MC ATA/2/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 janvier 2019

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A_______
représenté par Me Dina Bazarbachi, avocate

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 décembre 2018 (JTAPI/1240/2018)

 


EN FAIT

1. Le 13 décembre 2018 à 10h20, le commissaire de police a ordonné la mise en détention administrative de Monsieur A______, né le ______ 1965, ressortissant algérien, pour une durée d’un mois, pour insoumission, soit pour n’avoir pas obtempéré à l’ordre de quitter la Suisse et pour avoir, par son comportement, empêché l’exécution de son renvoi.

M. A______ avait déposé une demande d’asile en Suisse en mars 2002, radiée le mois suivant par l’autorité compétente en raison de sa disparition. Entre février 2011 et mai 2018, il avait fait l’objet de six condamnations pénales pour vol, recel, opposition aux actes de l’autorité et diverses infractions à la législation sur les étrangers. Il faisait également l’objet de deux mesures d’interdiction d’entrée en Suisse jusqu’en 2023 et, le 29 juillet 2014, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) avait prononcé, par décision exécutoire nonobstant recours, le renvoi de Suisse de l’intéressé.

Le 3 octobre 2018, au terme de l’exécution de plusieurs peines privatives de liberté prononcées par les autorités pénales, M. A______ a été mis en détention administrative pour une durée de trois mois, soit jusqu’au 3 janvier 2019, par ordre du commissaire de police, confirmé le 5 octobre 2018 par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). Le 10 décembre 2018, l’intéressé avait opposé une forte résistance à son embarquement sur un vol à destination de l’Algérie et le commandant de bord avait refusé de l’accepter.

2. Le 14 décembre 2018, le TAPI a entendu les parties dans le cadre du contrôle de la légalité et de l’adéquation de la mesure de détention administrative.

M. A______ a déclaré s’opposer à son retour en Algérie. Il avait une hépatite C, pour laquelle il ne pouvait être traité correctement dans son pays d’origine. Il avait un fils scolarisé à Genève. La mère de l’enfant travaillait à Genève, sans titre de séjour. Il a conclu à sa mise en liberté.

La représentante du commissaire de police a sollicité la confirmation de l’ordre de mise en détention administrative.

3. Par jugement du 14 décembre 2018, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention du 13 décembre 2018 pour une durée d’un mois, soit jusqu’au 13 janvier 2019.

M. A______ faisait l’objet d’une décision de renvoi en force et il refusait de s’y conformer. Il ne collaborait pas avec les autorités en charge de l’exécution du renvoi et s’était opposé à son embarquement sur un vol à destination de l’Algérie. Les conditions pour une mise en détention administrative pour insoumission étaient remplies. L’exécution du renvoi n’apparaissait ni impossible ni inexigible. Au vu de la station et du comportement de l’intéressé, la mesure respectait le principe de la proportionnalité.

4. Par acte du 24 décembre 2018, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement susmentionné, concluant à l’annulation de celui-ci et à ce que sa libération immédiate soit ordonnée.

Le jugement querellé violait la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (ci-après : directive 2008/115/CE) qui prévoyait que la personne retenue devait être remise en liberté lorsqu’il n’existait plus de perspective raisonnable d’éloignement. En effet, il comptait persister dans son opposition à son renvoi, de sorte que les perspectives d’éloignement dans le délai fixé au 13 janvier 2019 étaient inexistantes. Il ne quitterait pas la Suisse sous la contrainte et avant de bénéficier de soins adéquats pour son hépatite C. Dans l’hypothèse la plus extrême, il serait libéré après dix-huit mois de détention administrative.

Le maintien en détention administrative violait l’art. 5 § 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Les autorités suisses persistaient à le maintenir en détention administrative dans la perspective irréaliste d’un refoulement qui n’aurait pas lieu, étant rappelé que les vols spéciaux avec l’Algérie n’étaient pas possibles. L’objectif réel n’est donc pas le renvoi mais la punition.

5. Le 26 décembre 2018, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d’observations.

6. Le 27 décembre 2018, le commissaire de police a conclu au rejet du recours, sans observations.

EN DROIT

1. Interjeté temps utile auprès de la juridiction compétente (art. 132 al. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr) du 16 juin 1988 - LaLEI - F 2 10 ; art. 17 et 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA -
E 5 10), le recours est recevable.

2. Ayant reçu le recours le 24 décembre 2018 et statuant ce jour, la chambre de céans respecte le délai légal de dix jours dans lequel elle doit se prononcer
(art. 10 al. 2 LaLEI).

3. La chambre administrative est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle (art. 10 al. 2 LaLEI). Elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 10 al. 3 LaLEI).

4. La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 CEDH (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêt du Tribunal fédéral 2C_478/2012 du 14 juin 2012, consid. 2.1).

5. a. Selon l'art. 78 al. 1 LEI, si l'étranger n'a pas obtempéré à l'injonction de quitter la Suisse dans le délai prescrit et que la décision exécutoire de renvoi ou d'expulsion ne peut être exécutée en raison de son comportement, il peut être placé en détention afin de garantir qu'il quittera effectivement le pays, pour autant que les conditions de la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion ne soient pas remplies et qu'il n'existe pas d'autres mesures moins contraignantes susceptibles de conduire à l'objectif visé.

b. Selon la jurisprudence, le but de la détention pour insoumission est de pousser un étranger, tenu de quitter la Suisse, à changer de comportement, lorsqu’à l’échéance du délai de départ, l’exécution de la décision de renvoi, entrée en force, ne peut être assurée sans la coopération de celui-ci malgré les efforts des autorités (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 et la jurisprudence citée). La détention pour insoumission constitue une ultima ratio, dans la mesure où il n’existe plus d’autres mesures permettant d’aboutir à ce que l’étranger se trouvant illégalement en Suisse puisse être renvoyé dans son pays. La prise d’une telle mesure doit respecter le principe de la proportionnalité, ce qui suppose d’examiner l’ensemble des circonstances pour déterminer si elle apparaît appropriée et nécessaire. Le seul refus explicite de collaborer de la personne concernée ne constitue qu’un indice parmi d’autres éléments à prendre en considération dans cette appréciation (ATF 135 II 105 et la jurisprudence citée ; ATA/1053/2016 du 14 décembre 2016).

c. Selon l’Accord entre le Conseil fédéral de la Confédération suisse et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire sur la circulation des personnes conclu le 3 juin 2006, approuvé par l'Assemblée fédérale le 22 juin 2007 et entré en vigueur par échange de notes le 26 novembre 2007 (RS 0.142.111.279), le renvoi de ressortissants algériens par vol spécial n’est pas possible (art. 4 al. 3 et 4).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la détention administrative d’une personne de nationalité algérienne est compatible avec l’actuelle impossibilité d’organiser des vols spéciaux à destination de l'Algérie, puisque, réalisés par l'intermédiaire de vols de ligne, les renvois sous la contrainte à destination de ce pays sont possibles (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_47/2017 du 9 février 2017 consid. 5.4 ; 6B_106/2016 du 7 décembre 2016 consid. 1.4.1 ; 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 5.2 ; 2C_1072/2015 du 21 décembre 2015 consid. 3.3).

6. La détention peut être ordonnée pour une période d’un mois et prolongée de deux mois en deux mois (art. 78 al. 2 LEI). Elle doit être levée notamment lorsqu’un départ de Suisse, volontaire et dans le délai prescrit, n’est pas possible malgré la collaboration de l’intéressé (art. 78 al. 6 let. a LEI ; ATA/1053/2016 précité).

Aux termes de l'art. 79 al. 1 et al. 2 let. a LEI, si la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente, la durée maximale de la détention, qui comprend notamment la détention en vue du renvoi et la détention pour insoumission, ne peut excéder au total dix-huit mois.

7. En l'espèce, le recourant a fait l'objet d'une décision de renvoi le 29 juillet 2014. Il n'a pas obtempéré à l'injonction de quitter la Suisse dans le délai prescrit. Les autorités helvétiques ont organisé un vol à destination de l’Algérie, le 10 décembre 2018 auquel l’intéressé s’est opposé physiquement. Compte tenu de l’impossibilité d’effectuer un vol spécial pour Alger, l'exécution de la décision de renvoi entrée en force ne peut être assurée qu’avec la coopération de l'étranger, malgré les efforts des autorités suisses. La décision exécutoire de renvoi du recourant ne peut en conséquence pas être exécutée en raison du comportement de celui-ci.

Le recourant ayant été placé en détention administrative le 3 octobre 2018 et se trouvant en détention pour insoumission depuis le 13 décembre 2018, la détention pour insoumission prononcée respecte la durée admissible en vertu de l’art. 79 LEI et remplit par conséquent les conditions matérielles de
l’art. 78 al. 1 LEI.

Au vu des circonstances du cas d’espèce, le maintien en détention administrative respecte en outre le principe de la proportionnalité, aucun moyen moins incisif ne permettant d’atteindre le but visé, à savoir le respect par l’intéressé de la décision de renvoi et son départ effectif du territoire. À ce titre, l’intérêt public au respect de la législation et des décisions de justice prime l’intérêt du recourant à pouvoir conserver sa liberté de mouvement.

Pour le surplus, aucun élément du dossier ne permet de retenir que le renvoi serait en l’état illicite, impossible ou inexigible (art. 80 al. 6 LEI), étant relevé qu’aucune des allégations du recourant relatives à sa situation personnelle n’est étayée. Pour le surplus, tant que l’impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l’étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut se prévaloir de
l’art. 80 al. 6 LEI en cas de détention pour insoumission (ATA/1283/2017 du 14 septembre 2017 consid. 9 et les références citées).

Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

8. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA- E 5 10.03). Vu l’issue de celui-ci, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 décembre 2018 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 décembre 2018 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dina Bazarbachi, avocate du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mme Junod et M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

S. Cardinaux

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :