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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/869/2009

ATA/168/2012 du 27.03.2012 sur JTAPI/44/2011 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/869/2009-ICCIFD ATA/168/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 mars 2012

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur M______
représenté par Me Sidney Kamerzin, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 février 2011 (JTAPI/44/2011)


EN FAIT

1. Jusque dans les années 2000, Monsieur M______ a exploité à Genève le café-restaurant à l'enseigne « A______ » qu'il a vendu en 2001.

2. Le 23 octobre 2002, il a rempli sa déclaration fiscale 2001-B.

Le 6 décembre 2002, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) lui a expédié un bordereau de taxation définitive 2001 s'élevant à CHF 9'525,10 pour l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et à CHF 713,25 pour l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD).

3. Pour l'année fiscale 2002, M. M______ a fait l'objet de taxations d'office : le 1er mars 2004, deux bordereaux lui ont été signifiés, l'un pour l'ICC, s'élevant à CHF 25'566,70 et l'autre pour l'IFD, d'un montant de CHF 2'801,45.

4. Il en a été de même pour les années fiscales 2003 et 2004, les bordereaux de taxation d'office ICC et IFD 2003 datés du 6 septembre 2004 s'étant élevés respectivement à CHF 25'665,05 et CHF 994,40 ; ceux concernant l'ICC et l'IFD 2004, datés du 21 juillet 2005, respectivement à CHF 26'790,10 et CHF 272,80.

5. Le contribuable a quitté le canton de Genève le 1er février 2006.

6. Après avoir reçu des commandements de payer, le contribuable - dorénavant domicilié à Sierre - a écrit le 27 novembre 2008 à l'AFC-GE. Il ne comprenait pas les montants qui lui étaient réclamés au titre d'impôts alors que pendant ces périodes, il n'avait pas réalisé de revenu, ayant souffert de dépression et ayant cessé de répondre « à tout les courriers administratifs et autres ». Il demandait à l'AFC-GE de stopper les avis de saisie.

7. Après avoir considéré cette lettre comme une réclamation dirigée contre les huit bordereaux précités, l'AFC-GE a, par huit décisions, toutes datées du 2 février 2009, déclaré celle-ci irrecevable pour cause de tardivité, cet acte lui étant parvenu au-delà du délai de trente jours prescrit par les art. 39 al. l de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17) et 132 al. 1 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11).

8. Agissant par l'intermédiaire d'un avocat, M. M______ a recouru le 23 février 2009 auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission), devenue depuis le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

Dès 2001, il n'avait plus été en mesure de gérer ses affaires. Il avait connu des problèmes d'alcool conséquents et se trouvait en état de dépression permanente. Il avait complètement négligé les tâches administratives quotidiennes jusqu'en 2007. L'AFC-GE en avait tenu compte pour l'année fiscale 2005 puisqu'elle l'avait totalement exonéré.

Elle devait en faire de même pour les années 2001 à 2004 ; à défaut, il en résulterait une inégalité de traitement.

Tous les bordereaux précités devaient donc être annulés.

9. Par pli du 10 septembre 2010, le recourant a produit un certificat médical établi le 26 août 2010 par le Docteur Mihailo Lazovic, spécialiste en médecine interne à Genève, qui l’avait suivi depuis octobre 2001. Il résultait de ce document que l’intéressé avait « présenté depuis fin 2011 en raison de problèmes financiers, familiaux et personnels une dépression nerveuse sévère qui a [avait] justifié un soutien psychothérapeutique, un traitement antidépresseur et un sevrage alcoolique jusqu'à mi 2009. Il a [avait] du réduire, puis finalement abandonner toute activité, car toutes ses diverses tentatives se sont [s’étaient] soldées par des échecs : absence de constance et incapacité de discernement, divers retraits de permis de conduire, alcoolisation quasi permanente dès le réveil pendant au moins trois ans, etc… Il est [était] du reste toujours suivi régulièrement par l'institut de médecine légale dans le cadre de son abstinence. Pendant toutes ces années il a [avait] été soutenu financièrement par sa famille et a [avait] négligé quelques soucis administratifs comme la mise à jour de sa déclaration fiscale, ses assurances et tout ce qui cause tracas et angoisse à la vue d'une enveloppe à caractère officiel. Maintenant et ce depuis environ une année, on peut [pouvait] le considérer comme de retour à un fonctionnement normal, il est [était] sobre et désireux de régulariser sa situation ».

10. Le 8 décembre 2010, l'AFC-GE, répondant également au nom de l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH), a conclu au rejet du recours en raison de la tardiveté de la réclamation.

Cette dernière avait été faite au-delà du délai de trente jours dès réception de chacune des taxations querellées. L'exonération pour l'année fiscale 2005 dont se prévalait le recourant n'avait pas d'incidence sur les années antérieures, vu le principe de l'étanchéité des exercices. Enfin, le recourant n'avait pas démontré que la grave dépression dont il disait avoir souffert dès 2001 l'aurait empêché d'agir ou de mandater un tiers pour le faire à sa place.

Aucun cas de force majeure n'était ainsi réalisé.

11. Par jugement du 7 février 2011, expédié aux parties le 28 février 2011, le TAPI a rejeté le recours en faisant sienne l'argumentation développée par l'AFC-GE. Il ne pouvait dès lors examiner le bien-fondé desdites taxations.

12. Le 25 mars 2011, M. M______ a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de Justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant à l'annulation des taxations précitées pour les mêmes raisons que celles ayant prévalu pour l'année fiscale 2005. De même, les décisions sur réclamation et le jugement du TAPI devaient être annulés.

Si tel n'était pas le cas, il en résulterait « une inégalité d'imposition manifeste » avec l'année fiscale 2005.

Les taxations d'office étaient manifestement inexactes en raison de sa faillite personnelle.

Enfin, la créance d'impôt pour l'année fiscale 2001 était prescrite, en application de l'art. 42 de la loi relative à la perception et aux garanties des impôts des personnes physiques et des personnes morales du 26 juin 2008 (LPGIP - D 318), la taxation pour cette année-ci lui ayant été notifiée le 6 décembre 2002 et le commandement de payer le 1er octobre 2008, soit plus de cinq ans après l'entrée en force de la décision.

Au titre des moyens de preuve, le conseil du contribuable indiquait :

« édition » de son dossier auprès du « Centre universitaire de médecine légale » ;

« édition » du dossier de l'AFC-GE ;

« édition » du dossier de la commission ;

expertise par le Dr Lazovic ou un expert « désigné par le Tribunal » ;

audition du recourant ».

En outre, le contribuable a produit les bordereaux rectificatifs ICC et IFD 2005 que l'AFC-GE lui avait adressés le 21 avril 2008 comportant des frais et des dégrèvements concernant l'ICC et l'IFD, ceux relatifs aux amendes, de même que le certificat médical précité établi le 26 août 2010 par le Dr Lazovic.

13. Le 11 mai 2011, le TAPI a transmis son dossier.

14. Le 13 mai 2011, l'AFC-GE a répondu au recours en concluant à son rejet.

La réclamation étant tardive, tous les bordereaux de taxation contestés étaient entrés en force. Le jugement du TAPI devait donc être confirmé.

Le principe d'étanchéité des exercices s'opposait à la prise en compte, pour les années 2001 à 2004, des éléments considérés pour 2005.

Quant à la prescription de la créance fiscale pour l'année fiscale 2001, elle n'était pas atteinte. La LPGIP dont se prévalait le recourant n'était entrée en vigueur que le 1er janvier 2009 et n'était donc pas applicable. Les bordereaux 2001 ayant été notifiés le 6 décembre 2002 étaient entrés en force le 6 janvier 2003. La prescription absolue résultant de l'art. 47 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) n'arriverait à échéance que le 31 décembre 2013. Celle de cinq ans dès l'entrée en force de la taxation était intervenue le 6 janvier 2008 mais depuis, des actes interruptifs de prescription avaient eu lieu, soit une sommation par pli recommandé du 18 décembre 2003 qui avait repoussé ce délai au 18 décembre 2008 ainsi qu'un commandement de payer le 20 octobre 2008. La prescription de la créance fiscale 2001 n'était donc pas atteinte.

Quant à l'IFD 2001, l'AFC-GE admettait qu'il était prescrit : elle avait certes envoyé un commandement de payer au contribuable le 10 avril 2006 mais celui-là n'avait pas pu lui être notifié puisqu'il avait quitté le canton. Selon l'extrait du fichier de l'office cantonal de la population (ci-après : OCP), ce départ remontait au 1er février 2006, comme indiqué ci-dessus.

15. Le 28 juin 2011, le juge délégué a écrit à l'AFC-GE et au recourant. Il est apparu que le commandement de payer précité avait été expédié à l’adresse qui était celle du contribuable jusqu’alors, soit 62, route R______ à Céligny. Invité à indiquer s’il avait informé l’AFC-GE de son départ du canton, le recourant a répondu le 20 juillet 2011 qu’il avait pris acte de la renonciation - irrévocable et définitive - de l’AFC-GE à la créance IFD 2001 dont elle avait admis qu’elle était prescrite. Toute autre considération était irrelevante.

16. L’AFC-CH a renoncé à se déterminer.

17. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1 LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même (ATA/681/2011 du 1er novembre 2011 ; SJ 1989 418).

En droit fiscal genevois, cette règle a été reprise à l’art. 21 al. 1 LPFisc. Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (ATA/50/2009 du 27 janvier 2009 et les références citées).

En l’espèce, le contribuable a admis que sa réclamation postée le 27 novembre 2008 à l'intention de l'AFC-GE et priant celle-ci de stopper les avis de saisie relatifs à l'ICC et à l’IFD 2001 à 2004 était tardive, comme cela résulte des huit décisions sur réclamation du 2 février 2009.

3. Malgré cela, et passé ce délai, une réclamation tardive n’est recevable qu’aux conditions de l’art. 41 al. 3 LPFisc, soit si le contribuable établit que des motifs sérieux l’ont empêché de respecter ce délai (ATA/56/2012 du 24 janvier 2012), lesdites conditions énoncées à l'art. 133 al. 3 LIFD étant identiques. Selon ces deux dispositions :

« passé le délai de 30 jours, une réclamation n'est recevable que si le contribuable établit que par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d'absence du pays ou pour d'autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter sa réclamation en temps utile et qu'il l'a déposée dans les 30 jours après la fin de l'empêchement ».

4. En l'espèce, M. M______ a produit le 10 septembre 2010 devant la juridiction de première instance et pour la première fois le certificat médical établi le 26 août 2010 par le Dr Lazovic et c'est le même document qu'il a joint à son recours devant la chambre de céans. Or, si ce praticien atteste qu'il a suivi le contribuable depuis 2001, il ne fournit aucune indication sur la fréquence à laquelle il a vu ce patient, qui avait quitté le canton de Genève le 1er février 2006 et qui aurait retrouvé « un fonctionnement normal » depuis environ une année, soit depuis environ l'été 2009. Face à une telle imprécision, il n'est pas possible de considérer que le recourant ait été dans l'incapacité d'agir ou de donner les instructions nécessaires à un tiers alors qu'il a pu rédiger à la main la réclamation faite le 27 novembre 2008, comme cela résulte du jugement querellé, de sorte qu’un tel empêchement ne saurait être admis comme étant établi et partant, comme ayant été de nature à permettre de considérer que les conditions précitées des art. 41 al. 3 LPFisc et 133 al. 3 LIFD aient été satisfaites.

5. Partant, le recours sera rejeté, l'AFC-GE ayant toutefois admis que la créance relative à l'IFD 2001 était prescrite.

6. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui ne plaide pas au bénéfice de l'assistance juridique, et auquel il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 mars 2011 par Monsieur M______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 février 2011 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Sidney Kamerzin, avocat du recourant, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :